Nous devons donc, ensemble, aller plus loin. Nous devons contribuer à l'insertion active des exclus, afin qu'ils trouvent un emploi, un logement et puissent participer à l'ensemble des activités sociales.
Il ne faut pas seulement verser des prestations de survie à ceux qui sont exclus ou en voie de l'être, il faut agir en amont, prévenir au maximum ce décrochage. Il y va de la dignité des femmes et des hommes.
La mise en évidence de trappes à inactivité avait déjà conduit avant 2002 à un toilettage du système des minima sociaux en vue de réduire les effets de seuil qui pénalisent la reprise d'activité.
Je pense notamment à la réforme de la taxe d'habitation, au changement du barème des aides au logement, à l'application d'un tarif social électricité, à la modification de la décote et du barème de l'impôt sur le revenu et à la création de la prime pour l'emploi, dont nous avons, depuis, considérablement réévalué le montant.
Il fallait cependant aller beaucoup plus loin.
Nous avons déjà adopté, vous l'avez rappelé tout à l'heure, madame le rapporteur, une première loi importante qui s'inspire fortement de vos travaux, la loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux. J'avais eu l'occasion de dire, à cette époque, qu'il s'agissait du premier étage d'une fusée !
Cette réforme est marquée par trois grandes caractéristiques : le nouveau mécanisme incite à la reprise d'emploi dans tous les cas de figure ; il est simple et équitable ; enfin, il est sécurisant, car la personne qui reprend un emploi cumule pendant trois mois son nouveau revenu et son minimum social et, au moindre incident, le minimum social est tout de suite rétabli.
Cette réforme, pour autant, laisse d'autres questions en suspens : l'harmonisation des minima sociaux, l'équité entre leurs titulaires et les salariés à bas revenus, les effets de seuil liés aux droits connexes, ou encore l'accompagnement social et professionnel des bénéficiaires de ces minima.
Sur tous ces points, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui apporte des réponses intéressantes et cohérentes.
Je tiens, à cet égard, à souligner la pertinence de la méthode retenue pour élaborer ce texte : vous avez procédé à plusieurs dizaines d'auditions avant de le rédiger, puis vous l'avez soumis pour concertation à l'ensemble des partenaires intéressés. Ses dispositions font ainsi l'objet d'un consensus quasi général, qui devrait en rendre l'exécution rapide et efficace.
Le texte prévoit, tout d'abord, d'assurer une meilleure équité entre les bénéficiaires des différents minima sociaux et entre ces allocataires et les salariés à bas revenus.
Pour atteindre cet objectif, vous n'avez pas procédé à la fusion des différents minima. Or c'est une mesure très sage, car les neuf minima aujourd'hui existants répondent chacun à des situations spécifiques. En les fusionnant, nous gagnerions peut-être en équité, mais nous perdrions en efficacité, puisque le nouveau dispositif ne serait plus aussi parfaitement adapté à chaque cas particulier.
Les mesures proposées permettent néanmoins de donner une plus grande cohérence aux différents minima, en rapprochant notamment les ressources prises en compte ainsi que le statut juridique des sommes versées. Je pense au recours sur succession, à l'incessibilité ou à l'insaisissabilité.
Ces rapprochements sont d'autant plus utiles qu'il n'est pas rare pour une personne de passer d'un minimum social à un autre. Deux cas sont fréquents : le passage de l'allocation de solidarité spécifique au RMI et celui de l'allocation de parent isolé au RMI lorsque les enfants avancent en âge.
L'équité, tout comme l'incitation au retour à l'emploi, commande également d'attribuer les prestations et les droits connexes en fonction non plus du statut mais des ressources, afin que les salariés à bas revenu en bénéficient également et que l'on évite les fameuses ruptures de droits lors de la reprise d'emploi.
Le Premier ministre a eu l'occasion de s'exprimer en ce sens lors du comité interministériel de lutte contre les exclusions en mai dernier. Il a affirmé : « À ressources égales, droits égaux » : telle devrait être la règle si nous ne voulons pas définitivement décourager le retour à l'activité.
C'est précisément ce que vous faites pour les régimes d'exonération et de dégrèvement à la taxe d'habitation et à la redevance audiovisuelle, pour l'accès aux tarifications sociales électricité et téléphone, pour le versement des allocations logement, pour le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire, ou CMUC, et, enfin, pour l'attribution des aides individuelles extralégales par les centres communaux d'action sociale et les fonds de secours des caisses de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole.
S'il convient d'éviter les ruptures de droit à la reprise du travail, il faut, symétriquement, empêcher les délais de carence avant l'obtention de ces droits après une perte de travail.
En raison du mode d'appréciation des ressources, il existe souvent un délai important entre le moment où une personne perd son emploi et celui où elle reçoit un minimum social.
Ce délai est facteur d'anxiété pour tous ceux qui aspirent à reprendre une activité. La proposition de loi y remédie judicieusement en accordant le bénéfice immédiat des droits au minimum social et à la couverture maladie universelle, la CMU, dès que survient la perte de revenu qui en justifie l'ouverture.
Le texte vise également à supprimer un certain nombre d'effets de seuil, qui, tout autant que les ruptures de droits, sont préjudiciables à la reprise d'activité des bénéficiaires de minima sociaux.
Une personne en phase de réinsertion professionnelle alterne très souvent périodes d'activité, épisodes de chômage et phases de perception d'un minimum social.
Ces va-et-vient doivent être amortis au maximum sur le plan social en assurant la continuité des droits. C'est un facteur important de sécurisation du parcours de réinsertion professionnelle. Mesdames, messieurs les sénateurs, chacun doit être bien conscient de cette volonté qui consiste à privilégier la réinsertion professionnelle, car c'est de cela qu'il s'agit avant tout.
Vous prévoyez à cet effet une sortie progressive des droits connexes au fur et à mesure de l'augmentation des revenus de la personne.
Vous le faites pour la taxe d'habitation et pour la redevance audiovisuelle.
Vous le faites aussi pour l'assurance santé complémentaire. Le Gouvernement a déjà apporté des améliorations notables à ce dispositif puisque, dans les lois de financement de la sécurité sociale pour 2006 et pour 2007, nous avons augmenté le montant du crédit d'impôt en faveur de l'acquisition d'une complémentaire santé et porté de 15 % à 20 % au-dessus du plafond de la CMUC le plafond de ressources pour en bénéficier.
Vous allez plus loin, d'une part, en prévoyant un crédit d'impôt non plus forfaitaire, mais dégressif en fonction du revenu, ainsi qu'une nouvelle augmentation du plafond, et, d'autre part, en sécurisant pendant un an l'accès à la CMUC, puis à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire, quelle que soit l'évolution des ressources de la personne qui reprend un emploi.
J'en viens au dernier objectif du texte : renforcer l'accompagnement social et professionnel des bénéficiaires de minima sociaux.
Un accompagnement personnel, prenant en compte à la fois les difficultés sociales et les projets professionnels, constitue vraiment l'élément clé d'une insertion réussie.
Cet accompagnement est explicitement prévu pour les titulaires du RMI, qui doivent signer un contrat d'insertion. Nous connaissons malheureusement les résultats, que je qualifierai de mitigés, obtenus jusqu'à maintenant.
La décentralisation complète du RMI avait notamment pour objectif de renforcer cet accompagnement. L'effet ne s'est pas fait attendre et nombre de départements ont intensifié leurs efforts.
Vous proposez d'étendre ce dispositif aux allocataires de l'API et de l'ASS. La mesure est réellement bienvenue, mais il conviendrait, dans le cas de l'ASS, de coordonner l'action des départements responsables de cette contractualisation avec celle de l'ANPE déjà en charge d'une telle responsabilité sur le plan de l'emploi.
Une réforme aussi ambitieuse que l'harmonisation des minima sociaux et la refonte des droits connexes implique cependant une évaluation financière fine en raison de son impact sur le budget de l'État et sur celui des collectivités locales.