Et c’est sur ce thème que je voudrais commencer mon intervention, car on ne peut pas faire une bonne politique sans un bon constat.
Le 31 décembre dernier, comme beaucoup d’entre nous, j’ai entendu le Président de la République se vanter d’un « réarmement économique ». Vraiment ? Pourtant, on est très loin du plein emploi ! Le taux de chômage ne recule pas ; il progresse même et tutoiera les 8 % à la fin de l’année. Et nous sommes à la traîne de l’Europe : l’Allemagne est à un peu plus de 3 %. Peut-on s’en contenter ? Peut-on s’en satisfaire ?
On est loin aussi de la réindustrialisation. Certes – vous l’avez souligné à cette tribune voilà quelques instants –, la désindustrialisation est sans doute stoppée. Mais on est très loin de la réindustrialisation. J’en veux pour preuve le commerce extérieur. Là encore, quand on se compare, on se désole. Nous sommes à l’avant-dernier rang des pays européens ; l’Espagne est juste derrière nous.
Sur les finances publiques, vous avez perdu le contrôle. Là aussi, nous sommes à l’avant-dernier rang ; cette fois, c’est la Belgique qui est juste derrière nous.
Seize pays européens ont désormais un taux d’endettement inférieur à 65 % du PIB. Vous avez indiqué que vous maîtrisiez la dépense… Non ! Avec le rapporteur général de la commission des finances, nous avons encore montré voilà quelques mois que la dépense n’était pas maîtrisée. Elle continue d’augmenter et nous sommes, à l’évidence, à la traîne de l’Europe. Le problème français est malheureusement que nous cumulons des records de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires avec un effondrement des services publics. Mes chers collègues, s’il y avait une corrélation entre le niveau de la dépense publique et la qualité des services publics, nous serions à l’avant-garde du bonheur universel ! §Or ce n’est pas le cas, tant s’en faut !
De fil en aiguille, de déficit en déficit, que se passe-t-il ? La dette ne cesse d’augmenter. Seules la Grèce et l’Italie font moins bien que nous. Cela place la France dans une situation extrêmement périlleuse. Avec une croissance molle, avec une croissance potentielle qui faiblit – car la productivité est en train de s’effondrer, depuis 2019 –, la remontée des taux d’intérêt réels à long terme va nous placer dans une situation qui m’apparaît périlleuse : toute la richesse produite grâce à l’activité de la France servira exclusivement au remboursement de la dette.
Et quid des marges de manœuvre dont nous avons cruellement besoin pour faire face aux défis, aux chocs ? Je pense au choc démographique – vous avez très peu parlé du vieillissement, et si peu de la dénatalité –, au choc géopolitique, au choc du réchauffement climatique.
Je vous ai entendu dire hier que la planification écologique, c’était l’écologie populaire. Non ! L’écologie ne doit pas se faire sur le dos des plus modestes d’entre nous. Je pense que c’est une conviction que vous et moi pouvons et devons même partager.
Mais, très franchement, le « réarmement économique » dont vous parlez et dont vous semblez vous satisfaire est une hallucination. Je ne le vois pas, nous ne le voyons pas. La France est désarmée.
Vous avez évoqué, voilà quelques instants, l’autorité de l’État. Or les chiffres qui ont été publiés il y a quelques semaines par le ministère de l’intérieur sont catastrophiques ! Le nombre de coups et blessures a augmenté, pour atteindre 1 000 actes par jour. Et alors que la lutte contre les violences sexuelles était présentée comme une priorité du quinquennat, on déplore près de 240 faits par jour. Certes, ce sont des statistiques ; elles sont froides, désincarnées. Mais je vous assure que les Français les subissent dans leur chair – eux-mêmes, leurs amis ou leurs familles.
Et beaucoup de Français – 70 % – trouvent que notre justice n’est pas suffisamment ferme ; elle est trop laxiste. Là encore, ce n’est pas une question de moyens ; c’est une question de courage.
Êtes-vous prêt à renverser la table, par exemple en instituant des courtes peines, des peines minimales, et en créant enfin des places de prison ?