Séance en hémicycle du 23 janvier 2007 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • RMI
  • minima
  • minima sociaux

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 19 janvier 2007 par laquelle il fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et du ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, M. Alain Gournac, sénateur des Yvelines.

Cette mission portera sur la négociation des accords de participation.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 11 de la loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, un rapport dressant le bilan des dispositions concernant les chiens dangereux.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires économiques et sera disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

J'ai reçu avis de la démission de M. Thierry Repentin comme membre de la commission des affaires économiques, et de M. André Vézinhet comme membre de la commission des affaires sociales.

Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.

Ces candidatures vont être affichées et leur nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

Ordre du jour réservé

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de Mme Valérie Létard, M. Nicolas About, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Anne-Marie Payet, MM. Michel Mercier et Bernard Seillier portant réforme des minima sociaux (158).

Je rappelle que cette proposition de loi a été inscrite à notre ordre du jour réservé à la demande du groupe de l'UC-UDF.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.

M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en mai 2005, j'ai présenté à la commission des affaires sociales un rapport d'information sur les minima sociaux. Sa grande nouveauté était d'aborder ces minima selon une clé d'entrée inédite, celle des « droits connexes », c'est-à-dire l'ensemble des prestations et avantages liés de façon plus ou moins automatique à leur bénéfice.

En abordant le sujet sous cet angle, notre rapport avait montré la complexité de ce dispositif et souligné ses effets pervers, notamment en matière de retour à l'emploi. Deux d'entre eux avaient plus particulièrement attiré notre attention : ceux qui sont liés au calendrier de versement des prestations et aux périodes de référence retenues pour le calcul des ressources et les nombreux effets de seuil causés par une attribution des aides sur la base du statut.

Les conclusions alarmantes de ce rapport ont conduit la commission des affaires sociales à créer un groupe de travail, dont la présidence m'a été confiée, chargé d'approfondir ces pistes de réforme et de les traduire en une proposition de loi.

Ce groupe de travail a procédé, entre septembre 2005 et mai 2006, à plusieurs dizaines d'auditions et de déplacements associant les membres de tous les groupes politiques de notre assemblée. Ces travaux fructueux ont débouché sur la rédaction d'un avant-projet de proposition de loi, dont le groupe de travail a voulu vérifier, avant même son dépôt, qu'il répondait bien aux problèmes soulevés par les acteurs de terrain.

C'est la raison pour laquelle il a été soumis, de façon inédite, pour concertation à l'ensemble des partenaires concernés par la problématique des minima sociaux. Cette démarche a d'ailleurs été extrêmement bien perçue. En témoignent la trentaine de contributions écrites reçues ainsi que l'invitation qui m'a été faite de présenter cet avant-projet devant le Conseil économique et social et devant le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le CNLE.

Cette concertation nous a permis de constater un accord général sur les grands principes retenus pour l'élaboration de la proposition de loi et d'améliorer le texte de l'avant-projet sur de nombreux points. C'est donc après avoir tiré les enseignements de cette concertation que la présente proposition de loi a été déposée, le 27 juin 2006.

J'en viens maintenant à la présentation des dispositions du texte lui-même. Trois principes en ont guidé l'élaboration.

Premier principe : assurer une certaine équité entre les bénéficiaires des différents minima sociaux et entre les bénéficiaires de ces allocations et les salariés à bas revenus.

Après mûre réflexion, le groupe de travail a en effet rejeté l'idée, avancée par certains, d'une fusion des différents minima sociaux.

Cette solution était bien sûr intellectuellement séduisante. Mais pour quels avantages ? Une fusion aurait fait perdre à la protection sociale française une partie de sa richesse et de sa capacité d'adaptation.

Afin d'assurer une juste équité entre tous les bénéficiaires de minima sociaux et les personnes salariées qui se trouvent dans la même situation de ressources, ainsi que pour lever l'obstacle au retour à l'emploi que représente la fin brutale de leur versement en cas de reprise d'activité, le groupe de travail a préféré harmoniser les conditions d'accès aux droits connexes.

En pratique, la présente proposition de loi prévoit de supprimer les aides liées au « statut » et de les remplacer, selon le principe « à ressources égales, droits égaux », par des aides attribuées sous simple condition de ressources, rapportées au quotient familial.

Deuxième principe : faire en sorte que notre système de protection sociale ne soit plus, en lui-même, un obstacle supplémentaire à la reprise d'activité des bénéficiaires de minima sociaux.

Le parcours de réinsertion professionnelle de ces derniers est souvent composé d'une succession de périodes d'emploi, de chômage et de perception des minima. Or les décalages dans l'ouverture des droits, les règles de détermination des bases ressources et les calendriers de versement des prestations conduisent à doubler cette précarité professionnelle d'une précarité sociale.

C'est la raison pour laquelle la présente proposition de loi s'attache à renforcer la sécurisation du parcours de réinsertion professionnelle en supprimant les délais de carence entre la fin d'une période de travail et le retour aux minima sociaux et en neutralisant systématiquement les ressources devenues inexistantes pour le calcul des droits aux minima sociaux et à leurs droits connexes.

Par ailleurs, pour consolider la réinsertion professionnelle des bénéficiaires de minima sociaux, la proposition de loi prévoit une extinction progressive et non plus brutale des droits connexes pour les bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi.

Enfin, pour leur permettre d'anticiper les changements liés à leur reprise d'activité, ce texte prévoit d'assurer une meilleure information des bénéficiaires de minima sociaux sur l'évolution des droits connexes auxquels ils ont droit en cas de retour à l'emploi.

Troisième principe : renforcer l'accompagnement social et professionnel des bénéficiaires de minima sociaux.

Le rapport de mai 2005 montrait à quel point l'existence d'un accompagnement de ceux-ci peut influer sur leur retour à l'emploi : ainsi, les titulaires du RMI qui sont accompagnés connaissent mieux leurs droits et mobilisent plus souvent le dispositif d'intéressement à la reprise d'activité et à l'emploi aidé que les attributaires de l'allocation de parent isolé, l'API, qui ne font l'objet d'aucun programme d'accompagnement particulier.

Les attributaires de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, relèvent quant à eux de l'accompagnement de droit commun réalisé par le service public de l'emploi, mais celui-ci reste insuffisant, car il ne permet pas de prendre en compte les aspects sociaux de la situation de ces personnes.

C'est pourquoi la présente proposition de loi rend obligatoire la conclusion d'un contrat d'insertion pour les attributaires de l'API et de l'ASS. Pour tenir compte des spécificités de ces publics, les conseils généraux pourront passer une convention avec les caisses d'allocations familiales et l'ANPE, afin de mutualiser les moyens.

Cela étant, je constate, pour m'en réjouir, que la réflexion engagée par notre commission, de même que le rapport de nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt sur les minima sociaux d'insertion et celui de la commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté », présidée par Martin Hirsch, ont déjà influencé certaines décisions.

D'abord, notre proposition de loi a inspiré plusieurs mesures au Gouvernement : la loi du 23 mars 2006 relative au retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux a procédé à une profonde réforme des mécanismes d'intéressement à la reprise d'activité professionnelle pour les allocataires du RMI, de l'API et de l'ASS. Pour autant, le vote de ce texte n'invalide pas la démarche adoptée dans la présente proposition de loi : vous aviez vous-même annoncé, madame la ministre, que cette loi ne constituait que le premier étage d'une fusée dont la présente proposition devait constituer le deuxième.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Le Gouvernement a également repris, dans la loi de finances pour 2007, deux mesures que nous suggérions : l'accès aux compléments de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, pour les titulaires du minimum invalidité et la mise en place d'une expérimentation en matière d'intéressement à la reprise d'activité.

Par ailleurs, comme nous, le Gouvernement s'est attaché depuis deux ans à résoudre les difficultés rencontrées par un grand nombre de nos concitoyens en matière de complémentaire santé.

Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 a augmenté le montant du crédit d'impôt en faveur de l'acquisition d'une complémentaire santé et celle pour 2007 a relevé le plafond de ressources pour en bénéficier.

Si je salue cet effort, j'avoue ne pas totalement adhérer à la solution proposée par le Gouvernement : relever le plafond de ressources ne fait que repousser vers les tranches supérieures de revenus l'effet de seuil déjà maintes fois dénoncé de ce dispositif.

Le relèvement voté en loi de financement aurait un coût de 125 millions d'euros. Le dispositif que nous proposons ici coûterait certes un peu plus cher - entre 150 millions et 175 millions d'euros, selon nos premières estimations -, mais il permettrait de lisser les effets de seuil en prévoyant une aide dégressive en fonction du revenu. Il me semble que les avantages de la seconde solution justifient pleinement qu'on y consacre une enveloppe supplémentaire, dans la mesure où celle-ci reste malgré tout raisonnable.

Si l'accueil fait à cette proposition de loi par les principaux acteurs de la lutte contre les exclusions est largement positif, je reconnais volontiers que notre texte soulève également quelques inquiétudes, liées notamment aux incertitudes sur le coût des mesures proposées et leurs effets sur les bénéficiaires de minima sociaux.

Tout au long des travaux du groupe de travail, j'ai insisté auprès des différents ministères concernés pour obtenir un chiffrage de ces propositions, sans résultat.

Je le regrette d'autant plus que la volonté de notre groupe de travail était non pas de présenter un inventaire exhaustif des mesures envisageables, mais de proposer une réforme construite qui les hiérarchise en fonction, notamment, d'impératifs budgétaires bien compréhensibles pour toute personne soucieuse des deniers publics.

J'ai bien essayé de provoquer une forme d'« électrochoc » en déposant officiellement ce texte sur le bureau du Sénat, pensant que cela conduirait le Gouvernement à réagir à ces propositions et à accélérer les réponses à nos demandes de chiffrage auprès de ses services. Mais, si tel a été le cas, je n'en ai eu aucun écho. Sans doute Mme la ministre pourra-t-elle nous donner aujourd'hui un peu plus d'informations.

Si le débat de ce matin doit n'avoir qu'une seule vertu, ce sera au moins celle d'avoir porté sur la place publique nos demandes en matière de chiffrage du coût de cette proposition de loi, et nous comptons bien sur votre soutien, madame la ministre.

À ce sujet, il me semble que nous ne pouvons nous contenter d'un chiffrage statique, mesure par mesure. Il est indispensable de tenir compte à la fois de la combinaison des différentes réformes incluses dans cette proposition de loi et des effets positifs attendus en matière de retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux.

J'en profite pour demander de nouveau au Gouvernement la possibilité de travailler avec ses services sur deux autres types de calculs : d'une part, des simulations sur certains cas types, d'autre part, un chiffrage des « gagnants » et des « perdants » potentiels de la réforme.

La question est d'autant plus délicate que nous savons combien il est difficile de mesurer l'impact que pourrait avoir une telle réforme sur les comportements individuels et notamment d'en apprécier les effets en termes de retour à l'emploi.

Compte tenu de ces incertitudes, notre groupe de travail a considéré, lors du dépôt du texte en juin dernier, que la mise en oeuvre directe de ces propositions était prématurée. C'est la raison pour laquelle il a choisi la voie de l'expérimentation, ce que le texte définitif prévoit.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Elle pourrait durer cinq ans, dans des départements volontaires et permettrait de valider les hypothèses de travail retenues, de mesurer l'efficacité des mesures proposées, de corriger les éventuels effets pervers qui pourraient apparaître dans la pratique, et naturellement, de chiffrer le coût et les économies engendrés par la réforme.

Le recours à l'expérimentation permettra également d'étaler la montée en charge du coût de cette réforme : suivant les moyens qu'il souhaite et qu'il peut y consacrer, le Gouvernement pourra prévoir d'étendre cette expérimentation à un nombre plus ou moins important de départements.

En conclusion, je voudrais insister sur le fait que cette proposition de loi, assurément ambitieuse, ne pourra prendre toute son ampleur et produire tous ses effets que si ses grands principes sont correctement relayés au niveau réglementaire. C'est donc au Gouvernement, dans le domaine qui est le sien, qu'il appartiendra d'achever l'oeuvre de mise en cohérence des minima sociaux que cette proposition de loi amorce.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cette proposition de loi dans la rédaction proposée par la commission des affaires sociales.

À la veille de la discussion, très attendue, du projet de loi instituant le droit opposable au logement, réfléchissons ensemble à la façon d'accompagner les familles les plus démunies et les travailleurs les plus pauvres, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme Valérie Létard, rapporteur. ...dont la situation est prise en compte dans ce texte, et expérimentons de nouvelles voies pour que, demain, tous ceux qui s'acheminent vers une reprise d'activité soient aidés dans ce retour vers l'autonomie.

Applaudissementssur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité

Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, notre discussion d'aujourd'hui prend un relief tout particulier avec la disparition de l'abbé Pierre. Son altruisme, son dévouement passionné sont une leçon de vie, un modèle d'humanité. Le souvenir de son action inlassable en faveur des exclus nous oblige ; il nous rappelle notre devoir d'agir et de tout faire pour venir en aide à nos concitoyens les plus en difficulté.

Ce devoir s'impose avec d'autant plus de force que l'actualité nous montre à quel point l'exclusion, comme le « mal-logement », peut entraîner certaines personnes dans des situations d'où il est à la fois long et difficile de s'extraire.

Quand un certain nombre de ceux qui détiennent un emploi n'ont plus les moyens d'emménager, quand la fragilité de la cellule familiale menace un nombre croissant de nos concitoyens de se retrouver du jour au lendemain à la rue, quand le moindre accident de la vie est susceptible de nous plonger dans le dénuement le plus complet, c'est que l'exclusion est devenue la principale menace sociale de notre société.

Une partie significative de la population y est directement confrontée. C'est le cas des titulaires de minima sociaux. Ils sont aujourd'hui 3, 5 millions. Si l'on ajoute les membres de leur famille à charge, le nombre de personnes couvertes par ces minima avoisine les 6 millions.

C'est dire si la mobilisation du Sénat sur ces questions est particulièrement bienvenue et importante.

Je tiens d'emblée à saluer, madame le rapporteur, la qualité exceptionnelle du travail que vous avez effectué avec votre groupe depuis plus de deux ans. Cette proposition de loi en constitue un indiscutable point d'orgue.

Votre rapport de mai 2005 et celui de MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier de décembre 2005 comportent une analyse de l'état actuel de nos dispositifs de minima sociaux et d'intéressement à la reprise d'emploi, et des propositions de réforme pertinentes, détaillées et globales y sont formulées.

Ces rapports, comme l'ensemble des études qui ont été conduites sur ces questions, montrent que les mesures fondées uniquement sur l'assistance ne suffisent pas pour remédier à la pauvreté et à l'exclusion sociale ; elles ont même tendance à enfermer dans leurs dispositifs ceux qui en bénéficient.

Ces rapports montrent également que les mesures d'intéressement à la reprise d'emploi prises jusqu'ici étaient inefficaces. Ainsi, en juin 2005, seuls 11, 5 % des allocataires du RMI bénéficiaient d'un intéressement à la reprise d'emploi, et ce chiffre était en baisse par rapport aux années antérieures ; il était de 12, 5 % en 2004.

Cette situation est entretenue par les incohérences du dispositif de minima sociaux et par les effets pervers dus aux seuils fixés pour le versement des allocations ou résultant de la combinaison de ces allocations et de leurs droits connexes.

N'ajoutons pas aux ruptures professionnelle ou familiale un motif institutionnel, l'exclusion ayant pour cause les dispositifs de lutte contre l'exclusion eux-mêmes !

L'exclusion est une souffrance, n'en faisons pas un piège !

Se contenter de verser un minimum social, c'est, quelque part, entretenir une forme d'exclusion.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Nous devons donc, ensemble, aller plus loin. Nous devons contribuer à l'insertion active des exclus, afin qu'ils trouvent un emploi, un logement et puissent participer à l'ensemble des activités sociales.

Il ne faut pas seulement verser des prestations de survie à ceux qui sont exclus ou en voie de l'être, il faut agir en amont, prévenir au maximum ce décrochage. Il y va de la dignité des femmes et des hommes.

La mise en évidence de trappes à inactivité avait déjà conduit avant 2002 à un toilettage du système des minima sociaux en vue de réduire les effets de seuil qui pénalisent la reprise d'activité.

Je pense notamment à la réforme de la taxe d'habitation, au changement du barème des aides au logement, à l'application d'un tarif social électricité, à la modification de la décote et du barème de l'impôt sur le revenu et à la création de la prime pour l'emploi, dont nous avons, depuis, considérablement réévalué le montant.

Il fallait cependant aller beaucoup plus loin.

Nous avons déjà adopté, vous l'avez rappelé tout à l'heure, madame le rapporteur, une première loi importante qui s'inspire fortement de vos travaux, la loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux. J'avais eu l'occasion de dire, à cette époque, qu'il s'agissait du premier étage d'une fusée !

Cette réforme est marquée par trois grandes caractéristiques : le nouveau mécanisme incite à la reprise d'emploi dans tous les cas de figure ; il est simple et équitable ; enfin, il est sécurisant, car la personne qui reprend un emploi cumule pendant trois mois son nouveau revenu et son minimum social et, au moindre incident, le minimum social est tout de suite rétabli.

Cette réforme, pour autant, laisse d'autres questions en suspens : l'harmonisation des minima sociaux, l'équité entre leurs titulaires et les salariés à bas revenus, les effets de seuil liés aux droits connexes, ou encore l'accompagnement social et professionnel des bénéficiaires de ces minima.

Sur tous ces points, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui apporte des réponses intéressantes et cohérentes.

Je tiens, à cet égard, à souligner la pertinence de la méthode retenue pour élaborer ce texte : vous avez procédé à plusieurs dizaines d'auditions avant de le rédiger, puis vous l'avez soumis pour concertation à l'ensemble des partenaires intéressés. Ses dispositions font ainsi l'objet d'un consensus quasi général, qui devrait en rendre l'exécution rapide et efficace.

Le texte prévoit, tout d'abord, d'assurer une meilleure équité entre les bénéficiaires des différents minima sociaux et entre ces allocataires et les salariés à bas revenus.

Pour atteindre cet objectif, vous n'avez pas procédé à la fusion des différents minima. Or c'est une mesure très sage, car les neuf minima aujourd'hui existants répondent chacun à des situations spécifiques. En les fusionnant, nous gagnerions peut-être en équité, mais nous perdrions en efficacité, puisque le nouveau dispositif ne serait plus aussi parfaitement adapté à chaque cas particulier.

Les mesures proposées permettent néanmoins de donner une plus grande cohérence aux différents minima, en rapprochant notamment les ressources prises en compte ainsi que le statut juridique des sommes versées. Je pense au recours sur succession, à l'incessibilité ou à l'insaisissabilité.

Ces rapprochements sont d'autant plus utiles qu'il n'est pas rare pour une personne de passer d'un minimum social à un autre. Deux cas sont fréquents : le passage de l'allocation de solidarité spécifique au RMI et celui de l'allocation de parent isolé au RMI lorsque les enfants avancent en âge.

L'équité, tout comme l'incitation au retour à l'emploi, commande également d'attribuer les prestations et les droits connexes en fonction non plus du statut mais des ressources, afin que les salariés à bas revenu en bénéficient également et que l'on évite les fameuses ruptures de droits lors de la reprise d'emploi.

Le Premier ministre a eu l'occasion de s'exprimer en ce sens lors du comité interministériel de lutte contre les exclusions en mai dernier. Il a affirmé : « À ressources égales, droits égaux » : telle devrait être la règle si nous ne voulons pas définitivement décourager le retour à l'activité.

C'est précisément ce que vous faites pour les régimes d'exonération et de dégrèvement à la taxe d'habitation et à la redevance audiovisuelle, pour l'accès aux tarifications sociales électricité et téléphone, pour le versement des allocations logement, pour le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire, ou CMUC, et, enfin, pour l'attribution des aides individuelles extralégales par les centres communaux d'action sociale et les fonds de secours des caisses de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole.

S'il convient d'éviter les ruptures de droit à la reprise du travail, il faut, symétriquement, empêcher les délais de carence avant l'obtention de ces droits après une perte de travail.

En raison du mode d'appréciation des ressources, il existe souvent un délai important entre le moment où une personne perd son emploi et celui où elle reçoit un minimum social.

Ce délai est facteur d'anxiété pour tous ceux qui aspirent à reprendre une activité. La proposition de loi y remédie judicieusement en accordant le bénéfice immédiat des droits au minimum social et à la couverture maladie universelle, la CMU, dès que survient la perte de revenu qui en justifie l'ouverture.

Le texte vise également à supprimer un certain nombre d'effets de seuil, qui, tout autant que les ruptures de droits, sont préjudiciables à la reprise d'activité des bénéficiaires de minima sociaux.

Une personne en phase de réinsertion professionnelle alterne très souvent périodes d'activité, épisodes de chômage et phases de perception d'un minimum social.

Ces va-et-vient doivent être amortis au maximum sur le plan social en assurant la continuité des droits. C'est un facteur important de sécurisation du parcours de réinsertion professionnelle. Mesdames, messieurs les sénateurs, chacun doit être bien conscient de cette volonté qui consiste à privilégier la réinsertion professionnelle, car c'est de cela qu'il s'agit avant tout.

Vous prévoyez à cet effet une sortie progressive des droits connexes au fur et à mesure de l'augmentation des revenus de la personne.

Vous le faites pour la taxe d'habitation et pour la redevance audiovisuelle.

Vous le faites aussi pour l'assurance santé complémentaire. Le Gouvernement a déjà apporté des améliorations notables à ce dispositif puisque, dans les lois de financement de la sécurité sociale pour 2006 et pour 2007, nous avons augmenté le montant du crédit d'impôt en faveur de l'acquisition d'une complémentaire santé et porté de 15 % à 20 % au-dessus du plafond de la CMUC le plafond de ressources pour en bénéficier.

Vous allez plus loin, d'une part, en prévoyant un crédit d'impôt non plus forfaitaire, mais dégressif en fonction du revenu, ainsi qu'une nouvelle augmentation du plafond, et, d'autre part, en sécurisant pendant un an l'accès à la CMUC, puis à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire, quelle que soit l'évolution des ressources de la personne qui reprend un emploi.

J'en viens au dernier objectif du texte : renforcer l'accompagnement social et professionnel des bénéficiaires de minima sociaux.

Un accompagnement personnel, prenant en compte à la fois les difficultés sociales et les projets professionnels, constitue vraiment l'élément clé d'une insertion réussie.

Cet accompagnement est explicitement prévu pour les titulaires du RMI, qui doivent signer un contrat d'insertion. Nous connaissons malheureusement les résultats, que je qualifierai de mitigés, obtenus jusqu'à maintenant.

La décentralisation complète du RMI avait notamment pour objectif de renforcer cet accompagnement. L'effet ne s'est pas fait attendre et nombre de départements ont intensifié leurs efforts.

Vous proposez d'étendre ce dispositif aux allocataires de l'API et de l'ASS. La mesure est réellement bienvenue, mais il conviendrait, dans le cas de l'ASS, de coordonner l'action des départements responsables de cette contractualisation avec celle de l'ANPE déjà en charge d'une telle responsabilité sur le plan de l'emploi.

Une réforme aussi ambitieuse que l'harmonisation des minima sociaux et la refonte des droits connexes implique cependant une évaluation financière fine en raison de son impact sur le budget de l'État et sur celui des collectivités locales.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Ainsi, il y a lieu d'évaluer précisément les conséquences d'un lissage des effets de seuil liés au bénéfice de la CMUC et de celles qui résultent de l'amélioration du régime des aides au logement.

Les premiers chiffrages réalisés font apparaître un impact de l'ordre de 450 millions d'euros pour la CMUC et de 230 millions d'euros pour les aides au logement.

Vous ne serez pas surpris de m'entendre vous dire que ce dernier point est, bien sûr, celui qui suscite le plus d'interrogations et de prudence de ma part, eu égard à l'ensemble des efforts consentis par le Gouvernement en ce domaine, avec le relèvement du taux de l'APL de 1, 8 % à 2, 8 % et l'abaissement du seuil de non-versement de cette aide de 24 euros à 15 euros, décidé par le Sénat, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007.

J'ajoute que Jean-Louis Borloo a récemment annoncé que le nombre de prêts locatifs aidés d'intégration, ou PLAI, et de prêts locatifs à usage social, ou PLUS, financés cette année, passerait de 63 000 à 80 000. Là encore, c'est un effort budgétaire non négligeable.

En outre, en ce qui concerne la CMU, mais aussi la CMUC, un certain nombre de mécanismes ont été mis en place ces derniers mois qui ont largement facilité l'accès à ces dispositifs. Je mentionne, à cet égard, la revalorisation de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, qui a augmenté de 30 % à 60 %, selon les cas.

Vous avez raison de dire qu'il convient d'évaluer autant que faire se peut les économies que pourrait également engendrer cette réforme et d'identifier précisément qui seraient demain les gagnants et, le cas échéant, les perdants, notamment parmi les bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé. Chacun sait que cette analyse est à faire.

Ainsi, la réforme de la taxe d'habitation, dont le coût, selon les seuils présentés dans le texte, s'échelonnerait de 489 millions d'euros à 853 millions d'euros, conduirait néanmoins à exclure les 200 000 titulaires de l'AAH du bénéfice de l'exonération.

De même, la neutralisation de la redevance audiovisuelle entraînerait une baisse de recettes pour les chaînes de télévision publiques de 460 millions d'euros.

Tout comme vous, je déplore que ce chantier de l'évaluation des coûts n'ait pu être conduit avant, car c'est à l'évidence un préalable nécessaire.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Madame le rapporteur, il me paraît donc sage d'inscrire cette proposition de loi dans une démarche d'expérimentation. Cette dernière devrait permettre de mieux cerner les coûts des différentes mesures et les économies engendrées par la réforme, d'ajuster les curseurs et, enfin, de remédier aux éventuels effets indésirables du texte.

Mais les contours de cette expérimentation doivent être précisés. Toutes les mesures ne peuvent probablement pas donner lieu à la même expérimentation, notamment celles qui ne relèvent pas de la compétence des départements.

Un travail entre les services du Sénat et ceux de l'État doit être maintenant enclenché.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Compte tenu de ces remarques, le Gouvernement s'en remet, pour l'essentiel, à la sagesse de votre assemblée. Notre objectif est que ce texte, dont nous approuvons pleinement les principes généraux, puisse être mis en oeuvre dans des conditions raisonnables et réalistes, au regard bien sûr des contraintes des finances publiques, mais surtout des seuils permettant l'accompagnement et le retour vers l'emploi de nos concitoyens qui en sont les plus éloignés.

Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que peut-il se passer lorsque l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, et l'inspection générale des finances, l'IGF, se mettent d'accord, à la demande de Bercy, pour « moderniser » un minimum social aussi vital que l'allocation parent isolé, l'API, qui bénéficie actuellement à 200 000 femmes élevant seules un ou plusieurs enfants ?

D'abord, on la prétend « obsolète ». En effet, selon les inspections, « la logique de salaire maternel qui sous-tend l'API apparaît obsolète ».

Ensuite, on s'étonne qu'elle soit attribuée sans obligation d'insertion. C'est une rente de situation, puisque près de la moitié des allocataires passent au RMI ! De plus, elle n'est pas morale, car « du fait de sa durée et de son montant [...] eIle suscite un risque d'éloignement durable de l'emploi et d'installation dans l'inactivité ».

Que proposent donc les inspections à partir de ce constat ? Une « responsabilisation des bénéficiaires », ces fraudeuses en puissance qui vont déjà voir renforcer le contrôle de leur situation d'isolement.

Que se passera-t-il si ce rapport obtient l'aval de Bercy, ce qui est probable, puisque 125 millions d'euros d'économies sont à la clef ? On alignera l'API sur le RMI au terme d'une période d'un an ! Le rapport indique que « cette dégressivité aurait un effet incitatif à l'insertion ».

Le rapport de M. Michel Mercier...

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Bonne référence !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

...fait à la demande du Premier ministre, n'aboutissait-il pas déjà à la même conclusion ?

C'est évident, puisque ce rapport leur a été demandé, le 3 octobre 2005, dans le but, selon les termes du Premier ministre, de « maîtriser nos dépenses publiques » et « d'améliorer les procédures de contrôle » ...

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

- c'était le premier objectif -, ainsi que « d'abandonner la logique de statut » et « d'envisager des expérimentations ».

MM. Mercier et de Raincourt ont obtempéré... §(M. le président de la commission et M. Michel Mercier sourient)... en proposant notamment la fusion du RMI et de l'API en une « allocation unique d'insertion, l'AUI ».

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Ce n'est pas moi qui le dis ! C'est Michel Mercier !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je n'aurais pas pu choisir un meilleur porte-parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voilà le décor planté, avec de bien inquiétants fonts baptismaux §(M. le président de la commission sourit.) sur lesquels notre collègue Valérie Létard et ses amis déposent une proposition de loi qui se réclame d'un progrès social.

Outre le fait qu'il est scandaleux de prétendre réformer les minima sociaux en deux heures...

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Non, mais je parle en ce moment du débat que nous avons sur une proposition de loi de vingt articles, que vous nous obligez à examiner à la course, en fin de session parlementaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Outre ce fait, le présent texte est pour moi un paradoxe.

En complet accord avec Valérie Létard, j'ai emmené à Lyon les membres du groupe de travail auquel j'ai participé et dont est issu le rapport d'information de notre collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Ceux qui étaient présents se souviennent sans doute de nos rencontres, ô combien édifiantes, avec la soixantaine de SDF de l'Association Relais SOS, centre d'accueil de jour, ou encore avec les représentants de l'Association lyonnaise pour l'insertion par le logement, l'ALPIL.

Pour l'honnêteté, je dois dire que Michel Mercier nous avait accueillis pour débattre avec les services du département sur la réflexion générale.

M. Michel Mercier acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

À la lumière de l'actualité - le problème des SDF et la crise du logement -, nous avions à l'époque largement anticipé l'analyse !

Il nous avait été dit que la mise en place de l'allocation unique ne se ferait pas, que le Gouvernement était revenu en arrière, qu'il maintenait les neuf minima sociaux, que ce n'était pas le moment d'apporter des modifications.

Pour ma part, le Premier ministre, lorsqu'il a reçu le Bureau du Sénat à déjeuner, nous a dit qu'il fallait mettre fin à cette « situation », et je n'ose répéter le terme qui a été employé.

Il y a donc là véritablement matière à discussion. Cet état des lieux est instrumentalisé pour ébaucher la mise en place progressive d'une allocation unique gommant toutes les différences de statut, moyen d'appauvrir encore les plus pauvres et de réduire à sa portion congrue les interventions sociales de l'État.

Mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même avions déjà dénoncé, à plusieurs reprises, cet objectif de la majorité, amplifié parfois par les partenaires sociaux.

Je pense, notamment, à la réforme des filières d'indemnisation du chômage issue de la convention de décembre 2002, qui avait réduit la durée d'indemnisation par l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, l'UNEDIC, basculant massivement les demandeurs d'emploi du régime d'assurance chômage à celui de l'assistance, c'est-à-dire dans le champ de l'allocation de solidarité spécifique ; dans le même temps, la durée et le montant d'indemnisation avaient été réduits significativement.

Je pense également à la loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, qui a poursuivi la déréglementation du marché du travail en créant, après avoir imposé le contrat « nouvelles embauches », ou CNE, par ordonnance, le contrat première embauche, ou CPE, qui devait contraindre les jeunes à la précarité, et que le tsunami de la pression populaire vous a forcé à retirer !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le fameux article 69 ter - que je n'ai pas digéré ! - introduisait des dispositions scélérates pour contrôler le train de vie des allocataires de minima sociaux, plus particulièrement les RMIstes. Quelle indécence de mettre en place des procédures de sanctions pour les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté ! Et je suis gentil, je ne commenterai pas davantage ce point !

Je pense aussi à la discussion que j'avais qualifiée de « marchands de tapis », dans le débat sur la mission « solidarité et intégration » du projet de loi de finances, lorsqu'il a fallu argumenter tant et plus pour obtenir une rallonge budgétaire de 3 millions d'euros pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, le ministre délégué à la sécurité sociale, Philippe Bas les estimant, pour sa part, « suffisamment dotés ».

Peu après, curieusement, il aura fallu la pression de la rue, des « Enfants de Don Quichotte » et de la gauche antilibérale, pour que l'on « découvre » le « mal-logement », les conditions sordides dans lesquelles survivent des milliers d'hommes et de femmes.

Le rapport de la Fondation abbé Pierre sur le logement, qui sera publié le 1er février, indique - selon l'information qui m'a été communiquée par l'un de ses principaux auteurs - que la situation du logement pour les plus démunis est pratiquement comparable à celle qu'avait constatée l'abbé Pierre en 1954 !

Nous aurons aussi à discuter de ce sujet dès la semaine prochaine, madame la ministre !

Et ne m'accusez pas d'être hors sujet : tout est intimement lié dans la vie des gens ; du travail décemment rémunéré découle tout le reste.

C'est pourquoi il me paraît important de m'arrêter sur le contexte de vie des quelque sept millions de salariés pauvres, comme des 3, 5 millions de titulaires de minima sociaux, vous l'avez dit vous-même. Plus de 6 millions de personnes étaient concernées à la fin de 2005, selon les statistiques de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES.

Sans sous-estimer ni se moquer du travail de qualité réalisé par Valérie Létard, sans nier que notre système de solidarité soit complexe et parfois producteur d'incohérences, je pense sincèrement, mes chers collègues, que nous ne vivons pas tous sur la même planète !

Alors, permettez-moi de vous donner quelques exemples du monde réel dans lequel nous vivons.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Un monde dans lequel entre 30 % et 40 % des SDF ont un revenu mensuel de l'ordre de 1 000 euros - ce fut l'un des débats centraux des mois de décembre et janvier. Je rappelle que le seuil de pauvreté est actuellement estimé à 602 euros par mois.

Un monde dans lequel les femmes actives subissent, pour plus de la moitié d'entre elles, un temps partiel imposé et totalisent 80 % des bas salaires.

Un monde dans lequel près de 200 000 personnes vivent dans des « hôtels » miteux, pour le plus grand profit des marchands de sommeil.

Un monde dans lequel les 8, 5 millions de repas que servaient les Restos du coeur en 1985, à leur création, sont aujourd'hui 67, 5 millions...

Alors, lorsque l'on accuse de fraude les travailleurs pauvres et les titulaires de minima sociaux, je voudrais ramener les choses à leur juste proportion : d'après les statisticiens, il s'avère que les fraudes au RMI ne sont ni plus ni moins nombreuses que celles qui existent dans le domaine de la fiscalité et des évasions de capitaux.

Au fond, ce sont moins les abus eux-mêmes qui sont visés que les catégories sociales qui « bénéficient » des minima sociaux. On les stigmatise sans retenue et, surtout, en passant volontairement sous silence les véritables questions sociales que sont le chômage et l'explosion de la précarité, de la grande pauvreté qui s'impose de plus en plus. Notre pays connaît, et je crois que c'est l'un des problèmes auxquels nous devrions réfléchir, un creusement des inégalités sans précédent.

Même si la proposition de loi de Valérie Létard apporte un certain nombre d'améliorations, notamment pour le passage entre minima sociaux et travail précaire, il n'est pas acceptable pour nous de considérer les titulaires de minima sociaux par ce seul « bout de la lorgnette ». Il n'est pas possible de considérer leur situation en faisant abstraction de l'augmentation du coût de la vie, qui pénalise encore plus les pauvres et touche des postes essentiels des comptes des ménages, que ce soient l'alimentation, le gaz et l'électricité, l'essence, les transports, les logements, inaccessibles même dans le secteur public, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

... les hausses incessantes et insupportables des charges qui deviennent l'un des problèmes numéro un, ou l'injustice fiscale dont la TVA est l'exemple type...

Par ailleurs, cette proposition de loi n'est pas chiffrée. Je regrette vivement pour Valérie Létard que Mme la ministre n'ait pu nous en donner tous les contours financiers qu'aujourd'hui, par un coup de baguette magique. Nous aurions pu travailler et, surtout, argumenter encore plus sérieusement si nous les avions connus plus tôt. Notre collègue elle-même, dans son rapport, déplore les obstacles qui lui ont été opposés par le Gouvernement quand il s'est agi d'avancer dans ce domaine ! On évoque en effet une somme de l'ordre de 1 milliard d'euros...

C'est donc à défaut d'avoir obtenu tous les éléments qu'elle souhaitait que Valérie Létard préconise, dans un premier temps, une simple expérimentation dans des départements volontaires... Je parie que le Rhône comptera dans leurs rangs !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Elle dit clairement, et je l'approuve sur ce point, qu'il appartient au Gouvernement d'approfondir le travail ébauché dans sa proposition de loi : les missions de solidarité nationale doivent demeurer dans le giron de l'État. C'est aussi ma conviction.

Elle ne dit pas, mais je pense qu'elle le sait parfaitement, qu'il serait nécessaire de revaloriser significativement les minima sociaux - nous proposons pour notre part de les augmenter immédiatement de 300 euros et de porter le SMIC à 1 500 euros - ; de les indexer tous sur un même indice ; de redonner clairement à l'État la responsabilité globale de la solidarité ; d'engager une véritable politique de l'emploi et du logement.

Bien au contraire, madame la ministre, votre gouvernement n'en finit pas de jeter dans le chômage et la précarité des centaines de milliers de salariés, par toutes ses lois qui défont le code du travail, jettent à bas nos acquis sociaux issus de la Libération, organisent une régression sans pareille au nom de la libre concurrence et de la mondialisation, font des centaines de milliards d'euros de cadeaux aux entreprises, bref, par ses lois qui entérinent le cynisme de Mme Laurence Parisot et la formule qu'elle défend avec ses pairs, à la veille de l'assemblée générale du MEDEF qui va voir 5 000 patrons entrer en campagne électorale, selon laquelle « la vie, l'amour, la santé sont précaires... pourquoi le travail ne le serait-il pas » - et ne le deviendrait-il pas davantage ?

Vous aurez compris que mon groupe votera contre ce texte, instrumentalisé par une majorité qui a prémédité de longue date le nivellement par le bas des minima sociaux.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Madame la ministre, comme vous l'avez indiqué, la disparition de l'abbé Pierre inscrit notre débat dans un contexte particulier. Pour reprendre les mots du Président de la République : tous les Français sont touchés au coeur.

Je voudrais donc ici, au nom du groupe socialiste, saluer la mémoire de celui qui, sa vie durant, aura mis sa volonté et sa détermination au service des plus fragiles, des oubliés de la croissance, de ceux que désormais certains appellent les « invisibles ».

Concernant cette proposition de loi, je voudrais d'abord saluer le travail effectué par notre collègue Valérie Létard - qu'elle ne rougisse pas ! - et la remercier. Dès le début, le groupe socialiste a soutenu sa démarche ; il a ainsi adopté son rapport d'information.

Parce que la réforme des minima sociaux est nécessaire pour que nos concitoyens retrouvent plus facilement la possibilité d'intégrer durablement le marché du travail, parce que vivre dignement des revenus de son travail plutôt que de ceux de la solidarité est un impératif premier pour chaque citoyen qui est en mesure de le faire, nous avons également participé au groupe de travail tel que l'ont voulu à l'unanimité les membres de la commission des affaires sociales, dont je salue ici le président, M. Nicolas About.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Comme le rappelle Mme le rapporteur, ces travaux ont permis la rédaction d'un avant-projet. Ce dernier, fait relativement exceptionnel qu'elle a souligné, a été soumis à divers partenaires tels le Conseil économique et social et le Conseil national de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le CNLE. Il a également été discuté dans d'autres lieux tels le Conseil d'orientation de l'emploi et même le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie. C'est dire si le spectre était large ! Ces confrontations ont permis d'enrichir la rédaction initiale et de présenter, le 27 juin dernier, une proposition de loi.

Aussi, je ne peux que regretter que ce texte n'arrive en débat qu'aujourd'hui, en toute fin de session parlementaire - alors que nos concitoyens sont inscrits dans la perspective des élections et des échéances à venir -, et qui plus est par le biais d'une niche parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Nous estimons qu'il aurait mérité plus d'égards et de considération. En outre, il aurait été nécessaire de disposer d'un bilan de la mise en oeuvre des récentes réformes ainsi que de simulations chiffrées.

Cette proposition de loi est importante, d'autres l'ont dit avant moi, parce que ce sont plus de 3, 5 millions de nos concitoyens âgés de plus de vingt ans qui sont allocataires des minima sociaux - je parle bien des allocataires, et non pas des personnes qui dépendent d'eux. Si ce chiffre impressionnant recouvre des situations territoriales très contrastées et des inégalités réelles, une chose est certaine : depuis de trop nombreuses années, c'est bien souvent une grande désespérance individuelle et collective qui frappe nos concitoyens et leurs familles. Malheureusement, il ne suffit pas de dire que, « la République réelle », c'est celle « qui crée des emplois, [...] qui permet au travailleur de vivre de son travail » pour que la situation se modifie positivement ; encore faut-il faire preuve de responsabilité, assumer ses réussites comme ses échecs !

La récente étude que la DRESS a consacrée aux allocataires des minima sociaux fait donc apparaître leur inégale répartition territoriale. Ainsi, 26 % de la population de plus de vingt ans est concernée dans les territoires d'outre-mer. Ce chiffre est nettement plus bas, en moyenne, dans la métropole, mais, là aussi, il recouvre des disparités très importantes entre départements ; je ne les citerai pas, vous les savez comme moi.

Cette étude établit aussi que, s'il avait diminué entre 2000 et 2002, le nombre d'allocataires a fortement augmenté en 2003, en 2004 et en 2005 ; aujourd'hui, il s'est stabilisé. Elle confirme également la corrélation entre chômage et minima sociaux : plus le chômage est élevé, plus le nombre des allocataires des minima sociaux est lui-même élevé.

Lors des débats sur les crédits de la mission « Travail et emploi », j'ai eu l'occasion de rappeler certains chiffres. Je ne les répéterai pas ici, puisque la situation n'a guère évolué depuis. Pour autant, comment ne pas insister sur le fait que près de 7 millions de nos concitoyens se trouvent privés d'emploi ou sont contraints de vivre avec des minima sociaux ? Comment oublier que, dans le même temps, ce ne sont pas loin de 100 milliards d'euros qui ont été consacrés à l'exonération ou à la baisse des cotisations sociales des employeurs, sans qu'aucune contrepartie en termes d'emploi leur soit demandée ni, bien évidemment, obtenue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Comment oublier que cette politique, on l'a bien vu lors du débat, a également mis en danger notre système de protection sociale, fondé sur la solidarité et la répartition ?

Comment évacuer le fait qu'après le « tout libéral » de MM. Raffarin et Fillon, qui affirmaient : « l'emploi, c'est l'entreprise », l'urgence de la situation ait contraint le Gouvernement à faire marche arrière et à relancer une politique de contrats aidés, notamment dans les secteurs public et associatif ?

C'est donc par un retournement de stratégie, mais aussi du fait de la situation démographique et du grand nombre de départs à la retraite, qui était prévisible, que nous en sommes revenus au taux de chômage de 2001. On pourrait donc penser que c'était une mandature pour rien : malheureusement, ce n'est pas le cas. Comment ne pas rappeler, en effet, que 2007 verra l'entrée en application du bouclier fiscal, établi à 60 %, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

... qui permettra aux 10 000 plus gros contribuables de bénéficier de 250 millions d'euros, cumulables avec les baisses d'impôt de solidarité sur la fortune ?

Vous m'objecterez que je suis hors sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Je crois pourtant qu'il était important de rappeler ces éléments du contexte, de la réalité dans laquelle s'inscrit la problématique de la réforme des minima sociaux.

Une mutation de l'architecture et du contenu des neuf minima sociaux existants est donc à la fois louable et souhaitable. Tel est, dans une certaine mesure, l'objet de cette proposition de loi, qui s'articule autour de trois principes : la volonté d'instaurer une certaine équité entre bénéficiaires des divers minima sociaux et salariés à bas revenus ; la recherche d'une protection sociale qui n'entrave pas la reprise d'activité ; le renforcement de l'accompagnement social et professionnel des bénéficiaires des minima sociaux, indispensable pour une entrée et un maintien durables dans l'emploi.

Les principes ainsi posés sont bons et, bien évidemment, nous les soutenons fortement : il faut promouvoir le retour à un véritable emploi, qui est toujours préférable au fait de vivre de revenus tirés de la nécessaire solidarité.

Pour autant, si certaines des dispositions retenues nous paraissent aller dans le bon sens, d'autres mériteraient assurément - mais vous l'avez vous-même indiqué, madame le rapporteur - une mise en perspective plus importante.

Ainsi, il est incontestable que le « mécano » des minima sociaux peut pousser certains allocataires des trois minima d'insertion que sont le RMI, l'API et l'ASS à « préférer » le chômage à la reprise d'activité.

Ainsi, parce que des métiers peu qualifiés pratiquent des salaires très bas, parce que l'on trouve des temps partiels contraints et émiettés, puisque telle est la situation des personnes concernées, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

... les charges inhérentes à la reprise de l'emploi - je pense plus particulièrement au transport, au logement, à la garde des enfants - peuvent être tout à fait dissuasives, notamment pour les femmes, premières victimes de la précarisation.

Face à cette réalité, l'actuelle majorité a choisi de ne pas rendre ces emplois plus attractifs. Elle a favorisé la juste lutte contre les fraudeurs et la reprise de n'importe quelle activité.

Tel est le fond idéologique sur lequel a été bâti en particulier le contrat insertion-revenu minimum d'activité, le CIRMA, destiné aux allocataires du RMI, de l'API, de l'ASS et de l'AAH.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Avec 9 200 personnes enregistrées, force est de constater que le CIRMA est un échec !

Au regard de cette réalité, si la fusion des différents minima sociaux était une idée séduisante, elle risquait aussi, comme le rappelle Mme Létard dans son rapport, d'annihiler les effets positifs qu'offre la pluralité des prestations existantes.

Fort de ce constat, le chapitre Ier de la proposition de loi nous invite donc à rapprocher les ressources prises en compte pour la détermination des droits connexes liés aux trois minima d'insertion. En particulier, nous ne pouvons que saluer le dispositif de neutralisation des ressources devenues inexistantes ou liées, j'y insiste, à un parcours de formation.

Il en va de même pour nombre de dispositions qui prévoient des réponses sérieuses et pragmatiques à certains problèmes rencontrés par les allocataires. Je pense notamment à la suppression des délais de carence dans le versement des allocations de chômage ou de logement, à leur révision immédiate en cas de dégradation des revenus, à l'élargissement du champ d'application de la tarification sociale - qui devrait sans doute intégrer aussi la question du gaz et du chauffage -, ou encore aux dispositifs permettant de maintenir le bénéfice de la CMU et de la CMU complémentaire.

Si tant est que cette harmonisation se fasse par le haut et non pas par le bas, ces dispositions devraient permettre des progrès. Cependant, il faut veiller à ce que les planchers et les plafonds des ressources prises en compte évoluent conjointement au montant des minima sociaux.

De la même façon, s'agissant de l'article 9, l'intégration de la composition du foyer ne doit pas conduire à un abaissement du plafond de ressources pour les personnes seules, alors que l'article 16, qui permet aux départements d'expérimenter le revenu de solidarité active, doit nécessairement ouvrir la voie à une amélioration pour les personnes concernées.

Enfin, je tiens à souligner que ces dispositions confirment la justesse des analyses et propositions des associations telles que l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l'UNIOPSS, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, la FNARS, Emmaüs, dont chacun s'accordera certainement à saluer avec moi l'action pour sa qualité et sa pertinence.

Si cette réforme s'inscrit de manière positive au regard de la dimension strictement individuelle des allocataires et de la recherche d'une plus grande équité, une question de fond doit être posée : le fait de lier l'octroi d'allocations aux revenus et non plus au statut ne conduit-il pas automatiquement à faire disparaître, pour nombre de personnes, la notion même de minima sociaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

En effet, nous passons d'une logique de droits liés spécifiquement à un statut, à un rapport liant revenus et allocations. Dès lors, ces droits seraient-ils toujours pensés et gérés comme des droits transitoires ? Demeureraient-ils dévolus à l'insertion ? À défaut, n'est-ce pas un premier pas vers une généralisation du salaire net subventionné dont, me semble-t-il, rêvent certains ?

Si tel était le cas, la situation ainsi créée serait d'autant plus dommageable que les emplois visés sont majoritairement subventionnés aux deux extrémités du système : en amont, par l'exonération de cotisations sociales conjuguée à la possibilité de cumuler allocation et salaire et, en aval, par le versement d'allocations.

Soyons clairs, sont visés des centaines de milliers d'emplois, notamment ceux des secteurs confrontés à la concurrence internationale, mais aussi ceux des entreprises sous-traitantes, qui subissent les contraintes des donneurs d'ordre.

Il semble donc que, sur cette question de fond, il soit indispensable de faire preuve du plus grand discernement afin de ne pas privilégier de réponses hâtives, qui pourraient aboutir à une perversion de la nécessaire solidarité entre actifs et demandeurs d'emplois, notamment.

J'en viens au principe d'expérimentation que prévoit l'article 18. Nous y sommes, bien sûr, favorables. Il procède de la logique de responsabilité et de rationalité.

Madame le rapporteur, nous regrettons que les services du ministère aient refusé de faire des simulations sur ces questions. C'est assez incompréhensible et j'espère, madame la ministre, que vous pourrez nous apporter des explications. J'ai compris dans vos propos que le travail allait être fait maintenant. Or la proposition de loi aurait pu aller plus loin si cet état des lieux et ces simulations avaient été réalisés préalablement.

Avant de conclure, je veux insister sur la question des inégalités entre les départements, qui concerne tout particulièrement mes collègues présidents de conseils généraux.

Étant donné que 30 % des sommes transférées aux départements seront fonction de l'effort d'insertion, n'est-ce pas une nouvelle fois les départements au plus fort potentiel fiscal qui pourront s'inscrire dans une démarche d'expérimentation ? Nous nous interrogeons sur ce point.

En outre, compte tenu de la situation budgétaire tendue, quelle marge de manoeuvre restera-t-il aux départements les plus pauvres, ceux qui ont le plus de difficultés ?

Les départements qui ne peuvent financer les moyens nécessaires au suivi des contrats d'insertion prévus aux articles 15 et 17, par exemple, pourront-ils faire face aux nécessités d'accompagnement, qui seules permettent le retour durable à l'emploi et qui sont donc indispensables ? Devront-ils s'en tenir à des dispositifs qui ont souvent trouvé leurs limites, qui souffrent du manque de moyens dégagés pour leur mise en oeuvre, ne permettent plus de faire face aux conséquences des désengagements de l'État, à la réduction du nombre de fonctionnaires, à celle des subventions accordées aux associations qui oeuvrant dans le secteur social, notamment dans l'insertion et la réinsertion ?

Cette situation est au centre des préoccupations des conseils généraux, nous le savons tous, et l'Association des départements de France, l'ADF, s'en est fait l'écho. C'est aussi ce que souligne le récent rapport intitulé Plus de droits et de devoirs pour les bénéficiaires de minima sociaux, et dont le rapporteur était notre collègue Michel Mercier. Si ce dernier propose un renforcement des sanctions contre les fraudeurs, qui sont, rappelons-le, une minorité - vous l'avez dit vous-même, madame le rapporteur - dans les faits, quelle alternative reste-t-il pour dégager des marges de manoeuvre budgétaire quand, avec l'ensemble des présidents de conseil généraux, il constate « l'insincérité de l'action de l'État en matière de compensation » ?

Selon l'ADF, il y aurait eu, pour l'exercice 2005, un décalage de 880 millions d'euros, sur un total de 6 milliards d'euros versés au titre du RMI. Le Premier ministre s'est engagé à compenser ce dû à hauteur de 500 millions d'euros. Il n'en reste pas moins que le décalage devrait avoisiner 1, 2 milliard d'euros pour 2006. Dès lors comment ne pas évoquer le préalable que constitue la question d'un financement pérenne ?

Les intentions de Mme le rapporteur sont estimables à plus d'un titre. Ses propositions peuvent constituer des réponses aux attentes les plus immédiates et les plus légitimes.

Cependant, elles ne semblent malheureusement pas en mesure de relever les défis de la situation actuelle, que je rappelais tout à l'heure. Le fait que 7 millions de nos concitoyens survivent directement ou indirectement grâce aux minima sociaux impose selon nous une réorientation politique.

Il est temps de renouer avec une politique faite d'ambition collective, qui place l'homme au centre de ses préoccupations et recherche la justice sociale. Il est temps de rompre avec des choix dictés par des présupposés idéologiques ou des visées électorales. Il nous faut relancer la croissance, soutenir le pouvoir d'achat de nos concitoyens, peser sur la qualité des emplois créés, investir dans la formation initiale, mais aussi dans la formation tout au long de la vie, au lieu de supprimer sans cesse des postes dans l'éducation nationale, la formation, la recherche et dans le domaine social.

En outre, il nous faut mettre au centre de nos dispositifs les structures d'actions locales qui sont les plus à même de prendre en compte les histoires et les parcours personnels.

Il est temps de réhabiliter le travail et non pas la simple « valeur travail ». Il est temps de rompre avec une supercherie qui vise à agglomérer l'« occupationnel » avec le travail. Il est temps de cesser de mettre à l'index ces millions de concitoyens qui, selon certains - ils ne siègent pas forcément au sein de cet hémicycle - refusent de travailler, trouvent leur compte dans l'inactivité, « vivent aux crochets des autres ». Ce discours stigmatisant est indigne et choquant. Il va à l'encontre des faits et nie la réalité des trappes à inactivité de dimension économique, mais aussi sociale et psychologique.

Cette proposition de loi peut apporter sa pierre à l'objectif de retour à l'emploi des bénéficiaires des minima sociaux. Cependant, elle reste au milieu du gué, ne remettant pas en cause une logique économique où la baisse du coût du travail constitue l'alpha et l'oméga de la politique économique et sociale. Telle est la raison pour laquelle le groupe socialiste s'abstiendra sur ce texte, tout en reconnaissant le travail qui a été accompli.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'emploi est la priorité absolue du Gouvernement et de la majorité depuis des années. Cette priorité vise tout particulièrement les personnes les plus éloignées de l'emploi.

Dans notre société, chacun a besoin d'être reconnu. L'emploi participe à cette reconnaissance à laquelle chacune ou chacun d'entre nous a droit.

Actuellement plus de 6 millions de personnes, soit 10 % de la population, vivent des minima sociaux. Aussi avons-nous le devoir d'inciter activement à reprendre un emploi toutes les personnes qui en sont aujourd'hui éloignées. C'est pourquoi nous avons adopté en mars 2006 un texte tendant à la refonte de l'intéressement.

Parallèlement, le groupe de travail animé par notre collègue Valérie Létard, rapporteur de la proposition de loi, a travaillé sur cette question, ainsi que MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier qui ont rendu leur rapport au Premier ministre.

Depuis, nous avons de nouveau modifié la législation lors de l'examen du projet de loi de finances afin de franchir une nouvelle étape. Et vous avez longuement évoqué, madame la ministre, les avantages et les avancées de ces deux textes dont je rappellerai brièvement les principales dispositions.

La loi de mars 2006 repose sur trois grandes orientations.

Premièrement, le mécanisme retenu incite à la reprise d'un emploi dans tous les cas, l'idée étant que chaque heure travaillée apporte un gain, et que ce dernier soit plus attractif que celui de l'assistance. C'est très important financièrement, mais aussi moralement.

Deuxièmement, ce mécanisme est simple, lisible et équitable. Pour les trois minima sociaux que sont le RMI, l'ASS et l'API, il se présente sous la forme de primes forfaitaires et non plus sous la forme d'un cumul dégressif, difficile à calculer. L'idée est d'en améliorer la lisibilité pour le bénéficiaire, qui, au moment où il va reprendre son emploi, peut savoir tout seul ce qui constituera son revenu.

Troisièmement, c'est un mécanisme sécurisant. La personne qui reprend un emploi cumule intégralement pendant trois mois son nouveau revenu et son minimum social, afin de pouvoir faire face aux divers frais - transport, habillement, frais de garde - auxquels on peut être exposé lorsque l'on recommence à travailler.

Nous savions que ce texte ne représentait que la première étape. Au-delà de la question de l'articulation entre les minima sociaux et les revenus d'activité traitée par cette proposition de loi, il est indispensable de garantir davantage d'équité entre les différents types de bénéficiaires.

Par ailleurs, l'accompagnement professionnel et social des assujettis aux minima sociaux, qui n'existe aujourd'hui de façon systématique que pour les bénéficiaires du RMI, devrait être généralisé.

L'examen de la loi de finances pour 2007 a été l'occasion d'avancer sur ces deux dossiers de façon significative.

D'abord, l'article 135 a permis d'aligner le montant du forfait logement applicable aux allocataires de l'API sur celui des bénéficiaires du RMI.

La loi de finances pour 2007 nous a également permis d'améliorer encore le retour à l'emploi des personnes qui en étaient les plus éloignées.

L'article 140 a mis fin à la dégressivité de l'aide versée par l'État aux employeurs qui recrutent en contrat d'avenir un chômeur de longue durée de plus de cinquante ans. Cette mesure vise à favoriser l'embauche de ces chômeurs âgés, de longue durée, qui constituent un public particulièrement éloigné du marché du travail. Elle occasionnera une dépense estimée à 15 millions d'euros en 2007, pour 50 000 bénéficiaires.

L'article 141 tend, pour sa part, à faire prendre en charge par l'État une partie du montant de l'aide à l'employeur normalement due par les départements lorsqu'un titulaire du RMI signe un contrat d'avenir ou un CI-RMA, contrat insertion-revenu minimum d'activité.

Tout cela va dans le sens de la politique d'activation des minima sociaux.

Mais la mesure phare est sans aucun doute celle de l'article 142, visant à autoriser les départements qui en feront la demande à expérimenter pendant une durée de trois ans des aménagements aux dispositions relatives au retour à l'emploi des titulaires du RMI.

Cet article va donner une très grande souplesse aux départements pour adapter le contrat d'avenir et le CI-RMA aux besoins locaux. Les départements devront veiller cependant à ne pas créer de trop fortes ruptures dans le parcours de retour à l'emploi de leurs bénéficiaires.

C'est une innovation que de permettre de conclure des contrats d'avenir à durée indéterminée, même si le contrat d'avenir a pourtant été conçu, à l'origine, comme un dispositif à vocation transitoire, destiné à aider des chômeurs éloignés du marché du travail à retrouver un emploi dans les conditions de droit commun. Il comporte, à ce titre, des actions de formation et d'accompagnement du bénéficiaire et donne lieu au versement d'aides publiques. Naturellement, ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer pendant toute la carrière d'un salarié qui conclurait un contrat d'avenir à durée indéterminée. Il appartiendra donc aux départements, dans cette hypothèse, de prévoir que ces dispositions cesseront de s'appliquer passé un certain délai.

Voilà brièvement résumées, les dispositions qui existent à ce jour et dont, je le répète, nous n'avons pas encore pu apprécier les effets et les résultats, faute de temps.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui prévoit des changements dont les effets n'apparaîtront vraisemblablement pas avant la fin de l'année 2007.

Bien sûr, nous partageons les idées généreuses que professe Valérie Létard comme son envie de ne pas décourager ceux qui travaillent. Pourtant, il nous semble que nombre de secours, d'aides et d'assistances doivent être réétudiés en profondeur pour être mieux ciblés et c'est pourquoi une expérimentation nous semble extrêmement intéressante.

Ce texte allant dans le sens de l'amélioration de l'emploi, le groupe UMP s'inscrira dans votre démarche sur cette proposition de loi, madame le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question des minima sociaux est aujourd'hui plus cruciale que jamais dans la mesure où le nombre de ses bénéficiaires tend à en faire un pilier de notre système de solidarité nationale.

Nombreux sont les rapports qui ont été consacrés à cette question, en particulier celui de nos excellents collègues Michel Mercier et Henry de Raincourt. Nombreux sont aussi les projets de loi ou propositions de loi à avoir tenté d'améliorer la cohérence de l'ensemble du système depuis l'institution du RMI, en 1988, mesure phare parmi d'autres.

L'entrée dans le régime de ressources de solidarité se fait par une situation de nécessité : éloignement du marché du travail avec le RMI, l'allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs en fin de droits et l'allocation pour l'insertion des jeunes en difficulté ; mauvais état de santé, avec l'allocation aux adultes handicapés, l'allocation supplémentaire d'invalidité ; monoparentalité, avec l'allocation de parent isolé ; veuvage, avec l'allocation de veuvage ; retraite, avec l'allocation équivalent retraite ; l'âge, avec le minimum vieillesse et l'allocation supplémentaire vieillesse.

Ces minima sociaux répondent à la nécessité d'offrir un minimum de ressources aux personnes qui, d'une part, disposent de moyens trop limités, voire d'aucun moyen, et, d'autre part, sont insuffisamment couvertes par le volet assurance du système principal de protection sociale français.

Or, chacun le sait, le nombre des bénéficiaires des minima sociaux a connu une extension impressionnante. Le nombre des bénéficiaires du RMI est passé de 500 000 en 1990 à 1, 1 million aujourd'hui, avec une stabilisation en 2006, tandis que le nombre des allocataires de l'ensemble des minima sociaux a atteint, l'an dernier, 3, 2 millions, ce qui prouve avec force l'existence d'un divorce entre la performance globale de notre économie et la bonne santé sociale.

S'il est juste que la communauté nationale soutienne les plus démunis et les plus vulnérables de nos concitoyens dans une société qui a tendance à faire prévaloir l'efficacité économique sur l'harmonie sociale - le logement, dont nous aurons l'occasion de discuter prochainement dans cette enceinte, va d'ailleurs constituer un nouveau pan de cet édifice de solidarité -, il demeure primordial que le recours aux soutiens sociaux n'enferme pas ceux qui en bénéficient dans une situation d'exclusion durable, à l'écart de l'activité professionnelle, sans espoir de retour. Il s'agit d'un problème récurrent s'il en est, auquel chacun de nous souhaite remédier, même si les solutions proposées peuvent être diverses.

La question est d'abord d'ordre technique. Il faut, et ce texte nous y incite, nous interroger - parlementaires, élus locaux, mais aussi Gouvernement et administrations, sans oublier les responsables du secteur associatif, que nous rencontrons chaque jour sur le terrain - et vérifier que l'on ne crée pas, par l'accumulation et la complexité des mécanismes de solidarité, des trappes à exclusion.

Le Gouvernement a, depuis quelques années, déployé des efforts pour améliorer cette situation en prenant certaines mesures législatives - loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, par exemple - ou réglementaires - circulaire relative à la prime exceptionnelle de retour à l'emploi en faveur des bénéficiaires de minima sociaux, décret instituant la prime exceptionnelle de retour à l'emploi dans le cadre du plan d'urgence pour l'emploi - mais sans parvenir pour autant à remédier dans sa totalité et de manière définitive à ce problème essentiel.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui est donc la bienvenue dans la perspective de l'édification d'une meilleure cohésion sociale.

C'est l'intérêt même des bénéficiaires des minima sociaux, victimes potentielles des effets pervers du dispositif, perdues dans une opacité qui conduit - je reprends ici une formule du rapport - à une « désincitation à la reprise d'activité ».

Je salue donc la concertation qui a présidé à l'élaboration de ce rapport ainsi que la réelle bonne volonté de ses auteurs de « faire bouger » les choses, en concentrant leur raisonnement sur trois objectifs cohérents : établir l'équité entre les bénéficiaires des différents minima sociaux et les salariés à bas revenus, faire en sorte que notre système de protection sociale ne soit plus en lui-même un obstacle supplémentaire à la reprise d'activité des bénéficiaires des minima sociaux et renforcer l'accompagnement social ou professionnel de ces bénéficiaires. Nous ne pouvons qu'être en accord avec ces objectifs et je salue le travail de Mme Valérie Létard et la ténacité dont elle fait preuve.

Certes, je le sais, ce texte n'est pas parfait. Son financement, encore incertain, a d'ailleurs préoccupé nos collègues présidents de conseils généraux. Je sais également que deux de ses articles ont d'ores et déjà trouvé application dans la loi de finances pour 2007, avec l'ouverture du bénéfice de la majoration pour la vie autonome et du complément de ressources, ce qui prouve, a contrario, son intérêt. Je sais enfin que la solution du problème réside principalement non pas dans la rédaction d'une proposition de loi, mais avant tout dans le développement global de notre système économique, qui ne trouvera un sursaut d'efficacité que par une meilleure articulation entre la technologie, les investissements et l'organisation du régime du travail.

La présente proposition de loi doit être suffisamment souple dans son application quotidienne pour s'adapter à chaque situation. C'est pourquoi j'adhère sans réserve à la démarche qui consiste à appeler avec force l'attention du Gouvernement sur la nécessité de supprimer les obstacles endogènes à la reprise d'une activité professionnelle, en procédant - comme le texte le prévoit - à une série d'expérimentations qui permettront une appréciation plus fine des coûts. Mieux vaut ne pas légiférer trop « verticalement » et enrichir la réflexion collective par l'expérience et le vécu, quitte à l'englober dans la perspective plus large, et hautement souhaitable, de la résorption progressive des situations d'exclusion qui demeureraient dans notre pays.

Cette expérimentation pourrait durer cinq ans. Une telle période transitoire permettrait d'étaler la montée en charge du coût de la réforme et de démontrer que le retour à l'activité des bénéficiaires de minima sociaux, du RMI notamment, pourrait compenser les moyens affectés à la réforme par les départements.

Je suis convaincu que la mise en oeuvre de cette proposition de loi peut, en facilitant la reprise d'activité, produire des économies. La simplicité des mécanismes est seule de nature à engendrer l'efficacité. En effet, comme je l'avais déjà indiqué en janvier 2006 dans cette enceinte lors de la discussion du projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires des minima sociaux, un excès de mesures, parfois illisibles, difficilement compréhensibles ou inapplicables, peut devenir nuisible.

C'est pourquoi je veux voir dans cette proposition de loi une sorte d'étape supplémentaire dans une réflexion plus large et une possibilité de procéder à des estimations financières plus précises que celles qui sont disponibles aujourd'hui.

Je remercie très sincèrement le Gouvernement de bien vouloir reprendre « la balle au bond ». Je l'ai dit et je le répète, tous les efforts en vue du retour à l'emploi doivent être pleinement soutenus, car ce sujet nous concerne tous. Je me réjouis que, sur le terrain, les débats que nous engageons aujourd'hui, avec l'appui du Gouvernement, montrent que c'est bien cet état d'esprit qui prévaut.

Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur le banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier Mme la rapporteur, Valérie Létard, et la commission des affaires sociales d'avoir permis au Sénat de discuter aujourd'hui de la question des minima sociaux que le Gouvernement n'a pas daigné traiter.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Si, tout de même !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je reconnais que cette proposition de loi va, dans son esprit, dans la bonne direction. Elle vise à assurer une certaine équité entre les bénéficiaires des minima sociaux d'une part et, d'autre part, entre ces derniers et les salariés à bas revenus. Elle supprime les aides liées au statut, ce qui est une bonne chose, et réduit les obstacles supplémentaires à la reprise d'activité grâce à une harmonisation et une sortie progressive des différents droits connexes, la suppression des délais de carence entre la fin d'une période de travail et le retour aux minima sociaux, la neutralisation des ressources antérieures, devenues inexistantes, le renforcement de l'accompagnement social et professionnel des bénéficiaires de minima. Nous prenons acte de ces quelques avancées.

La complexité, les incohérences et les effets pervers du dispositif français des minima sociaux aurait néanmoins appelé une réforme encore plus profonde. Malgré les avancées, cette proposition de loi ne répond pas suffisamment à la nécessité d'assurer en France, à tous et à toutes, la possibilité de mener une vie décente et autonome.

D'une part, la suppression des aides liées au statut aurait dû conduire à individualiser les aides et à les étendre aux personnes âgées de dix-huit à vingt-cinq ans, de manière qu'elles ne dépendent plus financièrement de leur famille - conjoint ou parents - et accèdent ainsi à une véritable autonomie.

D'autre part, il aurait fallu proposer une revalorisation des minima sociaux à hauteur de ce à quoi chacun devrait avoir droit pour mener une vie décente. Ils sont encore trop nombreux celles et ceux qui, en France, vivent en dessous de seuil de pauvreté. L'exclusion, parfois, ne se joue qu'à quelques centaines d'euros. Ces euros, ce sont ceux qui séparent les 435 euros du RMI et le seuil de pauvreté tel qu'il a été défini par l'INSEE, à savoir 50 % du revenu médian, soit, en 2004, 657 euros par mois et par personne.

Cette proposition de loi aurait pu faire en sorte que, en France, plus une personne âgée de plus de dix-huit ans ne vive en dessous de ce seuil, et ce de façon inconditionnelle.

Ces questions ne sont malheureusement pas abordées. C'est pourquoi je les ai soulevées dans les amendements que j'ai déposés. Peut-on repenser l'aide sociale sans conduire une réflexion sur l'idée d'un minimum vital pour tous ?

De même, cette proposition de loi laisse encore sous-entendre qu'il faut « inciter » ou « intéresser » les bénéficiaires de minima sociaux au retour à l'emploi, comme s'ils choisissaient volontairement de s'exclure de la collectivité et de vivre dans la pauvreté. La réalité montre pourtant que, lorsque l'on peut reprendre un emploi, généralement, on le fait. J'en veux pour preuve le nombre de nos concitoyens qui recommencent à travailler pour un gain très minime, voire inexistant, parfois même à perte du fait des dépenses supplémentaires induites par la reprise d'un emploi.

Le cumul d'un revenu minimum et d'un revenu d'activité éviterait à ces personnes fragiles de perdre immédiatement leurs droits, voire de connaître une régression de leurs revenus. Elle leur permettrait de sortir du parcours administratif cauchemardesque qui fait qu'après avoir bénéficié du RMI, une personne qui retrouve un emploi perd un certain nombre de droits... avant d'être de nouveau allocataire du RMI.

Il faut sortir de la stigmatisation, des contrôles tatillons et des « confettis » sociaux qui aménagent la misère, et mettre tout simplement en place un système universel permettant de sortir « tout le monde » de la pauvreté.

Sauf à considérer que les chômeurs sont responsables de leur sort au point de leur refuser l'accès à ce seuil minimal, il est moralement et politiquement inacceptable de tolérer que tant de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté soit, je le répète, 657 euros par mois et par personne. Les amendements que j'ai déposés s'inscrivent dans cette perspective.

Certains m'objecteront que maintenir des minima sociaux très bas, c'est inciter les chômeurs à trouver un travail ! C'est tout simplement faux, archifaux ! Les chiffres du chômage le prouvent. Il faut cesser de faire porter la responsabilité du chômage aux chômeurs.

Face à la fragilisation de l'emploi et des solidarités familiales, d'une part, et à l'impossibilité de promettre le plein emploi aux plus pauvres dans un futur proche, d'autre part, un revenu garanti décent, individuel et inconditionnel, déconnecté de l'emploi, s'impose.

La création de ce revenu d'existence est aujourd'hui indispensable pour satisfaire le droit inconditionnel à chacun d'être protégé de la misère.

La France a d'ailleurs largement les richesses suffisantes pour assurer ce minimum vital à ses ressortissants. Le financement de cet impératif pourrait se faire notamment par une réforme de l'ISF, dans le sens inverse de celui que prévoit M. Sarkozy, et par une taxation des revenus financiers.

À ceux qui soutiennent ici et là, pour culpabiliser ceux qui vivent des minima sociaux, que la France est très, voire trop généreuse, je rétorque que les chiffres de l'Office statistique des communautés européennes, Eurostat, montrent le contraire : pour chaque chômeur, le Danemark dépense 2, 6 fois plus que la France. Les Pays-Bas, la Belgique, l'Allemagne, l'Irlande ou le Portugal font également mieux que nous. L'indemnisation des chômeurs - les dépenses « passives » - est plus élevée de 40 % en Allemagne, de 70 % en Belgique, de 160 % au Danemark, de 170 % aux Pays-Bas ! Doit-on ainsi mesurer la générosité lorsqu'il s'agit de sortir une partie de la population de la misère ?

Ce revenu d'existence n'est pas une résignation au chômage et à la précarité du travail. Au contraire, il permet un accès serein à la formation et à la recherche d'emploi : accès au logement, aux soins, à l'information, à la garde d'enfants. En ce sens, il permettrait une meilleure adéquation entre l'offre et la demande sur le marché du travail, en plaçant les travailleurs dans une situation de plus grande indépendance financière. Il améliore donc aussi, par conséquent, les conditions de travail et de rémunération des salariés.

Un des avantages du revenu d'existence est sa simplicité : il s'agit en effet d'accorder la même somme à tout le monde, sans distinction, sans contrôle des conditions de ressources. Le revenu d'existence permettrait en outre d'unifier les neuf minima sociaux - c'est l'objectif de la proposition de loi - et il se substituerait à l'éventail éparpillé et opaque des aides aux plus démunis.

Le revenu d'existence simplifierait aussi le cumul des revenus du travail et de la solidarité. Aujourd'hui, cette possibilité de cumul, limitée dans le temps, est très compliquée et ne permet pas de rémunérer suffisamment les premières heures travaillées. En effet, l'emploi qui succède à une période de chômage est souvent précaire, peu rémunéré et à temps partiel. Les dépenses liées à la reprise d'un emploi, ainsi que la précarité et l'incertitude concernant les revenus salariaux n'incitent guère à la reprise d'un emploi, car les heures de travail rapportent peu d'argent supplémentaire. Avec le revenu d'existence, entièrement cumulable, les premières heures travaillées rapporteraient immédiatement.

D'un point de vue fiscal, les impôts sont censés « récupérer » tout ou partie de ce revenu d'existence à mesure que les revenus augmentent. Ainsi, ce revenu, in fine, ne reviendrait pas à « donner le RMI à ceux qui gagnent déjà des millions ». Au contraire, en conservant et en améliorant un système fiscal redistributeur, il participerait d'une meilleure justice sociale. C'est d'ailleurs ce mécanisme fiscal qui permet d'atténuer les coûts apparemment gigantesques du revenu d'existence pour les finances publiques, ce qui en fait une mesure de justice réaliste.

Tout en prenant en compte la diversité des situations, le revenu d'existence éliminerait donc, entre autres, les problèmes d'opacité, d'ignorance des droits, de non-recours, de frais de gestion, d'effets de seuil, de carence. On imagine aussi aisément qu'une telle mesure simplifierait non seulement notre organisation bureaucratique, mais aussi la vie des plus démunis, qui n'auraient plus à arpenter les administrations publiques pour bénéficier d'aides diverses. De plus, ce revenu éviterait en partie, puisqu'il serait accordé à tout le monde, la stigmatisation des bénéficiaires des minima sociaux et leur coupure avec les travailleurs pauvres.

En autorisant, sans condition, un niveau de vie décent, déconnecté du monde du travail, pour tous et toutes, le revenu d'existence implique un renversement des valeurs communément admises. La proposition de loi portant réforme des minima sociaux, aussi sympathique soit-elle, est, de ce point de vue, bien trop timide et d'une efficacité réduite.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

TITRE IER

Accès équitable aux minima sociaux

CHAPITRE IER

Minima sociaux d'insertion

I. - L'article L. 262-10 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° La dernière phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « ou de l'avantage en nature procuré par un hébergement au titre duquel aucune de ces aides n'est due » ;

2° L'article est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Il n'est pas tenu compte des salaires, indemnités ou revenus d'une activité indépendante perçus par les enfants ou les jeunes majeurs de moins de vingt-six ans à la charge de l'allocataire, lorsque ceux-ci résultent d'une activité exercée dans le cadre d'un contrat d'apprentissage, d'un contrat de formation en alternance, d'un stage ou d'une création d'activité indépendante faisant l'objet d'un accompagnement par un organisme agréé à cet effet, dans la limite d'un montant égal au salaire minimum prévu par l'article L. 117-10 du code du travail.

« La pension alimentaire ou la prestation compensatoire fixée par une décision de justice devenue exécutoire est déduite des ressources de celui qui la verse. Elle est incluse dans les ressources de celui qui la perçoit, sauf si l'intéressé apporte la preuve que tout ou partie de cette pension ou de cette prestation ne lui est pas effectivement versée.

« Il n'est pas tenu compte des ressources perçues pendant la période de référence lorsqu'il est justifié que leur perception est interrompue de façon certaine à la date de la demande. »

II. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les avantages en nature procurés par un jardin exploité à usage privatif ne sont pas pris en compte pour déterminer le montant des ressources servant au calcul de l'allocation.

« Il n'est pas tenu compte des salaires, indemnités ou revenus d'une activité indépendante perçus par les enfants ou les jeunes majeurs de moins de vingt-six ans à la charge de l'allocataire, lorsque ceux-ci résultent d'une activité exercée dans le cadre d'un contrat d'apprentissage, d'un contrat de formation en alternance, d'un stage ou d'une création d'activité indépendante faisant l'objet d'un accompagnement par un organisme agréé à cet effet, dans la limite d'un montant égal au salaire minimum prévu par l'article L. 117-10 du code du travail.

« La pension alimentaire ou la prestation compensatoire fixée par une décision de justice devenue exécutoire est déduite des ressources de celui qui la verse. Elle est incluse dans les ressources de celui qui la perçoit, sauf si l'intéressé apporte la preuve que tout ou partie de cette pension ou de cette prestation ne lui est pas effectivement versée.

« Il n'est pas tenu compte des ressources perçues pendant la période de référence lorsqu'il est justifié que leur perception est interrompue de façon certaine à la date de la demande. »

III. - Après le premier alinéa de l'article L. 351-10 du code du travail, il est inséré trois alinéas ainsi rédigés :

« Les ressources prises en compte pour l'attribution de l'allocation de solidarité spécifique sont définies par décret en Conseil d'État.

« La pension alimentaire ou la prestation compensatoire fixée par une décision de justice devenue exécutoire est déduite des ressources de celui qui la verse. Elle est incluse dans les ressources de celui qui la perçoit, sauf si l'intéressé apporte la preuve que tout ou partie de cette pension ou de cette prestation ne lui est pas effectivement versée.

« Il n'est pas tenu compte des ressources perçues pendant la période de référence lorsqu'il est justifié que leur perception est interrompue de façon certaine à la date de la demande. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Le groupe socialiste s'abstient, comme il s'abstiendra sur tous les autres articles de la proposition de loi.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 18, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles L. 262-1, L. 262-2, L. 262-3, L. 262-5, L. 262-6-1 du code de l'action sociale et des familles sont remplacés par un article ainsi rédigé :

« Art. L - Toute personne résidant en France, en situation régulière ou non, qui est âgée de plus de dix-huit ans, a droit à un revenu d'existence individuel, cumulable avec d'autres revenus, d'un montant égal au niveau du seuil de pauvreté défini par l'Institut national de la statistique et des études économiques ».

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement vise à instituer un revenu d'existence citoyen, ouvert, sans condition de ressources, à tous les résidents majeurs. Il serait cumulable avec d'autres ressources et déconnecté de la condition de recherche d'emploi.

Certes, le revenu d'existence, au premier abord, pourrait apparaître comme une machine à gaz fiscale brassant d'énormes masses d'argent. En effet, il nécessite plusieurs réformes : des cotisations sociales, de la fiscalité, des bourses aux étudiants ou des allocations familiales.

Toutefois, paradoxalement, l'un des avantages du revenu d'existence est sa simplicité : il s'agit d'accorder la même somme à tout le monde, sans distinction, sans contrôle des ressources. Une telle mesure se substituerait partiellement à tout un éventail d'aides diverses aux démunis, qui sont éparpillées. Il simplifierait non seulement notre organisation bureaucratique, mais aussi la vie des plus démunis, qui n'auraient plus à courir d'un bureau à un autre de nos administrations publiques pour bénéficier d'aides diverses. De plus, puisqu'il serait accordé à tout le monde, il contribuerait à éviter la stigmatisation des « bénéficiaires » des minima sociaux.

Par ailleurs, le revenu d'existence simplifierait les problèmes que pose le cumul des revenus du travail et de ceux tirés de la solidarité. Aujourd'hui, la possibilité de ce cumul, limitée dans le temps, obéit à des règles fort complexes et ne permet pas de rémunérer suffisamment les premières heures travaillées.

D'un point de vue fiscal, les impôts sont censés « récupérer » tout ou partie de ce revenu d'existence à mesure que les revenus augmentent. Ainsi, celui-ci, in fine, ne reviendrait pas à « donner le RMI à ceux qui gagnent déjà beaucoup ». Au contraire, en conservant et en améliorant un système fiscal redistributeur, il participerait d'une meilleure justice sociale. C'est d'ailleurs ce mécanisme fiscal qui atténue les coûts apparemment gigantesques du revenu d'existence pour les finances publiques et en fait une mesure de justice réaliste.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Tout en comprenant les motivations de M. Desessard, je demeure circonspecte à l'égard d'une proposition qui, sous couvert d'une simplification radicale des prestations sociales, risquerait grandement d'affaiblir notre système de protection sociale. En effet, une allocation forfaitaire et universelle ne peut, par définition, s'adapter aux situations particulières.

Par ailleurs, outre qu'il représenterait un coût important pour les finances publiques, le revenu d'existence paraît contradictoire avec la philosophie même de notre système social, qui s'appuie sur la progressivité de l'impôt sur le revenu et la concentration de l'aide publique sur ceux qui en ont le plus besoin.

En conclusion, ce dispositif ne me semble pas suffisamment pertinent, aussi bien en termes d'efficacité de la dépense publique que de redistribution. Plutôt que d'assurer une aide d'un niveau équivalent aux plus aisés comme aux plus pauvres, il faut, au contraire, centrer l'aide publique sur ceux qui en ont le plus besoin.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 7.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Selon les termes de l'amendement n° 7, « toute personne résidant en France, en situation régulière ou non » - je passe sur ce point ! -, « aurait droit à un revenu d'existence individuel ». Vous imaginez, monsieur le sénateur, le coût que représenterait une telle mesure pour nos finances publiques, sans parler de l'appel d'air qu'elle créerait !

Pour ces raisons, le Gouvernement est totalement défavorable à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 4, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 18, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, les mots : « qui est âgé de plus de vingt-cinq ans » sont remplacés par les mots : « qui est âgé de plus de dix-huit ans ».

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La discrimination opérée envers les jeunes âgés de dix-huit ans à vingt-cinq ans, qui sont privés de RMI, est sans fondement. Cet amendement vise à leur assurer, autant qu'à leurs aînés, les moyens de mener une vie décente. Alors que la majorité politique est à dix-huit ans, le législateur repousse la majorité sociale à vingt-cinq ans, considérant implicitement que les jeunes peuvent compter sur leur famille ou trouver un emploi, à condition de faire quelques efforts.

Or de quoi vivent ces jeunes chômeurs sans RMI ? À cet âge-là, bien souvent, ils n'ont pas assez cotisé pour toucher des allocations chômage. Beaucoup d'entre eux ne peuvent pas compter sur une famille suffisamment aisée pour subvenir à leurs besoins. Par ailleurs, on comprend que ceux qui pourraient s'appuyer sur un soutien familial aspirent légitimement à l'indépendance et à l'autonomie financière. À la majorité politique doit correspondre l'autonomie sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 1, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « revenu minimum d'insertion », sont insérés les mots : « est un droit individuel dont le montant ».

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Le droit au RMI doit être le même pour toutes et tous. Seule l'individualisation des droits permet une véritable autonomie. En effet, qui veut dépendre financièrement de son conjoint ? Il s'agit donc de supprimer la condition relative aux revenus du conjoint du demandeur pour l'attribution à celui-ci du RMI.

L'affirmation selon laquelle le dispositif du RMI est un droit individuel n'exclut pas de prendre en compte, selon des modalités fixées par décret, la situation familiale, afin d'éviter qu'un bénéficiaire puisse être déclaré simultanément comme personne à charge par son conjoint.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L'amendement n° 4 vise à autoriser le versement du RMI à compter de dix-huit ans et non plus de vingt-cinq ans.

Une telle extension est indissociable d'une problématique plus large sur l'autonomie des jeunes. Comment accompagner ceux qui sont âgés de dix-huit à vingt-cinq ans ? Comment faire en sorte qu'ils puissent vivre de manière autonome ? La solution est-elle de leur attribuer un revenu sans que celui-ci soit accompagné d'une démarche tendant à leur assurer, par un vrai parcours professionnel, l'accès à l'autonomie ?

Un tel revenu devrait également être envisagé au regard d'autres dispositifs tels que les bourses d'études à caractère social, les allocations familiales ou les dispositifs d'apprentissage.

Il s'agit donc d'un sujet complexe, auquel nous devons apporter une réponse beaucoup plus ambitieuse qu'une simple intégration au dispositif du RMI. En effet, nous souhaitons autre chose, pour nos jeunes, que de les voir s'inscrire à dix-huit ans au RMI !

Parallèlement, nous avons le souci de doter d'une rémunération ceux qui ne bénéficieraient plus d'un accompagnement familial suffisant. À cet égard, le parcours professionnel rémunéré pourrait être une bonne solution.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à l'amendement n° 4.

Quant à l'amendement n° 1, il vise à revenir sur le principe de l'attribution du RMI à un foyer. Une telle modification du droit au RMI nécessiterait de revoir entièrement la façon d'apprécier les ressources des bénéficiaires. Considérer que le RMI est un droit individuel conduirait nécessairement à ne prendre en compte que les revenus personnels du demandeur, sans pouvoir apprécier ceux de son conjoint.

Si les auteurs de cet amendement souhaitent procurer un revenu aux mères au foyer, cet objectif sera incontestablement atteint. Mais les risques d'effets pervers ne sont pas négligeables, puisque chaque couple pourrait décider de la manière dont il se répartit les enfants à charge et les revenus, afin de maximiser le montant total de l'allocation perçue.

Par conséquent, dans la mesure où vous n'avez pas bien délimité la portée de votre proposition, monsieur Desessard, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 1.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

S'agissant de l'amendement n° 4, je rappelle que l'effort de la nation en faveur de l'autonomie des jeunes est considérable. Il a d'ailleurs été estimé, dans le rapport de M. de Foucault, à 37 milliards d'euros. Depuis 2002, le CIVIS, le contrat d'insertion dans la vie sociale, a été mis en place, à l'instar d'autres dispositifs, et l'apprentissage a été relancé.

Pour autant, je partage le constat selon lequel nous devons encore trouver des moyens pour accompagner un certain nombre de jeunes qui sont en rupture et ne disposent pas de ressources financières. Cependant, le RMI ne me paraît vraiment pas être une bonne réponse. Ce que nous devons proposer à ces jeunes, c'est un parcours de formation leur permettant de sortir de la situation dans laquelle ils se trouvent.

Le Gouvernement est donc totalement défavorable à l'amendement n° 4.

S'agissant de l'amendement n° 1, le Gouvernement n'y est favorable ni sur le fond ni sur la forme.

En effet, l'adoption de la mesure prévue dans cet amendement contribuerait à attribuer le RMI à des personnes dont le conjoint peut subvenir aux besoins du couple. Le RMI ne doit pas se substituer à la solidarité familiale, qui reste l'une des valeurs fondamentales de notre République. Il s'agirait d'un bouleversement majeur de notre système social, qu'il n'est donc pas possible d'adopter par voie d'amendement.

Au demeurant, quelle serait la réaction des départements, qui n'ont pas été consultés, alors qu'ils sont directement concernés, puisque leurs charges seraient alourdies à l'extrême ?

Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour dire un mot sur l'API, l'allocation de parent isolé, que vous avez évoquée tout à l'heure, monsieur Fischer.

L'audit mené par l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale des finances a donné lieu à une prise de position très claire de la part du Gouvernement, qui a formellement écarté la proposition qui avait été faite. Sa réponse est d'ailleurs affichée sur le site de la direction générale de l'action sociale. Il y est précisé que l'ambition du Gouvernement est avant tout de lutter contre la pauvreté des enfants et qu'il n'est donc pas question de remettre en cause l'API dans les mois à venir.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

CHAPITRE II

Minima sociaux servis aux personnes âgées ou handicapées

I. - L'article L. 815-9 du code de la sécurité sociale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les ressources prises en compte pour l'attribution de l'allocation de solidarité aux personnes âgées sont définies par décret en Conseil d'État.

« Il n'est pas tenu compte des salaires, indemnités ou revenus d'une activité indépendante perçus par les enfants ou les jeunes majeurs de moins de vingt-six ans à la charge de l'allocataire, lorsque ceux-ci résultent d'une activité exercée dans le cadre d'un contrat d'apprentissage, d'un contrat de formation en alternance, d'un stage ou d'une création d'activité indépendante faisant l'objet d'un accompagnement par un organisme agréé à cet effet, dans la limite d'un montant égal au salaire minimum prévu par l'article L. 117-10 du code du travail.

« La pension alimentaire ou la prestation compensatoire fixée par une décision de justice devenue exécutoire est déduite des ressources de celui qui la verse. Elle est incluse dans les ressources de celui qui la perçoit, sauf si l'intéressé apporte la preuve que tout ou partie de cette pension ou de cette prestation ne lui est pas effectivement versée.

« Il n'est pas tenu compte des ressources perçues pendant la période de référence lorsqu'il est justifié que leur perception est interrompue de façon certaine à la date de la demande. »

II. - L'article L. 821-3 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La pension alimentaire ou la prestation compensatoire fixée par une décision de justice devenue exécutoire est déduite des ressources de celui qui la verse. Elle est incluse dans les ressources de celui qui la perçoit, sauf si l'intéressé apporte la preuve que tout ou partie de cette pension ou de cette prestation ne lui est pas effectivement versée.

« Il n'est pas tenu compte des ressources perçues pendant la période de référence lorsqu'il est justifié que leur perception est interrompue de façon certaine à la date de la demande. » -

Adopté.

I. - Le dernier alinéa () de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« En outre, les invalides qui sont dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie perçoivent, qu'ils soient ou non capables d'exercer une activité rémunérée, une majoration pour tierce personne.

« Les invalides relevant du 2° qui reprennent une activité professionnelle ou un stage de formation rémunéré voient le montant de leur pension maintenu pendant une période dont la durée est définie par décret. Au terme de cette période, ils sont reclassés parmi les invalides désignés au 1° et le montant de leur pension est progressivement ramené au niveau résultant de ce reclassement, selon des conditions définies par décret. »

II. - L'article L. 815-24 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les revenus d'activité professionnelle, salariée ou non salariée, de l'intéressé sont en partie exclus des ressources servant au calcul de l'allocation supplémentaire. » -

Adopté.

I. - Les deux derniers alinéas de l'article L. 815-10 du code de la sécurité sociale sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette allocation est incessible et insaisissable, sauf pour le paiement des frais d'entretien de son bénéficiaire et dans des limites fixées par décret. »

II. - L'article L. 815-28 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 815-28. - Il n'est exercé aucun recours en récupération de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'encontre de la succession du bénéficiaire décédé, ni sur le légataire, ni sur le donataire.

« Les sommes versées au titre de cette allocation ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire revenu à meilleure fortune. »

III. - L'article L. 351-10 bis du code du travail est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « et l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10 » sont remplacés par les mots : «, l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10 et l'allocation équivalent retraite prévue à l'article L. 351-10-1 » ;

2° Dans le dernier alinéa, les mots : « ou l'allocation de solidarité spécifique » sont remplacés par les mots : «, l'allocation de solidarité spécifique ou l'allocation équivalent retraite ». -

Adopté.

TITRE II

Droits connexes

CHAPITRE IER

Avantages fiscaux accordés aux bénéficiaires de minima sociaux

I. - Après le 9° quinquies de l'article 81 du code général des impôts, il est inséré un 9° sexies ainsi rédigé :

« 9° sexies L'allocation de solidarité spécifique et l'allocation équivalent retraite mentionnées aux articles L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail ; »

II. - Dans le quatrième alinéa () du III de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, après la référence : « 9° quinquies » est ajoutée la référence : « 9° sexies, ». -

Adopté.

I. - L'article 1414 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. - Sont exonérés de la taxe d'habitation afférente à leur habitation principale lorsqu'ils l'occupent dans les conditions prévues à l'article 1390 :

« 1° Les contribuables dont les revenus de l'année précédant celle au titre de laquelle l'imposition est établie n'excèdent pas la somme de 5 290 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 1 323 euros pour les deux premières demi-parts, 1 588 euros pour la troisième demi-part, 2 117 euros pour la quatrième demi-part et 1 059 euros à compter de la cinquième demi-part supplémentaire, retenues pour le calcul de l'impôt sur le revenu afférent auxdits revenus ;

« 2° Les contribuables âgés de plus de soixante ans ou titulaires de la carte d'invalidité mentionnée à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles dont les revenus de l'année précédant celle au titre de laquelle l'imposition est établie n'excèdent pas la somme de 7 456 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 1 323 euros pour les deux premières demi-parts, 1 588 euros pour la troisième demi-part, 2 117 euros pour la quatrième demi-part et 1 059 euros à compter de la cinquième demi-part supplémentaire, retenues pour le calcul de l'impôt sur le revenu afférent auxdits revenus.

« Les montants de revenus prévus aux 1° et 2° sont indexés, chaque année, comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.

« Les majorations mentionnées aux 1° et 2° sont divisées par deux pour les quarts de part.

« Pour l'application du présent I, le montant des revenus pris en compte est celui défini au IV de l'article 1417. » ;

2° Le III est ainsi rédigé :

« III. - Les bénéficiaires du I dont les revenus dépassent les seuils mentionnés par ce paragraphe en raison de la prise ou de la reprise d'une activité professionnelle continuent de bénéficier de l'exonération prévue au I au titre de l'année suivant celle au cours de laquelle ils reprennent cette activité. » ;

3° Le IV est abrogé.

II. - Le I de l'article 1414 A du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « autres que ceux mentionnés à l'article 1414 » sont supprimés ;

2° Au même alinéa, les mots : « n'excède pas » sont remplacés par les mots : « est supérieur aux seuils fixés par le I de l'article 1414 sans toutefois excéder » ;

3° Le deuxième alinéa (a) est ainsi rédigé :

« a. 5 290 euros pour la première part de quotient familial, majoré de 1 323 euros pour les deux premières demi-parts, 1 588 euros pour la troisième demi-part, 2 117 euros pour la quatrième demi-part et 1 059 euros à compter de la cinquième demi-part supplémentaire, en France métropolitaine ; ».

III. - Dans le premier alinéa du I de l'article 1417 du même code, les mots : «, des 1° bis, des 2° et 3° du I de l'article 1414 » sont supprimés.

IV. - Les dispositions du présent article sont applicables aux impositions établies au titre des années 2008 et suivantes. -

Adopté.

I. - Dans le troisième alinéa () de l'article 1605 bis du code général des impôts, les mots : « des I, III et IV » sont remplacés par les mots : « des I et III ».

II. - Après le troisième alinéa () du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 2° bis Les personnes qui remplissent les conditions de revenus prévues au II de l'article 1417 bénéficient d'un dégrèvement de 50 % de leur redevance audiovisuelle ; »

III. - Dans le premier alinéa du II de l'article 1417 du même code, après les mots : « de l'article 1414 A », sont insérés les mots : « et du 2° bis de l'article 1605 bis ».

IV. - Les dispositions du présent article sont applicables aux impositions établies au titre des années 2008 et suivantes. -

Adopté.

CHAPITRE II

Accès à la couverture maladie universelle

I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, après les mots : « fixé par décret », sont insérés les mots : « en tenant compte de la composition de leur foyer ».

II. - Cet alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Il n'est pas tenu compte des ressources perçues pendant la période de référence lorsqu'il est justifié que leur perception est interrompue de façon certaine à la date de la demande. » -

Adopté.

I. - L'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les bénéficiaires du présent article dont les ressources viennent à dépasser le plafond mentionné au premier alinéa en raison de la prise ou de la reprise d'une activité professionnelle continuent de bénéficier du droit à la protection complémentaire en matière de santé pendant une période dont la durée est définie par décret. Au terme de cette période, ils bénéficient automatiquement du crédit d'impôt prévu par le troisième alinéa de l'article L. 863-1 sans qu'aucune condition de ressources ne leur soit opposable pendant une période dont la durée est définie par décret. »

II. - L'article L. 861-2 du même code est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « et de tout ou partie des rémunérations de nature professionnelle lorsque celles-ci ont été interrompues » sont supprimés ;

2° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Il n'est pas tenu compte des ressources perçues pendant la période de référence lorsqu'il est justifié que leur perception est interrompue de façon certaine à la date de la demande. » ;

3° Dans la deuxième phrase du premier alinéa, le mot : « rémunération » est remplacé par le mot : « ressources » ;

4° Le deuxième alinéa est supprimé.

III. - L'article L. 863-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après les mots : « fixées à l'article L. 861-1 », la fin du premier alinéa est supprimée ;

2° Dans le deuxième alinéa, après les mots : « varie selon », sont insérés les mots : « les ressources et selon » ;

3° Le troisième alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Si les ressources des personnes composant le foyer sont comprises entre le plafond prévu à l'article L. 861-1 et ce même plafond majoré de 5 %, le montant du crédit d'impôt est égal à 300 euros par personne âgée de vingt-cinq à cinquante-neuf ans, 200 euros par personne âgée de moins de vingt-cinq ans et 500 euros par personne âgée de soixante ans et plus.

« Si les ressources des personnes composant le foyer sont comprises entre le plafond prévu à l'article L. 861-1 majoré de 5 % et ce même plafond majoré de 10 %, il est égal à 250 euros par personne âgée de vingt-cinq à cinquante-neuf ans, 150 euros par personne âgée de moins de vingt-cinq ans et 450 euros par personne âgée de soixante ans et plus.

« Si les ressources des personnes composant le foyer sont comprises entre le plafond prévu à l'article L. 861-1 majoré de 10 % et ce même plafond majoré de 20 %, il est égal à 200 euros par personne âgée de vingt-cinq à cinquante-neuf ans, 100 euros par personne âgée de moins de vingt-cinq ans et 400 euros par personne âgée de soixante ans et plus.

« Si les ressources des personnes composant le foyer sont comprises entre le plafond prévu à l'article L. 861-1 majoré de 20 % et ce même plafond majoré de 30 %, il est égal à 150 euros par personne âgée de vingt-cinq à cinquante-neuf ans, 50 euros par personne âgée de moins de vingt-cinq ans et 350 euros par personne âgée de soixante ans et plus.

« L'âge des personnes est apprécié au 1er janvier de l'année. » -

Adopté.

CHAPITRE III

Autres droits connexes

L'article L. 35-1 du code des postes et télécommunications électroniques est ainsi modifié :

1° Dans l'avant-dernier alinéa, les mots : « catégories de » et les mots : «, en raison notamment de leur niveau de revenu » sont supprimés ;

2° Ce même alinéa est complété par la phrase suivante : « Les tarifs tiennent notamment compte des difficultés d'accès au service téléphonique pour les usagers dont les revenus du foyer sont, au regard de la composition familiale, inférieurs à un plafond fixé par décret, en instaurant à leur profit une tarification sociale téléphonique. » -

Adopté.

I. - Le code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :

1° Après le sixième alinéa de l'article L. 351-3, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« Il n'est pas tenu compte des ressources perçues pendant la période de référence lorsqu'il est justifié que leur perception est interrompue de façon certaine à la date de la demande.

« Le montant de l'aide personnalisée au logement peut être révisé en cours d'année, à la demande du bénéficiaire, pour tenir compte de changements importants dans sa situation financière, professionnelle ou familiale. La révision prend effet à compter du mois au cours duquel est intervenu le changement qui l'a motivée. » ;

2° L'article L. 351-3-1 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa du I, les mots : « suivant celui » sont supprimés ;

b) Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;

c) Les deux dernières phrases du dernier alinéa du III sont supprimées.

II. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 542-2 est ainsi modifié :

a) Dans la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « suivant celui » sont supprimés ;

b) Le cinquième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour le calcul du montant de l'allocation, il n'est pas tenu compte des ressources perçues au cours de la période de référence lorsqu'il est justifié que leur perception est interrompue de façon certaine à la date de la demande.

« Le montant de l'allocation peut être révisé en cours d'année, à la demande du bénéficiaire, pour tenir compte de changements importants dans sa situation financière, professionnelle ou familiale. La révision prend effet à compter du mois au cours duquel est intervenu le changement qui l'a motivée. » ;

2° Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 552-1, après les mots : « de l'allocation de parent isolé, », sont insérés les mots : « de l'allocation de logement familiale, » ;

3° Après le premier alinéa de l'article L. 831-4, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour le calcul du montant de l'allocation, il n'est pas tenu compte des ressources perçues au cours de la période de référence lorsqu'il est justifié que leur perception est interrompue de façon certaine à la date de la demande.

« Le montant de l'allocation peut être révisé en cours d'année, à la demande du bénéficiaire, pour tenir compte de changements importants dans sa situation financière, professionnelle ou familiale. La révision prend effet à compter du mois au cours duquel est intervenu le changement qui l'a motivée. » ;

4° L'article L. 831-4-1 est ainsi modifié :

a) Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « suivant celui » sont supprimés ;

b) Le second alinéa est supprimé. -

Adopté.

I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 262-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu'elles décident d'attribuer des aides à caractère individuel, elles s'assurent que leurs conditions d'attribution n'entraînent pas de discrimination à l'égard de personnes placées dans la même situation, eu égard à l'objet de l'aide, et ayant les mêmes ressources rapportées à la composition du foyer. » ;

2° L'article L. 263-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu'elles décident d'attribuer des aides à caractère individuel, elles s'assurent que leurs conditions d'attribution n'entraînent pas de discrimination à l'égard de personnes placées dans la même situation, eu égard à l'objet de l'aide, et ayant les mêmes ressources rapportées à la composition du foyer. »

II. - Le premier alinéa de l'article L. 726-1 du code rural est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il détermine les principes présidant à l'attribution des prêts et des aides à caractère individuel et collectif, en s'assurant notamment que les conditions d'attribution des prêts et aides à caractère individuel n'entraînent pas de discrimination à l'égard de personnes placées dans la même situation, eu égard à l'objet de l'aide, et ayant les mêmes ressources rapportées à la composition du foyer. »

III. - Le premier alinéa de l'article L. 123-5 du code de l'action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, il s'assure que leurs conditions d'attribution n'entraînent pas de discrimination à l'égard de personnes placées dans la même situation, eu égard à l'objet de l'aide, et ayant les mêmes ressources rapportées à la composition du foyer. » -

Adopté.

TITRE III

Sécurisation du parcours professionnel et accompagnement des bénéficiaires de minima sociaux

Après le premier alinéa de l'article L. 351-6-2 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'allocation est due à compter du lendemain de la fin du contrat de travail. La prise en charge ne peut être reportée que pour tenir compte du versement en fin de contrat d'une indemnité compensatrice de congés payés ou d'indemnités de rupture non prescrites par le présent code. » -

Adopté.

I. - L'article L. 262-38 du code de l'action sociale et des familles est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - A l'occasion de la conclusion du contrat d'insertion et de chacune de ses révisions, l'allocataire et les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 262-37 reçoivent une information sur :

« 1° Les droits dont ils sont susceptibles de bénéficier, compte tenu de leurs ressources ;

« 2° L'évolution prévisible de leurs ressources en cas de retour à l'activité. »

II. - En conséquence, le premier alinéa du même article est précédé de la mention : « I. - ». -

Adopté.

I. - Après l'article L. 524-7 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 524-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 524-8. - Les titulaires de l'allocation de parent isolé bénéficient d'un contrat d'insertion dans les conditions prévues à la section 4 du chapitre II du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles.

« Les contrats d'insertion conclus avec les allocataires de la présente section comportent obligatoirement des dispositions relatives à l'accès aux modes de garde pour les enfants âgés de moins de trois ans qui sont à leur charge. »

II. - La section 5 du chapitre III du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifiée :

1° L'article L. 263-18 est ainsi rédigé :

« Art. L. 263-18. - Le président du conseil général peut, par convention, confier l'élaboration des contrats d'insertion des titulaires de l'allocation de parent isolé mentionnée à l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale et la coordination des différents aspects économiques, sociaux, éducatifs et sanitaires de ces contrats aux caisses d'allocations familiales ou, pour leur ressortissants, aux caisses de mutualité sociale agricole. » ;

2° L'article L. 263-19 est abrogé. -

Adopté.

Après l'article L. 351-10 du code du travail, il est inséré un article L. 351-10 bis A ainsi rédigé :

« Art. L. 351-10 bis A. - I. - Les titulaires de l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10 bénéficient d'un contrat d'insertion dans les conditions prévues à la section 4 du chapitre II du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles.

« II. - L'élaboration des contrats d'insertion des allocataires mentionnés au I et la coordination des différents aspects économiques, sociaux, éducatifs et sanitaires de ces contrats peuvent être confiées par convention passée avec le président du conseil général, à l'Agence nationale pour l'emploi. » -

Adopté.

TITRE IV

Expérimentations

Les titres Ier à III de la présente loi entrent en vigueur après une expérimentation dont la durée est fixée à cinq ans à compter de la publication du décret mentionné au deuxième alinéa.

Les départements intéressés par cette expérimentation doivent se faire connaître dans un délai d'un an auprès du représentant de l'État dans le département. Un décret fixe la liste des collectivités et des projets retenus.

Dans un délai de six mois avant le terme de cette expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d'évaluation de celles-ci, afin d'en mesurer l'efficacité et d'en envisager la prolongation éventuelle dans le temps, l'extension à d'autres départements volontaires ou la généralisation à l'ensemble du territoire. -

Adopté.

TITRE V

Dispositions diverses

I. - Les pertes de recettes et les dépenses résultant pour les départements de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

II. - Les pertes de recettes et les dépenses à la charge des organismes de sécurité sociale résultant de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par une majoration des droits prévus à l'article 403 du code général des impôts.

III. - Les pertes de recettes et les dépenses résultant pour l'État de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la contribution prévue à l'article 527 du code général des impôts. -

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 2, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 18, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. Dans le premier alinéa de l'article L. 115-1 du code de l'action sociale et des familles, les mots : « qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation de l'économie et de l'emploi, se trouve dans l'incapacité de travailler, » sont supprimés.

II. Le premier alinéa du même article est complété par les mots : « sous certaines conditions de ressources ».

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement vise à rendre inconditionnel le droit à un revenu social minimum, garantissant des « moyens convenables d'existence ». La seule condition doit être un manque de revenu suffisant. Cette disposition permettrait que personne ne passe à travers cet ultime filet de protection sociale. En effet, rien ne peut justifier que, dans une société relativement prospère comme la nôtre, on puisse manquer du strict nécessaire.

Aujourd'hui, la loi accepte de garantir des moyens convenables d'existence à ceux qui se trouvent « dans l'incapacité de travailler ». Cette notion bien floue ouvre la porte à toutes les exclusions. Qui détermine ceux qui sont dans l'incapacité de travailler ? On perçoit bien la tentation permanente d'assimiler les chômeurs à des fainéants qu'il faudrait punir ou inciter pour les ramener à l'emploi.

Je vous propose de faire dépendre ce droit d'une seule condition, celle des ressources, afin que les minima sociaux bénéficient à tous ceux qui en ont besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Cet amendement vise à supprimer toute référence à l'âge, l'état physique ou mental, la situation de l'économie et de l'emploi dans la définition du droit à obtenir de la collectivité un revenu convenable d'existence. La rédaction actuelle de l'article L. 115-1 du code de l'action sociale et des familles est une reprise du préambule de la Constitution de 1946, qui dispose : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »

Il me paraît donc préférable de respecter ce parallélisme, à moins que les auteurs de l'amendement ne considèrent qu'il faille également modifier le préambule de 1946 !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Le RMI est déjà attribué aujourd'hui sous deux conditions seulement : l'insuffisance des ressources et l'engagement dans une démarche d'insertion. On n'a jamais demandé de justifier d'une incapacité de travailler. Le RMI n'a jamais été refusé à qui que ce soit ayant une telle incapacité.

Par conséquent, le Gouvernement, qui ne souhaite pas modifier l'article visé, est défavorable à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 3, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 18, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 115-1 du code de l'action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les minima sociaux doivent permettre à chaque résident sur le sol français de subvenir à ses besoins de base, et donc de bénéficier d'un revenu au moins égal au montant du seuil de pauvreté tel que défini par l'Institut national de la statistique et des études économiques. »

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement vise à rendre effectif le principe mentionné dans le premier alinéa de l'article ici visé, selon lequel « toute personne a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».

Pour cela, aucun des minima sociaux, quand ils constituent la seule ressource de leurs allocataires, ne doit être d'un montant inférieur au seuil de pauvreté. Le seuil retenu est un revenu par unité de consommation inférieur à la moitié du revenu médian avant impôts, soit en 2004, selon l'INSEE, 657 euros par mois et par personne.

Actuellement, 4, 2 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit 8 % de la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

En fait, il s'agit d'une façon détournée de modifier les modalités de révision du montant des minima sociaux.

Le seuil de pauvreté se définit comme le revenu égal à la moitié du revenu médian d'un pays donné. En prenant comme référence le seuil de pauvreté, on est en réalité conduit à indexer les minima sociaux sur les salaires et non plus sur les prix.

En outre, pour apprécier le niveau de revenu des bénéficiaires de minima sociaux, il est nécessaire de tenir compte des autres prestations sociales dont ils bénéficient. Les droits connexes ont une importance considérable dans les ressources des foyers à bas revenu.

Il convient donc d'aborder de façon plus globale la problématique des revenus des bénéficiaires de minima sociaux. C'est pourquoi nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Je rappelle d'abord que le Gouvernement a augmenté le RMI de 1, 8 % au 1er janvier dernier.

J'ajoute que la mesure proposée dans cet amendement aurait un coût supérieur à 3 milliards d'euros par an. Le vrai problème qui se pose est d'utiliser cet argent pour aider les personnes concernées à retrouver un emploi et leur permettre de sortir durablement de l'exclusion et de la pauvreté. C'est le choix qu'a fait le Gouvernement et c'est pourquoi il est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Selon le Gouvernement, la mesure que je propose coûterait 3 milliards d'euros, et il n'a pas envie de faire cet effort.

Madame le rapporteur, vous refusez l'attribution de ces 657 euros par mois. Considérez-vous que la somme attribuée aujourd'hui est suffisante ? Sinon, quel montant d'indemnité minimale serait-il juste, selon vous, d'attribuer aux plus démunis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Notre propos est de montrer que, aujourd'hui, le revenu de base d'un bénéficiaire du RMI représente 30 % de ses ressources, les droits connexes représentant les 70 % restants. Par conséquent, le plus important, c'est non pas d'établir le revenu de base à 657 euros, mais de veiller au revenu global dont disposera le bénéficiaire de minima sociaux ou le travailleur précaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Or, aujourd'hui, la difficulté est précisément qu'à chaque statut correspond un niveau différent de prestations sociales.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Par conséquent, les disparités de traitement sont liées non pas aux minima sociaux, mais aux droits dont vous bénéficiez en raison du statut auquel vous appartenez. De ce fait, même s'ils percevaient 657 euros demain, nombre d'allocataires disposeraient de ressources globalement inférieures à la somme du RMI et des droits connexes.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

C'est pourquoi l'expérimentation est essentielle : notre législation sociale est si compliquée qu'elle en devient illisible et plus personne ne s'y retrouve ! Seul l'échelon départemental, grâce à un travail très fin et complexe d'ajustement de l'ensemble des prestations, nous permettra de parvenir, avec le dispositif de droits sociaux, à une vraie équité entre toutes les personnes dont le revenu est précaire, qu'elles travaillent ou qu'elles ne travaillent pas d'ailleurs, et de rendre beaucoup plus attractif le retour à l'activité. En effet, les mécanismes actuels ne sont malheureusement pas suffisamment efficaces dans la mesure où le retour à l'activité entraîne la neutralisation de certains droits.

C'est ainsi que nombre de bénéficiaires du RMI refusent des heures d'activité dans le cadre des services à la personne précisément pour ne pas le perdre le RMI, car, avec seulement dix euros de plus, ils ne seraient plus exonérés des impôts locaux, de la redevance audiovisuelle, ils ne bénéficieraient plus de la gratuité de la cantine et des transports, de la CMU ! Accepter deux ou trois heures supplémentaires de travail, c'est retourner au travail, donc recouvrer le statut de salarié et, bien que n'ayant pas un revenu plus important, perdre le droit à tous ces « avantages » !

Il est donc essentiel de prendre en compte tous ces éléments et non de s'en tenir au seul revenu, monsieur Desessard. L'expérimentation nous aidera à y voir beaucoup plus clair et à obtenir des avancées concrètes.

M. le président de la commission des affaires sociales, Mme Gisèle Printz et M. Jean-Pierre Godefroy applaudissent.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 5, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 18, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de l'article L. 262-8 du code de l'action sociale et des familles, les mots : « Les personnes ayant la qualité d'élève, d'étudiant ou de stagiaire » sont remplacés par les mots : « Les personnes ayant la qualité d'élève ou d'étudiant ».

La parole est à de nouveau à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cette proposition de loi vise à rendre le travail profitable dès la première heure. Cet amendement a donc pour objet de permettre aux stagiaires de percevoir le RMI, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

En effet, dans la situation actuelle, les stagiaires peuvent n'obtenir aucune « gratification » de la part de leur employeur. La plupart d'entre eux reçoivent environ 300 euros par mois. Ils en sont donc réduits à payer pour travailler ! On sait bien que le stage, en général, inclut l'accomplissement de tâches productives, qu'il se caractérise souvent comme un mélange de formation et de véritable travail.

Cette situation a pour conséquence d'empêcher les personnes sans ressources, notamment sans soutien financier familial, d'effectuer des stages, alors que ces stages constituent souvent une porte d'entrée obligatoire vers un emploi. Assurer aux stagiaires les moyens de subvenir à leurs besoins élémentaires serait donc un outil pour assurer l'égalité des chances et l'accès ou le retour à l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Ouvrir le bénéfice du RMI aux stagiaires n'est pas une solution au problème de la modicité de la gratification de ces derniers. Au demeurant, mieux vaudrait aborder cette vaste question dans un texte global, ce que fait d'ailleurs M. Godefroy dans une proposition de loi ayant pour objet de définir le statut des stagiaires et la rémunération des stages.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Le Gouvernement pense comme la commission, mais émet d'emblée un avis défavorable.

Je rappelle qu'il a, dans la loi pour l'égalité des chances du 31 mars 2006, rendu obligatoires la conclusion d'une convention de stage et l'attribution d'une gratification à partir du quatrième mois. En outre, pour que chacun ait les mêmes chances d'accéder aux stages les plus intéressants, il mettra en place une bourse des stages avant la fin du premier trimestre.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 6, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles est supprimé.

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Le deuxième alinéa de l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles exclut, pour la détermination du montant du revenu minimum d'insertion, la prise en compte de certains enfants étrangers : ceux qui ne sont pas nés en France ou y sont entrés après 1988 ou qui y séjournent dans des conditions irrégulières. Cela se traduit concrètement par le fait que les caisses d'allocations familiales exigent un certificat médical OMI pour les enfants non nés en France à charge d'allocataire étranger.

Aujourd'hui, cette législation empêche des enfants de bénéficier du droit fondamental à être protégé de la misère. En effet, la charge d'un enfant, qu'il soit ou non entré régulièrement sur notre territoire, à quelle que date que ce soit, représente toujours un coût financier. Refuser d'en tenir compte dans la détermination du montant du RMI, c'est condamner ces enfants à la pauvreté.

Je vous rappelle que le préambule de la Constitution de 1946 prévoit que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».

Je pourrais également citer la convention 118 de l'Organisation internationale du travail, la convention européenne des droits de l'homme, les accords conclus entre l'Union européenne et des États tiers, les conventions bilatérales de sécurité sociale ou la convention internationale des droits de l'enfant.

Je vous rappelle par ailleurs que Claire Brisset, ex-défenseure des enfants, dans son rapport au comité des droits de l'enfant des Nations unies, en mai 2004, et dans une proposition de réforme datée du 9 juin 2004, adressée au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, déplorait le refus par les autorités françaises d'accorder des prestations familiales à tous les enfants d'allocataires étrangers. Elle demandait que soit supprimée la condition de régularité de séjour de l'enfant et que ne soit conservée que la condition du séjour de la personne qui en a la charge. Ce principe devrait également prévaloir pour l'attribution du RMI.

J'attends donc des explications de la part du Gouvernement au sujet de cette disposition législative, pénalisante et discriminatoire pour certains enfants, et cela pour des raisons strictement administratives dont ils ne devraient certainement pas avoir à souffrir.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Il s'agit là d'un sujet très important et très complexe. La présente proposition de loi ne nous paraît pas être le cadre idéal pour en débattre. Il me semble donc difficile d'émettre un avis sur ce sujet.

Dans le droit, la régularité du séjour a toujours été la condition du versement des prestations sociales aux étrangers. Revenir sur ce principe, ce serait indirectement cautionner le contournement des règles d'entrée et de séjour sur notre territoire telles qu'elles existent aujourd'hui.

En outre, j'observe que l'exclusion dont il s'agit n'est pas définitive, l'enfant étant réintégré dans la composition du foyer prise en compte pour le calcul du RMI dès lors qu'il est régularisé.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Le Gouvernement partage totalement l'avis de Mme le rapporteur.

J'ajoute que le Gouvernement a pleinement tenu compte, dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2006, des conventions internationales et du rapport de la défenseure des enfants que vous avez cité, monsieur le sénateur.

Cette loi permet notamment de prendre en compte les enfants d'étrangers régularisés et de sécuriser la prise en compte des enfants de réfugiés. Le certificat OMI n'est donc plus systématiquement exigé.

J'entends bien que d'autres débats sur ce sujet sont nécessaires, mais pas dans le cadre de ce texte.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Avant de mettre aux voix les conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, j'ai présenté plusieurs amendements visant à supprimer des contrôles tatillons et certaines démarches administratives. Or, chaque fois, il m'a été répondu que ce n'était pas l'objet du texte, qu'on allait voir...

Malheureusement, si nous ne prenons pas des mesures simples pour mettre fin à la misère, en particulier l'augmentation des minima sociaux, nous n'arriverons à rien ! Dans quelques mois, dans quelques années, nous ferons toujours face aux mêmes difficultés !

Nous devons donc mettre en place un système simple, le revenu d'existence pour tous, et assurer un minimum social pour tous, sans autre condition que celle des ressources.

Pour ces raisons, même si cette proposition de loi va dans la bonne direction, je m'abstiendrai, car elle ne traite pas les problèmes en profondeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de cette explication de vote, je tiens à remercier notre collègue Valérie Létard de l'initiative qu'elle a prise. Notre débat, qui prolonge d'ailleurs un certain nombre de discussions que nous avons eues ici et ailleurs, a été extrêmement intéressant.

Sans évidemment revenir sur les points que notre collègue Janine Rozier a développés dans la discussion générale, je souhaite faire quelques observations.

Tout d'abord, le revenu minimum d'insertion existe depuis 1988. Au fond, il aura fallu son transfert aux départements dans le cadre de la loi de décentralisation du 18 décembre 2003 pour que l'on commence à prêter attention à sa finalité principale - c'est-à-dire l'insertion - et à réfléchir de manière plus approfondie aux moyens d'aider et inciter ceux de nos compatriotes qui survivent avec le RMI à se remettre au travail.

Le groupe de travail qui a été constitué au sein de la commission des affaires sociales, chère Valérie Létard, travaille depuis le printemps 2005, si ma mémoire est bonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Beaucoup a été fait assez rapidement, en deux ans seulement. Ce groupe de travail a effectué un travail de fond extrêmement important, qui a ouvert des perspectives intéressantes.

Ensuite, M. le Premier ministre a confié à Michel Mercier et à moi-même le soin, dans le cadre d'une mission, de réfléchir sur un sujet plus restreint que celui sur lequel travaillait le groupe animé par Valérie Létard. Il s'agissait d'essayer d'harmoniser certains minima sociaux - il y en a beaucoup - et d'activer la dépense sociale.

Par ailleurs, comme l'a très bien rappelé Janine Rozier tout à l'heure, nous avons voté le 23 mars 2006 la loi relative au retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux. Ses dispositions commencent à entrer en application ; les décrets ont été publiés au début de l'automne.

Enfin, je rappelle - même si cela a déjà été dit - que le projet de loi de finances pour 2007 prévoit un certain nombre de possibilités nouvelles. L'une d'entre elle - la possibilité de procéder à des expérimentations - avait retenu l'attention de notre collègue Valérie Létard.

Ainsi, en deux ans, nous avons beaucoup progressé. C'est si vrai que, aujourd'hui, semble-t-il, le nombre d'allocataires - en l'espèce, je préfère ce mot à celui de « bénéficiaires » - du RMI se stabilise globalement, voire commence à décroître à certains endroits. Sans doute la situation économique n'est-elle pas totalement étrangère à ce phénomène, mais tout ce que nous avons fait, les uns et les autres, depuis deux ans n'y est pas non plus totalement étranger.

Je tiens donc à remercier le Gouvernement des mesures qu'il a prises, à dire à quel point le groupe UMP apprécie et approuve le travail qui a été conduit par le groupe animé par Valérie Létard et combien nous souscrivons à nombre des conclusions du rapport sur la proposition de loi qu'elle nous présente ce matin.

Néanmoins, il nous a semblé que, en cet instant, nous ne pouvions pas - et, au fond, nous le regrettons beaucoup - approuver cette proposition de loi. Pourquoi ? Pour une raison simple : à l'heure où nous parlons, nous ne savons pas encore comment dégager les moyens qui nous permettraient de mettre en oeuvre ces dispositions.

J'aimerais que l'on saisisse bien la portée de notre abstention : nous sommes favorables à la plupart des mesures de cette proposition de loi, pour ne pas dire à la totalité d'entre elles, mais il nous semble qu'il est possible, dans le cadre d'expérimentations, de pousser plus loin certains dispositifs qui ont déjà été mis en oeuvre. Nous souhaitons non seulement que ce mouvement ne soit pas ralenti, mais au contraire, qu'il soit accentué.

Aujourd'hui, dans le cadre de la préparation des campagnes électorales, beaucoup se penchent sur cette question. Il nous paraît que le simple fait de nous abstenir doit être considéré comme un encouragement moral à persévérer dans la voie dans laquelle nous nous sommes tous engagés.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

M. Henri de Raincourt. Grâce à Mme Létard, nous franchissons en cet instant une étape supplémentaire.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, comme je l'ai déjà annoncé, les sénateurs du groupe CRC voteront contre cette proposition de loi, non parce qu'ils sont opposés à ce texte - nous considérons, comme d'autres collègues, qu'un certain nombre de problèmes devaient être abordés -, mais parce qu'ils voient une véritable hypocrisie dans les positions du groupe UMP, comme en témoigne son intention de s'abstenir.

Aujourd'hui, la France compte 7 millions de travailleurs pauvres. M. de Raincourt a souligné le rôle prépondérant qu'ont joué les départements dans l'évolution de la situation des RMIstes, notamment. Soit, mais quelle est la réalité ? Dans la plupart des cas, c'est le RMI contre un contrat d'avenir ou un contrat d'accompagnement dans l'emploi. Les études qui seront effectuées ne manqueront pas de révéler que, même si les chiffres du chômage sont en baisse et si ceux du RMI stagnent, la précarité est plus que jamais le lot d'un très grand nombre de personnes dans notre pays. La réalité sociale, la voilà !

Je vous demande donc de vous interroger sur l'exercice des droits fondamentaux. Aujourd'hui, nous avons tous évoqué l'abbé Pierre et son action. La France connaît des problèmes de logement sans précédent. Les logements dont le Gouvernement favorise la construction sont avant tout des appartements défiscalisés. Quant aux logements sociaux, ceux que l'on construit sont essentiellement financés par des PLAI et des PLS. En revanche, on ne construit pas suffisamment de logements « PLUS », ceux qui permettraient d'accueillir les plus démunis.

Ce débat sur les minima sociaux est aujourd'hui l'occasion de nous pencher sur les besoins réels des plus démunis : droit fondamental au logement, à l'accès à l'emploi, à la santé. Martin Hirsch, qui est une référence, a déclaré que, même en matière de santé, les inégalités d'accès, qui se creusent, étaient fondamentalement liées à l'origine sociale.

Tous ces problèmes méritent d'être posés.

Au cours des cinq dernières années, la politique du Gouvernement a largement contribué à creuser les inégalités. Ce n'est pas en se souciant d'alléger les « charges » des entreprises, de doper les performances du CAC 40 que l'on avancera, au contraire ! Durant ces cinq années, nous nous sommes rapprochés d'un certain modèle anglo-saxon, où les inégalités sont légions.

Réfléchissons-y au moment de voter !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier Mme Valérie Létard de tout le travail qu'elle a accompli et à lui dire qu'il ne faut surtout pas qu'elle se décourage.

En cet instant, nous sommes dans une situation un peu singulière puisque le groupe socialiste, qui a plutôt voté contre l'ensemble des articles, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

... va s'abstenir, que le groupe UMP, qui a approuvé l'ensemble des articles, va lui aussi s'abstenir et que le groupe CRC, qui est plutôt pour le texte, va voter contre ! En gros, chacun va adopter une attitude liée au climat électoral.

Je suis ravi que, dans le fond, tout le monde soit d'accord avec ce texte. L'avenir nous démontrera, quel que soit le futur gouvernement, qu'il fallait le voter aujourd'hui. Peu importe le nombre de ceux qui le voteront !

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je veux seulement préciser que nous n'avons voté contre aucun article ; j'ai bien indiqué que nous nous abstenions sur chacun. Au demeurant, ma collègue Christiane Demontès a parfaitement explicité notre position lors de la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Ce texte est le fruit d'une réflexion collective à laquelle beaucoup de mes collègues ont participé, siégeant sur toutes les travées de cet hémicycle.

Sur le fond, tout le monde reconnaît la nécessité de passer à l'action, en tout cas d'explorer de nouvelles pistes. Les minima sociaux bénéficient à 6 millions de personnes si l'on considère les familles dans leur ensemble, et il faut aussi penser aux 7 millions de travailleurs pauvres. Tous ces gens sont concernés, à un moment ou à un autre, par cette proposition de loi.

Les questions évoquées par ce texte seront déterminantes, demain, pour que l'action publique puisse accompagner les travailleurs précaires, toutes ces personnes qui cherchent un emploi, qui souhaitent devenir ou redevenir actives, mais qui ont peur de s'engager et - c'est un comble ! - de se trouver dans la précarité. Il y a là quelque chose qui défie le bon sens !

Je suis bien consciente des enjeux qui sont derrière cette question et du coût que cela représente. Nous sommes loin d'être irresponsables et nous y avons tous travaillé. L'expérimentation a justement pour objet de mesurer, avec responsabilité, les contours du dispositif, les améliorations qu'il induira, son coût, mais aussi les économies qu'il permettra éventuellement de réaliser, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

... sans parler de son appréciation par nos concitoyens, qui ont aujourd'hui le sentiment que la législation sociale va à l'encontre du bon sens.

Aujourd'hui, ils attendent d'être encouragés dans leurs efforts ; c'est tout le sens de cette proposition de loi que chacun d'entre nous, sur le fond, est conscient de devoir soutenir. Cependant, je comprends que certains, pour des raisons diverses, en particulier de coût, puissent adopter des positions différentes.

Quoi qu'il en soit, nous devons avancer sur cette question. Je vous remercie, les uns et les autres, de votre contribution. Le débat n'est pas clos et reviendra très prochainement. En tout cas, le Parlement a fait son travail : il a largement contribué à la réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme Valérie Létard, rapporteur. J'espère que le travail réalisé par le Sénat depuis deux ans trouvera un écho positif et sera un point de départ pour inverser la situation incompréhensible dans laquelle nous vivons aujourd'hui !

Applaudissementssur les travées de l'UC-UDF, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Alain Milon applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole ?

Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi n° 425.

La proposition de loi est adoptée.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.

Ordre du jour réservé

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Francis Giraud, Paul Blanc, Mme Brigitte Bout, M. Jean-Pierre Cantegrit, Mme Isabelle Debré, M. Gérard Dériot, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Christiane Kammermann, MM. Jean-Marc Juilhard, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Alain Milon, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Esther Sittler et M. Louis Souvet relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur (159).

Je rappelle que cette proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour réservé à la demande du groupe UMP.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Giraud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que je vous présente n'a pas pour ambition de réformer de fond en comble la gestion des situations de crise sanitaire dans notre pays. Tout au contraire, elle est le fruit de l'expérience acquise dans le cadre des initiatives mises en place depuis le début de la décennie par les pouvoirs publics. Elle rationalise l'existant et donne un cadre juridique solide à un ensemble disparate, construit au fil des ans.

Ces dernières années, en effet, ont été celles d'une réelle prise de conscience des menaces sanitaires de grande ampleur et du développement des concepts et des structures de veille et d'alerte dans ce domaine. Trois dates sont à retenir.

En 2001, les attentats survenus sur le sol américain, suivis du drame d'AZF à Toulouse, puis de l'alerte à l'anthrax ont mis en évidence la nécessité de doter le système de santé d'une organisation structurée pour les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. De cette succession d'événements sont nés le plan et le fonds Biotox.

En 2003, la canicule - personne n'a oublié cet épisode - a inspiré certaines dispositions de la loi relative à la politique de santé publique. Les plans blancs et plans blancs élargis ont alors reçu un cadre légal et notre pays s'est doté d'un dispositif donnant au ministre de la santé des moyens d'intervention accrus en cas de menace sanitaire grave.

Enfin, en 2005, sont apparus le chikungunya et la menace de propagation de la grippe aviaire en Europe. Face au risque, le Gouvernement a mis en place son plan de prévention et de lutte « pandémie grippale », salué par l'Organisation mondiale de la santé, aujourd'hui largement diffusé dans le public et mis en forme par un délégué interministériel spécialement affecté à cette tâche.

Pourquoi, dans un tel contexte, déposer une proposition de loi ? Parce que certaines faiblesses demeurent dans notre dispositif.

M. le ministre acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Giraud

Les deux premières procèdent des constats effectués lors des crises que nous avons connues.

En premier lieu, l'appel au renfort des professionnels de santé volontaires n'est pas suffisamment encadré ; rien n'est prévu pour la rémunération, la protection sociale et la couverture juridique de ces femmes et de ces hommes qui n'hésitent pas à donner de leur temps et de leurs compétences dans des situations qui peuvent s'avérer périlleuses.

Par ailleurs, la logistique des produits de santé et des équipements achetés et stockés dans le cadre des différents plans est assurée en grande partie par la direction générale de la santé dans des conditions fragiles, avec des effectifs trop réduits et par des personnes dont ce n'est pas spécifiquement le métier. De la même façon, le ministère de la santé ne dispose pas de la capacité d'exploitation pharmaceutique permettant la diffusion sur le marché de médicaments indispensables en cas de crise sanitaire.

J'ajouterai un troisième motif : une épidémie provoquerait aussi l'indisponibilité des professionnels de santé contaminés eux-mêmes par la maladie. Des simulations effectuées par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, la DHOS, ont révélé, de ce point de vue, le caractère insuffisant des procédures.

La proposition de loi vise donc à renforcer les moyens de réponse aux menaces sanitaires de grande ampleur sur deux points.

Elle tend à augmenter les ressources en personnel de santé, grâce à la mise en place d'un corps de réserve sanitaire, dont les membres seront dotés d'un statut juridique et financier suffisamment protecteur.

À cette fin, serait créé un établissement public chargé de l'administration de la réserve sanitaire et de la logistique des produits et équipements. Cet établissement serait, à ce titre, doté d'une capacité d'action dans le domaine pharmaceutique.

Venons-en aux éléments de la proposition de loi.

La mise sur pied du corps de réserve sanitaire en constitue le premier volet. Deux notions me paraissent essentielles à retenir pour bien comprendre la philosophie du texte : volontariat et réaction à des situations de crise survenant prioritairement sur le territoire national.

La réserve sanitaire comprendra en effet des professionnels de santé en activité ou retraités depuis moins de trois ans, ainsi que des personnes poursuivant des études médicales et paramédicales, sous conditions de niveau d'études. Dans tous les cas, il s'agira de volontaires, comme pour les réserves militaire et de sécurité civile.

La réserve pourra être engagée sur place ou dans d'autres régions, lors de crises localisées ou étendues. Elle pourra être affectée en structure hospitalière, publique ou privée, ou bien en renfort au sein d'un cabinet libéral.

L'objectif essentiel est de pouvoir mobiliser immédiatement et à tout moment, sur le territoire national, les professionnels de santé, en réponse à une situation sanitaire dépassant les moyens ordinaires du système de soins.

Une partie de la réserve sanitaire pourra également être envoyée à l'étranger, en réponse à la demande d'un État. J'y insiste, car un début de polémique est apparu à la fin du mois de décembre, sur l'initiative d'un syndicat de sapeurs-pompiers qui a « battu le rappel », en des termes un peu étranges et exagérément polémiques, pour fustiger un dispositif dont il craignait qu'il n'ait pour objet de mettre la sécurité civile sur la touche en matière de soutien apporté à des pays étrangers victimes de catastrophes sanitaires.

Je le répète, le texte qui vous est proposé vise d'abord à la satisfaction des besoins sur le territoire national et vient, pour ce qui est de l'international, en complément, et non en concurrence, de dispositifs existants par ailleurs.

Pour son fonctionnement, la réserve sanitaire aura deux composantes : la réserve d'intervention et la réserve de renfort. La réserve d'intervention sera appelée en priorité et ses membres seront soumis à des règles de formation et de perfectionnement contraignantes. La réserve de renfort sera mobilisée, au besoin, en second lieu.

L'un des points forts de la proposition de loi est incontestablement la définition d'un statut très protecteur pour le réserviste.

Sur le plan financier, le texte prévoit un mécanisme de mise à disposition des réservistes fonctionnaires, agents publics contractuels ou salariés, qui continuent à être payés par leur employeur, celui-ci bénéficiant en retour d'un remboursement par l'établissement public gestionnaire de la réserve sanitaire. Les professionnels de santé indépendants seront, quant à eux, directement payés par l'établissement public.

En conséquence, le réserviste jouira, quelle que soit son origine, d'une totale continuité de ses droits en matière de protection sociale et, le cas échéant, d'ancienneté, d'avancement et de congés payés.

Ce système est plus favorable que pour les autres réserves - militaire et de sécurité civile - et il est complété par une protection de l'État si la responsabilité civile ou pénale du réserviste est engagée à l'occasion de son activité ou s'il subit des dommages.

J'en viens maintenant au second volet de la proposition de loi, sur lequel je serai plus bref : la mise en place d'un établissement public administratif, placé sous la tutelle du ministre de la santé.

J'ai esquissé tout à l'heure ses trois principales fonctions.

Il s'agit tout d'abord d'administrer la réserve sanitaire et d'assurer la projection opérationnelle des réservistes, à la demande du ministre de la santé.

Il s'agit ensuite de mener, toujours à la demande du ministre de la santé, des actions de prévention et de gestion des risques sanitaires exceptionnels, et notamment d'acquérir, de fabriquer, d'importer, de distribuer et d'exporter des produits et services nécessaires à la protection de la population face aux menaces sanitaires graves.

À ce titre, il prendra la succession du fonds de prévention des risques sanitaires, lui-même successeur du fonds Biotox, et sera donc financé par des ressources provenant de l'assurance maladie et de l'État.

Il s'agit, enfin, d'assurer la couverture de besoins non satisfaits en médicaments ou dispositifs médicaux, en cas de rupture de stocks, par exemple.

Nous avons souhaité apporter au texte initial les précisions rendues nécessaires par l'adoption, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, de dispositions concernant les modalités de gestion et de financement du fonds Biotox.

Je rappelle les circonstances de cette adoption : le Gouvernement s'était vu contraint par le Conseil constitutionnel de mettre un terme à la technique budgétaire du fonds de concours, à partir de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, et avait dû ériger le fonds Biotox en établissement public. Les amendements adoptés alors sur l'initiative de notre commission avaient trois objets.

Premièrement : prévoir, au sein du conseil d'administration, la présence de représentants des régimes d'assurance maladie, à parité avec ceux de l'État, dans la mesure où ces régimes contribuent au financement du fonds.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Giraud

Deuxièmement : imposer que le montant de la contribution de l'assurance maladie soit fixé par la loi de financement et non par simple arrêté des ministres compétents, c'est-à-dire sans contrôle parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Giraud

Troisièmement : plafonner à 50 % la participation de l'assurance maladie au financement de Biotox, conformément à notre position de principe, constamment affirmée depuis 2001, selon laquelle la prise en charge des mesures de protection des populations dans le secteur sanitaire relève du domaine régalien et doit incomber prioritairement à l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Giraud

Le Gouvernement avait émis un avis favorable sur les deux premiers amendements, mais un avis défavorable sur le troisième, qui a toutefois été adopté par le Parlement.

Dans un souci de conciliation avec le Gouvernement, la commission a donc adopté, dans ses conclusions sur la présente proposition de loi, une formulation un peu plus souple autorisant le franchissement du seuil de 50 % pour la participation de l'assurance maladie au financement des dépenses de médicaments et de produits prophylactiques, à condition que la règle de plafonnement soit respectée sur une période de trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Giraud

Quelles sont les chances de réussite de la réserve sanitaire que nous mettons en place ? Elles me semblent devoir tenir à une condition essentielle : la formation.

En effet, le volontariat se développera d'autant plus facilement que les professionnels de santé auront été sensibilisés au cours de leur cursus aux principes de base de la médecine de crise. Vous avez pris, monsieur le ministre, des initiatives excellentes en ce domaine pour la formation professionnelle initiale. Peut-être faudra-t-il aller plus loin en imposant aussi cette sensibilisation dans le cadre de la formation professionnelle continue.

Tels sont, mes chers collègues, les principaux éléments du texte que la commission des affaires sociales vous propose d'adopter.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

M. Guy Fischer remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce soit le chikungunya, la canicule, la dengue, la menace d'une pandémie grippale ou encore le risque lié à des attentats terroristes, notre système de santé est en permanence confronté à l'urgence : urgence des crises sanitaires, urgence de la mobilisation des moyens humains, logistiques et administratifs.

La proposition de loi que vous examinez est, vous le savez, très attendue par tous les professionnels de santé de ce pays. Ce texte n'a cependant pas l'ambition de réformer en profondeur notre système de gestion des crises sanitaires. En effet, les structures de suivi et d'alerte existent et ont prouvé leur efficacité ; le travail de préparation et de planification à la française a porté ses fruits et, dans le domaine de la lutte contre la grippe aviaire notamment, sa qualité a été saluée par l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé.

Pouvons-nous faire mieux ? La réponse est bien évidemment oui, et nous devons faire mieux.

Voilà pourquoi, s'appuyant sur nos atouts, des initiatives ont vu le jour depuis le début de la décennie. C'est aussi grâce à l'expérience acquise sur le terrain que nous pouvons aujourd'hui compléter et rationaliser notre approche, organiser ce qui existe déjà et donner un cadre juridique solide aux initiatives qui ont montré leur efficacité.

Il nous faut toujours tirer tous les enseignements possibles des crises que nous traversons. Je pense à celle du chikungunya au cours de laquelle, pour la première fois dans notre pays, une mobilisation volontaire de médecins, d'infirmiers, de logisticiens et de permanenciers du SAMU s'est organisée afin de renforcer les effectifs à la Réunion et à Mayotte. Mme Anne-Marie Payet peut d'ailleurs en témoigner, car elle est intervenue à plusieurs reprises sur ce dossier.

Mme Anne-Marie Payet opine.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités

Je pense aussi à la canicule que nous avons connue l'été dernier. Les étudiants en médecine, les étudiants infirmiers et les médecins retraités ont répondu présents à l'appel que je leur avais lancé pour venir renforcer les services des SAMU et des urgences dans les départements placés en alerte canicule.

Et comment ne pas évoquer la terrible crise qui a bouleversé le Liban cet été ? Cette catastrophe nous a conduits à mettre en place, à la demande du Président de la République, un dispositif sanitaire de très grande ampleur afin de mettre à la disposition de nos ressortissants plus d'une centaine de médecins et d'infirmiers pour assurer la sécurité sanitaire de leur rapatriement.

Tous ces professionnels savent qu'un jour ou l'autre ils pourront à nouveau être mobilisés. Tous savent bien à quel point notre système de gestion des crises sanitaires a besoin des avancées prévues par votre proposition de loi, monsieur Giraud, en termes de préparation et de réponse à l'urgence. C'est pourquoi il est nécessaire de poser un cadre législatif ferme et de garantir ainsi à tous la sécurité juridique qu'ils méritent.

Votre proposition de loi permettra de rattraper un retard qui date, osons le dire, de plus de trente ans. Je tiens d'ailleurs à vous remercier et à vous féliciter de votre engagement sur ces questions. Votre texte définit un cadre et les moyens nécessaires à l'accomplissement de nos missions de sécurité sanitaire et vise à doter l'État d'un système de réaction rapide tant sur un plan humain et logistique qu'administratif. C'est un objectif essentiel.

En premier lieu, sur le plan humain, vous proposez la constitution d'un corps de réserve sanitaire.

La mise en place de ce corps de réserve sanitaire reposera sur un principe clé, celui du volontariat, comme c'est le cas pour les réserves militaire ou de sécurité civile.

Pourquoi le volontariat ? La raison en est simple : les différentes crises au cours desquelles nous l'avons expérimenté l'ont bien montré, le volontariat est la garantie du bon fonctionnement humain de la gestion de la crise. Parce qu'il est la manifestation concrète de la mobilisation des esprits et des volontés, de l'adhésion du pays à son système de défense sanitaire, il devient, sauf inaptitude, un véritable droit pour ceux qui, librement, choisissent de l'assumer.

Le volontariat est aussi l'expression ultime du sens et de la réalité d'un engagement, placé sous le signe de l'acceptation du devoir et du dévouement. Les obligations personnelles qu'il implique au service de la nation ont pour contreparties les droits qui sont accordés aux volontaires et la reconnaissance qui leur est due.

Monsieur Autain, je sais vos craintes, que vous avez exprimées à différentes reprises, notamment en commission, sur le fait que cette proposition de loi pourrait engendrer des doublons avec les autres réserves, militaire ou de sécurité civile. Sachez qu'elle sera, au contraire, complémentaire et qu'elle offrira la possibilité de mettre à disposition du système sanitaire des renforts entraînés et structurés, soit dans les cabinets libéraux, soit dans le secteur hospitalier.

S'agissant des droits des réservistes, je tiens notamment à souligner l'importance accordée par cette proposition de loi à la mise en place d'un statut très protecteur. Le réserviste bénéficiera, quel que soit son secteur professionnel d'origine, d'une totale continuité de ses droits en matière de protection sociale. Il pourra également bénéficier, le cas échéant, de l'ancienneté, d'un avancement et de congés payés grâce au maintien de son régime habituel. Ce statut favorable est complété par la protection de l'État en cas de mise en cause de sa responsabilité à l'occasion de son activité au sein de la réserve sanitaire. Le réserviste sera en outre indemnisé par l'État pour les dommages subis dans ce cadre.

Cette réserve, qui pourrait compter selon les premières estimations environ 10 000 personnes, comprendra des professionnels de santé en activité ou à la retraite depuis moins de trois ans, ainsi que des étudiants poursuivant des études médicales ou paramédicales, sous conditions de formation. À cet égard, nous ne pouvons que nous réjouir de pouvoir associer le plus tôt possible les jeunes générations de professionnels à la gestion des crises sanitaires. Nous parviendrons d'autant mieux à développer le volontariat que les futurs professionnels de santé auront été mobilisés et sensibilisés, au cours de leur cursus, aux principes fondamentaux de la médecine de crise.

Grâce à ce texte, les pouvoirs publics auront ainsi une plus grande capacité de réponse et une véritable souplesse d'utilisation des moyens sanitaires.

Ces renforts, ce potentiel humain mobilisable à tout moment, interviendront en priorité à l'occasion de crises graves survenant sur le territoire national - à l'échelon local, régional ou sur l'ensemble du territoire - afin de permettre au système de soins de faire face en toutes circonstances à l'ensemble des missions et des objectifs qui lui incombent.

Ils pourront bien entendu être engagés sur place ou dans d'autres régions lors de crises localisées, comme le chikungunya, ou plus étendues, de type pandémie grippale, ou lors de missions d'aide médicale urgente à l'étranger, comme lors du tragique raz-de-marée qui a frappé plusieurs pays d'Asie en décembre 2004. Et je connais l'attachement du président About à ce type de mission, qui permet à la France d'exporter une médecine de qualité, reconnue à travers le monde.

Le texte prévoit deux niveaux d'engagement afin d'organiser et de graduer notre réponse à la crise.

Tout d'abord, une réserve d'intervention sera appelée en priorité. Ses membres seront soumis à des règles de perfectionnement et de formation. Eux seuls pourront effectuer des missions à l'étranger.

Ensuite, une réserve de renfort permettra aux volontaires de s'engager avec des contraintes moins lourdes. Elle sera mobilisée en second lieu, si le système sanitaire appuyé par la réserve d'intervention ne parvient plus à faire face à ses obligations.

Enfin, une disposition vise à améliorer le cadre juridique applicable aux autres soignants, qui n'appartiendraient pas à la réserve sanitaire. Elle permet d'offrir aux personnes requises les mêmes garanties qu'aux réservistes s'ils sont victimes de dommages ou si leur responsabilité est mise en jeu.

Vous n'avez non plus oublié, monsieur le rapporteur, de prévoir une mesure que les médecins libéraux appellent de leurs souhaits depuis fort longtemps. Cette mesure permet aux professionnels de santé conduits à exercer leur activité dans des conditions d'exercice exceptionnelles de bénéficier de la même protection en cas de dommages subis ou de mise en cause de leur responsabilité. C'est essentiel pour garantir, sur le terrain, la sécurité de nos professionnels de santé libéraux, qui sont en première ligne, notamment en cas de risque de pandémie grippale.

Deuxième grand axe de votre texte : vous proposez un soutien logistique et administratif concernant la prévention et la gestion des risques sanitaires exceptionnels avec la mise en place d'un établissement public dédié.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que certains d'entre vous s'interrogent sur la mise en place d'un établissement public supplémentaire et se posent des questions sur l'engagement financier de l'État dans les crises sanitaires. Comme je l'avais évoqué lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, par définition, une réponse à une crise doit être adaptée, et l'ajustement financier qui en découle n'a pas forcément vocation à être inscrit dans une loi de finances initiale.

Je rappelle avec force qu'en cas de menace ou de survenue d'une crise sanitaire, qui constituent des sujets d'ordre public, l'État, quel que soit le gouvernement, a toujours été au rendez-vous, comme nous l'avons démontré lors des dernières crises.

Concernant l'établissement public, il ne s'agit pas de créer une énième agence publique, bien au contraire ! Face à l'accroissement du risque, aux impératifs de l'urgence, à l'ampleur de la tâche que représentent la préparation et la gestion de crises sanitaires, la direction générale de la santé ne pouvait continuer à assurer seule ces missions, auxquelles elle n'est pas, comme vous le savez, exclusivement dédiée.

Votre texte, monsieur Giraud, vise donc à la création d'un établissement public, placé sous la tutelle étroite du ministère de la santé, répondant aux besoins de soutien administratif et logistique des plans sanitaires avec une organisation fonctionnelle et opérationnelle plus efficace. Il sera ainsi un outil au service des acteurs des plans d'urgence sanitaire et permettra à l'État de mieux remplir son rôle.

Trois fonctions principales lui seront dévolues.

Premièrement, il sera chargé d'administrer la réserve sanitaire et d'assurer l'affectation des réservistes à la demande de la tutelle.

Deuxièmement, il aura pour mission de mener des actions de prévention et de gestion des risques sanitaires exceptionnels, notamment d'acquérir, de fabriquer, d'importer, de distribuer et d'exporter des produits et des services nécessaires aux populations concernées par la crise.

Je voudrais dire quelques mots de cette mission qui lui est dévolue. Comme vous le savez, le nombre croissant de plans en réponse aux crises sanitaires impose une organisation logistique de plus en plus complexe. Cela implique notamment de multiplier les marchés d'acquisition des produits et des services nécessaires, par exemple, pour le stockage ou le transport des produits, de multiplier les volumes et les différents types de produits acquis et, par conséquent, de multiplier les interlocuteurs publics et privés intervenant dans la mise en oeuvre de ces plans.

L'importance des stocks et des sommes en jeu, comme les garanties de fiabilité et de disponibilité immédiate que les produits en réserve doivent offrir à tout moment, supposent la mise en place d'un vaste plan de gestion logistique pour tous les lots livrés et à livrer. Le suivi opérationnel de ces différents circuits ne peut donc plus être assuré efficacement par un seul service administratif - actuellement, c'est le DéSUS, le département des situations d'urgence sanitaire de la direction générale de la santé -, car il nous faut allier rapidité d'action, efficacité et économie financière. Et parce que ce suivi opérationnel implique une mobilisation totale, je ne veux pas qu'il continue à s'effectuer, comme c'est parfois le cas, au détriment de l'élaboration des plans et de la stratégie de réponse aux menaces.

C'est pourquoi nous soutenons cette mesure. Nous donnerons ainsi satisfaction aux souhaits que vous aviez exprimés, mesdames, messieurs les sénateurs, lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 s'agissant de la création d'un établissement public administratif gérant l'ancien fonds Biotox, dont la gestion est déléguée, à titre transitoire, au fonds de solidarité vieillesse.

L'établissement prévu dans cette proposition de loi se substituera ainsi à cet établissement, votre proposition lui donnant un cadre juridique stabilisé, des missions et des financements durables.

Enfin, il pourra intervenir pour assurer la couverture en médicaments ou en dispositifs médicaux là où les besoins ne seront pas satisfaits.

En revanche, il n'aura vocation ni à piloter l'élaboration des plans, ni à recueillir et à traiter l'alerte sanitaire, ni à définir la politique d'emploi de la réserve et des produits stockés. Je tiens à le souligner : tout cela restera la mission de l'État.

Cette création permettra d'établir la distinction nécessaire entre les tâches de conception et les tâches de mise en oeuvre opérationnelle. Ainsi, l'administration centrale jouera pleinement son rôle de conception et de pilotage de la politique publique de sécurité sanitaire pour mieux éclairer et sécuriser la décision publique.

La gestion du déclenchement et du pilotage de la réponse aux crises sera rendue pleinement efficace, car la Direction générale de la santé pourra se consacrer davantage à son coeur de métier. Du reste, nous procédons actuellement à la réorganisation interne de celle-ci afin de la rendre plus efficiente dans ces domaines.

Enfin, dans le souci de distinguer les différentes missions pour garantir cette meilleure organisation logistique, donc l'efficacité du système, un établissement pharmaceutique sera créé au sein de l'établissement public.

L'utilisation des produits relevant du monopole pharmaceutique est fréquente, et bien souvent nécessaire en cas de crise sanitaire. Après l'épisode du Nilevar, ce médicament indispensable à la survie d'enfants souffrant d'une maladie grave, il était important de trouver une solution pérenne et sécurisante pour nos concitoyens.

Ainsi, lorsque les activités de l'établissement public le conduiront à acquérir, à fabriquer, à distribuer, à importer ou à exporter des produits relevant du monopole pharmaceutique, elles seront réalisées par un établissement pharmaceutique.

Ce dernier sera créé au sein de l'établissement public et soumis à l'essentiel du régime juridique applicable à ce type d'établissement, ce qui permettra d'assurer dans les meilleures conditions la gestion des produits nécessaires pour faire face à cette crise sanitaire. Il pourra, en outre, être chargé d'exercer les mêmes activités en cas de cessation de commercialisation, de rupture de stock, de production insuffisante, voire d'indisponibilité de certaines formes de médicaments ou de dispositifs médicaux.

Cet établissement pourra également être titulaire de licences d'office concernant les produits relevant du monopole pharmaceutique, lorsque le ministre chargé de la propriété intellectuelle en aura autorisé l'attribution.

Ces dispositions ne dispensent pas les industries concernées de remplir leur rôle. Néanmoins, elles permettront à l'établissement public soit par le biais de l'établissement pharmaceutique, soit directement, soit en sous-traitant à d'autres opérateurs, de compenser les éventuelles carences dans des délais compatibles avec les impératifs de la gestion de la crise.

Je sais que la Haute Assemblée a toujours été très attentive à ces questions. M. Giraud, notamment, dans le cadre de ses autres fonctions éminentes, s'est toujours préoccupé de la réaction que nous pouvions avoir face à des crises majeures. Par expérience, mais aussi en raison d'un intérêt marqué en la matière, il a souhaité déposer ce texte sur le bureau du Sénat.

Le Gouvernement avait commencé à travailler sur ce sujet ; je vous en avais parlé lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Quoi qu'il en soit, il est important que nous puissions franchir un pas décisif dans la préparation de notre pays à des crises sanitaire. De ce point de vue, anticiper est, bien sûr, le maître mot. Cependant il nous faut pouvoir disposer des outils indispensables afin d'éviter que telle ou telle décision ne repose sur l'intérêt plus ou moins marqué d'un responsable sur ces questions de sécurité sanitaire.

Cette proposition de loi est l'aboutissement d'un travail approfondi - je salue à cette occasion l'action de la commission et de son président -, qui a su tirer les leçons des crises que nous avons traversées. Elle mêle l'étude du terrain, l'écoute des acteurs et le souci d'adapter au mieux et au plus vite notre système de gestion des crises sanitaires aux devoirs d'anticipation et de préparation qui nous incombent à tous.

Je tiens à vous féliciter pour le travail accompli et à vous assurer de l'engagement du Gouvernement s'agissant de la mise à disposition des moyens financiers nécessaires. Sitôt ce texte adopté par les deux assemblées, toutes les modalités de mise en oeuvre concrète seront au rendez-vous, comme j'ai toujours eu à coeur de le faire, car l'enjeu qui nous réunit aujourd'hui est essentiel pour notre pays.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre système de santé est-il capable de faire face à une menace sanitaire de grande ampleur ? Telle est la question importante qui est posée au travers de la proposition de loi que nous présente notre éminent collègue M. Giraud.

Mis en cause à plusieurs reprises ces dernières années, notre système d'alerte a dû déjà s'adapter. En créant dans un premier temps le plan et le fonds Biotox, en légalisant et en renforçant les plans blancs ensuite, ces réformes ont permis d'avoir un système plus réactif, salué par l'OMS.

Pour autant, notre système n'est pas exempt de certaines fragilités dont les conséquences pourraient être dramatiques. L'épisode de décembre dernier a ainsi de quoi inquiéter. En l'absence de toute épidémie, des difficultés de prise en charge des patients ont été identifiées, qui ont nécessité le déclenchement du pré-plan blanc par la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins du ministère de la santé, les fêtes de fin d'année ayant suffi à dérégler l'ensemble du système de santé.

Les services d'urgence, qui fonctionnent à flux tendus permanents, s'avèrent ainsi durablement en difficulté pour faire face aux phénomènes de surcharges, la permanence des soins de ville n'étant pas toujours effective.

Plus inquiétant encore : l'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France a pu constater de sérieuses défaillances dans la réactivité du système de veille et d'alerte, la gravité de la situation n'ayant été portée à la connaissance du ministre que beaucoup trop tardivement, alors que le système de santé était déjà en situation de grande vulnérabilité.

La question étant posée, encore faut-il se demander si les mesures prévues dans la présente proposition de loi sont adaptées. Je n'en suis pas personnellement convaincu. Cette proposition de loi souligne surtout, me semble-t-il, les limites d'une politique de sécurité civile et de sécurité sanitaire dans laquelle l'État, s'étant progressivement coupé des moyens opérationnels de gestion des crises, ne joue plus le rôle qui devrait être le sien.

Que nous propose en effet notre collègue Francis Giraud ? Il s'agit à la fois de créer une réserve sanitaire sur le modèle de la réserve civile et d'instituer un établissement public administratif chargé de gérer le fonctionnement de cette réserve et de faire office de laboratoire pharmaceutique en tant que de besoin.

Pour ce qui est de la réserve sanitaire, on est en droit de s'interroger sur le sens d'une telle création et sur son articulation avec les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, et les autres réserves déjà existantes ; je pense en particulier à la réserve civile, créée par la loi de 2004 de modernisation de la sécurité civile. Cette réserve a en effet été instaurée afin d'accroître la capacité des effectifs de secours en cas de crise. Elle permet, sur la base du volontariat, une mobilisation facultative de tout le personnel compétent, y compris des professionnels de santé.

Pourquoi donc ne pas avoir choisi de modifier le fonctionnement et la composition de la réserve civile plutôt que d'instituer une nouvelle réserve spécifiquement sanitaire ? Ne risque-t-on pas de créer des doublons et des difficultés de coordination opérationnelle ? Un tel choix est-il cohérent avec l'observation faite par les auteurs de la proposition de loi, à savoir qu'une pandémie aurait des conséquences non seulement sanitaires, mais également économiques et sociales, ce qui nécessiterait une mobilisation de tous les acteurs ?

La volonté de donner un statut plus protecteur aux professionnels de santé réservistes ne semble pas être un argument déterminant, même si c'est une bonne chose.

En réalité, l'intérêt essentiel de la réserve sanitaire réside dans son rattachement à l'échelon national, alors que la réserve civile tient ses limites, nous l'avions dénoncé fortement à l'époque, dans son rattachement à l'échelon communal et départemental, ce qui coupe l'État des moyens opérationnels.

La création d'un établissement public administratif chargé d'administrer cette réserve comme de faire office, si besoin est, de laboratoire pharmaceutique semble également aller dans le même sens, celui d'une complexité accrue et d'un retrait de l'État.

D'une part, on est en droit de s'interroger sur l'opportunité de créer un nouvel établissement public dans le domaine de la sécurité sanitaire, qui se caractérise malheureusement déjà par une prolifération des acteurs et des structures, source de complexité, de redondances et de lenteur.

Parmi les structures existantes, il était facile d'en trouver une - je pense notamment à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS - qui puisse assurer les fonctions dévolues à ce nouvel établissement public. Qu'apporterait ce nouvel établissement public ? Il ferait office de laboratoire pharmaceutique. Le système de réquisitions ne serait-il pas plus efficace et plus souple ?

D'autre part, confier à un établissement public des missions jusqu'ici dévolues aux services de l'État en matière de coordination et de planification, n'est-ce pas encore une fois amputer l'État de ses capacités d'action ?

Seules les mesures relatives à la prévention des ruptures de stocks nous paraissent réellement pertinentes. Cependant, elles auraient peut-être mieux trouvé leur place dans le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament que nous examinerons demain. Mais il n'est pas trop tard pour le faire et j'essaierai de m'y employer.

En réalité, le système proposé nous paraît être davantage un trompe-l'oeil : derrière un argument de coordination nationale, il entérine en le masquant le désengagement l'État.

Ainsi, la reprise du fonds Biotox par l'EPA, s'il permet de limiter les effets de dispersion structurelle, ne s'accompagne pas des garanties posées sur l'initiative du Sénat, à l'automne dernier, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, tendant à assurer la participation de l'État à hauteur de 50 %. Je sais que, sur ce point, monsieur le rapporteur, vous êtes d'accord avec moi.

Le délestage sur l'assurance maladie est au contraire acté dans cette proposition de loi puisque l'on décide d'autoriser le dépassement du seuil de financement par l'assurance maladie à plus de 50 % tandis que l'État ne devient qu'un contributeur parmi d'autres.

On aurait également tort de faire l'impasse sur le désengagement financier de l'État dans la sécurité civile : l'Assemblée des départements de France a récemment évalué la part des départements dans ce secteur à plus de 50 % et prévoit une augmentation de 7 % à 8 % par an de cette part des collectivités locales sur une période de trois ans.

La protection des populations dans le domaine sanitaire, comme dans celui de la sécurité civile, relève des missions régaliennes de l'État, qui doit en assurer la charge et financer les mesures d'anticipation. C'est pourquoi, malgré la pertinence des questions qui sont posées, nous ne pourrons pas accepter, monsieur Giraud, les solutions que vous nous proposez.

En conséquence, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra sur ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques et une candidature pour la commission des affaires sociales.

Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- M. André Vézinhet, membre de la commission des affaires économiques, en remplacement de M. Thierry Repentin, démissionnaire ;

- M. Thierry Repentin, membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. André Vézinhet, démissionnaire.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Michèle André.