La séance est ouverte à quinze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le Premier ministre.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, « lorsque le Sénat est faible, la République est faible ; lorsque le Sénat est fort, la République est forte, …
Exclamations amusées sur de nombreuses travées. – Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.
Rires.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. … et lorsqu’il n’y a pas de Sénat, il n’y a plus de République. »
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.
Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.
Ces mots, j’y insiste, je les fais miens. Le Sénat est la chambre de la réflexion et du long terme. C’est la chambre du débat d’idées et de la construction de compromis. C’est la chambre du respect de nos institutions comme des convictions. C’est la voix des territoires, des élus, des préoccupations du quotidien. Je n’imagine pas la République sans le bicamérisme.
Dans une période de crise, où les événements dramatiques se multiplient et les défis s’additionnent, nous avons plus encore besoin du Sénat et de sa capacité à incarner à la fois la hauteur de vue et la proximité avec les Français.
M’adresser à vous, c’est m’adresser à tous nos territoires, de l’Hexagone et des outre-mer, dans leur unité et leur singularité.
M’adresser à vous, c’est aussi affirmer la volonté du Gouvernement de travailler et de construire en commun.
Au sein de mon équipe, pourtant la plus resserrée de la Ve République…
M. Gabriel Attal, Premier ministre. … je compte un ancien sénateur, avec Christophe Béchu
M. Emmanuel Capus applaudit.
, et un sénateur actuel, même s’il est aujourd’hui au Gouvernement, avec Sébastien Lecornu. Je compte aussi des maires – Catherine Vautrin ou Rachida Dati, pour le VIIe arrondissement de Paris
Exclamations ironiques sur les travé es du groupe Les Républicains.
À la tête de cette équipe, je viens devant vous, prêt à m’engager.
Je m’engage à travailler avec le Sénat, sur tous les textes et dans toutes les circonstances. J’y ai tenu comme ministre des comptes publics, comme ministre de l’éducation nationale. J’y tiens aujourd’hui comme Premier ministre, et nous le ferons, avec l’ensemble de mon gouvernement.
Je m’engage à avancer, à l’écoute de nos élus et de nos territoires. Le cap a été fixé par le Président de la République, mais c’est aussi à leur contact que j’ai construit les constats et les solutions de ma déclaration de politique générale. C’est avec eux que je veux gouverner, décider. Je serai un Premier ministre de terrain, à la tête d’un gouvernement de terrain.
Je m’engage, enfin, à agir toujours pour la simplification, pour le bon sens, pour le quotidien des Français. Que nous disent les élus ? Que nous disent nos concitoyens ? Que nous disent les agriculteurs, ces derniers jours ? Qu’ils croulent sous les règles et sous les normes qui les brident, les briment et empêchent notre pays d’avancer.
Alors, ma méthode sera simple : dialoguer, écouter et décider. Décider de mesures claires et compréhensibles ; décider pour que les choses changent vraiment, toujours pour les Français.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, le cri de colère lancé par nos agriculteurs ces derniers jours est le reflet des doutes, des exaspérations, des colères, mais aussi des espoirs et des opportunités de notre pays.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
La France est une grande patrie agricole. L’agriculture fait partie de l’âme de notre pays. Elle fait partie de nos racines et de notre héritage.
Chaque territoire a son emblème, qui fait écho aux cultures et aux élevages. Et si les mots « pays » et « paysan » se ressemblent tant, c’est parce que l’un ne va pas sans l’autre.
Je n’imagine pas la France sans son agriculture, et la France ne serait pas la France sans ses agriculteurs.
Pourtant, nos agriculteurs souffrent. Ils incarnent tous les défis d’une France qui doute. Ils sont le visage du travail et du dévouement. Ils ne connaissent ni vacances ni véritable repos. Et pourtant, leur rémunération n’est pas toujours à la hauteur de leur engagement, à la hauteur de ce qu’ils apportent à notre pays.
Alors oui, tous les Français des classes moyennes se reconnaissent en eux, tous ces Français qui ne peuvent compter que sur leur travail, mais doivent compter chaque euro à la fin du mois.
Nos agriculteurs sont les premières victimes du dérèglement climatique. Ils subissent le gel, la sécheresse, les inondations.
Alors oui, toute notre société se retrouve dans leurs inquiétudes.
Nos agriculteurs croulent sous les normes. Chacune de leurs initiatives devient un parcours du combattant. Chacune de leurs actions est réglementée et surréglementée.
Alors oui, chacun de nos concitoyens partage leur volonté de respirer, de se débarrasser des procédures inutiles, de voir leurs initiatives libérées de la bureaucratie.
Nos agriculteurs s’interrogent sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ils savent ce que la politique agricole commune (PAC) leur apporte, mais ils n’acceptent pas – pas plus que nous – certaines de ses lourdeurs.
Alors oui, nos compatriotes s’identifient à cette interrogation, eux qui savent très bien que nous sommes plus forts grâce à l’Europe, mais exigent que l’Union européenne soit plus proche, plus efficace, plus protectrice.
Je le dis sans détour, nous devons aussi prendre notre part. J’en prends l’engagement, nous ne surtransposerons pas les normes européennes.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.
Nous devons être aux côtés de nos agriculteurs et nous ne pouvons pas nous-mêmes leur mettre des boulets aux pieds dans une compétition européenne et mondiale.
Nos agriculteurs aspirent à la souveraineté. Ils s’indignent de la concurrence déloyale de ceux qui ne respectent pas les mêmes standards de qualité que nous. Ils aspirent à construire notre indépendance agricole et alimentaire. Ils ont raison.
Alors, cet appel, avec le Président de la République, avec mon gouvernement, nous l’entendons. Nous y répondons, car je sais qu’il rejoint celui de 68 millions de Français qui veulent une France plus forte, plus indépendante, plus souveraine.
Enfin, ce cri de colère de nos agriculteurs est aussi un appel à la reconnaissance, face à ceux qui n’ont eu de cesse, ces dernières années, de les traiter comme des pollueurs, comme des bandits, comme des bourreaux, face à ceux qui en font des boucs émissaires faciles et leur prêtent tous les maux.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Là encore, nos compatriotes se retrouvent dans cette volonté de reconnaissance. Ils refusent de se résigner au déclin que promettent les fatalistes et les oiseaux de mauvais augure. Ils veulent agir, défendre notre identité et défendre la France.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sous l’autorité du Président de la République, avec mon gouvernement, avec vous, je veux restaurer cette fierté française !
Je veux répondre aux inquiétudes de nos compatriotes, une à une, sans exception.
Je veux que le travail paie plus et paie mieux, notamment pour nos concitoyens des classes moyennes.
Je veux débureaucratiser notre pays, simplifier la vie, déverrouiller les initiatives, améliorer le quotidien.
Je veux porter une souveraineté nationale et européenne, construire une France plus juste et plus libre dans une Europe plus forte.
Je veux que chaque Française et chaque Français puisse être fier de son pays, que chacun sache qu’il a pleinement le contrôle de sa vie et que la France a pleinement son destin en main.
Cette ambition, c’est celle qu’ont portée, depuis 2017, le Président de la République et les gouvernements d’Édouard Philippe, de Jean Castex et d’Élisabeth Borne. C’est celle que portera mon gouvernement, avec pour seul cap de donner des résultats pour les Français.
Comme le veut la coutume républicaine, vous avez entendu hier la lecture de la déclaration de politique générale que je faisais à l’Assemblée nationale. Je remercie Bruno Le Maire de l’avoir lue dans ses moindres détails…
Sourires. – Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.
Je ne reviendrai pas sur tous ses éléments, mais je souhaite, devant vous, évoquer les grands combats qui mobiliseront mon gouvernement. Ce qui m’importe est que nous puissions avoir un échange, que je puisse vous entendre et vous répondre.
À l’écoute des Français, des forces politiques, des partenaires sociaux, des élus locaux et de nos concitoyens, j’ai pensé et bâti de premières réponses.
Parler aux Français, c’est d’abord entendre une exaspération, celle de nos concitoyens des classes moyennes, trop aisés pour bénéficier des aides, mais pas assez pour être à l’aise, et qui ne peuvent compter que sur leur travail, ces Français qui demandent que le travail paie plus et toujours mieux que l’inactivité.
Parler aux Français, c’est entendre un doute sur nos services publics, sur le respect de l’autorité dans notre société.
Mme Cécile Cukierman s ’ exclame.
J’ai perçu la crainte du recul et de l’éloignement, pour la santé, l’éducation ou la sécurité, pour toutes les procédures du quotidien ; la crainte du déclin, la crainte de services publics qui ne seraient plus à la hauteur, alors même que l’on travaille dur et que l’on paie ses impôts pour les financer ; la crainte d’une France à deux vitesses, où les classes moyennes et la France modeste n’auraient plus accès à des services de qualité, une France où trop de nos concitoyens ont le sentiment de ne pas en avoir pour leurs impôts.
Parler aux Français, enfin, c’est parler de transition écologique. Qu’il s’agisse des jeunes qui s’engagent pour défendre la planète, des habitants du Pas-de-Calais, victimes d’inondations pour la deuxième fois en quelques mois, …
… ou des agriculteurs que j’ai rencontrés dans le Rhône, en Indre-et-Loire ou en Haute-Garonne, tous ont voulu m’interpeller sur le dérèglement climatique et tous veulent agir.
Nous partons d’un bilan solide.
Depuis 2017, sous l’autorité du Président de la République, nous avons mené des réformes fortes, qui avaient trop attendu, pour libérer le marché du travail.
Nous en avons mené plusieurs, ensemble, encore ces derniers mois. Je pense notamment à la réforme de l’assurance chômage ou à la réforme des retraites.
Aujourd’hui, de premiers résultats arrivent : le chômage est à son niveau le plus bas depuis vingt-cinq ans et 2 millions d’emplois ont été créés. On crée désormais plus d’emplois industriels qu’on en supprime dans notre pays. On ouvre plus d’usines qu’on en ferme !
Évidemment, ce n’est qu’un début, cela n’efface pas encore des années de désindustrialisation, …
… mais les premiers signaux sont là : nous avons inversé la tendance.
Nous amplifions notre action sur l’apprentissage. Il y avait, avant l’élection du Président de la République, un peu moins de 300 000 jeunes en apprentissage chaque année. Nous en sommes cette année à 850 000, et nous approchons du million d’apprentis.
Depuis 2017, nous avons entamé le redressement de nos services publics.
Nous avons investi des montants historiques pour notre hôpital.
Nous avons engagé des réformes fortes pour notre éducation et revalorisé les professeurs.
Nous avons renforcé notre État régalien, avec des investissements sans précédent pour notre sécurité, notre justice et nos armées.
Nous avons agi, aussi, pour les services publics de proximité, pour veiller à ce que chacun y ait accès, en maillant le territoire d’espaces France Services. Ils sont la porte ouverte aux démarches de nos concitoyens, pour tous, où que ce soit.
Enfin, nos émissions de gaz à effet de serre ont diminué l’année dernière comme elles n’avaient jamais diminué dans notre pays. En moyenne, elles baissaient de 1 % par an avant 2017. Durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, elles ont baissé de 2 % par an en moyenne. Mieux, sur les neuf premiers mois de 2023, elles ont été réduites de près de 5 %.
J’y vois la preuve que, lorsqu’on investit massivement, plutôt que de punir et de brutaliser nos concitoyens, lorsqu’on accompagne des secteurs économiques, des entreprises et des industries particulièrement polluantes, qu’on les aide à se décarboner
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
… sans chercher à punir, à taxer et à brutaliser.
Cette planification se construira avec les territoires – j’y reviendrai. Elle s’adaptera aux défis et aux besoins de chacun d’eux.
Cela étant dit, je reste parfaitement lucide : nous n’avons pas réglé tous les problèmes, il reste évidemment des difficultés dans notre pays. Il y a des Français qui souffrent. Il y a des Français qui doutent. Il y a des Français qui attendent. Il y a même des Français qui n’attendent plus rien, parce qu’ils n’y croient plus !
Exclamations sur les travées du groupe SER.
Je suis conscient du chemin qu’il reste à parcourir pour restaurer la confiance, pour arriver à ce dernier kilomètre où nos annonces se traduisent très concrètement dans le quotidien des Français.
À cet égard, le premier de mes combats restera celui du travail.
Agir pour le travail, c’est d’abord veiller à ce que ceux qui travaillent gagnent toujours plus que ceux qui ne travaillent pas.
Agir pour le travail, c’est veiller à ce que l’on gagne mieux sa vie et offrir des perspectives d’évolution à chacun. C’est aussi mettre fin à ce paradoxe : avec un chômage autour de 7 %, il reste des centaines de milliers d’emplois non pourvus sur le territoire.
Aussi, nous agirons autour de trois piliers : désmiscardiser, déverrouiller, débureaucratiser.
Un travail d’ampleur a été entamé pour qu’il n’y ait plus de branche professionnelle qui rémunère en dessous du Smic. Nous allons le poursuivre et prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’il puisse aboutir.
Ensuite, nous devons nous préoccuper de tous ces Français qui sont au Smic ou légèrement au-dessus. Ces dernières décennies, les exonérations de cotisations et les dispositifs de soutien, notamment via la prime d’activité, ont été concentrés autour du Smic.
Le résultat, c’est qu’aujourd’hui personne n’a intérêt à augmenter le salaire des salariés proches du Smic : l’employeur doit payer beaucoup plus de cotisations sociales et le salarié perd de sa prime d’activité, voit sa CSG augmenter et, bien souvent, entre dans l’impôt sur le revenu.
Il faut sortir de ce que certains appellent, techniquement, un coin fiscalo-social, où se retrouvent trop de Français. Nous avons certes un Smic supérieur à celui de nos voisins – c’est une chance ! –, mais nous avons beaucoup plus de salariés qui sont proches du salaire minimum que dans ces pays, à cause de cette forme de trappe dont nous devons sortir.
Des propositions ont été faites par des parlementaires et des experts, par les partenaires sociaux aussi. Des travaux ont été engagés. Je souhaite que, dans les prochains textes financiers, nous amorcions cette évolution.
Je veux également que nous avancions sur la rémunération des fonctionnaires et que nous rendions leurs carrières plus attractives en favorisant l’engagement et le mérite plutôt que la seule ancienneté. Un projet de loi vous sera présenté en ce sens dès le second semestre de cette année.
Je veux œuvrer en faveur de nos indépendants en poursuivant la réforme de l’assiette sociale, qui doit permettre à des millions d’artisans, de commerçants, d’agriculteurs et de membres des professions libérales d’acquérir davantage de droits sociaux, notamment pour leur retraite, sans payer plus de cotisations.
Notre deuxième objectif, c’est de déverrouiller le travail, en incitant à l’activité et en accompagnant vers le marché du travail ceux qui en sont exclus.
C’est le sens de l’expérimentation du revenu de solidarité active (RSA) accompagné de quinze heures d’activité pour l’insertion. Dix-huit départements sont déjà concernés ; ils seront quarante-sept le mois prochain. Nous généraliserons ce dispositif à l’ensemble du territoire dès le 1er janvier 2025.
Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.
C’est notre volonté d’aller plus loin dans la réforme de l’assurance chômage. Nous devons faire preuve de responsabilité, d’audace et d’ambition, nous devons inciter toujours plus à la reprise du travail.
C’est notre volonté de supprimer toutes les trappes à inactivité, ce que j’assume totalement. Je pense notamment à l’allocation de solidarité spécifique (ASS), qui prolonge les aides après la fin de l’assurance chômage et qui permet de valider des trimestres de retraite, alors que nous considérons que la retraite doit toujours être le fruit d’années et de trimestres de travail, et non pas d’allocations sociales.
Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.
Déverrouiller le travail, c’est aussi faire en sorte que chacun touche tout ce à quoi il a droit.
C’est tout le sens de la solidarité à la source. Nous allons poursuivre ce chantier.
Déverrouiller le travail, c’est l’adapter aux évolutions des attentes et des aspirations de nos concitoyens.
L’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, la question des horaires, celle des méthodes de management et celle du télétravail sont autant de défis auxquels nous devons répondre. Je souhaite que l’État soit exemplaire et puisse proposer, comme je l’ai fait à Bercy, de nouvelles organisations pour nos agents publics, en ayant recours à l’expérimentation.
Déverrouiller le travail, c’est libérer notre économie.
Au printemps, nous examinerons un projet de loi en ce sens. Je souhaite notamment qu’il permette de déverrouiller un certain nombre de professions, comme l’avait fait la fameuse loi Macron.
Enfin, déverrouiller le travail, c’est permettre à chacun d’accéder à un logement, car sans logement abordable, il est impossible d’accéder à un emploi.
Plus largement, le logement est une des matrices de notre société. C’est la voie ouverte à une vie digne. C’est la confiance retrouvée pour beaucoup de Français des classes moyennes, qui voient dans l’accès à la propriété la condition d’une retraite sereine à l’avenir.
Nous voulons aboutir à un choc d’offre grâce à la simplification des normes, notamment en revoyant les diagnostics de performance énergétique (DPE), en simplifiant la densification ou en levant certaines contraintes de zonage.
Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.
Nous créerons ce choc d’offre en assumant de réquisitionner des bâtiments vides, notamment de bureaux. Nous le créerons en soutenant le logement social, grâce à un nouveau prêt de long terme pour acheter du foncier : 2 milliards d’euros seront ainsi distribués par la Banque des territoires.
Évidemment, ce que je propose ici n’est qu’un début. Pour continuer à bâtir et à construire, pour continuer à permettre à tous ceux qui le souhaitent de devenir propriétaires, nous irons plus loin : plus loin pour soutenir la construction ; plus loin pour soutenir les Français qui veulent devenir ou rester propriétaires ; plus loin pour loger un certain nombre d’agents publics qui assurent notamment notre sécurité, notre santé et l’éducation de nos enfants, et qui doivent bénéficier d’une forme de priorité dans l’accès au logement social
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.
Alors, nous allons proposer de faire évoluer la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, répondant ainsi à des attentes anciennes et récurrentes des élus locaux.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. D’une part, les maires auront enfin la main pour la première attribution des logements sociaux dans leur commune.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.
D’autre part, nous proposerons que les logements intermédiaires, accessibles à la classe moyenne, soient désormais inclus dans le calcul de la part de logement social que prévoit la loi SRU.
Mêmes mouvements.
Je veux le dire clairement à ceux qui s’inquiètent : dans les communes soumises à loi, nous maintiendrons évidemment une exigence quant au nombre minimal de logements très sociaux.
Enfin, à la veille des 70 ans de l’appel de l’abbé Pierre
Exclamations indignées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.
… je veux rappeler ici l’engagement de mon gouvernement à lutter contre le mal-logement. Un logement digne, c’est le fondement d’une vie digne. Nous y travaillerons.
Une proposition de loi pour lutter contre les copropriétés dégradées a été adoptée à la quasi-unanimité par l’Assemblée nationale. Je suis sûr que nous pourrons travailler ensemble au Sénat pour faire avancer ce combat.
Nous y travaillerons aussi en continuant à soutenir le logement d’urgence. Je rappelle à ceux qui nous interpellent que, lorsque le Président de la République a été élu en 2017, …
M. Gabriel Attal, Premier ministre. … il y avait à peine une centaine de milliers de places d’hébergement d’urgence. Nous avons doublé ce nombre, pour atteindre aujourd’hui 200 000 places.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.
Nous n’avons aucune leçon à recevoir à ce sujet !
Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, notre troisième priorité, …
Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.
Hier à l’Assemblée nationale, certains députés y sont allés très fort, mais j’ai quand même réussi à dérouler mon discours. Soyez sûrs que je ferai de même ici, en dépit des interpellations !
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.
Notre troisième priorité, c’est de débureaucratiser la société.
Les agriculteurs, les élus locaux, les entrepreneurs, les indépendants et les artisans, tous ceux qui créent de l’emploi sur notre sol, tous ceux qui agissent, nous le disent : il y a trop de règles, trop de normes, trop de procédures qui les briment et, parfois, brisent leurs initiatives.
Alors, face à la bureaucratisation, il y a une réponse simple : la simplification.
À l’automne, nous engagerons une nouvelle étape de la réforme du droit du travail, pour simplifier la vie de nos entrepreneurs et le quotidien de nos TPE et PME.
Nous allons également simplifier nos procédures pour amplifier encore la réindustrialisation. Nous avons beaucoup avancé avec la loi Industrie verte, mais il faut aller plus loin, car il n’est pas normal, par exemple, que l’implantation d’un projet industriel prenne deux fois plus de temps en France qu’en Allemagne. Cela limite les possibilités d’investissements étrangers sur notre territoire.
Une fois ce constat posé, monsieur Husson, on prend un certain nombre de mesures pour continuer à réduire les délais. Nous présenterons ainsi une seconde loi Industrie verte pour aller encore plus loin. J’ai donné une première piste hier à l’Assemblée nationale, qui est de recentrer le travail de la Commission nationale du débat public (CNDP) sur les très grands projets d’envergure nationale pour libérer d’autres initiatives de moindre ampleur, ce qui fera gagner six mois à certaines procédures.
La débureaucratisation doit toucher tous les secteurs. Aujourd’hui, chaque Français, dans ses démarches, dans son activité, peut mesurer combien notre pays est bridé, à quel point nous pourrions faire mieux et plus vite. Tous les sujets sont sur la table pour simplifier, pour accélérer, pour faciliter la vie des Français.
Je m’y engage devant vous, nous ferons ce travail de débureaucratisation en premier lieu avec les maires. Ceux-ci sont très concernés par ce problème dans leur action quotidienne ; ils sont les témoins de toutes ces complexités. En effet, bien souvent, les entrepreneurs, les agriculteurs, les simples citoyens qui font face à ces difficultés avec les normes et les procédures viennent en parler d’abord à leur maire. Ces élus sont les plus lucides sur la question ; ils ont la vision la plus exhaustive de toutes ces contraintes et de tous ces freins dans la vie de nos concitoyens.
M. Guillaume Gontard s ’ exclame.
C’est donc avec eux que nous construirons des solutions, pour eux-mêmes et pour l’ensemble de nos concitoyens, dont ils se feront les porte-voix.
Nous allons déverrouiller, désmicardiser, débureaucratiser, dans un seul objectif : réarmer notre pays
Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe L es R épublicains .
Pour ce faire – je sais combien vous y êtes attentifs –, nous devons faire preuve d’une responsabilité budgétaire absolue.
La dette publique est une épée de Damoclès au-dessus de notre modèle social, au-dessus de la capacité à agir des jeunes générations.
C’est une menace majeure pour nos classes moyennes, qui seraient les premières victimes d’une cure massive d’austérité et d’une augmentation brutale des impôts.
Aussi, grâce à l’activité et au travail, grâce à la maîtrise des dépenses, grâce à des réformes structurelles, nous allons tenir notre cap, qui doit nous conduire à repasser sous les 3 % de déficit public d’ici à 2027.
Nous le ferons sans augmenter les impôts.
Nous le ferons en menant une revue des dépenses ambitieuse, qui concernera tous les ministères. De premières mesures d’économie seront annoncées à la fin du mois de mars, et nous y travaillerons ensemble en vue du prochain projet de loi de finances. Je souhaite que la représentation nationale dans son ensemble puisse se saisir, très en amont de la discussion budgétaire, de ces propositions d’économies pour que nous puissions échanger à ce sujet.
Nous atteindrons aussi nos objectifs en renforçant encore notre lutte contre la fraude, qu’elle soit fiscale, sociale ou douanière. Vous savez combien j’y suis attentif. Je regarde la sénatrice Goulet
Sourires et applaudissements sur des travées du groupe UC.
Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, grâce à ces réformes, grâce à l’activité et au travail, nous allons pouvoir continuer à réarmer nos services publics ; nous ferons en sorte que tous les Français en soient fiers.
Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe L es R épublicains .
Je pense à notre système de santé : nous devons aller plus vite et plus fort ; nous le devons à nos soignants. C’est grâce à leur engagement sans faille que le système tient, et je veux leur rendre hommage.
Alors, je ne me paie pas de mots : je sais que les soignants, comme les patients, attendent des actes et, avec mon gouvernement, nous allons continuer à agir.
Nous devons d’abord faire en sorte qu’il y ait plus de médecins et plus de soignants dans notre pays. C’est le sens de la suppression du numerus clausus, mesure structurante, mais dont les effets ne se feront pas ressentir immédiatement. Elle devra donc sans doute être accompagnée d’autres dispositifs, pour que nous puissions former davantage de médecins. Je ne me résoudrai jamais à ce que de jeunes Français qui travaillent pour devenir médecins doivent partir à l’étranger, à l’est de l’Europe ou ailleurs, pour poursuivre leurs études.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.
Pour agir rapidement, parce que nous avons besoin de médecins tout de suite et que cela prend du temps d’en former, nous allons régulariser les médecins étrangers sur notre territoire. §C’était un engagement du Président de la République.
Nous allons aussi permettre aux soignants qui exercent depuis des années de bénéficier de passerelles effectives et efficaces pour les études de médecine. Ainsi, une infirmière-anesthésiste avec un diplôme bac+5 et plusieurs années d’expérience doit pouvoir entrer au moins en troisième année de médecine si elle souhaite s’engager dans cette voie et exercer au plus vite. §J’ai eu l’occasion de le dire hier à l’Assemblée nationale. C’est d’ailleurs une proposition du député Yannick Neuder, du groupe Les Républicains.
Pour agir rapidement, nous allons libérer du temps médical. C’est pourquoi nous doublerons le nombre d’assistants médicaux.
Par ailleurs, nous assumons de dire que, quand on a un rendez-vous chez le médecin et qu’on ne s’y présente pas sans prévenir, on paie sa consultation, quel que soit son statut ou sa couverture !
C’est bel et bien une question d’accès aux soins : chaque année, des millions de consultations sont ainsi perdues à cause de patients ne se présentant pas à un rendez-vous. Les médecins nous le disent, tout comme les Français qui n’ont pas accès à des praticiens suffisamment rapidement.
Il faut responsabiliser les Français. Les droits et devoirs valent pour tout le monde !
Nous allons continuer à lutter contre le phénomène des déserts médicaux, source d’angoisse pour nos concitoyens, notamment dans la ruralité et les villes petites ou moyennes.
Je le sais, c’est une préoccupation forte du Sénat. Vous ne manquez aucune occasion de vous en faire les relais, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs. C’est aussi une priorité d’action de mon gouvernement ; je m’y engage devant vous.
Depuis 2017, nous avons déployé le service d’accès aux soins (SAS), qui permet d’améliorer l’accès à la santé. Je me suis rendu à Dijon il y a quelques jours avec certains d’entre vous : nous l’avons vu, ce système fonctionne et permet de mieux orienter les patients pour des actes non programmés et ainsi de désengorger les urgences. Les patients sont ainsi pris en charge en ville quand c’est ce qui est nécessaire.
D’ici à l’été prochain, je souhaite que chaque département soit doté d’un service d’accès aux soins. Si ce n’était pas le cas, si les réponses demeuraient insuffisantes – je n’ai pas de tabou –, des obligations de garde pour les médecins libéraux pourraient être mises en place.
Enfin, je veux dire un mot sur la santé de nos jeunes et sur le travail exceptionnel effectué par les infirmières scolaires pour détecter, conseiller et soigner. Nous avons besoin de plus d’infirmières scolaires.
Nous voulons rendre leur métier plus attractif. Aussi, nous leur verserons une prime exceptionnelle de 800 euros au mois de mai.
C’est juste et nécessaire.
Nous déploierons également des maisons des adolescents dans tous les territoires. Nous reverrons complètement le dispositif Mon soutien psy, afin que les jeunes souffrant d’une dépression ou d’un mal-être, ou encore ceux qui ont des pensées suicidaires, puissent accéder à une prise en charge par un psychologue beaucoup plus rapidement. Je sais que le Sénat s’est engagé sur ce sujet également – Mme la sénatrice Delattre a beaucoup travaillé sur cette question, …
Exclamations amusées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.
Sourires.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. … comme d’autres parmi vous ! Certains sont engagés sur d’autres sujets, comme Mme la sénatrice Schillinger sur la santé.
Mêmes mouvements. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Le réarmement de nos services publics, c’est le réarmement de notre école.
Aujourd’hui, les parents s’inquiètent du niveau scolaire et les enseignants ont le sentiment de ne plus avoir les moyens de faire progresser leurs élèves. La réponse doit d’abord être le choc des savoirs.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.
Il faut faire en sorte que l’école ne soit pas un escalator permettant aux élèves de passer de classe en classe automatiquement, sans avoir à fournir d’efforts, sans que personne vérifie s’ils ont le niveau suffisant pour réussir dans la classe supérieure.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.
C’est pourquoi nous assumons – un décret sera pris dans les toutes prochaines semaines – de redonner le dernier mot concernant un redoublement à l’équipe pédagogique et non plus à la famille. Personne ne connaît mieux qu’un enseignant le niveau d’un élève et sa capacité à réussir dans la classe supérieure.
Nous assumons également de relever le niveau du brevet des collèges. Je réitère devant vous notre engagement : nous supprimerons le correctif académique, qui conduit depuis des années à gonfler artificiellement les notes au brevet de nos élèves…
… dans beaucoup de territoires pour atteindre un certain taux de réussite et ainsi faire plaisir à tout le monde.
Mentir à nos élèves sur leurs notes, mentir aux familles sur le niveau de leurs enfants, c’est ne pas répondre à l’exigence que nous avons pour nos élèves.
In fine, c’est ne pas respecter notre objectif en matière d’égalité des chances. Un diplôme sans conséquences, c’est un diplôme qui n’a pas de sens. Nous rehausserons donc le niveau du brevet des collèges.
Pour apprendre, chacun doit pouvoir aller à son rythme. C’est pourquoi nous mettrons en place dès la rentrée prochaine des groupes de niveau en français et en mathématiques. Un enseignant de français qui a dans sa classe à la fois des élèves qui ne savent pas lire et des élèves qui savent très bien lire n’arrive plus à faire progresser personne. Nous assumerons la création de ces groupes de niveau dans ces matières.
Pour apprendre, les élèves ne doivent pas être distraits et obnubilés par les écrans. Les écrans sont une catastrophe éducative et sanitaire en puissance. Nous avons donc banni les téléphones portables au collège et, conformément à l’engagement du Président de la République, nous déploierons de nouvelles mesures pour mieux réguler l’usage des écrans à l’école comme en dehors de celle-ci.
J’ajoute que, pour apprendre, nos élèves doivent avoir des enseignants devant eux. Nous avons déjà multiplié par trois la part d’heures remplacées, mais nous n’y sommes pas encore. Nous évaluerons les effets du pacte enseignant et nous en tirerons toutes les leçons.
Pour réarmer notre école, il faut que nos élèves soient heureux. C’est pour leur bien-être que nous luttons pied à pied, sans relâche, contre le harcèlement scolaire. Je sais que c’est un sujet sur lequel beaucoup se sont engagés dans cet hémicycle. C’est un défi qui me tient à cœur. Je suis fier d’avoir lancé une nouvelle stratégie contre le harcèlement ; fier que ce soit désormais à l’élève harceleur de quitter l’établissement et non plus à l’élève harcelé.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE et UC. – Mme Marie Mercier applaudit également.
C’est pour le bien-être de tous les élèves que nous bâtissons une école inclusive, pour une société inclusive. Pour nos enfants en situation de handicap, l’État prendra désormais en charge les salaires des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) durant la pause du midi. Cette mesure figurait dans une proposition de loi présentée par le sénateur Vial ; nous la soutenons.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains. – Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Patrick Kanner applaudissent également.
Nous mettons ainsi fin à des années de querelles entre les collectivités locales et l’État, querelles qui nuisent aux élèves en situation de handicap et à ceux qui les aident.
Après avoir évoqué les élèves de nos écoles, je veux aussi avoir un mot pour les étudiantes et les étudiants de notre pays.
Nous continuerons à agir pour eux et pour notre enseignement supérieur, que nous souhaitons orienter vers des filières d’avenir pourvoyeuses de sens et d’emplois. Nous continuerons à agir en faveur de celles et de ceux pour qui étudier demande des sacrifices et qui sont le plus en difficulté. Aussi, nous avons maintenu les repas à 1 euro dans les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) pour les étudiants boursiers et pour les non-boursiers qui en auraient besoin.
Nous menons une réforme des bourses qui a déjà permis de toucher plus d’étudiants et de revaloriser les montants perçus – jusqu’à 127 euros supplémentaires par mois pour les étudiants dans l’Hexagone, 157 euros dans les outre-mer.
Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, le réarmement de l’école…
M. Mickaël Vallet. Ce n’est plus un gouvernement, c’est une armurerie !
Sourires sur les travées du groupe SER.
… sera vain si nos valeurs et l’autorité n’y sont pas respectées.
Comme ministre, j’ai toujours été du côté de nos professeurs. Comme chef du Gouvernement, je le reste et je le resterai.
L’autorité, c’est respecter les professeurs et nos valeurs républicaines. La relation entre un professeur et son élève n’est pas une relation d’égal à égal : il y a celui qui sait et celui qui apprend ; celui qui sait a l’autorité sur celui qui apprend, l’autorité que lui confère sa mission, son savoir et ses années de formation.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
L’autorité, c’est pouvoir enseigner tout le programme, sans exception, et avoir une échelle de sanctions adaptées pour les élèves qui ne l’accepteraient pas. C’est veiller à ce que tous les élèves respectent nos valeurs républicaines : la liberté, l’égalité et la fraternité, mais aussi et évidemment, en leur sein, la laïcité, fondement même de l’école de la République. Nous devons continuer de la défendre, comme nous l’avons fait en assumant l’interdiction de l’abaya dans tous les établissements scolaires de notre pays.
Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.
L’autorité, c’est aussi apprendre partout les paroles de la Marseillaise, c’est aussi doubler le nombre d’heures d’instruction civique dès le collège.
L’autorité, c’est à l’école, mais c’est aussi dans la famille.
Lors des émeutes de juillet dernier, la France a éprouvé un choc. Elle a notamment été sidérée par la jeunesse des émeutiers : souvent âgés de moins de 15 ans, quelquefois de moins de 13 ans, ces jeunes, pour qui la violence est parfois devenue un passe-temps, n’ont plus de repères. Nous devons pouvoir les accompagner, mais aussi davantage les sanctionner, avec des peines adaptées.
Aujourd’hui, il est impossible de prononcer une peine de travaux d’intérêt général (TIG) en dessous de 16 ans. Alors, nous créerons les travaux d’intérêt éducatif : cette peine pourra s’appliquer aux jeunes de moins de 16 ans.
Nous viendrons en appui des familles qui n’y arrivent plus, de ces mères, souvent seules, qui doivent élever plusieurs enfants et sont parfois impuissantes face à la dérive et aux mauvaises fréquentations de certains d’entre eux.
Nous proposerons que les jeunes à la dérive puissent être placés en internat sur simple demande des parents. Dans notre pays, 50 000 places d’internat sont vacantes ; elles doivent servir à accueillir des jeunes qui en ont besoin.
Enfin, nous devons responsabiliser les parents de jeunes délinquants qui se soustrairaient volontairement à leurs obligations parentales. Ils pourraient désormais être condamnés à des travaux d’intérêt général. Sur ce sujet aussi, nous avancerons.
L’autorité, c’est également dans la rue.
La délinquance mine la confiance dans le pacte républicain. Beaucoup a été fait, grâce à des moyens inédits, mais nous devons aussi revoir notre stratégie. Nous devons veiller à la sécurité de tous, partout en France, y compris dans nos territoires ruraux. C’est pourquoi nous installerons 238 nouvelles brigades de gendarmerie.
Nous allons amplifier encore notre lutte contre la drogue, qui est la matrice de tous les vices. Nous continuerons notre stratégie de pilonnage des points de deal, qui montre de premiers résultats : un quart des points de deal ont déjà été supprimés. Nous lancerons un nouveau plan de lutte contre les stupéfiants, comprenant notamment une mesure forte : nous taperons les trafiquants au porte-monnaie en gelant leurs avoirs.
Nous voulons également agir contre la délinquance du quotidien. Nous porterons ainsi une attention particulière à la lutte contre les cambriolages.
Enfin, pour être efficaces, nous avons besoin d’une réponse pénale à la hauteur. Nous voulons une justice plus rapide et plus efficace. Nous lui en donnons les moyens : son budget a connu une hausse historique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, alors que j’évoque le défi des services publics, je pense bien entendu à nos territoires d’outre-mer. Les outre-mer sont une chance immense pour la France. Ce sont aussi des terres où tous les défis semblent se concentrer : le défi de la vie chère, auquel nous devons répondre ; le défi de l’emploi, alors que le chômage y est plus élevé que dans l’Hexagone ; les défis de la santé, de l’école, de la sécurité ; ceux, enfin, que constituent la lutte contre l’immigration illégale et la transition écologique.
Aussi, nous allons continuer à agir pour nos outre-mer, nous allons continuer à prendre des mesures concrètes pour améliorer le quotidien de nos concitoyens ultramarins.
Nous devrons notamment prendre en compte les singularités de Mayotte et répondre aux défis qui se posent dans ce territoire, grâce à un projet de loi spécifique.
Enfin, il existe un lien particulier entre l’hôtel de Matignon et la Nouvelle-Calédonie, comme un écho du dialogue qui s’y est tenu, pour un espoir de paix et de construction de l’avenir.
Par trois fois, la Nouvelle-Calédonie a choisi la République. Il faut maintenant que les échanges en cours et le processus politique aboutissent. J’y serai attentif. À cet égard, vous examinerez dans quelques semaines un projet de loi constitutionnelle sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le troisième combat de mon gouvernement, c’est la transition écologique.
Ces derniers mois, nous nous sommes dotés d’un outil unique au monde : la planification écologique. Grâce à elle, nous avons une feuille de route précise, secteur par secteur, pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 ; pour nous adapter aux changements inévitables du climat ; pour restaurer notre biodiversité et préserver nos ressources.
Ces objectifs, nous y tenons ! Nous les atteindrons !
Le préalable, c’est de faire bloc. Il ne faut pas mener la transition écologique avec les uns et contre les autres. Nous voulons faire la transition avec le peuple et avec les élus, sans brutalité, sans invectives, sans décroissance.
Nous ne voulons montrer du doigt personne. Au contraire, il nous faut rassembler toutes celles et tous ceux qui ont conscience de la nécessité d’agir.
Nous serons toujours les porteurs d’une écologie des solutions, qui offre des alternatives et apporte des réponses à ceux qui ont peur de la transition écologique.
Je ne prendrai qu’un seul exemple : les transports.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez mieux que personne qu’il est impossible de priver nos concitoyens de leurs voitures dans la ruralité, dans les petites villes, dans les villes moyennes.
Les priver de voiture, ce serait les priver de travail, les priver de loisirs, les priver de vie sociale. Alors, plutôt que des privations, nous proposons des solutions. Tel est le sens de l’offre de location de véhicules électriques pour moins de 100 euros par mois.
C’est aussi pourquoi nous proposons de renforcer et de soutenir les alternatives à la voiture, là où c’est possible, puisque ça ne l’est pas partout, comme je l’ai dit il y a un instant.
À l’échelon métropolitain et régional, nous allons continuer d’agir en matière de transports en commun. Les engagements du Président de la République en matière de transport ferroviaire seront tenus.
La clé de la réussite de notre transition écologique, c’est sa capacité à s’ancrer dans les territoires.
Les territoires ne nous ont pas attendus pour agir. Les concertations se sont intensifiées depuis quelques mois, avec le lancement des COP territoriales, qui rassemblent les élus locaux à tous les échelons, territoire par territoire.
C’est ensemble, avec les élus, que nous pourrons poser les meilleurs diagnostics sur les enjeux de chaque territoire.
C’est ensemble, avec les élus, que nous pourrons bâtir les solutions les plus adaptées.
C’est ensemble aussi que nous pourrons disposer des financements adéquats. L’État sera au rendez-vous. À cet égard, je souhaite que les plans locaux de financement de la transition écologique soient tous conclus d’ici à cet été.
Enfin, c’est ensemble que nous pourrons bâtir la résilience des territoires face au dérèglement climatique. En prononçant ces mots, je pense notamment aux victimes des inondations dans le Pas-de-Calais. C’est auprès d’elles que j’ai fait mon premier déplacement en tant que Premier ministre. Comme je m’y étais engagé, je retournerai très prochainement auprès d’elles pour faire le point sur la reconstruction et sur le déblocage des aides d’urgence, mais aussi pour préparer l’avenir.
La transition écologique, c’est aussi réussir la transition énergétique. Je sais que ce sujet, lui aussi, importe particulièrement au Sénat.
Notre stratégie repose sur trois piliers : la sobriété, le nucléaire et le renouvelable. C’est grâce à cet équilibre que nous pourrons conquérir notre indépendance énergétique et garantir aux Français des prix bas et une énergie décarbonée.
Je veux le dire ici clairement, comme je l’ai fait hier à l’Assemblée nationale : nous assumons pleinement le choix du nucléaire.
Nous le soutenons, nous développons de nouveaux programmes. Et 2024 sera une grande année pour le nucléaire français, avec la mise en service du réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
Enfin, mener le combat de l’écologie à la française, c’est aussi poursuivre notre réarmement agricole. Protéger notre exception agricole française, voilà mon engagement !
Le Gouvernement mène ce combat depuis 2017, avec les plans de filière, les lois Égalim, l’assurance récolte et le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique.
La France défend ses positions à l’échelon européen pour protéger ses agriculteurs ; elle se bat pour de meilleures mesures et pour des clauses miroirs.
Aider nos agriculteurs à produire plus, en les libérant des démarches administratives qui les éloignent de leurs bêtes et de leurs champs, voilà la clé de notre indépendance alimentaire.
Nous devons aussi continuer à protéger les agriculteurs contre les crises, comme nous le faisons systématiquement depuis sept ans, mais aussi contre la concurrence déloyale de ceux qui n’ont pas les mêmes standards que nous et dont les produits arrivent pourtant en France.
Les mouvements de ces dernières semaines viennent de très loin. La situation ne se réglera pas tout de suite : le dire serait un mensonge. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que nous sommes déterminés à changer les choses, avec nos agriculteurs.
Dès la semaine dernière, j’ai apporté de premières réponses.
Ainsi, nous renforcerons les contrôles dans le cadre des négociations commerciales, pour une juste rémunération des agriculteurs. Nous simplifierons, dans les tout prochains jours, dix normes très concrètes. J’ai demandé aux préfets, partout en France, de réunir les représentants des agriculteurs dans chaque département afin de recenser les normes devant être simplifiées. La Haute-Garonne est le premier département à avoir entamé un tel travail. Après quelques réunions en une semaine, quatre arrêtés préfectoraux ont déjà été abrogés dans ce département.
Cela montre que cette méthode fonctionne. J’ai donc demandé qu’elle soit dupliquée dès cette semaine dans l’ensemble du territoire national.
Par ailleurs, nous apportons des réponses rapides pour la trésorerie des exploitants. Ainsi, nous avons annulé la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR) agricole et pris l’engagement de faire en sorte que les aides de la PAC soient versées avant le 15 mars.
Enfin, nous avons proposé des réponses rapides aux crises. Ainsi, le guichet de prise en charge du fonds vétérinaire pour la maladie hémorragique épizootique (MHE) ouvrira lundi prochain. J’ai également annoncé le doublement du fonds d’urgence pour la Bretagne.
Évidemment, beaucoup reste à faire, mais mon gouvernement et moi-même sommes pleinement mobilisés.
Nous avons avancé, ces derniers jours, avec les agriculteurs et leurs représentants, que j’ai rencontrés avant-hier soir, hier soir et ce matin encore. Nous allons notamment faciliter et favoriser l’installation et la transmission des exploitations, pour un meilleur renouvellement des générations.
Je ne crois pas à la crise des vocations en agriculture. Beaucoup de jeunes veulent s’engager dans ce secteur, mais aussi des moins jeunes, qui souhaitent parfois se reconvertir.
C’est à une crise de l’attractivité que nous faisons face. Il faut donc lever tous les freins qui brident les vocations. Nous avancerons sur ces questions.
Il faut continuer d’avancer sur la question du revenu et veiller à l’application des lois Égalim. Je rappelle que, avant ces textes, c’est la loi pour la modernisation de l’économie qui s’appliquait et qu’elle donnait les pleins pouvoirs à la grande distribution. À cet égard, le paquet Égalim a constitué un progrès.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.
Je n’ai rencontré aucun agriculteur, à ce stade, qui m’ait demandé de revenir à la situation antérieure aux lois Égalim.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Au contraire, les agriculteurs demandent que ces lois soient mieux appliquées et qu’elles soient corrigées sur un certain nombre de points. C’est l’objet de nos travaux et de nos discussions en ce moment.
Nous continuerons d’avancer en matière de simplification. De nouvelles mesures très concrètes seront prises pour simplifier le quotidien des agriculteurs.
Nous continuerons d’avancer sur la relation entre les agriculteurs et un certain nombre de services de l’État, notamment l’Office français de la biodiversité (OFB).
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
J’ai annoncé de premières mesures vendredi, je continuerai.
« Et le loup ? » sur des travées du groupe UC.
Nous continuerons d’avancer avec les agriculteurs en matière de concurrence équitable, en renforçant les contrôles sur les produits. Les choses sont simples : un produit qui entre dans notre pays doit répondre aux mêmes standards de qualité qu’un produit cultivé en France. Sinon, cela s’appelle de la concurrence déloyale, et nous sommes déterminés à la combattre.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Je rappelle que c’est notre majorité, soutenue d’ailleurs par la majorité sénatoriale, qui a assumé d’autoriser de nouveau l’utilisation des néonicotinoïdes pour la production de la betterave, après l’interdiction décidée au cours du quinquennat de François Hollande, sans aucune solution de remplacement.
Nous avons assumé cette décision et nous nous en tenons, depuis 2017, au principe : « Pas d’interdiction sans solution. »
Enfin, nous agissons à l’échelon européen.
Nous nous sommes fixé trois priorités dans l’immédiat : les importations ukrainiennes, les négociations avec le Mercosur et les jachères. Le Président de la République est mobilisé sur chacun de ces sujets. Ce matin même, un paquet de mesures a été adopté par la Commission européenne.
Je rappelle que, sur les jachères, la France est mobilisée depuis des mois. Nous avons réuni autour de nous une coalition de vingt-deux États, laquelle nous permet aujourd’hui d’obtenir une dérogation sur les jachères.
Mais M. Séjourné et les députés européens du groupe Renew, qu’ont-ils voté, eux ?
De même, en ce qui concerne la mise en place de mécanismes de sauvegarde vis-à-vis des importations ukrainiennes, notamment sur les volailles, les œufs et le sucre, les choses avancent. Des annonces ont été faites ce matin. Nous nous battons !
Enfin, quant à l’accord avec le Mercosur, la position de la France est claire : le compte n’y est pas et les conditions ne sont pas réunies pour sa conclusion, que nous avons bloquée.
J’ajoute que j’aurai un principe clair : appliquer le droit européen, mais rien de plus. Je prendrai des mesures pour éviter toute surtransposition.
Ce n’est évidemment pas tout, nous allons aller plus loin. J’étais encore ce matin avec les représentants des agriculteurs. Des contacts sont encore prévus dans les prochaines heures.
Je sais que vous l’êtes aussi, mesdames, messieurs les sénateurs. Je ferai dans les tout prochains jours des annonces à la suite du travail que nous menons ensemble.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, je veillerai également au respect de notre souveraineté nationale, qui est portée par des armées remarquables, dont nous aurons doublé le budget en deux quinquennats. La loi de programmation militaire prévoit ainsi des moyens sans précédent. Nous respecterons nos engagements.
Je tiens ici, avec vous, à rendre hommage à tous nos militaires, qui défendent et protègent la France et nos valeurs.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Patrick Kanner applaudit également.
Notre souveraineté nationale, c’est aussi le respect de nos frontières. Hier, j’ai posé un principe simple, auquel je me tiens : accueillir moins pour accueillir mieux.
Grâce à la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, nous avons renforcé notre droit. Grâce au pacte européen sur la migration et l’asile, nous sommes enfin en mesure de décider qui entre dans l’espace Schengen ou non.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Quant à la future réforme de l’aide médicale de l’État (AME), que ma prédécesseure s’était engagée à mener sur le fondement des recommandations du rapport de Claude Évin et Patrick Stefanini, nous serons, là aussi, rapidement en mesure d’avancer.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Enfin, notre souveraineté nationale, c’est encore notre souveraineté européenne.
Nous entrons dans une année cruciale pour l’Europe, une année où il faudra se déterminer – stop ou encore –, une année où il faudra choisir entre la faiblesse de l’isolement et la force du collectif.
Depuis 2017, l’Europe s’est prise en main. Elle est devenue plus forte, plus politique. Elle apporte des améliorations concrètes à la vie de nos concitoyens. Je pense aux vaccins contre le covid-19, aux moyens du plan de relance, au soutien à notre industrie. Elle nous permet également d’aborder certains grands défis avec plus de force et de puissance. Je pense à la lutte contre le dérèglement climatique, ou encore aux avancées que nous avons obtenues face aux géants du numérique ou aux multinationales qui pratiquent l’optimisation fiscale.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, assumer notre souveraineté, c’est aussi défendre résolument nos valeurs et chercher, toujours, de nouveaux progrès.
Nos valeurs, c’est notre exception culturelle. C’est aussi notre patrimoine, symbole de notre histoire ; nous devons le préserver et le mettre toujours en avant.
Notre création fait notre rayonnement et notre fierté : nous devons la soutenir et la rendre plus accessible à tous, notamment dans la ruralité. De premières initiatives ont été lancées par le Gouvernement ces derniers jours.
Nos valeurs, c’est aussi l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est le sens du futur congé de naissance, mieux rémunéré, que les parents pourront se répartir alors que le congé parental, lui, éloignait durablement les femmes de l’emploi.
Nos valeurs, c’est affirmer le droit des femmes à disposer de leur corps. Hier, dans un vote qui a dépassé les clivages, l’Assemblée nationale a adopté un projet de loi constitutionnelle pour inscrire la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC, GEST et SER.
Alors que les droits des femmes sont toujours les premiers remis en cause, je suis intimement convaincu qu’inscrire cette liberté dans la Constitution est une protection nécessaire.
Vous avez déjà réussi à travailler ensemble, Assemblée nationale et Sénat, sur une rédaction commune. Je suis sûr que vous y parviendrez de nouveau.
Enfin, nos valeurs, c’est permettre à chacun de mourir dans la dignité. La fin de vie relève de l’intime. C’est une question qui renvoie chacun à sa propre histoire, à ses propres convictions, à ce que l’on a vécu et à ce que l’on a vu.
Aujourd’hui, le constat de beaucoup de malades, de familles et de Français est pressant : nous devons entendre leur appel. Avec vous, avec gravité et prudence, et dans le respect des convictions de chacun, nous y répondrons. D’une part, nous déploierons plus d’unités de soins palliatifs – il en faut au moins une par département ; d’autre part, nous examinerons avant l’été un projet de loi sur l’aide active à mourir.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour chacune de nos politiques publiques, sans exception, nous agirons main dans la main avec les élus locaux, à l’écoute de leurs préoccupations, de leurs alertes et de leurs attentes.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Être élu local, je sais ce que c’est, pour avoir l’honneur d’être conseiller municipal d’opposition dans ma commune de Vanves, depuis dix ans déjà.
Sourires.
Être élu local, c’est le plus beau, le plus absolu des engagements ; je le vois dans ma ville, mais aussi dans chacun de mes déplacements. C’est se battre pour des projets, les bâtir et les voir grandir. C’est se battre pour ses concitoyens et prendre des décisions concrètes qui changent réellement le quotidien. C’est se battre pour un territoire, une parcelle de notre pays, qui détient une part de son histoire et de son identité.
Être élu local, c’est répondre à nos concitoyens, tous les jours, sans exception. C’est agir pour eux, croire en eux, être prêt à déplacer les montagnes pour eux, tous les jours, sans exception.
Avec vous, je veux rendre hommage à tous les élus locaux de France, les remercier, leur dire ma gratitude, ma confiance et celle de mon gouvernement, leur dire notre détermination, aussi, à construire l’avenir avec eux et à leur faciliter la vie, à faciliter leur mandat et leur mission.
Nous sommes prêts à avancer ensemble, prêts à accélérer, avec les territoires qui le souhaitent, sur les sujets qu’ils désirent, prêts à expérimenter, à différencier et à adapter nos règles ; mais, pour réussir, il faut que les choses soient claires. Je sais que les élus locaux, tout comme vous, demandent des clarifications : sur les compétences, sur le statut des élus, ou encore sur le financement des collectivités.
Reconnaissons-le, les compétences des uns et des autres s’enchevêtrent dans un véritable casse-tête. C’est inefficace pour notre action publique. C’est dangereux démocratiquement, car beaucoup de nos concitoyens ne savent plus vers qui se tourner, ne savent plus qui est responsable de quoi ; ils sont souvent perdus, déçus et sans réponse. C’est le cocktail parfait pour nourrir la défiance et la colère, autant dire le cocktail parfait pour faire le lit des populistes.
Alors, là aussi, la France a besoin d’une simplification forte. C’est tout l’enjeu de la mission confiée au député Éric Woerth par le Président de la République sur la clarification des compétences des collectivités.
Éric Woerth, avec qui j’ai échangé sur l’état d’avancement de sa mission, a procédé à beaucoup de consultations. Un certain nombre d’entre vous l’ont d’ailleurs rencontré.
Il s’appuie sur un certain nombre de travaux et de rapports, notamment sur certains qui ont été réalisés ici, au Sénat. L’enjeu, désormais, est d’avancer, et vite, vers cette clarification des compétences. Éric Woerth rendra ses premières conclusions au printemps.
Notre objectif est simple : dépasser les débats stériles sur les échelons à conserver ou à supprimer, pour nous concentrer sur les moyens d’améliorer réellement l’action publique locale.
La règle aussi doit être simple : pour une compétence, il faut un responsable et un financement spécifique. Je souhaite qu’un texte législatif, construit avec les associations d’élus, soit présenté avant la fin de l’année 2024 pour tirer les conséquences des conclusions de la mission d’Éric Woerth et des travaux qui ont été conduits par la Haute Assemblée et l’Assemblée nationale.
Dès maintenant, l’État prend sa part de cet effort de simplification.
D’une part, nous simplifierons drastiquement les normes applicables aux collectivités, pour redonner du pouvoir d’agir aux élus locaux. Cela passera notamment par une réforme du droit de dérogation. Nous voulons casser les carcans qui brident les initiatives des élus locaux.
D’autre part, je veux réaffirmer un principe simple : le préfet doit avoir autorité sur les opérateurs de son département, pour mieux coordonner leur action.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.
Sur tous ces sujets, je souhaite de premiers résultats et des décisions fortes dans les six mois qui viennent. J’y veillerai, en lien étroit avec les préfets.
Permettre aux élus d’accomplir pleinement leur mission, c’est aussi leur donner les marges de manœuvre dont ils ont besoin.
Nous avons déjà beaucoup fait, notamment du point de vue financier, je le rappelle. Nous avons tenu tous nos engagements à l’égard des collectivités. Dans les deux dernières lois de finances, pour la première fois depuis treize ans, la dotation globale de fonctionnement (DGF) a augmenté. §Je le redis, cela n’était pas arrivé depuis treize ans !
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Nous avons mis en œuvre des dispositifs visant à soutenir les collectivités les plus fragilisées par l’inflation, notamment par la hausse des prix de l’énergie.
Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE-K.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Il ne s’agit pas d’une hausse en trompe-l’œil, qui ne concernerait que quelques-uns : l’année dernière, dans la quasi-totalité des communes, la DGF est restée stable ou a augmenté. Je rappelle que, sous une autre majorité, il n’y a pas si longtemps, elle avait beaucoup baissé.
Applaudissementssur les travées du groupe RDPI.
Elle avait tellement baissé, elle n’a toujours pas retrouvé son niveau !
Nous devons maintenant aller plus loin. C’est pourquoi, je vous l’annonce, je souhaite que les préfets aient désormais une vision pluriannuelle, jusqu’en 2027, des dotations d’investissement, pour mieux accompagner les collectivités et leur donner de la visibilité dans la mise en œuvre de leurs projets.
C’est pourquoi mon gouvernement veillera toujours à ce que la lutte nécessaire contre le dérèglement climatique ne soit pas un frein au développement des territoires. Je pense notamment à la question du « zéro artificialisation nette » (ZAN). À cet égard, je salue tout le travail que vous avez effectué ici, l’année dernière, pour assouplir ce dispositif.
Permettre aux élus d’accomplir pleinement leur mission, c’est aussi les protéger.
Partout, les élus sont confrontés à des situations difficiles, tendues, mais partout ils répondent présent. Tous me parlent de leur passion pour leur mandat, mais beaucoup évoquent aussi leur découragement face à l’explosion des incivilités, des menaces et des attaques.
Nos élus sont en première ligne face à une société qui se brutalise. Ils en sont les premières victimes : insultes, menaces de mort, freins de voiture coupés, domicile vandalisé, menaces homophobes et, parfois même, famille attaquée !
Je le dis clairement : qui attaque un élu attaque la République, attaque notre modèle démocratique, attaque les fondements mêmes de notre société ! Toujours la République devra la protection à ses élus. Avec le Président de la République et l’ensemble de mon gouvernement, nous serons toujours à leurs côtés !
Nous allons par exemple renforcer notre droit et alourdir les peines prévues contre ceux qui attaquent nos élus. Je sais que des lois ont été adoptées, encore récemment. En réalité, l’enjeu fondamental est, bien entendu, que la réponse pénale soit au rendez-vous. Nous avons d’ores et déjà pris des mesures pour la renforcer, mais c’est au cœur, aux racines de la société, qu’il faut agir.
Évidemment, il faut punir et sanctionner celui qui s’en prend à un élu, à un professeur, ou à un policier, celui qui s’en prend à celles et à ceux qui incarnent notre République ! Mais, tout en cherchant à sanctionner, n’oublions jamais que la priorité doit être de s’interroger sur ce qui, dans notre société, conduit des personnes à s’en prendre à ce point à la République.
Le fait, par exemple, que le Président de la République ne les respecte pas ?
En l’occurrence, le rôle de l’école est absolument fondamental. Nous allons renforcer l’instruction civique et revoir l’échelle des sanctions dans l’école, afin que nous puissions prendre des sanctions, adaptées, à l’encontre de mineurs plus jeunes.
Au lieu d’attendre qu’un jeune avance en âge et commette des infractions plus graves pour le sanctionner lourdement, revenons au bon vieux principe de sanctions immédiates et proportionnées, permettant – j’assume de le dire ! – d’éduquer les jeunes, même si ce n’est pas la mission fondamentale de l’école, et de leur faire comprendre ce qu’est la République !
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.
Quand les violences s’ajoutent aux lourdeurs du mandat et à l’addition des normes, qui contraignent de plus en plus l’action des élus, il arrive malheureusement que certains baissent les bras.
Nous devons donc faire plus et mieux pour les soutenir dans leur engagement.
Je veux mettre en place un véritable statut de l’élu local, …
M. Gabriel Attal, Premier ministre. … permettant aux élus d’être mieux protégés, mieux indemnisés, mieux valorisés. Pour cela, je m’appuierai, là encore, sur des travaux parlementaires. Je pense à ceux de la sénatrice Françoise Gatel
Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE.
, mais également à ceux des députés Violette Spillebout et Sébastien Jumel. Eux aussi, vous pouvez aussi les applaudir ; ils s’engagent pour les élus !
Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP.
Faciliter l’engagement, faciliter les conditions d’exercice des mandats, faciliter les reconversions après la vie d’élu… sur tous ces sujets, nous pouvons avancer ensemble, unis, et trouver des accords au-delà des clivages partisans. Protéger nos élus n’attend pas. Je souhaite que nous avancions vite et que des propositions puissent aboutir d’ici à la fin du premier trimestre.
En outre, je veux continuer d’améliorer notre vie et notre démocratie locales.
Aussi, comme l’a annoncé le Président de la République, nous réformerons le mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille, en adoptant un principe simple : « Un habitant, une voix. » Chaque électeur doit pouvoir élire son maire beaucoup plus directement. Un texte sera présenté d’ici à la fin de l’année.
Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.
Nous continuerons le déploiement du plan France Ruralités, qui va permettre le retour de nos services publics dans les territoires. Nous allons aider les élus pour revitaliser les centres-villes et les centres-bourgs, comme nous avons commencé à le faire avec les plans Action cœur de ville. Nous continuerons à accompagner les territoires ruraux. La dotation aux communes pour les aménités rurales a été doublée cette année, et nous poursuivrons cet engagement dans les années à venir.
Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, cette feuille de route a été construite pour répondre aux préoccupations de tous les élus, à leur contact et à leur écoute. Mais elle ne marchera pas si on la met en œuvre depuis Paris.
Je continuerai à aller sur le terrain sans relâche pour échanger avec nos élus locaux, car parler aux élus locaux, c’est toujours prendre le pouls du pays.
Je continuerai à agir en lien étroit avec les associations d’élus, dans le respect et l’écoute, car elles sont déterminantes pour trouver des solutions.
Je continuerai évidemment à agir avec le Sénat, car vous faites entendre la voix des territoires.
Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, je viens de vous faire part du cap que suivra mon gouvernement. Mon ambition, autour du projet du Président de la République, vous la connaissez : bâtir notre souveraineté, restaurer la fierté française, avoir pleinement le contrôle de nos vies, avoir notre destin en main.
Cette ambition, je la porterai avec toutes les femmes et les hommes de bonne volonté prêts à agir pour notre pays avec nous. Je la porterai avec nos élus locaux, engagés pour leur territoire et déterminés à les défendre. Je la porterai avec les Français, en les écoutant toujours, en parlant toujours franchement, en agissant toujours résolument. Je la porterai devant l’Europe, une Europe résolue à construire une puissance européenne capable de répondre aux crises et d’agir au plus près de nos concitoyens.
Cet après-midi, devant le Sénat, le « Grand Conseil des communes de France » de Gambetta, devant ce Sénat profondément républicain, profondément attaché à nos territoires et entièrement tourné vers l’avenir, j’ai confiance.
J’ai confiance, car je sais que nous avons l’amour de la France en commun et l’envie d’agir en partage.
J’ai confiance, car on sait ici dépasser les clivages pour agir ensemble, au service des Français et de l’intérêt général.
De grands défis nous attendent. Je vous propose de les relever ensemble et de faire briller ensemble la fierté française !
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
Dans le débat, la parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains.
Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, votre nomination a incontestablement une dimension symbolique. La jeunesse dont vous vous réclamez et que vous revendiquez, l’audace que vous brandissez comme une bannière évoquent dans l’esprit de certains, et peut-être d’abord dans celui du Chef de l’État, les premiers matins ensoleillés d’un macronisme triomphant, lorsqu’il fallait « penser printemps ».
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Mais ces jours-là sont désormais lointains. Nous sommes en hiver. Et face aux crises qui se multiplient et, parfois, s’emboîtent les unes dans les autres, comme la crise de l’agriculture, les Français se soucieront non pas de la portée symbolique d’une nomination, mais de la politique que vous allez mener avec votre gouvernement.
Car l’engouement dont vous bénéficiez – encore…
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Et c’est sur ce thème que je voudrais commencer mon intervention, car on ne peut pas faire une bonne politique sans un bon constat.
Le 31 décembre dernier, comme beaucoup d’entre nous, j’ai entendu le Président de la République se vanter d’un « réarmement économique ». Vraiment ? Pourtant, on est très loin du plein emploi ! Le taux de chômage ne recule pas ; il progresse même et tutoiera les 8 % à la fin de l’année. Et nous sommes à la traîne de l’Europe : l’Allemagne est à un peu plus de 3 %. Peut-on s’en contenter ? Peut-on s’en satisfaire ?
On est loin aussi de la réindustrialisation. Certes – vous l’avez souligné à cette tribune voilà quelques instants –, la désindustrialisation est sans doute stoppée. Mais on est très loin de la réindustrialisation. J’en veux pour preuve le commerce extérieur. Là encore, quand on se compare, on se désole. Nous sommes à l’avant-dernier rang des pays européens ; l’Espagne est juste derrière nous.
Sur les finances publiques, vous avez perdu le contrôle. Là aussi, nous sommes à l’avant-dernier rang ; cette fois, c’est la Belgique qui est juste derrière nous.
Seize pays européens ont désormais un taux d’endettement inférieur à 65 % du PIB. Vous avez indiqué que vous maîtrisiez la dépense… Non ! Avec le rapporteur général de la commission des finances, nous avons encore montré voilà quelques mois que la dépense n’était pas maîtrisée. Elle continue d’augmenter et nous sommes, à l’évidence, à la traîne de l’Europe. Le problème français est malheureusement que nous cumulons des records de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires avec un effondrement des services publics. Mes chers collègues, s’il y avait une corrélation entre le niveau de la dépense publique et la qualité des services publics, nous serions à l’avant-garde du bonheur universel ! §Or ce n’est pas le cas, tant s’en faut !
De fil en aiguille, de déficit en déficit, que se passe-t-il ? La dette ne cesse d’augmenter. Seules la Grèce et l’Italie font moins bien que nous. Cela place la France dans une situation extrêmement périlleuse. Avec une croissance molle, avec une croissance potentielle qui faiblit – car la productivité est en train de s’effondrer, depuis 2019 –, la remontée des taux d’intérêt réels à long terme va nous placer dans une situation qui m’apparaît périlleuse : toute la richesse produite grâce à l’activité de la France servira exclusivement au remboursement de la dette.
Et quid des marges de manœuvre dont nous avons cruellement besoin pour faire face aux défis, aux chocs ? Je pense au choc démographique – vous avez très peu parlé du vieillissement, et si peu de la dénatalité –, au choc géopolitique, au choc du réchauffement climatique.
Je vous ai entendu dire hier que la planification écologique, c’était l’écologie populaire. Non ! L’écologie ne doit pas se faire sur le dos des plus modestes d’entre nous. Je pense que c’est une conviction que vous et moi pouvons et devons même partager.
Mais, très franchement, le « réarmement économique » dont vous parlez et dont vous semblez vous satisfaire est une hallucination. Je ne le vois pas, nous ne le voyons pas. La France est désarmée.
Vous avez évoqué, voilà quelques instants, l’autorité de l’État. Or les chiffres qui ont été publiés il y a quelques semaines par le ministère de l’intérieur sont catastrophiques ! Le nombre de coups et blessures a augmenté, pour atteindre 1 000 actes par jour. Et alors que la lutte contre les violences sexuelles était présentée comme une priorité du quinquennat, on déplore près de 240 faits par jour. Certes, ce sont des statistiques ; elles sont froides, désincarnées. Mais je vous assure que les Français les subissent dans leur chair – eux-mêmes, leurs amis ou leurs familles.
Et beaucoup de Français – 70 % – trouvent que notre justice n’est pas suffisamment ferme ; elle est trop laxiste. Là encore, ce n’est pas une question de moyens ; c’est une question de courage.
Êtes-vous prêt à renverser la table, par exemple en instituant des courtes peines, des peines minimales, et en créant enfin des places de prison ?
Êtes-vous prêt à renverser la table pour que le régime pénal des mineurs soit, enfin, adapté à la dangerosité des nouveaux ensauvagés, qui sont souvent des délinquants ?
Cela, ce n’est pas le rôle de l’école ; c’est le rôle d’une justice pénale.
Là encore, nous ne voyons pas de réarmement.
J’en viens à la question de notre souveraineté budgétaire et financière.
Aujourd’hui – je parle cette fois encore sous le contrôle de notre rapporteur général –, notre dette est détenue à peu près pour moitié par des étrangers. Une phrase de Napoléon illustre bien la situation de la France : « La main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit. » Il ne peut pas y avoir de souveraineté financière lorsqu’on dépend à ce point de l’étranger.
Et si la voix de la France est aussi affaiblie en Europe, n’allez pas chercher plus loin ! Un pays qui ne tient ni sa dette ni ses comptes est une nation qui ne peut pas tenir son rang et dont la voix s’affaiblit dans le concert international et particulièrement en Europe.
Je voudrais aborder le sujet de l’agriculture, dont il a beaucoup été question.
Le malaise des agriculteurs vient tout simplement du fait qu’on les a mis dans une tenaille impossible, qui pousse un trop grand nombre d’entre eux au suicide : toujours plus d’ultralibéralisme à l’extérieur et toujours plus de dirigisme à l’intérieur ! Ce sont les noces barbares du dirigisme en France et du libre-échangisme avec l’étranger. Voilà ce qui crée aujourd’hui un tel mal-être.
Vous avez dit : « Je veux créer une sorte d’exception agricole française. » La seule exception agricole que nos agriculteurs connaissent aujourd’hui, en France, c’est l’exception normative. C’est ce qui les tue à petit feu ! La France importe des productions dont les modes de culture sont, au nom d’objectifs justes – préserver l’environnement et notre santé –, interdits à nos agriculteurs. Vous avez les moyens d’agir ! Puisque vous avez évoqué le problème des surtranspositions, prenez tout de suite un décret pour permettre l’utilisation de molécules interdites en France, mais autorisées ailleurs en Europe, par exemple en Espagne ou en Allemagne. §Rétablissez une juste concurrence : vous pouvez le faire !
Il faut être conséquent. Votre groupe au Parlement européen a voté toutes les mesures de contrainte environnementalistes dont souffrent nos agriculteurs. §Emmanuel Macron veut le fédéralisme. Mais le fédéralisme, mes chers collègues, implique que de plus en plus de décisions soient prises à la majorité qualifiée. Or, sur la question du Mercosur, il voudrait empêcher à lui seul l’Europe d’avancer ? Mais l’Europe avance sans lui !
Vous ne nous avez pas permis d’exprimer ici notre opposition à l’Accord économique et commercial global, le Ceta. Vous avez consulté l’Assemblée nationale, qui s’est prononcée en faveur de la ratification, parce que vous y aviez une majorité. Ici, nous voulons voter contre le Ceta. Nous sommes cohérents, précisément parce que nous voulons préserver la souveraineté de la France.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Pour terminer sur votre bilan politique, que vous jugiez « solide », j’ajoute que jamais le Rassemblement national (RN) n’a été aussi élevé dans les sondages !
Exclamations sur les travées du groupe SER.
M. Bruno Retailleau. Jamais il n’a été aussi proche d’une prise de pouvoir. Emmanuel Macron se posait comme le rempart contre le RN ; il n’en aura été que le marchepied.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe RDPI.
À force d’organiser méticuleusement un face-à-face avantageux pour vous, vous faites évidemment grimper le RN dans les sondages !
Vous voyez, votre bilan n’est pas solide ; il est liquide !
Vous voulez réarmer la France ? Soit ; nous aussi. Mais n’attendez pas que nous devenions macronistes !
Rires sur les travées du groupe SER.
Vous dites : « J’ai confiance. » Nous n’avons pas confiance. Nous avons appris à nous méfier. Aujourd’hui, il faudra que vous puissiez reconstruire cette confiance. Car le sentiment qui domine actuellement ici, c’est la défiance.
Nous ne serons jamais macronistes, car, voyez-vous, nous sommes les héritiers du général de Gaulle. §Et nous pensons que, sur la pratique des institutions comme sur la vision de la politique, le macronisme est un antigaullisme.
Sur les institutions, on a un gouvernement qui ne détermine et ne conduit plus la politique de la Nation ; on a un parlement totalement anémié. Je reviens sur la loi relative à l’immigration, dont il a beaucoup été question. Le texte qui a été promulgué n’aurait jamais été voté par l’une ou l’autre des assemblées.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Et vous allez de nouveau contourner le Parlement, cette fois sur l’AME, en passant par la voie réglementaire. Le Parlement n’a jamais été aussi diminué, à coups d’ordonnances qui ne sont plus ratifiées, à coups de règlements et de lois qui ne sont plus appliqués, à coups de 49.3 !
Mes chers collègues, ne voyez-vous pas le problème d’une telle pratique institutionnelle ? Certes, ces instruments de coercition sont dans la Constitution. Mais le général de Gaulle comme Michel Debré croyaient non pas à la concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul, mais, au contraire, pour reprendre la formule de Debré, à la « collaboration des pouvoirs ». Aujourd’hui, Emmanuel Macron use de ses pouvoirs coercitifs sans la contrepartie, c’est-à-dire le recours au peuple, par le référendum ou de nouvelles élections. Voilà ce qui déséquilibre notre vie politique et notre démocratie !
Et, sur la vision de la politique, je vous renvoie à une formule du général de Gaulle : « La politique, […] c’est l’action pour un idéal à travers des réalités. »
L’« action » a désormais été supplantée par la communication. C’est terrible ! Plus la politique est impuissante, plus elle se perd dans la surcommunication. Quand on veut trop crever l’écran, la politique en crève !
L’« idéal » est battu en brèche par l’opportunisme. Mes chers collègues, le débauchage ne fait de bien ni à la démocratie ni à la politique !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE-K.
Car afficher que tout se vaut, la droite comme la gauche, la fidélité comme les revirements, cela revient à dire que rien ne vaut et que tout est faux ! Et je m’honore qu’il y ait ici, au Sénat, des femmes et des hommes de loyauté, à gauche comme à droite, qui placeront toujours la conviction au-dessus de l’ambition !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.
Et que dire des « réalités » quand le Président de la République explique les émeutes par l’« oisiveté » des jeunes ? Franchement, pour les Français, c’est inaudible !
Monsieur le Premier ministre, la tâche est herculéenne, et la fonction est difficile. Quand un Premier ministre existe, il inquiète ; quand il n’existe pas, il manque. Mais nous traversons justement un moment tellurique. Et, dans un moment tellurique, on ne peut pas se contenter de faire comme avant, avec quelques ajustements ou mesurettes par-ci par-là ! Il faut énoncer de nouveaux principes. C’est ce que vous n’avez pas fait à cette tribune, et c’est ce que nous attendons !
Je vous ai entendu dire, en revanche, que vous vouliez vous adresser aux Français ordinaires. Pourquoi pas ? Mais, dans ce cas, ne parlez pas à nos compatriotes la langue du marketing et de la segmentation catégorielle ! Parlez-leur comme à un seul peuple ! Parlez-leur la langue de l’unité ! Abandonnez le « en même temps » ! Rompez avec le macronisme !
Exclamations amusées sur des travées des groupes GEST et RDPI.
Pour parler à tous ces Français ordinaires, faites comme le général de Gaulle ! Pratiquez la politique de la majorité nationale !
Rendez à la France sa capacité d’action, sa liberté, son école, une école qui instruit et ne déconstruit pas ! Rendez à notre pays le travail, au-delà de la seule désmicardisation ! Rendez-lui sa souveraineté !
Rendez aux maires leur liberté ! Car les maires ne demandent pas l’aumône. Ils souffrent du même mal que les agriculteurs : l’overdose de normes.
M. Mathieu Darnaud applaudit. – Marques d ’ impatience sur les travées du groupe SER.
Les maires veulent un réarmement civique, parce qu’ils sont, eux, au service de la cité et du civisme.
Rendez à cette France-là ses frontières, pour qu’elle puisse se protéger ! Rendez-lui sa souveraineté, c’est-à-dire sa liberté !
En résumé, rendez aux Français ordinaires des raisons d’espérer dans la France, cette France que nous aimons et que nous voulons servir de tout notre cœur !
Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent et applaudissent vivement. – Des membres du groupe UC applaudissent également.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le Premier ministre, le 9 janvier dernier, vous avez accepté la mission qu’Emmanuel Macron vous a confiée : prendre la tête du Gouvernement.
Ce jour-là, vous avez accepté d’endosser un lourd passif, celui d’une politique libérale et réactionnaire menée depuis bientôt sept ans. Vous avez aussi accepté d’endosser une lourde responsabilité, celle de conduire ce rouleau compresseur d’injustice et de casse sociale.
Vos premières semaines à Matignon en sont l’édifiant témoignage.
Des blindés sur les autoroutes, une école publique insultée, une facture d’électricité qui explose, la franchise médicale doublée… rien ne semble vous arrêter !
Pourtant, je vous le dis, les Français sont à bout. Je ne parle pas des plus riches d’entre eux, qui peuvent continuer à s’enrichir sans limites, sans scrupules. Je parle de celles et de ceux qui ne peuvent compter que sur leur travail pour vivre et qui galèrent.
Vous ne le voyez pas, ou vous ne voulez pas le voir : ces Français sont épuisés par la politique que vous menez depuis 2017. Vous ne voulez pas voir qu’ils ont élu Emmanuel Macron, par deux fois, pour faire barrage à l’extrême droite.
Ils ne lui ont pas donné mandat pour dérouler une telle politique de régression.
Les élections législatives et sénatoriales ont déjà sanctionné votre politique. La prochaine étape sera le 9 juin, à l’occasion des élections européennes.
Le contexte aurait dû vous conduire à avoir un réflexe d’écoute, voire d’humilité, dans votre exercice du pouvoir et à privilégier la concertation, le dialogue social. La réalité est tout autre ! Ne parvenant pas à emporter l’adhésion des Français, vous avez fait le choix du passage en force permanent et de l’utilisation déraisonnée de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Pire, vous avez démontré que vous étiez prêt à fragiliser notre État de droit pour parvenir à vos fins. En feignant de satisfaire les appétits, pour ne pas dire les fantasmes, de la droite sur la loi relative à l’immigration, vous vous êtes cyniquement défaussés sur le Conseil constitutionnel. Vous avez ouvert la voie à la remise en cause de nos institutions et de notre Constitution. Je le dis ici, jamais je n’oublierai les propos irresponsables tenus par la droite dite « républicaine » à leur encontre. Ces propos m’ont indigné ! Je les condamne avec force, comme je condamne la responsabilité du Président de la République dans cette grave dérive.
Ce jeu-là est dangereux, et nous en sortons tous perdants. Tous, sauf celle qui s’en frotte avidement les mains : l’extrême droite, cette extrême droite qui se réjouit de votre bilan depuis sept ans, qui se délecte de voir nos services publics mis à mal, nos corps intermédiaires ignorés, la fracturation sociale assumée, cette extrême droite qui n’a plus qu’à déambuler sereinement sur le tapis rouge que vous lui déroulez !
Monsieur le Premier ministre, je fais partie de ceux qui croient que notre pays peut résister à la tentation brune et nauséabonde de l’extrême droite. Si j’y crois, ce n’est pas par principe ou en raison de l’attachement des Français à nos valeurs républicaines, car on se soucie peu des valeurs républicaines quand on n’a pas les moyens de nourrir correctement ses enfants ou quand on voit que les efforts reposent toujours sur les mêmes. Je vous en prie, retirez vos œillères et cessez d’alimenter le terreau des populistes !
Monsieur le Premier ministre, nous sommes ici dans la chambre des territoires. Vous avez en face de vous des parlementaires en contact permanent avec nos élus locaux. Or les élus locaux, mieux que quiconque, entendent l’amertume des Français et, d’élection en élection, voient de plus en plus d’habitants de leur territoire, par dépit, se laisser tenter par le vote RN.
Ces élus sont aujourd’hui en colère.
Ils sont en colère, parce qu’ils sont en première ligne auprès de nos concitoyens et qu’ils n’ont pas les moyens de répondre à leurs besoins.
Ils sont en colère, parce que l’attente était forte : le Président de la République s’était engagé à ouvrir une nouvelle donne territoriale. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
Depuis votre arrivée au pouvoir, les collectivités territoriales sont considérées par le Gouvernement comme une variable d’ajustement des comptes publics. Chaque jour, les élus que je rencontre m’alertent sur les conséquences de votre politique fiscale, qui a pour seul dogme la diminution des impôts. La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en est le dernier exemple : plus de transferts de compétences, mais moins de moyens !
Les élus locaux sont aussi en colère face à votre immobilisme en matière de décentralisation. La loi dite 3DS du 21 février 2022, censée représenter un nouvel acte en la matière, ne fut qu’un rendez-vous manqué. Comme si l’excès de centralisation n’avait pas montré ses limites, de la crise des « gilets jaunes » à la crise sanitaire !
Notre groupe croit en la force de l’État et des collectivités, qui assurent l’unité nationale et l’égalité entre les citoyens, dans l’Hexagone comme dans les outre-mer. Si l’État est le garant de ces principes, la centralisation n’est pas un gage d’efficacité.
Nous avons des idées en la matière.
D’abord, il faut donner une bouffée d’oxygène aux élus : indexer la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation, renforcer la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux.
Ensuite, parce que les finances locales doivent être sécurisées, il faut aller plus loin. Nous vous demandons une loi de financement des collectivités territoriales. Cela permettrait de définir de manière pluriannuelle les grands enjeux de l’investissement local et d’assurer l’autonomie financière des collectivités.
Enfin, nous voulons un statut pour l’élu. Il a été fait référence aux intimidations, aux violences, aux agressions et à ce paroxysme extraordinaire du mois de juin dernier, les révoltes urbaines. Une telle incandescence nous alerte et exige des réponses fortes.
La priorité est de remettre la justice au cœur de nos politiques publiques. Depuis 2017, les droits, c’est pour les nantis ; les devoirs, c’est pour les petits !
Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Je crois, monsieur le Premier ministre, que vous ne mesurez pas les conséquences de ce sentiment d’injustice chez nos concitoyens. Vous ne mesurez pas le malaise et le ressentiment que cela peut provoquer. Je suis un élu du Nord, territoire dans lequel le déclassement crée du désespoir, un désespoir que vos politiques amplifient !
Quand on peine à boucler ses fins de mois, comment comprendre que des multinationales enregistrent des bénéfices records, dans les secteurs du pétrole, du gaz ou des transports, sans que ces bénéfices viennent contribuer à la solidarité nationale ? Comment comprendre que, pendant ce temps-là, vous augmentiez de 10 % la facture d’électricité des Français ? Comment comprendre l’explosion des hauts revenus exonérés d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ?
Les seules réponses que vous apportez sont des primes. Pardonnez-moi, monsieur le Premier ministre, mais si ces primes apportent une réponse d’urgence bienvenue pour les Français les plus modestes, elles relèvent avant tout du bricolage ! On ne gouverne pas un pays à coups de rustines qui n’apportent aucune réponse de long terme.
Là encore, puisque vous semblez à court d’idées, en voici quelques-unes : mettez en place une taxe sur les superprofits dans les secteurs de l’énergie et des transports ; instaurez un ISF climatique ; ou encore, rétablissez les impôts de production.
Il s’agit là de répondre à un besoin réel : renflouer les caisses de l’État afin de financer des politiques publiques pour tous.
Le signal ne serait pas seulement symbolique. Non, les classes moyennes n’ont pas à supporter tous les efforts ! Ceux-ci doivent être répartis suivant les moyens de chacun. Voilà une ambition politique nouvelle !
Car les Français ne demandent pas l’aumône : ils demandent de vivre dignement de leur travail.
Vous vous targuez d’avoir diminué le taux de chômage, mais vous avez augmenté le nombre de travailleurs pauvres ! Vous avez favorisé un marché du travail au service des entreprises sans contrepartie pour les salariés ! La baisse du chômage ne dit rien des difficultés croissantes de nos concitoyens à se nourrir, à se loger, à se chauffer, à se soigner…
Vous dites vouloir « désmicardiser » la France. Mais quel aveu ! Qui est responsable de cette smicardisation, quand elle concerne 17 % des salariés français ? Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude !
Contrairement à vous, nous proposons non pas une nouvelle baisse des charges, mais une véritable politique de revalorisation salariale pour chaque citoyen, afin qu’il soit justement rémunéré.
Une juste rémunération, c’est ce qui permet de mieux vivre et, en premier lieu, de se loger. Vous n’avez aucune vision pour la politique du logement ! La dérégulation ne constitue pas une politique, monsieur le Premier ministre.
Tout le secteur économique de la construction subit une crise sans précédent : des entreprises et des emplois menacés, des élus locaux désarmés. En réponse, vous avez sapé le modèle économique du logement social. Et à présent, vous vous attaquez aux fondements de la loi SRU. C’est irresponsable !
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Pour notre part, nous proposons d’abord de réhabiliter la construction en ville comme en milieu rural. Et si le ZAN est un objectif essentiel, il doit être équilibré avec les aspirations des Français et coconstruit avec les élus locaux.
Nous proposons, ensuite, de repenser la place des collectivités dans les politiques de logement pour permettre la nécessaire adaptation locale, renforcer leurs moyens et leur donner des outils propres de régulation.
Il faut encore favoriser la reprise de la construction de logements, en maîtrisant l’envolée des prix du foncier, généraliser l’encadrement des loyers, ne serait-ce que dans les zones tendues, et, enfin, réévaluer les aides personnelles au logement (APL).
Oui, notre pays s’enfonce dans une fracturation de la société qui atteindra bientôt un point de non-retour.
Le monde agricole nous en donne une nouvelle illustration : la mobilisation des agriculteurs est l’expression flagrante d’une colère qui gronde, une colère qui trouve ses origines dans une crise structurelle appelant des réformes d’ampleur.
Une nouvelle fois, votre gouvernement manque d’une vision d’ensemble et d’un projet mobilisateur.
Nous proposons une véritable transition de notre modèle agricole vers davantage de durabilité et de reconnaissance du travail rendu, conditions indispensables pour offrir des perspectives justes à nos agriculteurs.
C’est bien là l’objectif de la commission d’enquête que nous réclamons sur la question des revenus agricoles et des relations commerciales agroalimentaires. Il est temps qu’un diagnostic clair, précis et transparent soit posé sur les pratiques de certains opérateurs économiques, afin de mettre fin à un système qui tue notre agriculture à petit feu.
Monsieur le Premier ministre, les annonces que vous avez faites, hier comme aujourd’hui, ne sont pas à la hauteur des enjeux !
Pour conclure, je veux évoquer les dizaines de milliers de personnes qui seront demain à nos côtés, à gauche, dans la rue, pour défendre notre école publique, laïque et gratuite.
Aujourd’hui, vous la mettez en danger. Vous continuez de la fragiliser en supprimant encore 650 postes d’enseignants cette année.
Comble du cynisme, votre ministre accuse l’école publique d’être responsable d’une fragilité que vous avez vous-même provoquée !
En fin de compte, quelle est votre vision pour l’école ? Brandir l’étendard du choc des savoirs ne fait pas une politique publique. Ce qui ronge l’école, c’est l’absence de mixité sociale. Ce qui ronge notre société, c’est le séparatisme dès le plus jeune âge !
Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE -K.
Face à cela, vous prônez le retour de l’uniforme à l’école, la labellisation des manuels scolaires et le placement en internat. Cette vision étriquée et vieillotte exprime une seule logique : l’autoritarisme plutôt que la pédagogie.
Monsieur le Premier ministre, vous avez affirmé hier que vous voyiez « davantage de raisons d’espérer que de douter ».
Permettez-moi de vous dire que l’on doute de la place de la France dans la communauté internationale, que l’on doute de votre attachement à la démocratie et à nos institutions, que l’on doute de votre capacité à assurer notre souveraineté, en un mot, que l’on doute de votre gouvernement « macrozyste » !
L’illusion macroniste du social-libéralisme de 2017 n’aura duré qu’un printemps. Aucun enseignement n’a été tiré des multiples crises sociales de ces deux quinquennats.
Le libéralisme antisocial du Président de la République ne trompe plus personne. Vous n’avez fait que semer les graines de la colère ; elles sont en train de germer sur le terreau de vos choix de société.
M. Roger Karoutchi s ’ exclame.
Votre vocabulaire guerrier est avant tout le signe d’une grande faiblesse. Les relents réactionnaires de votre discours et votre course folle aux alliances opportunistes ont le don de nous faire douter, mais nous obligent surtout à agir.
Pour les Françaises et les Français, notre groupe porte et portera des solutions, pour un avenir solidaire et durable !
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE -K.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste.
Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC.
M. Hervé Marseille. Monsieur le Premier ministre, hier, nous avons écouté en stéréo votre discours, lu avec beaucoup de conviction et de tonicité par M. le ministre de l’économie. C’est un exercice sacrificiel auquel nous compatissons…
Rires. – Applaudissements sur des travées du groupe UC.
Monsieur le Premier ministre, vous avez bien fait de venir aujourd’hui dans cet hémicycle pour préciser les choses, même si nous avions bien retenu quelques phrases de la déclaration d’hier.
En disant qu’en France « tout est possible », vous avez naturellement des pensées positives. Malheureusement, cela marche dans les deux sens : la France est capable du meilleur, mais aussi de performances moins enviables.
Nous avons cependant apprécié votre ambition de faire du « tout est possible » une formule de confiance et d’espoir en abordant tous les sujets, y compris ceux qui fâchent et qui irritent au quotidien, ou, plus largement, le sentiment d’impuissance de l’action publique, poison de notre démocratie.
Quant à vos orientations cardinales – « désmicardiser, déverrouiller, débureaucratiser » – comment ne pas y souscrire ?
Vous mettez ces grands axes au service du « réarmement » de notre pays. Permettez à un vieux matou né en 1954 §de vous proposer un autre terme, bien plus classique, mais plus important à mes yeux : celui de « justice ».
Réarmer est sans doute nécessaire, mais in fine cela doit servir la justice. C’est, en effet, le sentiment d’injustice et d’iniquité qui fragilise aujourd’hui notre société.
La colère agricole en est la caricature. Les agriculteurs sont au carrefour d’une quadruple injustice : injustice territoriale, d’abord, dont témoigne l’opposition accrue d’un monde rural qui se sent abandonné et déclassé ; injustice économique, bien sûr, les agriculteurs étant les parents pauvres du partage de la valeur ; injustice sociale et culturelle, encore, celle que ressentent les travailleurs qui se lèvent tôt et font face aux injonctions de cols blancs hors sol, avec le sentiment de devoir abandonner leurs valeurs ; injustice, enfin, causée par des normes et des contraintes, françaises ou européennes, qui ne pèsent pas sur leurs concurrents étrangers.
Chez nous, l’injustice commence dès la naissance. Elle dépend du milieu, mais aussi du lieu où l’on vient au monde. Le Président de la République l’a reconnu : nous ne garantissons pas l’égalité de tous les enfants de la République.
Et pour cause ! Aujourd’hui, naître à la campagne, c’est souvent naître dans un désert médical. Là réside sans doute l’injustice territoriale la plus insupportable.
Or, comme vous l’avez justement souligné, nous ne pouvons pas attendre gentiment que la fin du num e rus clausus produise ses effets. Régulariser les médecins étrangers n’y suffira même pas. Il faudra avoir le courage – vous y avez fait allusion – d’expérimenter plus largement les délégations d’actes.
Plus globalement, pour tâcher de remédier à l’injustice territoriale, le Sénat plaide pour une décentralisation régénérée, qui permette de restituer des marges aux collectivités et d’insuffler de l’équité plutôt que de l’égalité formelle. Tel est l’esprit de la différenciation que nous appelons de nos vœux.
Vos mots sont encourageants, monsieur le Premier ministre. La décentralisation n’a pas, aujourd’hui, la place qui doit lui revenir. Gageons que vos propositions permettront d’avancer ! Nous espérons que votre arrivée signe la fin de ce rendez-vous manqué, depuis tant d’années, avec les collectivités.
L’école est aussi un lieu d’injustices persistantes. Certes, le nombre d’élèves par classe a été restreint dans les zones prioritaires, mais il reste tant à faire !
Bien sûr, l’instruction civique est une matière importante et nous sommes, nous aussi, favorables au retour de l’uniforme. Mais le véritable enjeu est le retour du mérite, de l’excellence, du respect des enseignants !
Pour y parvenir, l’école a besoin d’un cap clair. Comme vous l’avez justement déclaré, « tout n’est pas une question de moyens ». Il n’y avait pas besoin d’argent pour abandonner la méthode globale, prônée pendant des décennies par des idéologues !
M. Claude Malhuret applaudit.
Dans cette France où « tout est possible », le sentiment d’injustice habite aussi les classes moyennes, celles qui contribuent sans recevoir – vous l’avez vous-même relevé.
Cela ne peut plus durer et appelle de ma part deux remarques.
Premièrement, les fiscalités de l’immobilier et des successions sont les plus mal vécues par les classes moyennes. Votre ouverture dans leur direction doit être l’occasion d’évoluer en la matière.
Deuxièmement, la fraude sociale et fiscale est au cœur de leur malaise. Nos concitoyens méritants ne supportent plus de voir, d’un côté, des prestations sociales méticuleusement détournées et, de l’autre, une poignée d’entreprises voyous s’exiler pour échapper à toute contribution aux charges publiques ! §Il faut mener une guerre sans merci à la fraude et à l’évasion sous toutes leurs formes.
L’injustice se vit aussi, de plus en plus, au travers du logement. Nous alertons depuis des mois sur une crise imminente. Elle est désormais présente, et vous avez déclaré vouloir la prendre à bras-le-corps.
Cependant, il n’est pas certain que la simplification des normes, la réquisition des bâtiments vides ou l’intégration du logement intermédiaire dans les critères de la loi SRU suffiront. Ces mesures sont pertinentes et attendues, mais il manque plusieurs centaines de milliers de logements.
Comment dégager du foncier avec les problèmes suscités en particulier par le ZAN ? Vous l’avez souligné : il faudra adapter l’application de ce principe. Tout ne pourra pas reposer sur la seule densification !
La transition écologique soulève également un enjeu majeur de justice et d’équité. Aussi vitale et nécessaire qu’elle soit, cette transition fera des perdants.
Je pense en particulier aux petits propriétaires qui seront plombés par le diagnostic de performance énergétique (DPE) ou aux artisans que les zones à faibles émissions (ZFE) empêcheront de travailler.
Monsieur le Premier ministre, l’injustice se niche jusque dans les derniers jours de la vie. La dépendance est l’un des défis majeurs qu’il nous faut relever. Avec le vieillissement de la population, c’est toute la société qui doit se réinventer.
Nous ne pouvons plus procrastiner ! Notre modèle social et financier est au bord de l’implosion. C’est maintenant qu’il faut agir.
Enfin, les inégalités et les injustices sont intergénérationnelles, ce qui pose la question de la dette et des déficits.
S’il nous faut maîtriser la trajectoire de nos finances publiques, c’est pour recouvrer des marges de manœuvre, mais aussi pour rétablir une équité intergénérationnelle.
Or nous n’en prenons pas le chemin. Cette année, notre pays devra emprunter 285 milliards d’euros, soit plus que le PIB du Portugal ! Quant à la charge de la dette, elle devrait bondir de 50 % d’ici à 2027.
Maîtriser les dépenses, c’est faire des économies, mais c’est surtout faire des réformes de structure sans attendre le retour des vaches grasses.
Pour terminer, monsieur le Premier ministre, revenons, si vous me le permettez, à votre état civil. Nous pouvions attendre d’un jeune chef du Gouvernement qu’il nous ouvre sur le futur, qu’il nous parle d’intelligence artificielle, d’hydrogène vert, d’espace ou de génétique, en un mot de ce monde en transformation – pour ne pas dire en ébullition –, sur lequel nous devons nous repositionner.
Nous n’en avons pas parlé, parce que vous êtes rattrapé – nous le sommes tous – par les problèmes du passé que nous n’avons pas pu résoudre.
Pourtant, vous avez cherché à nous transmettre l’essentiel : l’optimisme et la détermination. Comme vous, nous savons que notre avenir sera européen ou ne sera pas. Cela n’interdit pas d’être critique vis-à-vis de l’Europe que nous avons construite, une Europe trop technocratique et loin de celle dont nous rêvions.
M. le Premier ministre acquiesce.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes ici au Sénat. Depuis les élections législatives de 2022, c’est ici, pour l’essentiel, que l’on fabrique les principales lois. Sans le Sénat, pas de réforme des retraites ; sans le Sénat, pas de loi Immigration !
M. Mickaël Vallet le conteste.
Dès votre nomination, vous êtes venu à la rencontre du Sénat, en participant à la conférence des présidents. Nous avons été sensibles à ce geste, qui constitue un encouragement.
À cette occasion, mes collègues Bruno Retailleau et Patrick Kanner ont eu l’occasion de vous dire, comme nous, qu’ils étaient ouverts au dialogue, mais hostiles à la coconstruction, c’est-à-dire à l’association des parlementaires à l’élaboration d’un projet de loi avant son dépôt au Parlement.
En effet, cette méthode lie les parlementaires sans leur permettre véritablement d’enrichir ou de modifier les textes.
M. Hervé Marseille. En revanche, nous sommes favorables à la construction parlementaire lors de l’examen des textes. C’est la différence entre coconstruction et construction !
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.
D’ailleurs, si des textes ont été votés depuis deux ans, c’est bien parce qu’il y a eu des compromis, des accords, des constructions qui ont permis d’aboutir !
Face à notre impuissance, nous n’avons plus les moyens de chercher des responsables, que ce soit au Conseil constitutionnel, à Bruxelles ou dans les institutions judiciaires.
Nous devons supporter 3 000 milliards d’euros de dette, les agriculteurs bloquent les routes, l’inflation ronge le pouvoir d’achat, la guerre frappe aux portes de l’Europe, efface peu à peu l’Arménie de la carte et embrase le Proche-Orient, avec l’ombre inquiétante de l’Iran et le possible retour de Donald Trump…
Nous pensons que le dialogue avec le Parlement – et singulièrement avec le Sénat – doit être fertile. Nous devons nous écouter mutuellement et rechercher les solutions les plus collectives possible.
Monsieur le Premier ministre, cette responsabilité pèse sur vos épaules. Elle pèse aussi sur les nôtres. Si vous échouez, si nous échouons, nous savons qui arbitrera nos différends en 2027. Il sera trop tard, alors, pour pleurer sur le lait renversé !
Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux d’abord dire aux orateurs qui m’ont précédé que c’est dans le calme que nous avons écouté leurs contestations sans appel. Alors, permettez à ceux qui ont, eux aussi, des convictions, et qui les placent bien au-dessus de leur ambition, de s’exprimer également, même si, bien évidemment, nous n’avons pas la même vision.
La politique est l’art d’imaginer et de construire un projet collectif.
Ce projet, le Président de la République en a posé les jalons depuis 2017 et les Français lui ont renouvelé leur confiance en 2022, afin de le poursuivre.
Lors des élections législatives de 2022, les Français ont adressé un message aux élus de la Nation : ils ont appelé à un dialogue et à un travail concerté avec la majorité présidentielle.
Malheureusement, nous nous sommes trop souvent heurtés au refus du compromis politique. À la différence du Sénat, attaché à la culture du dialogue républicain, l’Assemblée nationale n’a pas su cultiver cet état d’esprit.
En refusant toute main tendue, la minorité plurielle s’est affirmée avant tout comme une majorité d’empêchement, manquant ainsi à son devoir vis-à-vis des Français.
Notre devoir, monsieur le Premier ministre, est de poursuivre le projet de réforme en profondeur de notre pays, qui ne peut rester statique quand les crises se multiplient partout sur la planète.
Face à ces crises, vous nous avez appelés à construire ensemble et à abandonner les postures politiciennes. Vous nous avez appelés à agir plutôt qu’à réagir, dans l’intérêt des Français.
Je partage votre analyse, ainsi que la fierté du chemin parcouru depuis sept ans. Votre nomination est une nouvelle étape, mais nous conservons le même cap : libérer, protéger, transformer, unir !
Monsieur le Premier ministre, vous avez la lourde tâche de veiller à la traduction en actes concrets de la volonté réformatrice formulée par le Président de la République.
Vous nous avez rappelé que la France n’est pas une nation qui subit. Elle ne l’a pas été ; elle ne l’est pas aujourd’hui ; elle ne le sera pas demain, grâce à notre travail !
Vous souhaitez agir vite en faisant preuve de lucidité, de pragmatisme, d’efficacité et d’audace. Votre méthode est simple : prendre rapidement des décisions compréhensibles par les Français. Vous l’avez démontré, ce vendredi, lors de votre visite dans le Sud-Ouest.
En effet, cette méthode est déjà à l’épreuve. La crise que traverse le monde agricole est symptomatique des maux français. La bureaucratisation et l’empilement de normes particulièrement denses ont entretenu le mal-être d’une profession qui a souvent été mal présentée et mal comprise, et qui en souffre.
Ces maux dépassent nos frontières, les mêmes causes produisant les mêmes effets chez nos voisins européens.
Cette crise agricole a d’autres racines. Je pense aux concurrences déloyales, à la nécessité d’instaurer des clauses miroirs dans les traités internationaux, ou encore à la complexification.
Notre objectif est de conserver notre souveraineté alimentaire ; les annonces que vous avez faites depuis vendredi dernier vont dans ce sens.
Allier la transition écologique à la souveraineté alimentaire et agricole, voilà l’exception agricole française que nous devons défendre. Mais cette transition doit être supportable, tant pour les producteurs que pour les consommateurs.
Reconquérir une souveraineté perdue est notre devoir assumé depuis 2017. Nous devons poursuivre les efforts engagés.
En matière de souveraineté industrielle, nous créons désormais dans le secteur industriel – vous l’avez rappelé – plus d’emplois que nous n’en détruisons et nous rouvrons des usines.
En matière de souveraineté énergétique, nous avons entrepris la relance de la filière nucléaire alors que nous avions perdu l’habitude de mettre des centrales en service.
En matière de souveraineté militaire, afin de faire face aux multiples fronts et formes de confrontation, nous avons voté, au travers de la loi de programmation militaire, une des plus importantes hausses du budget des armées que notre pays ait connues.
Enfin, nous devons conforter notre souveraineté aux frontières, grâce au renforcement de notre arsenal législatif, mais aussi de notre capacité d’intégration.
J’ai ici une pensée pour Mayotte, qui fait face à une crise migratoire sans précédent, à laquelle il doit être répondu avec fermeté.
En effet, si nos territoires d’outre-mer font le rayonnement de la France à travers le monde, ils sont trop souvent le parent pauvre de nos politiques publiques.
Leurs difficultés sont décuplées par leur situation géographique. Les problèmes y sont semblables à ceux de l’Hexagone, mais leur intensité est parfois plus aiguë.
Ainsi, en Guyane, la protection du territoire, de sa biodiversité et de nos frontières coûte encore parfois la vie à nos militaires. Nous leur adressons nos pensées aujourd’hui.
Aux Antilles, les crises des sargasses et du chlordécone handicapent des territoires qui doivent faire face à la vie chère.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
À Wallis-et-Futuna, territoire si lointain, l’État doit faire plus pour préserver le contrat social.
La Polynésie devra faire face, dans les années à venir, à la montée des océans et à l’extension de l’influence chinoise dans le Pacifique.
Enfin, La Réunion, qui a subi récemment l’un des plus puissants cyclones qu’elle ait eu à affronter – le cyclone Belal –, pourrait malheureusement voir ce type d’événement se répéter en raison du dérèglement climatique.
Face à l’urgence climatique, on ne fera pas d’écologie contre le peuple. C’est au contraire une écologie populaire, recueillant l’assentiment des Français et réconciliant le climat et la croissance, qui permettra de construire la France du XXIe siècle. L’écologie punitive ne fait qu’entretenir la division, là où nous avons besoin d’union !
Monsieur le Premier ministre, vous avez porté un message fort en faveur du mérite. Notre majorité a toujours œuvré pour que le travail paie.
Dès 2017, nous avons baissé les cotisations salariales pour que les actifs gagnent rapidement en pouvoir d’achat. C’était une mesure de bon sens, sans tracas pour les Français.
Il nous faut prolonger une politique qui met en valeur le travail. Les annonces que vous avez formulées hier vont en ce sens ; nous les saluons.
Travail, souveraineté, autorité : voilà la ligne que vous avez tracée hier et rappelée devant nous cet après-midi. Voilà ce qu’il nous faut collectivement construire, avec les élus locaux, pour que nos concitoyens gardent confiance et espoir.
Monsieur le Premier ministre, vous avez voulu tracer une feuille de route qui vous ressemble – pragmatique, concise et structurée –, mais vous n’avez pas oublié de lui faire prendre racine dans le travail de vos prédécesseurs.
Je pense à Édouard Philippe, à Jean Castex et à Élisabeth Borne, dont je veux souligner l’action déterminée au service de notre pays. Nous avons porté ensemble, ces derniers mois, des textes majeurs.
Prendre racine dans le travail mené par vos prédécesseurs, c’est aussi rappeler que tous les territoires ont été concernés par nos réformes, qu’ils soient métropolitains, urbains ou ruraux.
Contrairement à ce que j’entends, la ruralité n’a pas été oubliée – j’y vis chaque jour –, notamment en ce qui concerne le renforcement des services publics de proximité. Nous avons également investi fortement dans l’école, dans la santé, dans la sécurité et dans la justice.
Aujourd’hui, de toute évidence, il faut accélérer. Je sais bien, mes chers collègues, que le mot « réarmer » vous fait sourire, mais il souligne notre détermination à renforcer notre pays en matière académique, sociale et économique, en matière de technologie et d’innovation.
Agir dans cette direction, c’est faire le choix de notre indépendance et de notre souveraineté, mais c’est aussi faire le choix de la solidarité et de l’attention que nous prêtons à autrui.
Une France plus forte, c’est une France plus juste, notamment à l’égard des classes moyennes, dont vous avez fait, monsieur le Premier ministre, votre priorité.
Cet objectif d’une France plus forte et plus juste est largement partagé, je le sais, par les élus de tout bord. Nous avons en partage, mes chers collègues, l’amour de ce pays, et nous savons que l’une des clés du succès pour notre Nation, c’est de travailler avec le Gouvernement, les élus, les partenaires sociaux et les forces vives, pour assumer ensemble de grandes ambitions nationales. C’est cela, aussi, le dépassement.
La crise suppose audace, action et efficacité. Aucune formation politique n’a le monopole de ces qualités. C’est pourquoi j’en appelle, avec les sénateurs RDPI de métropole et d’outre-mer, à l’esprit de responsabilité qui nous anime et grâce auquel nous savons conduire, dans cet hémicycle, des débats nourris, mais constructifs, et trouver des voies d’accord.
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez rappelé le cap et dit la méthode. Nous savons votre détermination. Vous connaissez notre fidélité et notre loyauté envers le projet présidentiel. Vous souhaitez être un Premier ministre de terrain. Nous serons à vos côtés !
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nathalie Delattre et M. Louis Vogel applaudissent également.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, malgré votre jeunesse, vous n’êtes pas un nouveau-né dans l’entourage du président Emmanuel Macron.
Sourires.
Les crises sont là ; elles suscitent, chez nos compatriotes, une angoisse aggravée, de mois en mois, par la multiplication des conflits sur la planète.
De tout temps, la peur qui marque les peuples, c’est la guerre. Nous qui portons ce combat au cœur de notre action savons qu’il ne peut y avoir de progrès social ni de justice en temps de guerre.
Ce grand désordre du monde s’exprime en Ukraine, en Israël, en Palestine – plus particulièrement à Gaza –, mais aussi en Arménie, au Yémen ou au Kurdistan.
Cette situation exige que les nations les plus influentes, comme la nôtre, déploient des efforts considérables pour que la diplomatie prévale.
À ce monde en crise répondent des crises intérieures profondes. Notre peuple souffre. Sur fond d’inégalités financières et sociales croissantes, la baisse du pouvoir d’achat, la crise de notre système de santé et les défaillances accélérées du service public minent la confiance de nos concitoyens dans l’avenir, pour eux-mêmes et pour leurs enfants.
Alors que 46 milliards d’euros ont été remis aux actionnaires du CAC 40 en 2023 – un record ! –, 11 millions de personnes ne mangent pas à leur faim en France.
L’inflation dévastatrice – elle atteint 10 % en deux ans – accélère cet appauvrissement. Vous connaissez les chiffres de la hausse des prix des denrées alimentaires. Il faut les répéter : +12 % en moyenne, +20 % pour nombre de produits alimentaires de base. Et pourtant, les salaires ne suivent pas.
Monsieur le Premier ministre, vous voulez « désmicardiser » la France, mais vous ne proposez rien pour augmenter les salaires ! Vous culpabilisez les salariés et les chômeurs, mais jamais vous ne pointez la responsabilité fondamentale des plus riches, des actionnaires de tout poil.
Comme nombre d’entre vous, j’ai assisté à de nombreuses cérémonies de vœux ces dernières semaines. Quelle inquiétude, quand j’entends que plus de la moitié des enfants bénéficient de la cantine à un euro dans les communes où ce dispositif est déployé ! C’est dire si la pauvreté touche l’ensemble de notre pays.
Alors que cette France appauvrie ne peut plus se chauffer correctement, M. Le Maire, votre ministre de l’économie, assène qu’au nom de la nécessaire satisfaction des agences de notation il faut, dès demain, augmenter de 10 % les tarifs de l’électricité ! Monsieur le Premier ministre, ouvrez les yeux : 44 % d’augmentation en deux ans, 70 % d’augmentation en dix ans. Au regard de la réalité sociale du pays, la hausse n’est pas supportable !
Le droit à l’énergie n’est pas une question de bouclier ; c’est une question de droit et de dignité.
Logement, nourriture, soins, transports, éducation deviennent inaccessibles à des millions de personnes ; ces services, pour la plupart, se dégradent.
Permettez-moi ensuite de vous dire, monsieur le Premier ministre, que le réarmement démographique ne se décrète pas : il passe par une meilleure politique familiale, par une politique du logement, mais aussi par une politique de hausse des salaires qui permette à chacune et à chacun d’entre nous d’entrevoir le meilleur pour ses enfants.
Il passe aussi, inévitablement, par une école publique de qualité, véritable lieu de savoir et d’apprentissage pour permettre à nos enfants de réussir leur vie. Que répondez-vous aux enseignants qui exigent, par la grève massive qui aura lieu demain, des moyens pour l’école publique ?
La violente crise agricole croise finalement toutes les autres crises. Elle est le symptôme d’une mondialisation et d’une financiarisation effrénées, de la domination de grands groupes qui étouffent les agriculteurs.
Il faut simplifier et repenser l’accumulation des normes, mais il faut aussi s’attaquer au libre-échange, qui promet de livrer par cargos entiers de la viande ovine de Nouvelle-Zélande ou bovine du Brésil.
L’urgence, c’est aider les jeunes agriculteurs, avec le retour des prêts bonifiés à l’installation.
Le premier volet de la loi Égalim doit être respecté et l’État doit être le garant du respect des agriculteurs face aux requins de la grande distribution.
Il est inacceptable que les agriculteurs ne puissent vivre de leur travail et les consommateurs se nourrir correctement. Ce n’est pas un problème de marché, mais bien le résultat d’un choix politique !
Monsieur le Premier ministre, vous êtes aujourd’hui devant le Sénat, qui, aux termes de notre Constitution, représente les collectivités territoriales.
Ces collectivités territoriales ont été et sont la dernière digue face à ces crises multiples. Les élus et leur administration y font face au quotidien, avec des moyens décroissants, alors que la demande explose : difficultés d’accès aux soins et au logement, difficultés de pouvoir d’achat…
Or quelles mesures votre gouvernement prendra-t-il pour faire face à l’étranglement financier progressif, notamment à la perte de l’autonomie financière des communes ?
Indexerez-vous enfin la DGF sur l’inflation ? Vous l’avez augmentée de 0, 8 %, mais l’inflation est à 5 % !
Rétablirez-vous la CVAE pour faire participer les acteurs économiques aux finances des collectivités ?
La commune, c’est la proximité, le maillage étroit du territoire national et de la démocratie. Menacer cette institution clé de la République et, plus profondément, de notre société, c’est menacer un édifice institutionnel déjà vacillant.
Oui, renforcer la démocratie locale et l’État territorial est une nécessité pour construire les politiques publiques indispensables au bien-vivre de nos concitoyens.
Il ne peut y avoir de décentralisation que si l’État est fort et assume ses missions régaliennes de santé, de sécurité et d’aménagement du territoire, pour assurer l’égalité entre tous les citoyens et entre tous les territoires.
Monsieur le Premier ministre, pas d’hypocrisie entre nous ! Les élus locaux ne pourront pas tout supporter. La décentralisation, demain, ne peut se résumer à absorber quotidiennement les défaillances de l’État.
Monsieur le Premier ministre, le terrain perdu que j’évoquais d’emblée est évidemment celui de la démocratie.
Votre refus de vous soumettre au vote de confiance, au motif relativement absurde que vous n’avez pas de majorité, va de pair avec la mainmise totale du Président de la République sur les institutions.
La clé de voûte de la Ve République, ce qui fait d’elle un régime parlementaire, c’est pourtant la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale. C’est, oserai-je dire, le vote de confiance originel.
Votre refus de solliciter ce vote augure mal de la volonté de rompre avec le recours au 49.3, dont l’utilisation a marqué l’année 2023. C’est non plus au Parlement que les choix politiques se font, mais dans les couloirs, sur les plateaux de télévision, sur les réseaux sociaux ou en petit comité lors des commissions mixtes paritaires.
Monsieur le Premier ministre, écoutez nos concitoyens de tous les horizons – territoires ruraux, urbains ou d’outre-mer –, qui font la France et sa grandeur : ils souffrent et n’obtiennent pas de réponse.
En raison de la politique menée depuis 2017, que vous avez servie avec zèle, nous ne pouvons, en toute logique, vous accorder notre confiance. Toutefois, faute de vote, monsieur le Premier ministre, vous sortirez de cet exercice sans affronter d’autre épreuve qu’une analyse et une évaluation médiatiques ; or nos concitoyens ont plus que jamais besoin d’une analyse et d’une évaluation démocratiques.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Olivier Henno applaudit également.
Monsieur le Premier ministre, comme tout chef de gouvernement, vous allez affronter de nombreux défis politiques.
Le premier est l’absence de majorité parlementaire, qui n’a permis de trouver, jusqu’à ce jour, que des palliatifs imparfaits : négociations épuisantes ou 49.3 au goût amer.
Le second défi est la pression permanente et déprimante des extrêmes.
La France échappe encore à la vague de populisme qui frappe les démocraties. Si le populisme n’est ailleurs que d’extrême droite, chez nous, où l’on apprend dès l’école qu’il faut préférer Robespierre à Tocqueville, il est coupé en deux.
La fin de cette exception est proche. Parce qu’il faisait le plus de bruit, parce qu’il avait réussi à embrigader une gauche en perdition, parce qu’il transformait l’Assemblée en zone à délirer, le danger d’extrême gauche paraissait le plus dangereux, exacerbé par une caisse de résonance médiatique qui confirme que rien n’est plus sonore que ce qui est creux.
Sourires et applaudissements sur les travées d es groupe s INDEP et UC.
La Nupes, attelage improbable de la gauche woke, de la gauche Vélib’, de la gauche caviar, de la gauche stalinienne, de la gauche trotskiste et de la gauche Hamas, s’est effondrée sous le poids de ses incohérences.
Le Che Guevara des calanques, en cédant la direction des Insoumis et la présidence du groupe parlementaire à des comparses, choisis non pas en dépit, mais en raison de leurs insuffisances, a compris tardivement qu’il avait pris le train dans la mauvaise direction. Il court depuis en sens inverse dans le couloir, à grands gestes des bras et du menton, lançant ses imprécations à ses alliés comme à ses ennemis, mais ne parvenant qu’à démontrer que sa vie est devenue une interminable rage de dents.
Sourires sur les travées des groupes INDEP et UC.
La France insoumise (LFI), c’était une surprise-partie. La surprise c’est qu’il n’y avait pas de parti, pas de statuts, pas de vote, pas d’élections : juste une secte gérée par un couple omnipotent, comme les Thénardier tenaient le bouge de Montfermeil…
Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.
Le mouvement s’est fait hara-kiri le 7 octobre dernier, avec l’ignominie de trop : le refus de condamner le massacre du Hamas, ce dernier étant qualifié de mouvement de résistance.
Les partenaires enrôlés dans cette pantalonnade en ont profité pour filer à l’anglaise, après que tout le monde eut dessoulé. Ils resteront dans la postérité comme ceux qui ont bradé à un apprenti dictateur les valeurs de la gauche, qu’ils ont fracturée pour un plat de lentilles électoral… (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Cet échec n’est pas qu’une bonne nouvelle. Le danger s’est déplacé vers une extrême droite qui se renforce en proportion du déclin de son rival – porosité qui prouve que ce qui les rapproche est infiniment plus fort que ce qui les sépare.
Comme Orban est devenu l’ami de Poutine, comme l’extrême gauche italienne vote pour Meloni, le Rassemblement national fait ses meilleurs scores aussi bien dans les anciens bastions du parti communiste que dans ceux de la droite.
Les gauchistes sont bruyants, débraillés et réclament tout, tout de suite. Les Marinistes, quant à eux, sont silencieux, cravatés et attendent leur heure. Ils savent que, face aux Insoumis, il suffit de se taire pour paraître intelligents.
Sourires sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.
Ils n’ont aucun programme. Ils affichent des convictions absolues, mais n’ont aucun problème pour en changer si elles ne plaisent pas, comme on l’a constaté sur la sortie de l’euro ou sur le Frexit.
Ils affirment que nous dansons sur le pont du Titanic, mais l’iceberg, c’est eux ! Ils ont enfourché tous les délires complotistes. Ils ont été antivax et VRP de l’hydroxychloroquine ; ils font aujourd’hui le sale boulot de chiens de garde de Poutine, et ils le font salement, ce qui n’est pas étonnant dans ce parti fondé largement par d’anciens collabos.
Ils dénoncent la corruption, mais leurs parlementaires européens sont mis en examen pour avoir détourné des millions d’euros. Ce parti opaque est une sorte de traboule, ces arrière-cours obscures des immeubles lyonnais à la façade bien propre. Les anciens du GUD sont toujours là, dans l’ombre, tout comme les comptes racistes anonymes sur les réseaux sociaux.
M. Joshua Hochart proteste.
Les deux campagnes présidentielles de « Marine Poutine », arrivée à son poste par népotisme, comme Kim Jong-un, ont fourni la preuve de sa parfaite inaptitude à la fonction.
Pourtant, le reflux du populisme d’extrême gauche lui ouvre un boulevard. La photo, en 2027, d’un Emmanuel Macron raccompagné par elle sur le perron de l’Élysée comme Obama avait cédé sa place à Trump, n’est plus invraisemblable.
La fonction que vous exercez aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, vous a aussi été confiée pour faire obstacle à la réalisation de cette hypothèse lugubre.
À cela, deux conditions.
La première est de réussir les douze travaux d’Hercule qui vous attendent, dans un pays taraudé depuis toujours – c’est sa grande faiblesse – par le doute, la hantise du déclin et le pessimisme : relever le niveau de l’école, guérir le système de santé, redonner de l’espoir aux agriculteurs, poursuivre la baisse du chômage, réindustrialiser le pays, réduire le déficit, construire l’Europe-puissance, réformer l’État, restaurer l’autorité au sein de la société, maîtriser l’immigration, assurer le développement durable à la française. Je n’insiste pas, monsieur le Premier ministre : vous avez, comme tous les orateurs précédents, détaillé ce constat. La tâche est immense.
Je n’ai toutefois énuméré que onze travaux. Le douzième est capital, mais c’est le moins compris. Le chef de l’État a évoqué le réarmement moral, économique, civique ; il reste le réarmement au sens propre, car nous sommes en guerre.
Voilà une très mauvaise idée européenne que d’affirmer chaque jour que l’on ne veut pas la guerre, que l’on n’est pas en guerre, lorsque nos ennemis le sont. L’internationale des dictateurs ne s’en cache pas : Russie, Chine, Iran, Corée du Nord proclament qu’ils veulent abattre l’Otan, l’Europe et l’Occident – et ils font ce qu’ils disent.
La guerre en Ukraine se voit à cause des tanks et des missiles, mais celle qu’ils nous livrent – cyberattaques, désinformation, création de milliers de comptes sur les réseaux antisociaux pour fausser les élections ou abrutissement de nos enfants sur TikTok pendant que la Chine protège les siens – est tout aussi violente. Elle mine nos démocraties de l’intérieur.
La Russie s’est mise en économie de guerre. Notre président parle d’économie de guerre, mais aucun pays d’Europe n’est capable, deux ans après le 24 février 2022, de livrer à l’Ukraine ne serait-ce que les munitions promises.
Si l’Ukraine perd la guerre, c’est l’Europe qui la perd. Par peur d’annoncer de mauvaises nouvelles, les gouvernements démocratiques ne préparent pas leurs opinions publiques à cette réalité. Lorsque j’écoute certains d’entre eux, j’ai l’impression d’entendre le toc-toc du parapluie de Daladier sur les pavés de Munich.
Monsieur le Premier ministre, vous serez certes jugé sur vos résultats dans notre pays, mais à l’échelle de l’histoire, votre gouvernement et tous les gouvernements d’Europe seront jugés à l’aune de la victoire ou de la défaite des démocraties face à l’internationale reconstituée des dictateurs.
La deuxième condition pour qu’en 2027, au soir de l’élection présidentielle, le visage qui apparaîtra sur nos écrans à vingt heures ne nous fasse pas honte comme ceux de Trump, d’Orban ou de Bolsonaro, ne dépend pas seulement de vous.
Il est grand temps que ceux qui se revendiquent du camp de la raison comprennent que le temps leur est compté.
S’ils ne sont pas capables de s’unir face à des extrêmes qui nagent comme des poissons dans l’eau des réseaux antisociaux, des fake news et de l’injure, il ne faudra pas qu’ils se plaignent d’une défaite qu’ils n’auront su empêcher.
Il est temps que les raisonnables se rassemblent, qu’ils construisent une majorité ou des alliances, seule façon de gouverner la France avec succès.
Ce souhait sera peut-être considéré aujourd’hui avec indifférence ou ironie. Dans quelques mois, lorsque s’affichera le résultat des élections européennes, ceux qui, dans la majorité comme dans les oppositions républicaines, se complaisent dans des querelles de cour d’école, comprendront – je l’espère – que le temps des anathèmes est terminé.
Le général Mac Arthur disait que les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard. Réfléchissons à cette phrase tant qu’il est encore temps.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, si nous avons tous, dans cette enceinte, un devoir de vérité sur la situation de la France, nous avons aussi celui de cultiver l’espoir par nos initiatives et le dialogue avec nos territoires.
Il revient à chacun d’entre nous, quels que soient nos sensibilités ou nos désaccords, de faire preuve de responsabilité et de courage pour réparer, enrichir et préserver notre modèle social et républicain.
Sans méconnaître les difficultés que rencontre notre pays, verser dans le pessimisme ou la nostalgie d’une douce France à jamais disparue ne serait ni responsable ni mobilisateur.
Sans tout promettre, nous devons néanmoins trouver les voies pour que – oui, monsieur le Premier ministre – « nos enfants viv[ent] mieux demain que nous ne vivons aujourd’hui ».
Un nouveau cap pour l’emploi, l’éducation, la santé, le logement, la sécurité… le RDSE est prêt à entendre les nouvelles propositions, à en débattre, à soutenir toutes celles qui s’inscrivent sans détour dans le sillon de la justice sociale, de la solidarité et du progrès.
Monsieur le Premier ministre, vous nous trouverez à vos côtés sur le chemin d’une école qui tiendrait mieux son rôle, à la condition toutefois que l’instauration du port de l’uniforme soit non pas un cache-misère, mais le signal d’un retour aux fondamentaux de l’école républicaine – au premier rang desquels figure l’égalité des chances.
Mon groupe est également attaché aux manifestations d’appartenance républicaine et au respect du principe de laïcité.
Monsieur le Premier ministre, nous espérons qu’en la matière vous continuerez à faire preuve de la même fermeté que celle dont vous avez témoigné sur la laïcité : c’est indispensable pour protéger les consciences en éveil et pour développer l’esprit de tolérance chez les jeunes – condition du vivre ensemble.
Mon groupe est également attaché à une citoyenneté « réarmée », pour employer vos mots. Nous avons soutenu, au Sénat, des propositions : nous vous demandons de les regarder.
Nous serons également au rendez-vous de l’écologie, comme nous l’avons toujours été, pourvu que celle-ci soit non pas punitive, mais plutôt intelligente, cohérente et soutenable pour les forces vives de notre économie ainsi que pour les plus modestes.
La lutte contre le dérèglement climatique nécessite une large planification, des réflexions transversales et beaucoup d’innovations. Voilà certainement l’un des défis les plus difficiles à relever. La crise que traverse le monde agricole en est l’illustration.
Le RDSE a toujours défendu une agriculture durable, mais pas au prix du sacrifice de milliers d’exploitants, car c’est bien cela qui se joue. Les agriculteurs vous le disent partout : dans l’Hexagone comme, depuis quelques jours, dans les outre-mer. Ils se meurent, quand ils ne meurent pas au sens propre, sous le poids des normes, d’une concurrence étrangère déloyale et de la pression des distributeurs. Ils doivent franchir une vraie haie d’obstacles pour toucher, finalement, des revenus indécents. Oui, nous comprenons leur colère et nous serons attentifs aux solutions proposées.
Il est d’ailleurs bien regrettable que le travail de contrôle des parlementaires ne soit pas davantage pris en compte. Je pense, en l’espèce, aux soixante-trois propositions du rapport sur la détresse des agriculteurs. À quand, monsieur le Premier ministre, un véritable partage de la valeur ?
Pour ce qui concerne le front de l’emploi, vous annoncez un acte II. Il est difficile de dire, à cette heure, si vous parviendrez à atteindre votre objectif de plein emploi, alors que le contexte économique mondial est fragile. On ne peut que le souhaiter. Vous entendez dynamiser le dialogue de branche, baisser les charges, expérimenter la semaine de quatre jours dans l’administration. Nous regarderons avec intérêt et vigilance tous ces projets.
Rendre la lumière aux travailleurs de l’ombre des bureaux du secteur public est une belle ambition et nous la saluons, mais il faudra pousser l’effort jusqu’au secteur privé.
En ce qui concerne les conditions de travail, mon groupe a demandé, sans être toujours entendu, lors de l’examen de la réforme des retraites, des mesures fortes sur la pénibilité.
Monsieur le Premier ministre, j’espère que vous serez rapidement au rendez-vous sur tout ce qui constitue la contrepartie légitime du recul de l’âge de départ à la retraite.
De même, il faut sans attendre renforcer, et non pas colmater, notre système de santé. Au fil des décennies, celui-ci se fracture un peu plus. Les déserts médicaux sont le point d’orgue de cette évolution. Quels moyens supplémentaires – il en faudra ! – prévoyez-vous ?
Nous sommes en tout cas heureux que la résolution déposée par mon groupe, invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale, qui vient d’être adoptée par le Sénat en début d’année, trouve déjà un écho auprès du Gouvernement.
Comment espérer la réalisation du « réarmement démographique » promu par le chef de l’État, quand le secteur périnatal est en danger ? Mon groupe s’emparera de ce sujet cette année, en demandant la création d’une mission d’information sur l’avenir de la santé périnatale.
Sans logement, il ne peut non plus y avoir de projets parentaux. En France, en 2024, des travailleurs vivent dans leur voiture. Dans les grandes villes, des sans-abri dorment sous les fenêtres des Airbnb. C’est intolérable !
Comment ne pas vous suivre quand vous dites vouloir construire plus de logements et simplifier les procédures ?
On ne peut ignorer cependant le coût du renforcement de ces politiques publiques. Aussi, je me demande avec inquiétude quelles seront les cibles qui feront les frais des 12 milliards d’économies promis pour l’an prochain, alors que beaucoup de nos services publics sont en difficulté.
Nous souscrivons évidemment à votre objectif de redressement des comptes publics. La question cruciale est celle du rythme de cet ajustement. S’il est trop rapide, il pèsera sur la croissance française, ce qui ne fera qu’aggraver notre dette. Je vous appelle donc à la mesure, monsieur le Premier ministre : le dernier défaut de paiement de la France remonte à 1797…
J’entends bien aussi ce que l’Europe vous commande, et nous commande. Elle figure dans l’intitulé de notre groupe, le Rassemblement Démocratique et Social Européen, et dans notre cœur. Toutefois, cet amour n’est pas inconditionnel. Nous l’avons démontré en faisant adopter au Sénat, dès 2018, une résolution sur le Mercosur.
Malgré ses imperfections, l’Union européenne n’est pas un problème ; elle est bien souvent la solution. Vous avez d’ailleurs rappelé, monsieur le Premier ministre, toutes les digues qu’elle a su construire pour protéger nos concitoyens. Ils ne doivent pas l’oublier ni céder aux sirènes des populismes, qui se résument bien souvent à la peur de l’autre.
Un remaniement gouvernemental sert à redonner un cap. Cependant, on ne tient pas seul un gouvernail. En cas de forte tempête, mieux vaut s’appuyer sur les loups de mer. Personne ne doute, monsieur le Premier ministre, de votre lucidité ni de votre volontarisme. Mais les réponses, vous le savez, viendront aussi des territoires, des corps intermédiaires, du monde associatif et de tous les élus locaux, sans lesquels rien ne serait possible.
Ces derniers doivent être mieux protégés, en sécurité, libérés, eux aussi, du poids des normes, afin qu’ils puissent mieux exercer leur mission.
Un nouvel acte de la décentralisation ? Pourquoi pas, si cela consiste à redonner du souffle aux collectivités locales pour qu’elles reprennent en main leur destin dans plusieurs domaines. Je pense notamment à la compétence eau et assainissement, que nous avons défendue en déposant une proposition de loi visant à en permettre une gestion différenciée.
En tant que sénateurs, il nous appartient de faire remonter l’intelligence des territoires dans l’hémicycle et de la mettre à disposition du Gouvernement.
J’espère, monsieur le Premier ministre, que vous trouverez la bonne méthode, que vous réussirez et que vous ne décevrez pas. Vous le devez à la jeunesse française, dans sa diversité, avec laquelle vous partagez sans doute l’audace. Toutefois, pour faire remonter la France sur le podium sans blessure, n’oubliez pas de puiser dans le vivier de l’expérience.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, depuis sept ans, Emmanuel Macron s’efforce à contretemps d’imposer à la France l’amère potion néolibérale des années 1980.
Depuis sept ans, excepté lorsqu’il s’est agi de signer des chèques en blanc aux entreprises, vous combattez la dépense publique, appauvrissez les collectivités locales, déplumez l’État et amputez les services publics.
Depuis sept ans, vous avez enrichi les plus riches, abîmé les mécanismes de redistribution, amoindri les filets de protection sociale et fait exploser les inégalités.
Vous nous annoncez la poursuite de cette politique de casse sociale sans précédent en vous attaquant au salaire minimum, aux minima sociaux et en détricotant la loi SRU.
Un Premier ministre du VIIe arrondissement de Paris est l’exécutant zélé du Président des riches : tout cela coule malheureusement de source !
Cependant, nous n’avions pas anticipé que le plus jeune Président et le plus jeune Premier ministre de la Ve République seraient à ce point non pas conservateurs, mais réactionnaires.
C’est là que demeure l’imposture originelle du macronisme : s’il a d’abord été présenté comme un libéralisme chimiquement pur à l’anglo-saxonne, il est aujourd’hui un trumpisme élégant de Rotary Club !
Sourires sur les travées du groupe GEST.
La pandémie mondiale, la guerre en Ukraine et la crise écologique ont achevé de démontrer l’impasse de la mondialisation et de votre dogmatisme néolibéral. Or sans lui, monsieur le Premier ministre, vous n’avez aucun cap. Vous vous contentez de gérer les crises, toujours de la même manière : réactionnaire, autoritaire et, depuis peu, populiste.
Emmanuel Macron avait promis que chacun pourrait vivre de son travail. Sept ans après son élection, les agriculteurs bloquent le pays, étouffés par la concurrence mondiale déloyale et la rapacité de la grande distribution.
Face à une crise structurelle, dont votre idéologie est la cause fondamentale, vous vous engouffrez dans une dérive populiste qui fait de la protection de l’environnement et de la biodiversité l’épouvantail des difficultés du monde agricole.
Vos premières mesures n’apportent aucune réponse pour garantir un revenu décent aux hommes et aux femmes qui nourrissent la France ni pour renforcer notre souveraineté alimentaire. Vous vous gardez bien de combattre le libre-échange, de réinstaurer des quotas ou de refondre une PAC qui engraisse surtout quelques privilégiés.
Vous n’avez rien fait pour rehausser le niveau des salaires, renforcer le pouvoir d’achat des Françaises et des Français et leur permettre, notamment, de se nourrir correctement avec des produits locaux et de qualité. C’est pourtant l’une des conditions sine qua non pour garantir une rémunération décente à nos agriculteurs. Vous n’avez rien fait non plus pour favoriser leur installation et la transmission des exploitations, qui passeront par une indispensable réorganisation du travail.
Emmanuel Macron avait en 2017 une certaine vision des évolutions à venir du travail. Sept ans plus tard, cette vision s’est perdue dans le costume gris d’un comptable triste. Vous ne considérez le travail que comme un coût. En refusant d’indexer les salaires sur l’inflation, en ne revalorisant pas les fonctionnaires, en reculant l’âge de la retraite, vous dévalorisez le travail tout en prétendant réhabiliter la valeur travail. Cherchez l’erreur !
Emmanuel Macron devait être le président du renouveau démocratique. Sept ans plus tard, faute de pouvoir se nommer lui-même, il nomme un Premier ministre qui ne sollicite même pas la confiance du Parlement. Aucun pouvoir républicain n’a gouverné de manière aussi centralisée, aussi autoritaire, en manifestant un tel mépris du peuple et de tous les corps intermédiaires. Voilà votre réponse à la crise des « gilets jaunes », dont les doléances sont encore sous scellés.
Emmanuel Macron promettait « une République exemplaire ». Sept ans plus tard, on remanie non plus pour exfiltrer, mais pour faire entrer au Gouvernement des ministres mis en examen !
Emmanuel Macron avait fait de l’éducation et de la culture son premier chantier. Sept ans plus tard, vous faites vous-même, monsieur le Premier ministre, le terrible constat de la crise du métier de professeur, mais vous n’annoncez rien pour le revaloriser. Pis, vous déployez des écrans de fumée autour de l’abaya, vous vous égosillez sur la laïcité à l’école, mais vous laissez prospérer le séparatisme scolaire de l’enseignement privé catholique. Vous en faites presque un modèle pour l’école publique, puisque vous souhaitez revenir sur les acquis de mai 68 à coups d’uniforme obligatoire, de respect de l’autorité et de service universel ou civique.
Action, réaction ! Nous voilà revenus au modèle rééducatif du tyrannique directeur Rachin dans le film Les Choristes.
Marques de protestation sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Joshua Hochart s ’ en amuse.
L’éducation punitive : telle est votre réponse à la crise des banlieues qui a agité notre pays l’été dernier ; telle est votre réponse à notre jeunesse en quête de sens dans « le vieux monde [qui] se meurt », théorisé par Gramsci.
Ce n’est même pas une politique de boomer, c’est une politique d’avant-guerre ! La jeunesse de ce pays et de ce continent se demande dans quel monde elle vivra, et vous ne faites pas le lien avec la baisse de la natalité…
Déconnecté, le Président de la République appelle, dans un discours que l’on croirait sorti des lendemains de la Grande Guerre, à réarmer démographiquement la France – sous-entendu : pour faire des soldats et des cotisants pour notre régime de retraite…
Vous annoncez que la santé mentale de la jeunesse sera votre grande cause nationale. On pourrait saluer l’initiative si la précédente « grande cause » ne s’était pas achevée en un soutien abject à Gérard Depardieu.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Emmanuel Macron devait être le barrage à l’extrême droite. Sept ans plus tard, il a ouvert toutes les vannes : la loi Immigration demeurera ainsi comme une indélébile déchéance politique et morale.
Avant de vous présenter devant le Parlement, vous avez soigneusement attendu, pendant un mois, que le Conseil constitutionnel rende sa décision : vous comptiez sur lui pour censurer les pires atrocités de votre pacte faustien avec la droite extrême et l’extrême droite.
Marques de protestation sur les travées du groupe Les Républicains.
Mais personne n’est dupe : le ministre de l’intérieur, qui incarne la dérive illibérale du Gouvernement, siège toujours à vos côtés. Votre pacte de gouvernement tacite avec les soi-disant « Républicains » demeure.
Mes chers collègues de droite, je vous le dis gravement, vous avez, depuis plusieurs semaines, critiqué la Constitution du général de Gaulle avec la même virulence que les héritiers de Pétain.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée et M. Francis Szpiner protestent.
Vous êtes sur une pente glissante, qui vous mène hors du champ républicain. Si vous refusez de l’entendre de ma bouche, entendez-le de celle de Xavier Bertrand.
Monsieur le Premier ministre, je n’ai pas encore parlé d’écologie, du moins pas selon la conception « ensilotée » que vous vous en faites.
L’affermissement du pouvoir de vivre, la réorganisation du travail, le renouveau démocratique, le renforcement des libertés publiques et de l’État de droit, un regard ouvert et accueillant sur le reste de l’humanité, un projet éducatif qui fait confiance à notre jeunesse et qui vise à lui redonner espoir dans l’avenir : c’est ça, l’écologie !
Elle est la vision qui vous manque pour, à partir des territoires et de l’innovation locale, recréer de l’activité économique et recouvrer notre souveraineté, grâce à une transition agricole pourvoyeuse d’emplois et rémunératrice pour les producteurs ; grâce à une réindustrialisation vertueuse, concentrée sur nos besoins essentiels et pensée dans une logique circulaire ; grâce à la transition énergétique, plus compétitive et plus souveraine que le nucléaire ; grâce à une production de logement biosourcés, économes en énergie et reposant sur des filières locales.
L’écologie est la solution pour résorber la fracture territoriale en repensant les mobilités, l’urbanisme et en permettant à celles et à ceux qui le souhaitent de quitter les métropoles.
L’écologie est la solution pour contrôler notre dépense publique, grâce à des investissements intelligents et à la sobriété.
L’écologie constitue, à elle seule, une politique de santé publique.
L’écologie est la solution, enfin, pour nous permettre de dépasser nos divisions, nos haines, nos égoïsmes et de nous mobiliser ensemble autour d’un objectif qui concerne l’avenir de l’humanité tout entière.
La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Monsieur le Premier ministre, vous avez surjoué le volontarisme dans votre déclaration de politique générale. Drapé dans la nouveauté qu’inspire votre nomination récente, vous semblez découvrir une situation dont ni vous ni Emmanuel Macron ne seriez aucunement responsables, un bilan dont vous ne seriez pas comptables.
Ainsi, sous couvert de modernité et de jeunesse, votre logiciel politique est daté et obsolète.
Mais voilà que la crise agricole, lancinante et menaçante depuis des décennies, vous saute à la figure. Elle témoigne des ravages du libre-échange, d’une politique bruxelloise déconnectée des réalités du monde paysan et de celle d’un gouvernement resté sourd aux cris de colère et de désespoir.
Tous ces maux, que le Rassemblement national dénonce depuis longtemps, vous semblez les découvrir aujourd’hui, alors que nos agriculteurs convergent vers Paris dans un mouvement pacifique et pleinement soutenu par les Français.
Monsieur le Premier ministre, vous avez appuyé, d’une manière ou d’une autre, tous ceux qui ont échoué depuis dix ans, qu’ils soient de gauche ou de droite. Vous avez été incapable, par idéologie et par conformisme, de résister à un libre-échange délirant.
Comment peut-on encore vous croire en sachant que la feuille de route ultralibérale continuera d’être déroulée dans les mois et les années à venir ? Comment pourrez-vous rétablir la confiance, alors que vous êtes comptable – d’aucuns diraient coupable – du malheur de nos paysans ?
Monsieur le Premier ministre, vous parlez d’action, vous multipliez les déplacements, mais vous ne pouvez rien faire parce que vous ne vous libérez pas d’entraves confortables, qui permettent de systématiquement rejeter la responsabilité de ses échecs sur d’autres.
C’est à Bruxelles que se décide notre politique agricole. C’est bien là que réside tout le problème français : le pouvoir politique n’existe plus ; il est dilué, abandonné par les politiques eux-mêmes. Nos compatriotes l’ont bien compris : Bruxelles décide et les Français subissent.
Ce qui caractérise le système, dont vous êtes l’un des tenants, c’est l’impuissance consentie. J’en veux pour preuve la question sécuritaire et migratoire, la poursuite en 2023 de l’immigration massive, la non-exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) – source de nombreux drames –, les émeutes qui ont enflammé le pays en juillet dernier…
Monsieur le Premier ministre, vous évoquiez hier, à juste titre, votre satisfaction de pouvoir, en 2024, être Premier ministre et homosexuel assumé. Permettez-moi de sortir de l’immédiateté et de vous poser une question : si le laxisme sécuritaire et migratoire perdure, pensez-vous que nous pourrons encore assumer notre homosexualité en 2034 ? Je l’espère !
Cette question me conduit à évoquer le drame que vivent nos compatriotes et qui s’aggrave chaque année un peu plus : sept ans de Macronie, c’est sept ans de précarité, d’incapacité à se projeter, de sacrifices et de compromis, parce que leur pouvoir d’achat est la cible de mesquineries permanentes et l’exutoire du « quoi qu’il en coûte ».
Monsieur le Premier ministre, vous avez dressé hier le portrait d’une France idéale ; mais être Français en 2024, c’est aussi avoir du mal à boucler ses fins, voire ses débuts de mois, et c’est aussi ne pas trouver de place dans un institut spécialisé pour y placer son enfant en situation de handicap.
Vos promesses, monsieur le Premier ministre, n’y changeront rien. Votre communication léchée ne nous fera pas oublier la réalité et votre bilan. Votre gouvernement demeure minoritaire, dans les Chambres comme dans le pays.
Monsieur le Premier ministre, prenons date : nous faisons le pari que, dans six mois, un an, voire deux ans, rien n’aura changé. Les Français veulent des personnes qui agissent au quotidien et non qui se contentent d’être les témoins du déclin.
Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je veux d’abord remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés. Je crois qu’ils l’ont tous fait dans une logique constructive et en se tournant – je l’espère en tout cas – vers l’intérêt général des Français et de notre pays.
Monsieur Retailleau, vous avez insisté sur la nécessité de continuer à agir pour le réarmement économique de notre pays. Mais que les choses soient claires : je ne crois pas avoir donné le sentiment aujourd’hui, hier ou lors de mes autres interventions que je considère qu’en France tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pas du tout ! Simplement, il est juste de dire que des choses s’améliorent quand cela correspond à une réalité – cela fait aussi partie de mes responsabilités.
Et la réalité, c’est que le taux de chômage de notre pays se situe 2 points en dessous de celui auquel il s’établissait en 2017 et qu’il n’a jamais été aussi bas depuis vingt-cinq ans – 2 millions d’emplois ont ainsi été créés. C’est un succès dont je ne dis même pas qu’il est celui du Gouvernement, car je crois que c’est un succès collectif : nos entreprises ont réussi à créer des emplois ; nous les avons accompagnées et soutenues. C’est surtout un succès pour ces millions de familles dont l’un des membres a pu retrouver un emploi et qui peuvent ainsi vivre dans la dignité.
Je ne suis pas là pour dire que tout est rose, mais je pense que nous pouvons tous nous accorder sur le fait que tout n’est pas noir non plus. La réalité est probablement entre les deux.
Vous avez fait la comparaison avec l’Allemagne. Il est vrai que nous sommes encore nettement au-dessus des Allemands en termes de taux de chômage, de déficit et de dette. Mais notre économie est aujourd’hui plus dynamique ; ce n’est d’ailleurs pas nécessairement une bonne nouvelle pour nous que l’Allemagne soit en récession, puisque cela a des effets sur notre propre croissance. Toujours est-il que nous allons poursuivre nos efforts.
Sur la question des agriculteurs, j’ai déjà pris un engagement clair, que je répète ici : pas de surtransposition et pas d’interdiction sans solution.
Vous avez aussi abordé la question des surtranspositions qui subsisteraient. Il y en a beaucoup moins qu’avant, puisque notre pays, qui avait fait le choix, avant 2017, d’interdire certaines molécules, a été rejoint par les pays européens. C’est pourquoi je pense que ce sujet vaut avant tout pour l’avenir. J’y serai très vigilant.
Nous devons aussi être attentifs aux contournements manifestes des interdictions européennes de molécules dans certains pays qui nous entourent du fait de contrôles peut-être moins tatillons que les nôtres. §Nous devons avoir cette préoccupation en tête.
Ensuite, quand une agence sanitaire française indépendante, dont je respecte évidemment le travail, prend l’initiative d’interdire un produit, alors même que le régulateur européen est en train de se pencher sur le dossier, je trouve que cela pose un problème. Nous devons probablement revoir notre organisation pour que le régulateur européen et les régulateurs nationaux parlent de concert, sinon nos agriculteurs risquent de se retrouver dans une situation de concurrence déloyale.
M. Yannick Jadot proteste.
Sur tous ces sujets, dont nous parlons matin, midi et soir avec les représentants des agriculteurs, nous allons continuer d’avancer dans les prochaines heures.
Je veux revenir sur vos propos à l’endroit de mon gouvernement. Je crois au dépassement politique et au rassemblement ; c’est pour cela que j’ai rejoint Emmanuel Macron en 2017. À d’autres moments de l’histoire, y compris récemment – un autre Président de la République parlait d’ouverture… –, …
… des personnalités politiques d’origines diverses ont rejoint une majorité qui n’était pas nécessairement la leur.
Ce n’est pas l’exemple des gouvernements Fillon qui m’a convaincu, en 2017, de l’intérêt de mettre autour d’une même table des femmes et des hommes qui viennent d’horizons politiques différents pour les faire travailler ensemble, c’est mon expérience de conseiller municipal.
S’il est une assemblée en France où l’on est capable d’avancer ensemble, majorité et opposition, membres élus sur des listes différentes, sur certains sujets, c’est l’assemblée communale. Il arrive même parfois que des listes intègrent, à l’élection suivante, des personnes qui avaient été élues précédemment sur une autre liste.
De ce fait, qui, sinon les sénateurs, pour comprendre que des personnes venant d’horizons différents peuvent s’accorder sur certains projets, voire appartenir à la même majorité ?
L’inverse est vrai aussi : le Gouvernement doit se tourner vers le Parlement !
Vous avez raison, monsieur le rapporteur général.
Je veux revenir rapidement sur l’intervention de François Patriat et le remercier d’avoir mis en avant deux enjeux majeurs : les outre-mer et la ruralité, des territoires qui ont absolument besoin d’un investissement particulier – j’ai eu l’occasion de le dire dans mon intervention liminaire.
Nous allons continuer d’avancer sur la question de la ruralité. Nous avons déjà fait le choix de rapprocher des territoires les stratégies de politiques publiques : nous avons ainsi conclu des pactes territoriaux dans la Creuse, la Nièvre, les Ardennes ou encore la Sambre-Avesnois-Thiérache. C’est aussi le sens du plan Marseille en grand §– ce n’est certes pas la ruralité, …
… mais c’est un exemple de territorialisation.
Nous avons doublé la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales, nous avons pérennisé les zones de revitalisation rurale, nous avons lancé les programmes Action cœur de ville – qui concerne plus de 200 communes – et Petites Villes de demain, dispositif qui soutient le développement de quelque 1 600 communes. Lors de mes déplacements, je vois concrètement tout ce que ces programmes ont apporté à ces territoires.
Nous allons bien évidemment poursuivre l’investissement dans les maisons France Services et, de manière générale, notre soutien à l’accès aux services publics et au commerce dans les départements ruraux.
Je voudrais revenir, madame Carrère, sur la question des fins de carrière et de la pénibilité en lien avec la réforme des retraites. C’est un enjeu majeur ; je serai très attentif à ce que les budgets qui avaient été définis dans le cadre de la réforme des retraites pour prévenir la pénibilité, que ce soit dans les entreprises ou dans les services publics, en particulier à l’hôpital, soient bien utilisés à cette fin.
Vous le savez, les partenaires sociaux négocient en ce moment sur la question de l’usure professionnelle, de l’emploi des seniors et de la reconversion. J’attends beaucoup de cette négociation et des propositions qui en découleront. Nous avons décidé de reculer l’âge légal de départ à la retraite, ce que nous assumons totalement. Cela doit nous pousser à en faire encore davantage sur ces questions de pénibilité, d’usure professionnelle et de reconversion des seniors.
(Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) À bientôt, pour continuer à avancer ensemble sur tous ces sujets !
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes INDEP, RDSE et UC.
Encore une fois, merci à toutes et à tous pour vos interventions. Je remercie MM. Marseille et Malhuret pour leurs propos constructifs. §
Je vous remercie, monsieur le Premier ministre.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Mathieu Darnaud.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France (proposition n° 147, texte de la commission n° 253 rectifié, rapport n° 252, avis n° 240).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, à l’article 3 bis.
TITRE II (suite)
PROMOUVOIR LA BIENTRAITANCE EN LUTTANT CONTRE LES MALTRAITANCES DES PERSONNES EN SITUATION DE VULNÉRABILITÉ ET GARANTIR LEURS DROITS FONDAMENTAUX
(Supprimé)
L’amendement n° 132 rectifié, présenté par Mmes Le Houerou, Lubin et Féret, MM. Roiron et Kanner, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bonnefoy, MM. Chaillou, Cozic, Fagnen, Gillé, Jacquin, Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, M. Weber et Tissot, Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le huitième alinéa de l’article L. 311-4 du code de l’action sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un projet d’accueil et d’accompagnement personnalisé est élaboré dans des conditions fixées par décret dans les deux mois suivant la conclusion du contrat de séjour. Il est réévalué et adapté au minimum une fois par an. »
La parole est à Mme Monique Lubin.
Cet amendement vise à rétablir l’article 3 bis qui rendait obligatoire l’élaboration d’un projet d’accueil et d’accompagnement personnalisé dans les deux mois suivant la conclusion du contrat de séjour. Cette disposition, introduite à l’Assemblée nationale, a été supprimée par la commission des affaires sociales du Sénat.
Le projet d’accueil et d’accompagnement personnalisé complète le contrat de séjour en plaçant la dimension humaine au cœur de la relation entre le résident et l’établissement qui l’accueille.
Il convient de le réaliser, en particulier en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dans les deux mois suivant la conclusion du contrat de séjour. Selon la Haute Autorité de santé, seuls 34 % des Ehpad réévaluent les projets personnalisés en cas de modification des potentialités du résident.
La commission a supprimé l’article 3 bis au motif que ses dispositions étaient satisfaites par le code de l’action sociale et des familles, qui prévoit déjà l’élaboration d’un projet d’accueil et d’accompagnement personnalisé en parallèle du contrat de séjour. Une enquête de 2015 révèle d’ailleurs que 84 % des Ehpad ont effectivement conçu des projets personnalisés.
Prévoir de nouvelles dispositions législatives formalisant davantage la procédure d’élaboration d’un tel projet, comme le prévoyait l’article, n’est donc pas nécessaire : avis défavorable.
L’enquête de 2015 révèle effectivement que 84 % des Ehpad ont conçu des projets personnalisés.
De nouvelles dispositions législatives auraient tendance à figer la procédure, ce qui serait superfétatoire. Votre amendement étant satisfait, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir le retirer.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Le livre III du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après le sixième alinéa de l’article L. 311-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La conclusion du contrat de séjour ou l’élaboration du document individuel de prise en charge donne lieu au recueil de l’accord de principe ou du refus de la personne accueillie ou de son représentant légal pour le contrôle effectué dans son espace privatif en application de l’article L. 313-13-1 ainsi que pour la collecte des données personnelles recueillies au cours de sa prise en charge, leur conservation et leur traitement éventuel, qui s’effectuent dans le respect des droits mentionnés à l’article L. 311-3, à partir d’un système d’information mentionné à l’article L. 312-9, dans des conditions définies par décret. Sur chacun de ces points, l’accord ou le refus est consigné par écrit dans le contrat de séjour ou le document individuel de prise en charge et demeure révocable à tout moment. » ;
1° bis
2° Après le mot : « occupant », la fin de la même seconde phrase est ainsi rédigée : « et lorsque celui-ci ou son représentant légal a donné son accord écrit, recueilli et consigné dans les conditions mentionnées au septième alinéa de l’article L. 311-4 ou au dernier alinéa de l’article L. 342-1 du présent code ou, à défaut, recueilli le jour du contrôle par un agent habilité et assermenté dans les conditions prévues à l’article L. 331-8-2. » ;
3° Après la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 342-1, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « La signature du contrat donne lieu au recueil de l’accord de principe ou du refus de la personne âgée ou de son représentant légal pour le contrôle effectué dans son espace de vie privatif en application de l’article L. 313-13-1 ainsi que pour la collecte des données personnelles recueillies au cours de sa prise en charge, leur conservation et leur traitement éventuel, qui s’effectuent dans le respect des droits mentionnés à l’article L. 311-3, à partir d’un système d’information mentionné à l’article L. 312-9, dans des conditions définies par décret. Sur chacun de ces points, l’accord ou le refus est consigné par écrit dans le contrat et demeure révocable à tout moment. »
L’amendement n° 281, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani, Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après les mots :
représentant légal
insérer les mots :
s’il s’agit d’un mineur, ou la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne lorsque le majeur protégé ne peut exprimer sa volonté,
II. – Alinéa 5 et 6
Remplacer les mots :
son représentant légal
par les mots :
la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne lorsque le majeur protégé ne peut exprimer sa volonté,
La parole est à Mme Céline Brulin.
Cet amendement vise à ajouter, à côté du représentant légal du mineur, le protecteur du majeur n’étant pas en mesure d’exprimer sa volonté.
Lorsqu’un membre de la famille ou un proche ne peut assumer la tutelle ou la curatelle, le juge désigne un mandataire. Cet amendement vise simplement à permettre à ces mandataires d’exercer leurs missions dans le cadre de la conclusion du contrat de séjour et l’élaboration du document individuel de prise en charge dont il est question dans cet article 3 ter.
Une grande responsabilité pèse sur les épaules des mandataires, alors que les injonctions extérieures et la législation se font chaque jour plus pesantes. Nous devons mieux prendre en compte cette profession et définir ses missions de façon à garantir l’intérêt des personnes protégées comme la sécurité des mandataires en termes de responsabilité.
Ils sont mobilisés pour obtenir une amélioration de leur statut, de leurs conditions d’exercice et de leur rémunération. Cette dernière, pour ceux qui exercent de manière individuelle, était auparavant indexée sur le montant de l’allocation aux adultes handicapés et sur le Smic horaire. Elle est désormais calculée sur un indice de référence, qui est gelé depuis 2014 – inutile de s’étendre sur les conséquences de ce gel en ces temps d’inflation… Ils ont aussi montré leur volonté de travailler à l’élaboration d’une charte.
Il me semble que tout ce travail doit se poursuivre. Nous ne devons pas repartir d’une feuille blanche. C’est une profession dont nous allons avoir besoin, puisqu’en 2040 plus de 2 millions de personnes pourraient être concernées par une mesure de protection.
Cet amendement est de nature rédactionnelle. Or la précision qu’il apporte ne s’avère pas nécessaire, puisque le code de l’action sociale et des familles utilise les termes « représentant légal » aussi bien pour les mineurs que pour les personnes majeures protégées.
La commission est défavorable à cet amendement.
Madame la sénatrice, vous proposez que tout contrôle dans l’espace de vie privatif d’une personne accueillie en établissement ait lieu avec l’accord de celle-ci ou de son représentant légal, s’il s’agit d’un mineur.
Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 3 ter est adopté.
I. – Le chapitre IX du titre Ier du livre Ier du code de l’action sociale et des familles est complété par des articles L. 119-2 et L. 119-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 119 -2. – Toute personne ayant connaissance de faits constitutifs d’une maltraitance, au sens de l’article L. 119-1, envers une personne majeure en situation de vulnérabilité du fait de son âge ou de son handicap, au sens de l’article L. 114, les signale à la cellule mentionnée à l’article L. 119-3.
« Ladite cellule transmet les signalements sans délai, pour leur évaluation et leur traitement :
« 1° Au directeur de l’agence régionale de santé lorsque le signalement implique un professionnel, un établissement ou un service intervenant au titre d’une activité financée au moins partiellement par l’assurance maladie ;
« 2° Au président du conseil départemental lorsque le signalement implique un professionnel, un établissement ou un service intervenant au titre d’une activité financée exclusivement par le conseil départemental ou toute autre personne ne relevant pas du 1° du présent article.
« Les autorités mentionnées aux 1° et 2° avisent, si nécessaire, le procureur de la République de la situation de la personne majeure en situation de vulnérabilité.
« Les actions entreprises par les autorités mentionnées aux mêmes 1° et 2° pour traiter les signalements sont communiquées à la cellule mentionnée à l’article L. 119-3.
« Dans le respect de l’intérêt de la personne majeure en situation de vulnérabilité, du secret professionnel et dans des conditions déterminées par décret, cette cellule informe les personnes qui lui ont signalé les faits constitutifs de maltraitance des suites qui ont été données à leur signalement.
« Un décret détermine les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 119 -3
« La cellule fait l’objet d’une convention conclue entre le directeur général de l’agence régionale de santé, le président du conseil départemental et les partenaires institutionnels et associatifs concernés. Cette convention définit, dans des conditions prévues par décret, la composition de la cellule et ses modalités de fonctionnement.
« Cette cellule centralise les signalements adressés au moyen d’un numéro d’appel national unique, géré, dans des conditions définies par une convention conclue avec l’État, par une personne morale de droit privé.
« L’évaluation et le traitement des signalements par la cellule départementale sont réalisés dans les conditions prévues à l’article L. 119-2. »
II. –
Supprimé
L’amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme Romagny, M. Menonville, Mmes Sollogoub et Aeschlimann, M. Canévet, Mme Devésa, MM. Duffourg, Gremillet, Henno et Hingray, Mme Jacquemet, M. Longeot, Mme Perrot et M. Reynaud, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi qu’à la représentation des centres Alma pour le département
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
Par cet article 4, la nouvelle architecture envisagée dans les départements ampute l’action des centres Alma de leur mission première : l’accompagnement des témoins, proches aidants, professionnels ou victimes de maltraitance pour faire cesser ces situations.
Les victimes en pâtiraient et les collectivités locales perdraient un allié précieux ayant développé, depuis plusieurs années, une expertise sans commune mesure par la capitalisation des expériences de ces centres et des témoignages recueillis par la plateforme téléphonique gérée par la Fédération 3977. En 2022, le réseau 3977 a ainsi reçu 80 000 sollicitations.
Il paraît légitime que le réseau des centres Alma puisse continuer à œuvrer pour répondre aux alertes sur des situations de maltraitance éventuelles et accompagner les personnes concernées vers les professionnels compétents. Il s’agit de contribuer à la prévention des maltraitances et à leur détection précoce par les professionnels et les proches aidants.
Cet amendement vise à rendre obligatoire l’information des centres Alma en parallèle de l’information de la nouvelle cellule créée par le présent texte.
Cet amendement vise à rendre obligatoire le signalement des cas de maltraitance aux centres Alma, en parallèle du signalement à la cellule départementale. Ces cinquante-deux centres départementaux associatifs conventionnés avec la Fédération 3977 ont développé une réelle expertise dans le recueil des cas de maltraitance.
La rédaction issue des travaux de la commission permet déjà d’intégrer ces centres à la convention constitutive de la nouvelle cellule départementale. Cet amendement étant satisfait, la commission en demande le retrait ; à défaut, elle y sera défavorable.
Les centres Alma jouent un rôle important pour le recueil et l’écoute des personnes, mais leur présence sur le territoire est hétérogène.
Il ne nous semble pas opportun de les informer systématiquement, comme vous le proposez, madame la sénatrice, car cela risque d’entraîner une confusion dans les rôles de chacun et pourrait créer des goulets d’étranglement, alors que nous recherchons précisément une plus grande fluidité.
L’articulation avec les plateformes d’écoute nationale, voire locale, est un axe de travail prioritaire pour l’État, tant pour l’administration centrale que pour les agences régionales de santé (ARS).
En outre, l’amendement relève davantage du domaine réglementaire que de celui de la loi. Je vous remercie cependant d’avoir signalé ce sujet.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Non, je le retire, monsieur le président. Je me range à l’avis de la commission et du Gouvernement : si les centres Alma ne sont pas oubliés dans le futur dispositif, je suis rassurée.
L’amendement n° 44 rectifié est retiré.
L’amendement n° 168 rectifié ter, présenté par M. Milon, Mmes Imbert et Deseyne et M. Belin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les personnes soumises au secret professionnel peuvent signaler les faits constitutifs d’une maltraitance en application de l’article 226-14 du code pénal.
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - L’article 226-14 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au 1°, après les mots : « ou administratives » sont insérés les mots : « de maltraitances, » ;
2° À la première phrase du 2°, les mots : « les sévices » sont remplacés par les mots : « ou qui porte à la connaissance de l’instance mentionnée à l’article L. 119-2 du code de l’action sociale et des familles les sévices, maltraitances ».
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Si l’on ne peut que saluer l’initiative de créer, à l’instar des cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (Crip) pour les mineurs, une instance départementale de recueil et de suivi des signalements administratifs de maltraitance envers les personnes majeures en situation de vulnérabilité du fait de leur âge ou de leur handicap, le nouvel article L. 119-2 du code de l’action sociale et des familles pourrait mettre en difficulté les professionnels de santé soumis au secret professionnel.
Le nouveau texte introduit en effet l’obligation pour toute personne ayant connaissance de faits constitutifs d’une maltraitance, au sens de l’article L. 119-1 du même code, envers une personne majeure en situation de vulnérabilité du fait de son âge ou de son handicap, de les signaler à la cellule départementale chargée de recueillir et de procéder au traitement de ces signalements.
Le texte n’opère pas de différence entre les non-professionnels et les professionnels ni, pour ces derniers, entre ceux qui sont soumis ou non au secret professionnel.
En outre, l’article 226-14 du code pénal prévoit expressément une clause d’irresponsabilité civile, pénale ou disciplinaire pour le professionnel de santé auteur d’un signalement à la Crip ou au procureur de la République, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi. Or le nouvel article L. 119-2 du code de l’action sociale et des familles ne prévoit pas une telle clause d’irresponsabilité pour les signalements à la nouvelle cellule départementale.
Nous proposons, d’une part, de permettre explicitement aux professionnels astreints au secret d’opérer ce signalement et, d’autre part, de modifier le code pénal pour que l’atteinte au secret professionnel ne soit pas applicable en cas de signalement à la cellule.
Il s’agit de laisser le professionnel de santé discerner, selon les circonstances, s’il convient de signaler le cas de maltraitance, sans que cela permette l’ouverture d’une poursuite pénale à son encontre.
Les auteurs de cet amendement proposent de préciser explicitement que les professionnels astreints au secret ayant connaissance de maltraitance dans le cadre de leur exercice professionnel pourront signaler ces maltraitances sans engagement de leur responsabilité civile, pénale ou disciplinaire.
Ce signalement resterait ainsi une possibilité légale et non une obligation, comme pourrait le laisser penser la rédaction actuelle. Ainsi, le régime existant en matière de levée du secret professionnel, par exemple pour la transmission d’une information préoccupante dans le champ de la protection de l’enfance, serait maintenu.
Comme le recommandait le rapport d’information de la commission des affaires sociales et de la commission des lois du Sénat de février 2020 sur l’obligation de signalement par les professionnels astreints à un secret des violences commises sur les mineurs, il est préférable de ne pas faire évoluer notre cadre juridique, qui est équilibré sur ce point.
Pour les médecins, le code de déontologie impose, dans le cas d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger, d’alerter les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières appréciées en conscience par le médecin.
Par conséquent, la commission est favorable à cet amendement.
Sous les réserves que j’ai déjà exprimées lors de notre débat, le Gouvernement partage les inquiétudes relatives au secret professionnel auquel sont soumises certaines professions. L’adoption de cet amendement apporterait une sécurisation bienvenue : avis favorable.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 330 rectifié, présenté par M. Somon, Mme Muller-Bronn, MM. Milon, H. Leroy, Sautarel, Klinger, Khalifé et Naturel, Mmes Micouleau et Garnier, M. Cambon, Mme Noël, MM. Belin, Gremillet, Chaize, Bouchet, Saury et Lefèvre, Mme Belrhiti, MM. Bruyen et Sido, Mme Drexler, M. Reynaud, Mme Aeschlimann, MM. Paccaud et Burgoa, Mme Gosselin, M. Savin, Mmes M. Mercier et Malet, MM. J.P. Vogel, Grosperrin, Brisson, Anglars et Daubresse, Mme Puissat, M. Rojouan, Mmes Dumont et Ventalon et MM. Genet, Bonnus, Rapin et Pernot, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 2° Au représentant de l’État dans le département lorsque le signalement implique un professionnel, un établissement ou un service intervenant au titre d’une activité autorisée ou agréée par l’État non financée par l’assurance maladie ;
II. – Alinéa 5
1° Remplacer la référence :
par la référence :
2° Remplacer les mots :
pas du 1°
par les mots :
ni du 1° ni du 2°
III. – Alinéas 6 et 7
Remplacer les mots :
et 2°
par les mots :
IV. – Alinéa 11, première phrase
Après le mot :
départemental
insérer les mots :
, le représentant de l’État dans le département
La parole est à M. Laurent Somon.
Cet amendement vise à inclure le préfet au sein de la convention organisant le fonctionnement de la cellule départementale de recueil des cas de maltraitance sur des personnes majeures vulnérables.
Dans le cadre du nouveau circuit de traitement des cas de maltraitance, une meilleure coordination de tous les acteurs intervenant dans le champ social et médico-social doit être recherchée.
Cet amendement vise également à rendre les services préfectoraux responsables du traitement des cas de maltraitance intervenant dans des structures ou au titre d’activités autorisées ou agréées par l’État non financées par l’assurance maladie.
L’adoption de cet amendement permettrait d’intégrer le préfet dans le dispositif mis en place par l’article 4. Il serait ainsi inclus dans la liste des autorités destinataires des signalements recueillis par la cellule et deviendrait l’une des parties prenantes à la convention constitutive de la cellule départementale de recueil des cas de maltraitance.
Les services préfectoraux sont en effet compétents pour l’agrément ou l’autorisation de certaines structures médico-sociales et détiennent, dans tous les cas, une compétence générale de contrôle et de sanction sur les structures.
Il est donc pertinent d’intégrer les préfectures à l’organisation de la cellule et, aux fins de lutter contre la maltraitance, de favoriser la bonne coordination des acteurs sur le terrain : avis favorable.
Monsieur le sénateur, les adultes vulnérables peuvent être accueillis et accompagnés par des structures ou des services qui ne relèvent ni du conseil départemental ni de l’ARS. Je pense, par exemple, aux services de la protection des majeurs ou aux services d’hébergement social. L’ensemble de ces services relevant naturellement du pouvoir de contrôle du préfet, il est tout à fait normal que celui-ci puisse être associé à la gouvernance locale pour le traitement des signalements.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 189, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le champ du décret d’application tient compte de la nécessité d’effectuer des contrôles sur place et inopinés, de manière conjointe par les agences régionales de santé et les conseils départementaux. »
La parole est à Mme Anne Souyris.
Dans son rapport publié en janvier 2023 sur le suivi des recommandations initialement émises en 2021, la Défenseure des droits admet que « certains contrôles peuvent se réaliser sur pièces », mais elle insiste « sur la nécessité de procéder à des investigations approfondies sur place et de manière inopinée pour repérer les situations de maltraitance ».
Deux après le scandale d’Orpea, et alors qu’un autre groupe fait l’objet de plusieurs plaintes, la maltraitance institutionnelle reste extrêmement fréquente en Ehpad. Il paraît à ce titre urgent de renforcer les possibilités de contrôle en suivant les recommandations de la Défenseure des Droits et de permettre la réalisation de contrôles sur place, voire de manière inopinée.
Tel est l’objet de cet amendement, qui tend à renforcer les dispositions de l’article 4 et les possibilités données aux ARS et aux conseils départementaux par la présente proposition de loi.
Cet amendement vise à rappeler la nécessité que des contrôles sur place et inopinés soient effectués conjointement par les ARS et les conseils départementaux.
De tels contrôles conjoints, qui sont déjà rendus possibles par le code de l’action sociale et des familles, sont en pratique déjà menés lorsque cela se révèle nécessaire.
Au-delà des Ehpad, sur lesquels on a tendance à toujours taper, ces contrôles peuvent également concerner des établissements accueillant des personnes handicapées. Il importe de les évoquer aussi, mes chers collègues.
Pour en revenir à votre amendement, madame Souyris, j’estime qu’il est satisfait et j’en demande le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.
Je partage l’avis de la rapporteure : l’article L. 313-13 du code de l’action sociale et des familles et le code de la santé publique précisent les conditions dans lesquelles les contrôles doivent être effectués. Des contrôles sont du reste réalisés de manière inopinée – par opposition à des contrôles annoncés à l’organisme gestionnaire – et conformément au guide des bonnes pratiques d’inspection et de contrôle de l’inspection générale des affaires sociales (Igas).
Pour toutes ces raisons, j’estime moi aussi que votre amendement est satisfait et en demande le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 190, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
« Afin de prévenir l’apparition ou la réapparition des situations de maltraitance, elle formule des recommandations à destination des acteurs ayant fait l’objet d’un signalement dans le cadre de l’article L. 119-2. »
La parole est à Mme Anne Souyris.
L’article 4 de la présente proposition de loi concrétise les propositions du rapport de Dominique Libault, 175 propositions pour une politique nouvelle et forte du grand âge en France, concernant l’organisation d’un réseau départemental d’alerte chargé du recueil des signalements de maltraitance dans les territoires.
Au regard du récent scandale relatif au groupe Orpea et des nombreux cas de maltraitance institutionnelle relevés depuis de nombreuses années, notamment par le Défenseur des droits, il s’agit d’un enjeu réellement important.
Pour autant, si le présent article acte bien la création d’une cellule départementale centralisant les signalements, il ne prévoit pas que cette cellule se saisisse de son expertise ainsi construite pour formuler des recommandations en direction des acteurs ayant fait l’objet d’un signalement, notamment en cas de maltraitance institutionnelle.
Le présent amendement vise donc à compléter le dispositif, en prévoyant que chaque instance territoriale soit habilitée à formuler des recommandations auprès des acteurs pour lesquels elle a été saisie d’un signalement, afin de prévenir l’apparition ou la réapparition des situations de maltraitance.
Cet amendement vise à habiliter la cellule départementale à transmettre à une structure concernée par des cas de maltraitance des recommandations pour prévenir toute réapparition d’une telle situation.
La création d’une cellule de recueil de la maltraitance par l’article 4 est indépendante des compétences déjà exercées par les différentes autorités. Les préfets, ARS et départements sont responsables du contrôle des structures médico-sociales et informent les organismes contrôlés des conclusions de leurs contrôles, qui vont de la simple recommandation de bonne pratique à des injonctions.
Il ne serait donc pas utile – ni certainement réalisable – que cette nouvelle cellule soit chargée de produire des recommandations. Dès lors, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 45 rectifié, présenté par Mme Romagny, M. Menonville, Mmes Sollogoub et Aeschlimann, M. Canévet, Mme Devésa, MM. Duffourg, Gremillet, Henno et Hingray, Mme Jacquemet, M. Longeot, Mme Perrot et M. Reynaud, est ainsi libellé :
Alinéa 11, première phrase
Après le mot :
départemental
insérer les mots :
, le représentant du réseau ALMA
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
Compte tenu des échanges que nous avons eus sur l’amendement n° 44 rectifié, j’imagine aisément quels seront les avis de Mme la ministre et de Mme la rapporteure. Mon message est donc le suivant : n’oubliez pas les plateformes téléphoniques dans vos travaux !
Je retire mon amendement, monsieur le président.
L’amendement n° 45 rectifié est retiré.
L’amendement n° 338, présenté par Mme Billon, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après le mot :
départemental
insérer les mots :
, un représentant relais du numéro téléphonique national d’appel contre la maltraitance des personnes âgées et handicapées.
La parole est à Mme Annick Billon.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres relatifs aux appels au 3977 dans mon département.
En 2023, sur les 103 dossiers ouverts en Vendée, 86 relevaient d’une situation préoccupante, 75 % des victimes étaient des femmes et 80 % des victimes étaient des personnes âgées. Comme vous le constatez, mes chers collègues, les appels relatifs à des situations de vulnérabilité en lien avec le handicap sont quasiment inexistants, et je souhaite que nous nous interrogions sur les raisons de cette situation.
Comme ma collègue Romagny à l’instant, je me doute de la réponse qui me sera faite par Mme la rapporteure et par Mme la ministre, mais il me paraît important de les interpeller à ce sujet.
La rédaction de l’article 4 issue des travaux de la commission a prévu l’intégration des partenaires associatifs à la convention constitutive de la cellule départementale de recueil et de suivi des signalements de maltraitance, ma chère collègue Billon. Il est également prévu que cette cellule recueille les appels adressés au 3977.
Votre amendement étant pleinement satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mesdames les sénatrices, ne pas inscrire l’inclusion d’un représentant du réseau du 3977 dans la loi ne constitue en rien une marque de désintérêt pour ce réseau. J’estime au contraire que les plateformes Alma ont un rôle tout à fait majeur, mais il est de fait qu’elles relèvent plutôt du domaine réglementaire.
Tel est le sens de mon avis défavorable, madame la sénatrice Billon. Votre amendement me donne toutefois l’occasion de saluer le travail de ces plateformes.
Comme ma collègue Romagny, je retire mon amendement, et je remercie Mme la ministre de toute l’attention qu’elle portera dans les mois à venir à ces centres d’alerte dont nos collectivités ont tant besoin.
L’amendement n° 338 est retiré.
L’amendement n° 263, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette instance comprend parmi ses membres des délégués du Défenseur des droits.
La parole est à Mme Silvana Silvani.
La création d’une instance départementale de recueil et de suivi des signalements de maltraitance envers les personnes âgées ou handicapées apporte une réponse aux inquiétudes de nos concitoyens face au risque de maltraitance des personnes les plus vulnérables.
Cette instance, qui regrouperait l’agence régionale de santé, le conseil départemental et les autres partenaires locaux, doit, selon nous, compter également parmi ses membres un ou des délégués du Défenseur des droits.
La mission du Défenseur des droits est de permettre un recours indépendant aux administrés qui estiment que leurs droits et libertés ne sont pas respectés par les pouvoirs publics.
La cellule de recueil et de suivi des signalements de maltraitance envers les personnes âgées ou handicapées, qui se veut pour sa part résolument opérationnelle, est gérée par les autorités compétentes dans le champ de la dépendance.
L’intégration que vous proposez, ma chère collègue, n’apporterait donc qu’une faible plus-value à cette cellule.
Compte tenu des moindres moyens humains du réseau des délégués départementaux du Défenseur des droits, une telle disposition serait de plus privée de toute portée.
Les délégués départementaux ayant connaissance d’une situation de maltraitance auront toutefois naturellement vocation à transmettre à la cellule les informations dont ils disposent.
Sur cet amendement, la commission émet un avis défavorable.
Le délégué du Défenseur des droits est aux avant-postes pour recevoir les signalements. Il est donc légitime qu’il soit associé à la structuration des circuits au niveau territorial, au même titre que d’autres partenaires associatifs ou institutionnels.
En instaurant le principe d’un lien avec les partenaires, l’alinéa 11 du présent article me paraît atteindre l’objectif que vous visez, madame la sénatrice.
Le Défenseur des droits constituant une autorité indépendante, il n’a en revanche pas vocation à être un membre de l’instance. Votre proposition de rédaction poserait donc des difficultés.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous propose d’en rester à la formulation actuelle. À défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 4 est adopté.
L’amendement n° 348, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1411-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et de lutte contre les maltraitances » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Après les mots : « des usagers du système de santé, », sont insérés les mots : « des personnes accueillies ou accompagnées » ;
b) Après les mots : « ou de prévention, », sont insérés les mots : « des représentants de professionnels des établissements et services sociaux ou médico-sociaux, des acteurs de la lutte contre les maltraitances, »
La parole est à Mme la ministre.
Le Gouvernement souhaite amplifier la politique de lutte contre les maltraitances, à la fois dans le champ sanitaire et dans le champ social et médico-social.
À cette fin, la commission dédiée à la lutte contre les maltraitances et à la promotion de la bientraitance, qui fonctionnait jusqu’alors sous un double rattachement au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et au Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), sera rattachée à la Conférence nationale de santé, ce qui est cohérent avec la volonté d’une remise systématique aux conférences régionales de la santé et de l’autonomie (CRSA) d’un rapport annuel des ARS consacré aux moyens mis en œuvre sur le terrain pour lutter contre les maltraitances.
Cet amendement vise principalement à étendre le périmètre de compétence et la composition de la Conférence nationale de santé pour y intégrer les questions de maltraitance, qui ont un lien direct avec la démocratie en santé, au titre notamment du respect des droits des usagers du système de santé.
La Conférence nationale de santé est en effet légitime pour gérer les problématiques relatives à la maltraitance et à ses effets sur la santé des personnes.
Cet amendement vise à élargir les compétences de la Conférence nationale de santé à la question de la lutte contre la maltraitance. Il tend également à élargir la composition de la Conférence nationale de santé pour y intégrer des représentants du secteur médico-social.
De telles dispositions sont souhaitables, car elles contribueront à renforcer la représentation des usagers du secteur du médico-social au sein des organismes nationaux consultatifs.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
L’amendement n° 210 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 311-6 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil de la vie sociale est destinataire pour avis d’un rapport annuel de synthèse des fiches d’événements indésirables. »
La parole est à Mme Anne Souyris.
Le scandale du groupe Orpea a mis au jour des maltraitances graves envers les personnes hébergées dans les Ehpad dudit groupe. Deux ans après, d’autres cas de maltraitance sont régulièrement signalés.
Ainsi le groupe Emera, qui compte quarante-sept Ehpad en France et plusieurs dizaines d’autres à l’étranger, est-il visé par une plainte déposée début octobre 2023 pour maltraitance et défaut de soins, étayée par plus d’une dizaine de témoignages.
Selon une enquête de 60 millions de consommateurs, 30 % des résidents de ces Ehpad seraient en état de malnutrition.
Entre la publication, en 2021, de son rapport intitulé Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad, et janvier 2023, la Défenseure des droits a été saisie de 821 signalements, dont 43 % portaient sur des faits de maltraitance.
Selon une autre enquête réalisée par la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa), qui regroupe 1 500 adhérents, 78 % des établissements et services manquent de personnels pour fonctionner correctement, ce qui provoque de nombreuses situations de maltraitance institutionnelle.
Tous ces constats démontrent que les efforts à fournir en matière de lutte contre la maltraitance en établissement restent d’actualité et que des outils, y compris de démocratie sociale et médico-sociale, doivent y contribuer de façon permanente.
Il semble à ce titre nécessaire d’informer et d’impliquer les usagers et les familles des résidents dans la lutte contre la maltraitance. Par cet amendement, je propose donc, mes chers collègues, que le conseil de la vie sociale des structures médico-sociales (CVS), au sein duquel les usagers et les familles sont représentés à côté d’autres acteurs, soit destinataire d’un rapport annuel de synthèse des fiches d’événements indésirables rédigées au cours de l’année. Ils pourront ainsi prendre leur place dans la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance.
Par cet amendement, il est proposé qu’un rapport annuel synthétisant les événements indésirables graves soit remis chaque année au conseil de la vie sociale.
Cet amendement est en réalité satisfait par le droit en vigueur. Le code de l’action sociale et des familles dispose déjà que le CVS est avisé des dysfonctionnements et des événements indésirables graves affectant l’organisation ou le fonctionnement d’un établissement. Le directeur de ce dernier doit informer le CVS de la nature de l’événement ainsi que des mesures prises pour y remédier et pour éviter toute nouvelle survenue.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Je confirme que la disposition visée est déjà prévue par l’article R. 331-10 du code de l’action sociale et des familles.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai également défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 133 rectifié est présenté par M. Roiron, Mmes Le Houerou, Lubin et Féret, M. Kanner, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bonnefoy, MM. Chaillou, Cozic, Fagnen, Gillé, Jacquin, Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, M. Weber et Tissot, Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 191 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° de l’article 226-14 du code pénal, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« …° Aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui signalent au procureur de la République la situation des personnes dont la vulnérabilité justifierait le cas échéant l’ouverture d’une mesure de protection du titre XI du livre Ier du présent code.
« …° Aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui alertent le juge des contentieux de la protection aux fins de contester la mise en œuvre du mandat de protection future ou de voir statuer sur les conditions et modalités de son exécution en application des dispositions de l’article 484.
« …° Aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui alertent le juge des contentieux de la protection sur les difficultés qui pourraient survenir dans la mise en œuvre de la mesure d’habilitation familiale, en application des dispositions de l’article 494-10. »
La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour présenter l’amendement n° 133 rectifié.
Dans le prolongement de l’amendement n° 210 rectifié, cet amendement vise à faciliter le signalement de faits de maltraitance par les professionnels de l’action sociale et médico-sociale.
Ces professionnels jouent déjà un rôle crucial, au plus proche des patients, dans la détection et l’évaluation des situations d’isolement et de vulnérabilité, fournissant ainsi des informations indispensables aux décisions judiciaires en matière de mesures de protection.
Par cet amendement, je vous propose, mes chers collègues, de contribuer à l’atteinte des objectifs fixés lors des États généraux des maltraitances, lancés par Jean-Christophe Combe en mars 2023.
Les professionnels de l’action sociale et médico-sociale se heurtent actuellement au principe du secret professionnel. Celui-ci, pour grand et précieux qu’il soit, n’en constitue pas moins une barrière majeure, pour ne pas dire un obstacle. Pénalement sanctionné, le respect de ce principe entrave leur capacité à signaler les situations alarmantes au procureur de la République ou aux juges des contentieux de la protection.
Les conséquences d’une telle entrave ne sauraient être sous-estimées, s’agissant d’individus souvent isolés, vulnérables et qui, sans un signalement approprié, risquent de demeurer dans des situations de maltraitance et de négligence.
Si la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis des avancées significatives, elle n’a pas doté les professionnels visés des outils nécessaires pour surmonter pleinement ces défis.
Par cet amendement, il est donc proposé d’introduire des dérogations spécifiques à l’article 226-14 du code pénal à destination des professionnels de l’action sociale et médico-sociale, de manière à leur permettre de signaler en toute sécurité juridique les situations où la vulnérabilité d’une personne justifierait l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire ou toutes difficultés survenant dans l’exécution d’un mandat de protection future ou d’une habitation familiale.
En 2022, le livre de Victor Castanet, Les Fossoyeurs, faisait scandale en révélant l’ampleur de la maltraitance institutionnelle au sein du groupe Orpea.
Un an auparavant, en 2021, la Défenseure des droits publiait déjà un rapport édifiant sur la maltraitance institutionnelle en Ehpad : Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad.
Elle avait instruit plus de 900 réclamations de personnes contestant les modalités de leur accompagnement médico-social ou celui de leurs proches, quelque 80 % de ces signalements mettant en cause un Ehpad.
En 2023, dans son rapport de suivi, la Défenseure des droits déplorait le peu d’avancées intervenues depuis la publication du précédent rapport. Elle indiquait par ailleurs avoir reçu 281 nouvelles réclamations, plus de 46 % de ces saisines alertant sur des entraves à la vie privée familiale et à la liberté d’aller et venir des résidents.
Afin d’améliorer la lutte contre la maltraitance, il faut lever certains freins au signalement. L’un d’entre eux est le secret professionnel : face à une personne qui souffre de maltraitance, le respect de ce principe est pour le moins contestable, à la fois pour la personne victime, mais aussi pour le travailleur qui est au courant, sans pouvoir agir sur cette situation ni contribuer à y mettre fin.
Ainsi cet amendement vise-t-il à faciliter le signalement de situations de maltraitance ou de risques avérés de maltraitance par des professionnels de l’action sociale et médico-sociale. Au cœur des mesures de protection déjà en œuvre, ces derniers sont souvent à même de repérer, d’évaluer et de relayer des alertes directement auprès du juge des contentieux de la protection ou du procureur de la République.
Cet amendement, issu d’une proposition du Conseil national des barreaux, a pour objet de sécuriser la démarche de ces professionnels.
Ces amendements identiques tendent à permettre la levée de l’obligation du secret professionnel pour les professionnels de santé ou de l’action sociale dans le cas d’une personne majeure vulnérable nécessitant une mesure de protection juridique ou d’un majeur protégé.
Le dispositif proposé est en réalité satisfait par les dispositions du code pénal, qui prévoient la levée du secret professionnel pour toute personne qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices dont elle a eu connaissance et qui ont été infligées à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle y sera défavorable.
Je souscris aux propos de Mme la rapporteure.
J’ajouterai que l’amendement n° 168 rectifié ter du sénateur Milon, précédemment adopté par votre assemblée avec un avis favorable du Gouvernement, tend également à apporter une réponse aux difficultés que vous pointez.
Ces amendements identiques étant doublement satisfaits, j’en demande le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le nombre d’appels à la plateforme téléphonique 3977 contre les maltraitances des personnes âgées qui ont permis d’aboutir à l’amélioration de la situation. Le cas échéant, le rapport formule des propositions visant à améliorer le suivi de ces appels, notamment une fois l’information transmise aux centres départementaux, interdépartementaux ou aux conseils départementaux.
La parole est à M. Joshua Hochart.
Par cet amendement, il est proposé que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant le nombre d’appels à la plateforme téléphonique 3977 contre les maltraitances des personnes âgées qui ont permis d’aboutir à une amélioration de la situation des appelants.
Il paraît en effet opportun que le Parlement dispose d’une évaluation des dispositifs mis en place pour stopper ce fléau qu’est la maltraitance de nos aînés, afin, le cas échéant, de les modifier ou de les améliorer.
J’ai tendance à suivre la jurisprudence de la commission en matière de rapports : avis défavorable.
L’amendement n° 41 rectifié est retiré.
L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de créer des places prioritaires d’urgence en hébergement temporaire, dévolues aux personnes âgées ayant fait l’objet d’actes de maltraitance par un aidant à leur domicile.
La parole est à M. Joshua Hochart.
Par cet amendement, qui vise lui aussi à favoriser la bientraitance des personnes âgées, nous proposons la remise d’un rapport informant le Parlement de l’opportunité de créer des places prioritaires d’urgence en hébergement temporaire en faveur de personnes âgées ayant fait l’objet d’actes de maltraitance par un aidant à leur domicile.
Les ARS placent déjà des personnes âgées hospitalisées en hébergement temporaire dans des Ehpad partenaires, lorsque la personne âgée ne peut pas retourner à son domicile de suite pour des raisons soit de santé, soit pécuniaires, le temps de trouver des solutions adaptées à la situation personnelle de chacune d’entre elles. Il semblerait opportun que des places soient également réservées à des personnes âgées subissant des actes de maltraitance au domicile.
De telles situations existent, mes chers collègues. Le rapport d’activité de 2021 de la plateforme 3977 indique en effet que 73 % des maltraitances ont lieu au domicile de la personne âgée.
Cet amendement vise donc à permettre à ces personnes âgées d’être extraites de manière temporaire de leur domicile dans un cadre adapté et serein autre que les urgences, lesquelles, au vu du manque de personnel et des conditions actuelles d’accueil, sont souvent vécues comme une maltraitance supplémentaire.
Le chapitre Ier du titre VII du livre IV du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 471-1 est ainsi modifié :
a)
Supprimé
b) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs assurent, dans les limites du mandat qui leur est confié, la protection juridique de la personne et de ses intérêts patrimoniaux.
« Ils exercent leurs missions dans le respect des principes définis à l’article 415 du code civil, sans préjudice de l’accompagnement social auquel la personne protégée peut avoir droit.
« Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, ainsi que le personnel d’encadrement des services mentionnés au 14° du I de l’article L. 312-1 du présent code, sont tenus de suivre une formation continue, dont la durée, le contenu et les modalités sont fixés par décret. » ;
2°
Supprimé
Je souhaite savoir si nous avons un peu avancé, depuis le scandale Orpea, sur le sujet des maltraitances. On nous avait annoncé un renforcement des contrôles et toute une batterie de mesures. Depuis, il y a eu d’autres scandales.
J’estime par ailleurs que nous ne pourrons remédier à la maltraitance institutionnelle dans les Ehpad publics, qui est un autre phénomène connu, que par une augmentation du nombre de personnels encadrants. J’avais déposé un amendement en ce sens, mais celui-ci a été déclaré irrecevable en raison de la dépense supplémentaire qu’il tendait à emporter.
En tout état de cause, nous savons bien qu’il faudrait parvenir à un taux d’encadrement de 1 pour 1 pour que l’accueil en Ehpad soit totalement satisfaisant.
Qu’en est-il pour l’heure des contrôles en Ehpad ? Des dispositions ont-elles réellement été mises en place ? Près de deux ans après, pourrions-nous avoir un premier retour, madame la ministre ?
Pour vous répondre, madame la sénatrice, je rappellerai d’abord que le nombre de places en Ehpad commerciaux compte pour 25 % seulement du nombre total de places. Il n’est du reste nullement question de stigmatiser les acteurs ; nous aurons besoin de chacun d’entre eux pour faire face au défi du vieillissement.
Nous devons toutefois nous donner les moyens de mieux contrôler tous les établissements, tant sur le plan de la qualité de services que de la bonne utilisation des deniers publics. Ce sont là deux éléments importants.
Différentes mesures, qui seront d’ailleurs complétées par la présente proposition de loi, ont été prises depuis 2022.
Un plan d’inspection et de contrôles visant l’ensemble des 7 500 Ehpad a été lancé dès janvier 2022. Les derniers chiffres font état de 3 790 Ehpad inspectés sur place ou contrôlés sur pièces au 30 novembre 2023.
Nous avons recruté 120 équivalents temps plein (ETP) dans les ARS. Ces personnes ont été formées et outillées pour effectuer ces contrôles.
Pour compléter ce plan, un dispositif prévoyant des sanctions financières et des astreintes journalières a été adopté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, avec un décret d’application pris en août 2023.
Si les ARS ont pu prononcer des suspensions d’autorisation ou de mise sous administration provisoire, nous n’avons pas encore prononcé de sanctions financières. En tout état de cause, soyez assurée, madame la sénatrice, que ce sujet est pris très au sérieux et que nous n’hésiterons pas à aller plus loin si cela se révélait nécessaire.
Un choc de transparence a également été mis en œuvre à destination des usagers par la publication, en juin 2023, sur le site de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), de cinq indicateurs de qualité des Ehpad, parmi lesquels le nombre de chambres simples ou doubles, la présence ou non d’une infirmière de nuit et d’un médecin coordonnateur, la composition du plateau technique ou encore la présence ou non d’un dispositif de coordination du parcours de santé.
Ce choc de transparence vise également le renforcement du contrôle de l’usage des fonds publics. Il vise non seulement les Ehpad, mais également les flux financiers entre les Ehpad et les groupes qui les contrôlent. Ces flux sont désormais retracés dans une comptabilité analytique attestée par un commissaire aux comptes.
Dans la même logique, les pouvoirs de contrôle financier de la Cour des comptes, de l’Igas et de l’inspection générale des finances (IGF) vis-à-vis des grands groupes ont été renforcés.
La loi du 22 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 et son décret d’application, publié en décembre dernier, permettent aux autorités de tarification et de contrôle, si elles constatent qu’un établissement de soins médico-social, qu’il soit public ou privé, a accumulé des réserves sur fonds publics manifestement injustifiées, de les reprendre l’année suivante.
Toutes ces dispositions figurent dans un rapport – je prie la commission des affaires sociales de bien vouloir m’en excuser
Sourires.
L ’ article 5 est adopté.
L’amendement n° 292 rectifié, présenté par Mmes Souyris, Poncet Monge et M. Vogel, MM. Mellouli, G. Blanc, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes de Marco et Ollivier, M. Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l’article L. 311-3, après le mot « intégrité », sont insérés les mots : «, de son identité, » ;
2° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 311-8, est complétée par les mots : «, de sorte à garantir les droits et libertés individuels énoncés à l’article L. 311-3 et à lutter contre les discriminations définies à l’article L. 225-1 du code pénal ».
La parole est à Mme Anne Souyris.
Cet amendement a pour objet de renforcer la formation des professionnels sur les discriminations afin de permettre une meilleure prise en charge des personnes âgées.
Je ne vois pas pourquoi quiconque devrait se taire, se cacher et nier ce qui est une composante importante de sa vie. Les Ehpad doivent en effet devenir des lieux plus inclusifs, afin de permettre à chacun et à chacune des occupants de vivre pleinement sa vie, même âgés.
Le réflexe de dissimulation s’avère particulièrement important en maison de retraite, dans les Ehpad et dans les établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes.
Par crainte d’être ostracisés, de nombreuses personnes âgées préfèrent mentir, par exemple sur leur orientation sexuelle ou sur leur séropositivité. Pis, par peur d’être stigmatisés, ils et elles préfèrent s’isoler.
Environ 50 000 personnes séropositives ont plus de 50 ans. L’association Grey Pride indique que, dans quelques années, les deux tiers de cette population entreront dans le grand âge.
Par cet amendement, il est donc proposé de former les soignantes et les soignants à ces enjeux. Dans une logique de bientraitance, il importe d’agir contre ces discriminations et de contribuer au respect des identités de chacun et de chacune.
L’accueil de la différence doit être garanti au sein des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) comme dans l’ensemble de la société. Il est vrai qu’il faut faire des efforts supplémentaires, particulièrement en ce qui concerne le respect de l’orientation sexuelle des usagers des ESMS.
Cependant, il ne nous semble pas que les dispositions de cet amendement concourent à la réalisation de cet objectif. Tout d’abord, la formulation « respect de l’identité de l’usager » ne rend pas compte clairement de l’intention de ses auteurs. Surtout, toute discrimination à l’égard d’une personne en raison de son orientation sexuelle constitue déjà un délit au regard du droit pénal.
En réalité, le respect de l’orientation sexuelle des usagers est déjà garanti par le principe du respect de la vie privée et de l’intimité consacré à l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles. Il s’agit désormais de sensibiliser les professionnels et les résidents à ce principe, ce qui ne relève pas de la loi.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
Je reprends à mon tour l’argumentation de Mme la rapporteure à propos de l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles.
J’ajoute que cette obligation envers les usagers est également inscrite dans les référentiels de compétences des treize diplômes d’État pour le travail social.
C’est la raison pour laquelle j’émets également un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – L’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Après le mot : « publique », sont insérés les mots : « ou aux 1° et 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail » ;
c) Après le mot : « bénévole », sont insérés les mots : «, y exercer une activité ayant le même objet en qualité de salarié employé par un particulier employeur au sens de l’article L. 7221-1 du même code » ;
2° Au neuvième alinéa, le mot : « article » est remplacé par la référence : « I » ;
3° Le dix-septième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « II. – » ;
b) Les mots : « aux seize premiers alinéas » sont remplacés par les mots : « au I » ;
4° Après le même dix-septième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’administration chargée de ce contrôle peut délivrer une attestation à la personne qui ne fait pas l’objet d’inscription entraînant les incapacités mentionnées au I du présent article au moyen d’un système d’information sécurisé permettant, par dérogation au premier alinéa des articles 706-53-11 et 777-3 du code de procédure pénale, la consultation des deux traitements de données mentionnées au premier alinéa du présent II, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« III. – Lorsqu’en application des articles 11-2 ou 706-47-4 du code de procédure pénale, le directeur d’établissement, de service ou de lieu de vie et d’accueil mentionné au I du présent article est informé de la condamnation non définitive ou d’une mise en examen au titre de l’une des infractions mentionnées au même I, il peut, en raison de risques pour la santé ou la sécurité des mineurs ou majeurs en situation de vulnérabilité avec lesquels elle est en contact, prononcer à l’encontre de la personne concernée une mesure de suspension temporaire d’activité jusqu’à la décision définitive de la juridiction compétente. » ;
5° Au dix-huitième alinéa, les mots : « aux seize premiers alinéas » sont remplacés par les mots : « au I » ;
6° À la fin de la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « dix-huitième alinéa du présent article » sont remplacés par les mots : « deuxième alinéa du présent III ».
II. – L’article 706-53-7 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 3° est ainsi modifié :
a) Les mots : « décisions administratives » sont remplacés par le mot : « procédures » ;
b) Après le mot : « habilitation », la fin est ainsi rédigée : « ou pour le contrôle de l’exercice : » ;
c) Sont ajoutés des a et b ainsi rédigés :
« a) Des activités ou des professions impliquant un contact avec des mineurs ;
« b) Des activités ou des professions, dont la liste est établie par décret en Conseil d’État, impliquant un contact avec des majeurs en situation de vulnérabilité du fait de leur âge ou de leur handicap, au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles ; »
2° À la fin du septième alinéa, les mots : « par la décision administrative » sont supprimés ;
3° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « préfets », sont insérés les mots : « ou des administrations de l’État désignées par décret en Conseil d’État » ;
b) Les mots : « décisions administratives mentionnées » sont remplacés par les mots : « procédures et contrôles mentionnés » ;
c) À la fin, les mots : « concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ainsi que pour le contrôle de l’exercice de ces activités ou professions » sont supprimés.
L’amendement n° 353, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 à 6
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
1° Le premier alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« I. – Aucune personne condamnée définitivement pour un crime ou pour un délit mentionné au II ne peut :
« 1° Exploiter ou diriger l’un des établissements, services ou lieux de vie et d’accueil régis par le présent code ou mentionnés à l’article L. 2324-1 du code de la santé publique ou exerçant les activités mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail ;
« 2° Intervenir ou exercer une fonction permanente ou occasionnelle, à quelque titre que ce soit, y compris bénévole, dès lors qu’elle implique un contact avec les personnes accueillies ou accompagnées, dans l’un des établissements, services ou lieux de vie et d’accueil mentionnés au 1° ;
« 3° Exercer les activités mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail en qualité de salarié de particulier employeur au sens de l’article L. 7221-1 du code du travail ;
« 4° Être agréée au titre du présent code.
« II.-A- Les crimes et délits entraînant l’incapacité prévue au I sont ceux mentionnés : » ;
II.- Alinéa 8
Remplacer la référence :
II
par la référence :
III
III.- Alinéas 9 et 13
Remplacer la référence :
I
par la référence :
II
IV.- Alinéa 10
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
quatre
V.- Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« L’attestation mentionnée à l’alinéa précédent fait état de l’absence de condamnation non définitive ou de mise en examen mentionnées au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes
« L’attestation ainsi délivrée peut être communiquée à l’employeur, au responsable d’établissement, de service ou de lieu de vie et d’accueil et à l’autorité délivrant l’agrément. L’administration chargée du contrôle peut également transmettre à cet employeur ou à ce responsable, pour les besoins du contrôle des incapacités à intervalles réguliers, l’information selon laquelle une personne en exercice est frappée par une incapacité mentionnée au I ou fait l’objet d’une mention au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.
VI.- Alinéa 12
1° Remplacer la référence :
III
par la référence :
IV
2° Après les mots :
du présent article
insérer les mots :
ou en application du III
VII.- Alinéa 14
Remplacer les mots :
deuxième alinéa du présent III
par les mots :
de l’alinéa précédent
VIII.- Après l’alinéa 14
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…- Après l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 133-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 133 -6 -1. – I. – Lorsque le contrôle des incapacités concerne un salarié ou un agent public et qu’il est réalisé par le biais de l’attestation mentionnée à l’article L. 133-6, l’employeur ou l’autorité compétente pour délivrer un agrément informe par écrit le salarié, l’agent public ou la personne agréée, par tout moyen conférant date certaine, qu’il dispose d’un délai d’un mois à compter de cette information pour présenter une attestation.
« À défaut de présentation d’une attestation dans le délai mentionné au précédent alinéa, l’employeur ou l’autorité compétente pour délivrer un agrément notifie au salarié, à l’agent public ou à la personne agréée concerné, par tout moyen conférant date certaine et sans délai la suspension pour un mois de ses fonctions, de son contrat de travail, ou de son agrément. Durant la période de suspension, lorsque celle-ci concerne :
« – Un salarié de droit privé, la rémunération est maintenue pendant cette période de suspension ;
« – Un fonctionnaire, celui-ci conserve son traitement, l’indemnité de résidence et le supplément familial de traitement ;
« – Un agent contractuel de droit public, il conserve sa rémunération et les prestations familiales obligatoires ;
« – Une personne agréée, les conditions prévues par le présent code s’appliquent.
« Pendant la période de suspension, l’employeur ou l’autorité compétente pour délivrer un agrément s’assure par tous moyens que le salarié ou l’agent public n’est pas concerné par une incapacité prévue à l’article L. 133-6.
« La suspension prend fin avant l’expiration du délai d’un mois en cas de présentation de l’attestation par le salarié, l’agent public ou la personne agréé. ou dès lors qu’il est établi que le salarié, l’agent public ou la personne agréée n’est pas concerné par une incapacité mentionnée à l’article L. 133-6.
« Lorsque l’incapacité est avérée et lorsque cela est possible, l’employeur propose à la personne concernée un autre poste de travail, y compris dans un autre site, n’impliquant aucun contact avec des personnes accueillies ou accompagnées dans l’un des dispositifs mentionnés au I de l’article L. 133-6. Dans ce cas, la suspension du contrat est prolongée jusqu’à la réponse du salarié ou de l’agent public. À défaut de réponse à cette proposition de poste dans un délai de 15 jours, le salarié ou l’agent public est réputé avoir refusé le poste proposé.
« II. – Lorsque l’incapacité est avérée et qu’il n’est pas reclassé, il est mis fin au contrat de travail ou aux fonctions de la personne concernée. Le fonctionnaire détaché ou mis à disposition dont l’incapacité est avérée est remis à disposition de son administration d’origine.
« Si l’incapacité concerne une personne agréée, son agrément est retiré dans les conditions prévues par le présent code.
« III. – Dans les situations mentionnées au II du présent article, lorsque le contrôle des antécédents concerne un salarié :
« 1° L’employeur engage une procédure de licenciement du salarié en contrat à durée indéterminée, l’incapacité constituant la cause réelle et sérieuse du licenciement. Le licenciement est prononcé dans les conditions prévues par les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel. Le préavis prévu à l’article L. 1234-1 du code du travail n’est pas exécuté et ne donne pas lieu au versement de l’indemnité compensatrice.
« 2° Par dérogation au même article L. 1243-1, l’employeur met fin au contrat à durée déterminée avant l’échéance du terme. Par dérogation à l’article L. 1243-4 du code du travail, la rupture du contrat de travail mentionnée au précédent alinéa n’ouvre pas droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8 du même code.
« IV. – Dans les situations mentionnées au II, lorsque le contrôle des antécédents concerne un agent public, l’agent est informé de ce qu’il peut demander communication de l’intégralité de son dossier individuel et de toutes les pièces qui fondent la décision. Il peut se faire assister par le ou les défenseurs de son choix et présenter des observations. La décision lui est notifiée par tout moyen. Elle précise le motif ainsi que la date à laquelle la cessation définitive des fonctions ou la rupture du contrat intervient. »
La parole est à Mme la ministre.
La loi du 7 février 2022, dite loi Taquet, a considérablement renforcé les modalités de contrôle des antécédents judiciaires en prévoyant un périmètre élargi, à la fois en amont de toute embauche et à intervalles réguliers, sur la base du bulletin n° 2 du casier judiciaire et du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais).
Afin de rendre possible ce contrôle à grande échelle, l’administration a développé une solution dématérialisée permettant à toute personne concernée de télécharger une attestation d’honorabilité lorsqu’elle ne fait l’objet d’aucune incapacité.
Dans ce contexte, l’article 5 bis A, issu d’un amendement gouvernemental, modifie l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles, afin de sécuriser l’utilisation de cette attestation. Il modifie aussi le code de procédure pénale, notamment afin que le contrôle du Fijais puisse être réalisé par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Il permet également de suspendre une personne condamnée en première instance dans l’attente du jugement définitif.
Cet amendement a pour objet d’introduire plusieurs dispositions juridiques importantes. Il vise à restreindre le périmètre des personnes contrôlées aux seules personnes en contact avec les mineurs ou majeurs vulnérables, alors que la rédaction précédente de l’article incluait tous les salariés et bénévoles intervenant à quelque titre que ce soit.
L’ambition de cet article est d’assurer un contrôle beaucoup plus complet et systématique. Chacun sait que le dispositif n’est pas parfait, mais nous ne souhaitons pas non plus que le comptable d’une association gestionnaire ait à se soumettre à des contrôles non pertinents pour son activité professionnelle. Ce que nous proposons au travers de cet amendement est non pas un recul de la protection, mais la contrepartie d’une plus grande efficacité.
Cet amendement vise à encadrer les modalités de fin d’exercice d’une activité rendue nécessaire par l’existence d’une incapacité, grâce à la création d’un nouvel article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles qui permettra de sécuriser les conditions du licenciement. C’est une demande forte des gestionnaires, car la réglementation actuelle est peu sécurisante quant à ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire selon les cas.
Cet article, complété par le présent dispositif, constitue une avancée absolument majeure pour garantir qu’aucune personne qui présente des antécédents judiciaires justifiant une incapacité d’exercice ne puisse exercer d’activité à risque auprès d’enfants et de personnes vulnérables.
Tout d’abord, permettez-moi de rappeler que la commission, dans la lignée de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, a soutenu le renforcement des contrôles judiciaires porté par cet article 5 bis A, en sécurisant son dispositif. En particulier, elle a accueilli favorablement la création d’un système d’information permettant de rendre les contrôles efficaces.
Au travers de cet amendement, le Gouvernement propose de nouvelles modifications du régime des incapacités légales d’exercer en structure médico-sociale. Le droit en vigueur détaille déjà les délits et condamnations qui interdisent à une personne d’intervenir dans les structures médico-sociales.
Les dispositions de cet amendement prévoient de limiter cette interdiction aux seules personnes en contact avec celles qui sont accueillies dans ces structures. Dans le cas où un professionnel aurait un antécédent judiciaire, il pourrait lui être proposé, si cela est envisageable, un autre poste où il ne serait pas en contact avec les mineurs ou les majeurs en situation de vulnérabilité.
Cet assouplissement du périmètre de l’interdiction d’exercer ne semble pas aller dans le sens d’un renforcement des contrôles et de la sûreté.
L’amendement vise également à prévoir la procédure entourant la création par le présent article 5 bis A d’une attestation d’absence d’antécédent judiciaire que devront présenter, pour certains contrôles, les professionnels eux-mêmes. En cas de non-présentation de cette attestation dans un délai d’un mois, la personne serait suspendue de son activité pour une durée d’un mois, avec maintien de la rémunération.
Cet amendement, qui a été déposé tardivement par le Gouvernement, ne s’accompagne d’aucune étude d’impact exposant et justifiant les modifications proposées. Le dispositif prévu s’apparente quelque peu à une usine à gaz, puisque les personnes visées devront réaliser elles-mêmes les démarches nécessaires pour prouver l’absence d’antécédent judiciaire les concernant.
En outre, la suspension d’activité de salariés ou d’agents publics pourrait déstabiliser le fonctionnement des structures médico-sociales qui, souvent, manquent déjà de personnel.
La commission a donc estimé qu’il était préférable de laisser mûrir encore la réflexion sur les évolutions possibles du dispositif, plutôt que d’adopter un système peu opérant et présentant des effets secondaires non souhaités.
Pour toutes ces raisons, la commission a décidé d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Madame la rapporteure, je comprends parfaitement votre argumentation, mais je voudrais y revenir à la fois sur la forme et sur le fond.
Si cet amendement a été déposé tardivement, c’est parce que la discussion que nous avons eue avec nos collègues du ministère de la justice a été très longue.
Le sujet qui nous occupe peut se résumer ainsi : dans le droit actuel, les établissements médico-sociaux n’ont pas la capacité de suspendre ou de licencier une personne figurant au Fijais qui n’aurait pas été définitivement condamnée, puisque la présomption d’innocence est gravée dans notre Constitution.
L’amendement que nous vous proposons vise à prévoir une solution alternative en donnant aux établissements médico-sociaux la capacité d’éviter que la personne concernée n’entre en contact avec des personnes en situation de vulnérabilité.
J’entends et je comprends les hésitations qui s’expriment, mais je vous propose simplement de faire un pas vers une meilleure protection. Tel est le sens de cet amendement.
J’entends parfaitement les arguments de la rapporteure et il est dans mes habitudes de suivre l’avis de la commission. Cependant, il me semble que la ministre propose de garantir aux établissements une meilleure protection et ce raisonnement emporte ma conviction : je voterai cet amendement.
La commission des lois a émis un avis favorable sur cet article, en considérant qu’il fallait prendre en compte la présomption d’innocence.
C’est la raison pour laquelle nous nous opposons à cet amendement, dont l’adoption entraînerait davantage de contrôles. En outre, nous avons accepté d’introduire dans le texte la possibilité d’une suspension d’activité.
Il faut trouver un juste milieu entre la nécessaire et légitime protection à mettre en œuvre dans les établissements et le système extrêmement compliqué que vous proposez dans cet amendement. En effet, Mme la rapporteure a très justement expliqué qu’il reviendrait à chacun d’apporter la preuve de l’absence d’antécédent judiciaire le concernant et de consulter le Fijais.
Une telle mesure ne peut que susciter de grandes réserves. Je vous invite, mes chers collègues, à suivre la position de la commission des affaires sociales.
Je suis sensible à l’argument du Gouvernement de ne pas laisser une personne ayant des antécédents judiciaires en contact avec les résidents d’un établissement médico-social. Il s’agit de gagner en sécurité : je voterai donc cet amendement.
Nous sommes face au cas typique d’un amendement arrivé à la dernière minute : nous n’avons pas eu le temps d’en analyser les enjeux de manière posée.
Chacun exprime donc son avis en s’appuyant sur les propos de Mme la ministre, ce qui est tout à fait cohérent. Mais je vous invite à lire les dispositions de cet amendement et à prendre également en considération les arguments de Mme Schalck.
La commission a reçu cet amendement tardivement, de sorte que nous manquons de recul. Je pense même que le Gouvernement l’a rédigé rapidement. Or, compte tenu du fait que l’enjeu en matière de sécurité – on comprend l’objet de la mesure et on pourrait y être favorable – se heurte au respect d’un principe de liberté essentiel, il me semble que cet amendement mériterait que nous en débattions avec du recul. Par conséquent, je considère qu’il est plus sage de suivre l’avis de la commission, même si l’argument de la sécurité reste important.
Nous pourrons dans l’avenir avoir un débat serein sur le sujet, quand le Gouvernement et la commission auront pris le temps d’y réfléchir.
Je comprends parfaitement l’hésitation du Sénat, mais le dispositif que nous vous proposons n’est pas une usine à gaz.
Pour l’instant, les employeurs ne font pas systématiquement les démarches qu’ils devraient faire. Nous avons donc essayé de trouver une solution pour répondre aux difficultés concrètes que connaissent les établissements. Pour cela, nous avons travaillé avec le ministère de la justice, car la solution ne pouvait venir que d’une réflexion interministérielle.
Cet amendement pourra être retravaillé dans le cadre de la navette parlementaire. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement souhaite offrir aux professionnels une solution alternative qu’ils pourront utiliser tout en respectant la présomption d’innocence, qui reste un principe essentiel de notre droit. Nous sommes dans un entre-deux, avec d’un côté le respect de la présomption d’innocence et, de l’autre, la protection des personnes vulnérables.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 5 bis A est adopté.
(Supprimé)
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 136 rectifié bis, présenté par Mme Le Houerou, M. Roiron, Mmes Lubin et Féret, M. Kanner, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bonnefoy, MM. Chaillou, Cozic, Fagnen, Gillé, Jacquin, Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, M. Weber et Tissot, Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après le b, il est inséré un c ainsi rédigé :
« c) Un livret d’accueil supplémentaire facile à lire et comprendre. »
« 2° Au sixième alinéa du même article, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième ».
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Cet amendement vise à rendre obligatoire la remise d’un livret d’accueil supplémentaire Falc – facile à lire et à comprendre – au résident, lors de son admission dans un établissement ou dans un service social ou médico-social.
L’article 3 de la charte des droits et des libertés de la personne accueillie en établissement consacre le droit à l’information des personnes âgées accueillies en Ehpad. Si le consentement libre et éclairé du résident constitue le fondement de la relation d’accompagnement, il ne peut y avoir de véritable consentement sans information.
Or, dans son rapport paru en 2021 sur les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad, la Défenseure des droits remarque que la prise de décision est souvent entravée par le manque d’informations du résident.
Le droit à l’information sur les modalités de prise en charge du résident, sur ses droits, sur les protections particulières légales et contractuelles ainsi que sur les voies de recours à sa disposition est consacré par l’article L. 311-3-6 du code de l’action sociale et des familles. L’article L. 311-4 du même code traduit notamment ce droit par l’obligation de remise, au moment de l’admission du résident, d’une copie des documents suivants : livret d’accueil, charte des droits et des libertés de la personne accueillie en établissement, règlement de fonctionnement et contrat de séjour. Or la Défenseure des droits constate que ces documents ne sont pas systématiquement remis et que, dans certains cas, ils ne sont pas lisibles.
Cet amendement a donc pour objet de renforcer le droit à l’information sur les modalités de prise en charge du résident, sur ses droits et sur les protections particulières dont il dispose. Pour cela, l’information doit être la plus compréhensible et adaptée possible aux besoins de la personne concernée. À cet égard, la méthode facile à lire et à comprendre apporte un avantage réel.
L’amendement n° 56 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Daubet, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après le b, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«…) Un livret d’accueil dans un format facile à lire et à comprendre. » ;
2° Au sixième alinéa, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième ».
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Cet amendement est défendu, monsieur le président. J’ajouterai simplement que l’inscription dans la loi de la remise de ce livret d’accueil garantirait sa généralisation dans tous les établissements.
L’intention des auteurs de ces amendements, qui visent à rétablir l’article 5 bis, supprimé en commission, est louable. Les dispositions proposées promeuvent l’accessibilité de l’information en établissement pour les personnes en situation de handicap mental ou souffrant de troubles cognitifs.
L’article 5 bis a toutefois été supprimé, car il se trouvait satisfait par le droit en vigueur. En effet, la charte des droits et des libertés de la personne accueillie en établissement, reconnue par la loi, énonce que la personne bénéficiaire de prestations ou de services a droit à une information claire, compréhensible et adaptée sur la prise en charge et sur l’accompagnement demandés.
Plutôt que de créer une nouvelle obligation juridique, la commission a estimé qu’il convenait désormais de développer dans les établissements l’usage de la méthode facile à lire et à comprendre : avis défavorable sur les deux amendements.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Supprimé)
TITRE II bis
Renforcer l’autonomie des adultes vulnérables en favorisant l’application du principe de subsidiarité
Avant d’entamer l’examen des articles du titre II bis, je souhaite rappeler ce qui a motivé la position de principe de la commission des lois.
Nous avons fait le choix de supprimer l’ensemble des articles additionnels relatifs aux mesures de protection des majeurs vulnérables qui ont été ajoutés à l’Assemblée nationale. En effet, le titre II bis n’existait pas dans le texte initial – nous n’avons conservé que l’article 5 decies, relatif au registre.
Nous sommes loin de considérer qu’il ne faudrait rien changer, bien au contraire, mais nous ne souhaitons pas que cela se fasse dans de telles conditions. Tous les professionnels que nous avons auditionnés se sont montrés très critiques sur la méthode utilisée pour introduire ces différents articles dans cette proposition de loi sur le bien-vieillir.
Je rappelle que la protection juridique des majeurs concerne près de 1 million de personnes en France et bien plus encore si l’on prend en compte les familles et les professionnels impliqués dans cette protection.
Contrairement à ce qui est proposé aujourd’hui, tous les rapports écrits sur le sujet recommandent d’examiner les mesures de protection des majeurs vulnérables de manière globale et transversale.
Au-delà de cette question de cohérence et de méthode, il faut également prendre en compte ceux qui auront à appliquer ces textes. Comme certains de mes collègues l’ont souligné, il est important d’éviter des retouches successives qui seront difficiles à suivre et que les professionnels auront du mal à appliquer. Or c’est bien ce à quoi nous risquons d’aboutir si nous légiférons à vue.
Les amendements déposés par le Gouvernement en témoignent : hier encore, une nouvelle rédaction de certains articles nous a été proposée…
Sur ce sujet ô combien complexe, il importe d’avoir un projet de loi éclairé par une étude d’impact, par un avis du Conseil d’État et par les auditions des professionnels concernés.
(Supprimé)
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 367, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 447 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le juge peut également, dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement, en considération de la situation de la personne protégée et de sa famille, désigner la ou les personnes qui exerceront la mesure de protection en cas de décès des personnes désignées en premier lieu.
« Dans le cas mentionné à l’avant-dernier alinéa du présent article, le tuteur ou le curateur reprenant l’exercice de la mesure de protection informe sans délai la personne protégée, le juge et les tiers du décès des personnes désignées en premier lieu. » ;
2° Au second alinéa de l’article 448, les mots : « vivant des père et mère » sont remplacés par les mots : « parent vivant » et les mots : «, ne faisant pas l’objet d’une mesure de curatelle ou de tutelle, » sont remplacés par les mots : « qui ne sont pas en curatelle ou en tutelle et » ;
3° L’article 452 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’indisponibilité temporaire, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l’article L. 471 2 du code de l’action sociale et des familles peut également, sous sa propre responsabilité, se faire substituer par un autre mandataire judiciaire à la protection des majeurs, à condition qu’ils soient inscrits sur la même liste. Il avise sans délai le juge de cette substitution et, le cas échéant, de sa durée prévisible. »
4° L’article 463 est complété par les mots : « au juge et, le cas échéant, aux personnes désignées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 447 » ;
5° A la première phrase du premier alinéa de l’article 503, après le mot : « juge » sont insérés les mots : « et, le cas échéant, aux personnes désignées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 447 » ;
6° À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article 510, après le mot : « nommé » sont insérés les mots : « le cas échéant aux personnes désignées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 447 » ;
7° Le deuxième alinéa de l’article 512 du code civil est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « dès réception de l’inventaire du budget prévisionnel » sont remplacés par les mots : « dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « La vérification des comptes est réalisée aux frais de la personne protégée. » ;
La parole est à Mme la ministre.
Par cet amendement, le Gouvernement propose de rétablir l’article relatif au curateur et au tuteur de remplacement, voté par l’Assemblée nationale et supprimé par le Sénat en commission.
Cet article répond à une demande des familles. Il permet d’éviter des situations de rupture de prise en charge des adultes vulnérables. Il a pour objet de mieux protéger les plus fragiles et a donc, à notre avis, toute sa place dans la présente proposition de loi.
Il vous est proposé de reprendre le texte adopté par l’Assemblée nationale en y apportant plusieurs améliorations.
D’abord, il s’agira de permettre au juge de désigner un curateur ou tuteur de remplacement, y compris lorsque la mesure est exercée par un mandataire de justice pour les majeurs (MJPM). L’objectif est d’éviter les situations de rupture de prise en charge, en cas de décès du protecteur, lorsque la mesure de protection est exercée par un MJPM.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale ne permet pas d’éviter cette rupture de prise en charge, ce qui crée une rupture d’égalité entre les personnes protégées. L’amendement présenté par le Gouvernement tend à remédier à cette difficulté.
Ensuite, il est proposé que les MJPM puissent se faire remplacer par un tiers, sous leur propre responsabilité civile, en cas d’indisponibilité.
Cette proposition résulte du rapport de la mission interministérielle sur l’évolution de la protection juridique des personnes, remis à la garde des sceaux en 2018 – pour une fois que les recommandations d’un rapport aboutissent, cela mérite d’être souligné.
On évitera ainsi les situations de rupture de prise en charge des majeurs protégés en cas d’indisponibilité temporaire d’un MJPM, par exemple dans le cadre d’une hospitalisation.
Enfin, il est proposé de modifier les règles relatives aux comptes de gestion afin de simplifier la procédure de désignation du professionnel qualifié.
L’amendement n° 160, présenté par Mme Nadille, MM. Patriat, Iacovelli, Théophile, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Mohamed Soilihi, Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 447 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le juge peut également, dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement, en considération de la situation de la personne protégée et de sa famille, désigner la ou les personnes qui exerceront la mesure de protection en cas de décès des personnes désignées en premier lieu.
« Dans le cas mentionné à l’avant-dernier alinéa du présent article, le tuteur ou le curateur reprenant l’exercice de la mesure de protection informe sans délai la personne protégée, le juge et les tiers du décès des personnes désignées en premier lieu. » ;
2° Au second alinéa de l’article 448, les mots : « vivant des père et mère, ne faisant pas l’objet d’une mesure de curatelle ou de tutelle, » sont remplacés par les mots : « parent vivant qui ne sont pas en curatelle ou en tutelle et » ;
3° L’article 452 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’indisponibilité temporaire, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l’article L. 471-2 du code de l’action sociale et des familles peut également, sous sa propre responsabilité, se faire substituer par un autre mandataire judiciaire à la protection des majeurs, à condition qu’ils soient inscrits sur la même liste. Il avise sans délai le juge de cette substitution et, le cas échéant, de sa durée prévisible. » ;
4° L’article 463 est complété par les mots : « au juge et, le cas échéant, à la personne désignée en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 447 » ;
5° À la première phrase du premier alinéa de l’article 503, après le mot : « juge », sont insérés les mots : « et, le cas échéant, à la personne désignée en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 447 » ;
6° À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article 510, après le mot : « nommé », sont insérés les mots : «, le cas échéant, à la personne désignée en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 447 ».
La parole est à Mme Solanges Nadille.
L’amendement n° 234 rectifié bis, présenté par Mme Bourcier, MM. Rochette, V. Louault, Chasseing, Brault, Chevalier et Capus, Mme Lermytte et M. Verzelen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 447 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le juge peut également, dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement, en considération de la situation de la personne protégée et de sa famille, désigner, parmi les personnes mentionnées à l’article 449, la ou les personnes qui exerceront la mesure de protection en cas de décès des personnes désignées en premier lieu.
« Dans le cas mentionné à l’avant-dernier alinéa du présent article, le tuteur ou le curateur reprenant l’exercice de la mesure de protection informe sans délai la personne protégée, le juge et les tiers du décès des personnes désignées en premier lieu. » ;
2° Au second alinéa de l’article 448, les mots : « vivant des père et mère » sont remplacés par les mots : « parent vivant » ;
3° L’article 463 est complété par les mots : « au juge et, le cas échéant, à la personne désignée en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 447 » ;
4° À la première phrase du premier alinéa de l’article 503, après le mot : « juge », sont insérés les mots : « et, le cas échéant, à la personne désignée en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 447 » ;
5° À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article 510, après le mot : « nommé », sont insérés les mots : «, le cas échéant, à la personne désignée en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 447 ».
La parole est à Mme Corinne Bourcier.
Ces trois amendements visent à rétablir l’article 5 quater, soit dans la version qui a été adoptée par l’Assemblée nationale, soit en prenant en compte la situation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Le dispositif initial ne visait pas les situations d’indisponibilité autres que le décès et se limitait aux curateurs et aux tuteurs. Le texte présentait donc des manques – on pourrait même parler de « trous dans la raquette ».
De plus, les professionnels que nous avons auditionnés ne sont pas favorables à un mécanisme de remplacement automatique. Ils estiment nécessaire qu’un juge vérifie, au moment du remplacement, que les relations personnelles entre les intéressés soient compatibles avec un mandat de curateur et de tuteur. Il faut également examiner la conformité d’une coexistence des différents régimes – celui du tuteur en place et celui du tuteur qui le remplacera – avec le code civil, qui prévoit déjà un subrogé tuteur.
Le rapport sur lequel vous vous appuyez, madame la ministre, préconise aussi de présenter un projet de loi sur l’ensemble de ces dispositions. Il faudra, en effet, y donner suite : avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 160 et 234 rectifié bis ?
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par Mmes Deseyne et Lassarade, M. Bouchet, Mme Micouleau, MM. Panunzi et Cadec, Mmes Puissat et Gruny, MM. Milon et J.B. Blanc, Mmes Petrus, Goy-Chavent et Imbert, M. Burgoa, Mmes M. Mercier et Demas, MM. Bruyen et Lefèvre, Mmes F. Gerbaud et Joseph, MM. Reynaud, Gueret, Belin et Genet, Mmes Drexler, Gosselin et Aeschlimann et M. Gremillet.
L’amendement n° 279 rectifié bis est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 450 du code civil est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit » sont remplacés par les mots : « deux mandataires judiciaires à la protection des majeurs inscrits » ;
2° À la seconde phrase, les mots : « Ce mandataire ne peut » sont remplacés par les mots : « Ces mandataires ne peuvent » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge désigne, dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement, un mandataire titulaire et un mandataire suppléant. Le mandataire suppléant exerce la mesure de protection en cas de décès ou d’empêchement prolongé du mandataire titulaire. Le mandataire suppléant est destinataire des actes établis aux articles 463, 503 et 512 du présent code. »
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
Dans le même esprit, cet amendement vise à assurer la continuité de la mesure de protection lorsque le mandataire judiciaire à la protection des majeurs est placé dans un état d’empêchement provisoire.
Cette double désignation permet la continuité de la mesure de protection juridique dans la prise de charge du bénéficiaire.
Grâce à ce dispositif d’anticipation, l’empêchement du mandataire n’engendre pas de période de latence dans le suivi de la mesure, ce qui permet de prévenir les situations de maltraitance. La suppléance se réalise dans la douceur et la prévisibilité, alors qu’aujourd’hui le changement de mandataire professionnel, parfois long, peut être vécu par la personne protégée comme un événement indésirable, brutal et incertain.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 279 rectifié bis.
Ma collègue a très bien défendu cet amendement.
J’ajoute toutefois que la rapporteure mentionnait dans son argumentation sur les amendements précédents que, pour désigner un remplaçant curateur ou tuteur, il était nécessaire de repasser par un juge. Or, dans le dispositif que nous proposons, le juge désigne dès le départ un mandataire et son suppléant, ce qui permet de fluidifier le dispositif, dans l’intérêt des personnes protégées.
L’article 5 quater n’envisage que le remplacement des tuteurs et des curateurs familiaux sans prendre en compte celui des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Nous savons pourtant à quel point ce métier est compliqué et difficile et combien il mériterait d’être valorisé. Il s’agit d’un manque.
Nos collègues Deseyne et Brulin proposent une autre solution que celle que nous a précédemment présentée le Gouvernement. Elle consiste à prévoir un binôme composé d’un mandataire et d’un mandataire suppléant, dès la désignation.
Cependant, compte tenu des difficultés de recrutement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs – les représentants du secteur nous ont alertés sur le sujet –, ce système serait difficile à mettre en œuvre.
De plus, par cohérence avec la position de principe de la commission des lois, qui considère que ces différentes questions mériteraient d’être traitées dans un texte plus global, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mon propos sera simple et clair : cette rédaction nous paraît à la fois lourde et peu efficace en ce qu’elle est moins complète que celle de l’amendement du Gouvernement, que votre assemblée n’a pas adopté : avis défavorable.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 1 rectifié et 279 rectifié bis.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 93 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Grosvalet, Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 134 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Roiron, Mmes Lubin et Féret, M. Kanner, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bonnefoy, MM. Chaillou, Cozic, Fagnen, Gillé, Jacquin, Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, M. Weber et Tissot, Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 458 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont réputés strictement personnels tous les actes passés par la personne protégée dans son rôle de membre d’un conseil d’administration ou d’un bureau d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. »
La parole est à Mme Guylène Pantel, pour présenter l’amendement n° 93 rectifié bis.
Les lois successives de 2002, 2005 et 2007 ont réaffirmé la place et la pleine participation des personnes bénéficiaires d’une mesure de protection au centre des dispositifs d’action sociale.
Plus récemment, la loi du 23 mars 2019 a consacré le droit de vote pour les personnes sous tutelle et donc leur participation à la vie publique et politique. La pratique a permis que des personnes protégées puissent, quelle que soit la mesure de protection dont elles bénéficient, adhérer à une association, être membre du conseil d’administration, voire du bureau, sans discrimination avec les personnes handicapées qui ne bénéficient pas d’une mesure de protection.
Pour autant, certaines associations nous alertent sur le fait que le représentant légal devrait assister ou représenter la personne protégée dans tous les actes de la vie associative, ce qui constituerait un retour en arrière en matière de droits des personnes protégées.
C’est pourquoi cet amendement vise à conserver les pratiques existantes en matière de citoyenneté associative des personnes protégées, en ajoutant à la liste des actes strictement personnels tous les actes relatifs à la gouvernance associative.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 134 rectifié.
Je n’en dirai pas beaucoup plus, ma collègue ayant très bien défendu cet amendement, si ce n’est pour souligner que la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, la CIDPH, nous enjoint d’adopter une législation encore plus favorable aux droits et à l’autonomie des personnes protégées.
Pour ce qui nous concerne, nous proposons de conserver les pratiques existantes : nous voulons éviter que soit modifié ou rendu plus difficile le libre exercice de la citoyenneté des personnes en situation de handicap.
Je précise, pour finir, que cet amendement est le fruit d’un travail commun avec l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei) et le collectif Handicaps.
Ces deux amendements identiques concernent l’importante question des droits et de l’autonomie des personnes protégées. Ils visent à permettre à ces dernières d’exercer seules des activités au sein des conseils d’administration et des bureaux d’associations.
Ce sujet n’a pas été abordé lors de nos auditions, mais il mériterait d’être creusé dans le cadre de l’examen du texte plus global que nous appelons de nos vœux. Le fait que nous débattions aujourd’hui de tels amendements prouve une nouvelle fois qu’il existe des trous dans la raquette – j’insiste à dessein cette expression, car elle est juste.
Cela étant, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir les retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.
Sur ces deux amendements identiques, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 93 rectifié bis et 134 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
(Supprimé)
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 368, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – La section 5 du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil est ainsi modifiée :
1° L’article 477 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une » sont remplacés par les mots : « qui n’est pas en tutelle ou en » ;
– après le mot : « familiale », sont insérés les mots : « générale aux fins de représentation » et, après le mot : « mandat, », sont insérés les mots : « de l’assister ou » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« La personne en curatelle et la personne en habilitation familiale générale aux fins d’assistance ne peuvent conclure un mandat de protection future aux fins de représentation qu’avec l’assistance du curateur ou de la personne habilitée. » ;
c) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « vivant des père et mère » sont remplacés par les mots : « parent vivant », les mots : « ne faisant pas l’objet d’une mesure de curatelle ou de tutelle ou d’une habilitation familiale, » sont remplacés par les mots : « qui ne sont pas en curatelle, en tutelle ou en habilitation familiale et qui » ; et, après le mot : « chargés », sont insérés les mots : « de l’assister ou » ;
– à la seconde phrase, les mots : « le mandant décède ou ne peut » sont remplacés par les mots : « les mandants décèdent ou ne peuvent » ;
d) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le mandat peut prévoir que la nature de la protection évoluera en fonction du degré d’altération des facultés personnelles du bénéficiaire du mandat. » ;
2° Après l’article 478, il est inséré un article 478-… ainsi rédigé :
« Art. 478 - … – Le mandataire assiste le bénéficiaire du mandat de protection future aux fins d’assistance dans les conditions prévues aux articles 467 à 470.
« Le mandat peut prévoir que le mandataire bénéficie des pouvoirs renforcés prévus au premier alinéa de l’article 472. » ;
3° Au deuxième alinéa de l’article 479, les mots : « au représentant de la personne en tutelle » sont remplacés par les mots : « à la personne chargée de la mesure de protection » ;
4° L’article 481 est ainsi rédigé :
« Art. 481. – Le mandat aux fins d’assistance prend effet lorsqu’il est établi que le bénéficiaire du mandat, sans être hors d’état d’agir lui-même, a besoin, pour l’une des causes prévues à l’article 425, d’être assisté ou contrôlé d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile.
« Le mandat aux fins de représentation prend effet lorsqu’il est établi que l’intéressé doit, pour l’une des causes prévues au même article 425, être représenté d’une manière continue dans les actes de la vie civile.
« À cette fin, le mandataire ou le bénéficiaire du mandat produit au greffe du tribunal judiciaire le mandat et un certificat médical circonstancié émis par un médecin choisi sur la liste mentionnée à l’article 431 établissant que le bénéficiaire du mandat se trouve dans l’une des situations prévues aux deux premiers alinéas du présent article. Le greffier vise le mandat, date sa prise d’effet et précise si le mandat prend effet sous la forme d’une assistance, le cas échéant renforcée, ou d’une représentation, puis le restitue au mandataire.
« Dans le cas prévu à l’avant-dernier alinéa de l’article 477, la modification de la nature de la protection prend effet dans les conditions fixées aux trois premiers alinéas du présent article. « Le bénéficiaire du mandat ou le mandataire qui n’a pas sollicité la prise d’effet du mandat en reçoit notification dans les conditions prévues par le code de procédure civile. » ;
5° L’article 483 est ainsi modifié :
a) Au 1°, le mot : « mandant » est remplacé par les mots : « bénéficiaire du mandat » ;
b) Au 2°, les mots : « ou son placement en curatelle ou en tutelle » sont remplacés par les mots : «, son placement en curatelle ou en tutelle ou le prononcé d’une habilitation familiale générale » ;
c) Au 4°, le mot : « mandant » est remplacé par les mots : « bénéficiaire du mandat » ;
6° Au premier alinéa de l’article 488, les mots : « faisant l’objet » sont remplacés par les mots : « bénéficiant » » ;
7° Au premier alinéa de l’article 490, après le mot : « mandat », sont insérés les mots : « aux fins de représentation » ;
8° L’article 493 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « mandat », sont insérés les mots : « aux fins de représentation » ;
b) Au second alinéa, les mots : « du mandant » sont remplacés par les mots : « de la personne bénéficiaire du mandat ».
II. – La section V du titre XI du livre premier du code civil est applicable à Wallis-et-Futuna.
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement a pour objet de créer un mandat de protection future aux fins d’assistance. Comme l’Assemblée nationale, le Gouvernement souhaite modifier les règles relatives à ce mandat.
Pour rappel, le mandat de protection future, créé en 2007, permet à toute personne d’anticiper une vulnérabilité future pour elle-même ou pour son enfant. Il s’agit d’une alternative aux mesures de protection ordonnées par le juge afin de favoriser la liberté de choix des individus.
Plusieurs années après sa création, cette mesure ne rencontre pas le succès espéré : les consultations menées par le garde des sceaux dans le cadre des États généraux de la justice ont d’ailleurs souligné qu’il était nécessaire de faire évoluer cette mesure.
Nos concitoyens souhaitent pouvoir anticiper non seulement une importante dégradation de leur état de santé, qui impliquerait qu’une personne fasse un certain nombre de démarches à leur place – ce que permet déjà l’actuel mandat de protection future –, mais aussi une dégradation plus modérée de leur état, que l’on qualifie parfois de « zone grise », laquelle nécessiterait de recourir à une aide pour accomplir certaines démarches seulement : c’est ce que nous vous proposons au travers de ce nouveau mandat de protection future.
Le nouveau dispositif serait applicable dans tous les territoires français, y compris à Wallis-et-Futuna, et ce afin d’éviter toute rupture d’égalité entre citoyens.
Je précise à ce titre que le mandat de protection future existe déjà à Wallis et Futuna, mais que l’introduction dans cette proposition de loi d’une disposition en prévoyant l’extension est indispensable si l’on souhaite vraiment que le mandat de protection future aux fins d’assistance, nouvellement créé, s’applique aussi dans ce territoire.
À nos yeux, le dispositif que nous proposons, qui est destiné à mieux protéger les plus faibles et à davantage respecter leurs choix, a donc toute sa place dans ce texte.
L’amendement n° 161, présenté par Mme Nadille, MM. Patriat, Iacovelli, Théophile, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Mohamed Soilihi, Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 5 du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil est ainsi modifiée :
1° L’article 477 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une » sont remplacés par les mots : « qui n’est pas en tutelle ou en » ;
– après le mot : « familiale », sont insérés les mots : « générale aux fins de représentation » et, après le mot : « mandat, », sont insérés les mots : « de l’assister ou » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« La personne en curatelle et la personne en habilitation familiale générale aux fins d’assistance ne peuvent conclure un mandat de protection future aux fins de représentation qu’avec l’assistance du curateur ou de la personne habilitée. » ;
c) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « vivant des père et mère » sont remplacés par les mots : « parent vivant », les mots : « ne faisant pas l’objet d’une mesure de curatelle ou de tutelle ou d’une habilitation familiale, » sont remplacés par les mots : « qui ne sont pas en curatelle, en tutelle ou en habilitation familiale et qui » ; et, après le mot : « chargés », sont insérés les mots : « de l’assister ou » ;
– à la seconde phrase, les mots : « le mandant décède ou ne peut » sont remplacés par les mots : « les mandants décèdent ou ne peuvent » ;
d) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le mandat peut prévoir que la nature de la protection évoluera en fonction du degré d’altération des facultés personnelles du bénéficiaire du mandat. » ;
2° Après l’article 478, il est inséré un article 478 -… ainsi rédigé :
« Art. 478 – … – Le mandataire assiste le bénéficiaire du mandat de protection future aux fins d’assistance dans les conditions prévues aux articles 467 à 470.
« Le mandat peut prévoir que le mandataire bénéficie des pouvoirs renforcés prévus au premier alinéa de l’article 472. » ;
3° Au deuxième alinéa de l’article 479, les mots : « au représentant de la personne en tutelle » sont remplacés par les mots : « à la personne chargée de la mesure de protection » ;
4° L’article 481 est ainsi rédigé :
« Art. 481. – Le mandat aux fins d’assistance prend effet lorsqu’il est établi que le bénéficiaire du mandat, sans être hors d’état d’agir lui-même, a besoin, pour l’une des causes prévues à l’article 425, d’être assisté ou contrôlé d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile.
« Le mandat aux fins de représentation prend effet lorsqu’il est établi que l’intéressé doit, pour l’une des causes prévues au même article 425, être représenté d’une manière continue dans les actes de la vie civile.
« À cette fin, le mandataire ou le bénéficiaire du mandat produit au greffe du tribunal judiciaire le mandat et un certificat médical circonstancié émis par un médecin choisi sur la liste mentionnée à l’article 431 établissant que le bénéficiaire du mandat se trouve dans l’une des situations prévues aux deux premiers alinéas du présent article. Le greffier vise le mandat, date sa prise d’effet et précise si le mandat prend effet sous la forme d’une assistance, le cas échéant renforcée, ou d’une représentation, puis le restitue au mandataire.
« Dans le cas prévu à l’avant-dernier alinéa de l’article 477, la modification de la nature de la protection prend effet dans les conditions fixées aux trois premiers alinéas du présent article. « Le bénéficiaire du mandat ou le mandataire qui n’a pas sollicité la prise d’effet du mandat en reçoit notification dans les conditions prévues par le code de procédure civile. » ;
5° L’article 483 est ainsi modifié :
a) Au 1°, le mot : « mandant » est remplacé par les mots : « bénéficiaire du mandat » ;
b) Au 2°, les mots : « ou son placement en curatelle ou en tutelle » sont remplacés par les mots : «, son placement en curatelle ou en tutelle ou le prononcé d’une habilitation familiale générale » ;
c) Au 4°, le mot : « mandant » est remplacé par les mots : « bénéficiaire du mandat » ;
6° Au premier alinéa de l’article 488, les mots : « faisant l’objet » sont remplacés par les mots : « bénéficiant » » ;
7° Au premier alinéa de l’article 490, après le mot : « mandat », sont insérés les mots : « aux fins de représentation » ;
8° L’article 493 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « mandat », sont insérés les mots : « aux fins de représentation » ;
b) Au second alinéa, les mots : « du mandant » sont remplacés par les mots : « de la personne bénéficiaire du mandat ».
La parole est à Mme Solanges Nadille.
Cet amendement rédactionnel tend à rétablir et à clarifier les textes relatifs au mandat de protection future, tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale. En effet, dans sa version actuelle, la présente proposition de loi contribue à insérer dans le code civil plusieurs terminologies qui désignent pourtant une seule et même notion.
Nous proposons de recourir aux termes de « bénéficiaires du mandat », déjà employés aux articles 1258-1 et suivants du code de procédure civile, plutôt qu’à ceux de personnes « faisant l’objet » d’un mandat de protection future, qui tendent à réifier la personne protégée, ce qui est incompatible avec la nécessité de renforcer l’autonomie des personnes vulnérables.
Pour cette même raison, nous proposons également de supprimer les termes « faire l’objet » dans les autres articles du code civil concernant une mesure de protection.
Ces amendements visent à rétablir l’article 5 quinquies en y apportant quelques modifications rédactionnelles.
Or la commission a supprimé cet article, car elle a jugé que l’enjeu essentiel qu’est la protection juridique des majeurs méritait mieux que des mesures ponctuelles.
À titre personnel, je suis attachée au mandat de protection future, outil contractuel permettant d’anticiper la volonté de la personne, notamment en cas de vulnérabilité. Ce dispositif mériterait d’être mieux connu pour enfin se déployer : il répond, selon moi, à la préoccupation des Français de pouvoir anticiper leur perte d’autonomie.
Il faut savoir, comme l’a souligné Mme la ministre, que ce dispositif reste peu utilisé à l’heure actuelle, notamment parce qu’aucun registre de publicité ne lui est consacré – tel est justement l’objet de l’article 5 decies que nous vous proposons de conserver dans le texte et que nous examinerons dans quelques instants.
Les amendements n° 368 et 161 visent à créer un mandat de protection future par assistance, qui n’est aujourd’hui qu’un mandat par représentation.
On voit bien les difficultés qu’entraînerait une telle évolution, d’autant plus que le dispositif prévoit que la mission d’assistance sera calquée sur la curatelle, ce qui ôte toute souplesse audit mandat. Je précise à cet égard que les différents professionnels que l’on a pu auditionner déplorent cette rigidité.
J’ajoute que l’adoption de ces amendements ferait évoluer la conception française du mandat, qui est un acte de représentation et non d’assistance.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Supprimé)
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 162, présenté par Mme Nadille, MM. Patriat, Iacovelli, Théophile, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Mohamed Soilihi, Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 6 du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 494-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « ascendants ou descendants, frères et sœurs » sont remplacés par les mots : « parents ou alliés » et les mots : « à l’article 467 » sont remplacés par les mots : « aux articles 467 à 472 » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le juge peut également, dès le jugement d’ouverture ou de renouvellement de la mesure, en considération de la situation de la personne protégée et de sa famille, désigner, parmi les personnes mentionnées au premier alinéa du présent article, la ou les personnes qui seront désignées personnes habilitées en cas de décès des personnes désignées en premier lieu.
« Dans le cas mentionné au deuxième alinéa, la personne reprenant l’exercice de la mesure de protection informe sans délai la personne protégée et les tiers du décès des personnes désignées en premier lieu. » ;
2° Le sixième alinéa de l’article 494-6 est complété par les mots : « ou désigner, parmi les personnes mentionnées au premier alinéa de l’article 494-1, une personne habilitée ad hoc » ;
3° À l’article 494-7, les mots : « à représenter la personne protégée » sont remplacés par les mots : « en application de l’article 494-1 ».
4° Au deuxième alinéa de l’article 494-10, les mots : « dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 494-3 » sont supprimés.
La parole est à Mme Solanges Nadille.
Cet amendement a pour objet de modifier le régime de l’habilitation familiale pour en faire une réelle alternative aux mesures de protection judiciaire et pour protéger davantage les adultes vulnérables.
Nous proposons que le juge puisse désigner un mandataire ad hoc dans le cadre de l’habilitation familiale pour accomplir un acte, et ce lorsque la personne protégée se trouve dans une situation de conflit d’intérêts avec son protecteur, comme le juge peut déjà le faire en cas de curatelle ou de tutelle. Ce dernier pourra ainsi désigner une personne chargée de vérifier que l’acte en cause est bien accompli dans l’intérêt de l’adulte protégé.
Nous proposons également de clarifier la liste des personnes à même de saisir le juge si des difficultés apparaissent dans le cadre de la mise en œuvre de l’habilitation familiale : il existe actuellement une incompatibilité entre les dispositions de l’article 494-10 du code civil, qui dispose que tout intéressé ou le procureur de la République peut saisir le juge, et les dispositions de l’article 494-3 du même code selon lequel le juge est saisi par un nombre limité de personnes et non par « tout intéressé ».
L’amendement n° 369, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section VI du chapitre II du titre XI du livre premier du code civil est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 494-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « ascendants ou descendants, frères et sœurs » sont remplacés par les mots : « parents ou alliés » et les mots : « à l’article 467 » sont remplacés par les mots : « aux articles 467 à 472 » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le juge peut également, dès le jugement d’ouverture ou de renouvellement de la mesure, en considération de la situation de la personne protégée et de sa famille, désigner, parmi les personnes mentionnées au premier alinéa, la ou les personnes qui exerceront l’habilitation familiale en cas de décès des personnes désignées en premier lieu.
« Dans le cas mentionné au deuxième alinéa, la personne reprenant l’exercice de la mesure de protection informe sans délai la personne protégée et les tiers du décès des personnes désignées en premier lieu. » ;
2° Le sixième alinéa de l’article 494-6 est complété par les mots : « ou désigner, parmi les personnes mentionnées au premier alinéa de l’article 494-1, une personne habilitée ad hoc » ;
3° À l’article 494-7, les mots : « à représenter la personne protégée » sont supprimés.
4° Au deuxième alinéa de l’article 494-10, les mots : « dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 494-3 » sont supprimés.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadille vient d’excellemment défendre un amendement quasiment similaire à celui du Gouvernement : je considère par conséquent que celui-ci est défendu.
Sans surprise, la commission, pour les mêmes raisons que celles que j’ai évoquées précédemment, est défavorable à ces deux amendements de rétablissement de l’article 5 sexies.
Pour rappel, l’habilitation familiale a été créée en 2015 : il semblerait donc qu’il soit déjà nécessaire d’en faire le bilan et de vérifier les conditions dans lesquelles les habilitations familiales sont exécutées.
Je rappelle également que l’extension de l’habilitation aux parents et alliés a suscité de très nombreuses réserves de la part des professionnels, notamment à l’égard de la notion de personne « alliée ». Que recoupe précisément ce terme ?
Enfin, l’absence de contrôle par le juge des tutelles de l’exécution d’une mesure d’habilitation familiale et le mécanisme de remplacement automatique de la personne habilitée, qui résultent des dispositifs proposés, posent les mêmes difficultés que celles que j’ai décrites précédemment.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 153 rectifié ter, présenté par Mmes Jacquemet et Billon, est ainsi libellé :
Après l’article 5 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° Après l’article 494-3, il est inséré un article 494-3 –… ainsi rédigé :
« Art. 494-3-1 . – Toute personne majeure ne faisant pas l’objet d’une mesure de protection juridique peut faire connaître, soit par un acte notarié, soit par un acte d’avocat, son refus qu’une mesure d’habilitation familiale soit ordonnée à son égard ou son refus que certaines des personnes mentionnées à l’article 494-1 soient habilitées.
« Les déclarations sont publiées au registre mentionné à l’article 427-1 du même code. » ;
2° Au début du second alinéa de l’article 494-4, sont insérés les mots : « Le juge applique la déclaration prévue à l’article 494-3-1. En l’absence de déclaration, ».
La parole est à Mme Annick Billon.
Cet amendement, que j’ai déposé avec ma collègue Annick Jacquemet, a pour objet de permettre à une personne majeure d’anticiper une éventuelle perte d’autonomie en faisant connaître au juge des contentieux de la protection son adhésion ou son opposition à une mesure d’habilitation familiale le concernant.
Il tend également à permettre à tout individu de désigner en amont les personnes de son entourage qu’il souhaiterait voir habilitées en cas de besoin.
Idéalement, et quitte à se rendre chez un notaire ou un avocat, la personne à l’origine de la démarche devrait rédiger un mandat de protection future plus complet, d’autant qu’il est possible de désigner, en annexe du mandat, une personne de confiance.
Force est de constater que le flou ambiant autour du mandat de protection future n’incite pas à recourir à ce dispositif pourtant efficace.
L’habilitation familiale représente 38 % des mesures de protection juridique prononcées par le juge, tandis que le mandat de protection future n’est utilisé que dans moins de 2 % des cas. Peut-être a-t-on besoin de davantage de pédagogie concernant ce second outil ?
Partant de ce constat, nous estimons qu’il faut s’assurer du respect de la volonté de la personne majeure vulnérable, même si celle-ci a perdu la mémoire, sa capacité à raisonner ou à s’exprimer. Dans la mesure où l’absence de conflit familial ne garantit pas à elle seule la protection de la personne, nous souhaitons pouvoir mieux prévenir et protéger.
Cet amendement tend à prévoir la possibilité de s’opposer par anticipation à une habilitation familiale ou de refuser l’habilitation de certaines personnes.
Il existe déjà un dispositif visant cet objectif, le mandat de protection future, qui est justement censé prendre le pas sur les différentes mesures de protection judiciaire, au nom du principe de subsidiarité. Même si ce dispositif rencontre des difficultés à l’heure actuelle, nous avons bon espoir que ce mandat puisse répondre à tous les besoins, notamment à partir du moment où le registre spécial que nous appelons de nos vœux verra le jour.
Il nous semble préférable d’améliorer le dispositif du mandat de protection future plutôt que de créer un nouvel outil pour les mêmes fins. Pour cette raison, mais aussi par souci de cohérence avec la position de principe que je ne rappellerai plus, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Dès lors que l’article 448 du code civil permet à toute personne qui le souhaite de désigner à l’avance son tuteur, cet amendement est satisfait : avis défavorable.
Compte tenu des arguments chocs, notamment sur la nécessaire simplification des mesures, que je viens d’entendre et du souci de cohérence évoqué par Mme la rapporteure, je retire cet amendement.
(Non modifié)
Après le 10° du II de l’article L. 313-1-1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un 11° ainsi rédigé :
« 11° Les projets d’extension des services mentionnés au 14° du I de l’article L. 312-1 dont la capacité est inférieure à un seuil fixé par décret. » –
Adopté.
(Supprimé)
L’amendement n° 370, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Après l’article 219 du code civil, il est inséré un article 219-1 ainsi rédigé :
« Art. 219 -1. – Les autorisations et habilitations prévues aux articles 217 et 219 peuvent être délivrées à l’issue de l’instruction d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de protection juridique. »
II. – L’article 219-1 du code civil est applicable en Polynésie française.
La parole est à Mme la ministre.
Avec cet amendement, nous souhaitons établir une passerelle entre les mesures de protection juridique et les autorisations et habilitations entre époux.
Plus précisément, nous voulons rétablir l’article instaurant cette passerelle, voté par l’Assemblée nationale avant d’être supprimé par le Sénat en commission. Le juge doit pouvoir prononcer plus facilement les mesures les moins contraignantes possible.
À côté des mesures traditionnelles que sont la curatelle et la tutelle, il existe en effet des règles moins contraignantes qui n’entraînent pas d’incapacité juridique. Ces règles permettent aux adultes vulnérables de conserver leur autonomie tout en étant protégés, ce qui est le cas, par exemple, de l’habilitation entre époux, qui permet à l’un des époux de représenter l’autre dans le cadre du régime matrimonial.
Avec la nouvelle passerelle procédurale que je vous propose d’introduire dans le code civil, le juge pourra plus facilement décider, lorsqu’on lui demandera de prononcer une tutelle, par exemple, qu’une habilitation entre époux est suffisante pour protéger les intérêts d’un adulte vulnérable. Nous souhaitons favoriser l’autonomie des personnes fragiles en permettant au juge d’éviter de prononcer des mesures qui restreignent leur capacité juridique.
Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission est défavorable à cet amendement.
J’ajoute que, lors des auditions que nous avons menées, plusieurs intervenants ont indiqué qu’une telle mesure pourrait être redondante avec un certain nombre de dispositions du code civil, notamment ses articles 428 et 494-2 qui renvoient déjà à des mesures prévoyant une habilitation judiciaire ou à une autorisation.
Enfin, un tel dispositif mériterait de figurer dans un texte global et de faire l’objet d’une étude préalable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Supprimé)
L’amendement n° 371, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 421 est ainsi rédigé :
« Le juge des tutelles, le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou le greffier engagent la responsabilité de l’État dans les conditions fixées à l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire. L’action en responsabilité diligentée par la personne protégée, ou ayant été protégée, ou en son nom par ses ayants droit, est dirigée contre l’État qui dispose d’une action récursoire.
« Tous les autres organes de la mesure de protection juridique sont responsables du dommage résultant d’une faute quelconque qu’ils commettent dans l’exercice de leur fonction. Toutefois, sauf dans le cas où elles bénéficient des pouvoirs renforcés prévus à l’article 472, les personnes chargées de la mesure de protection et le subrogé curateur n’engagent leur responsabilité, du fait des actes accomplis avec leur assistance, qu’en cas de dol ou de faute lourde.
« La responsabilité relative aux fautes des personnes chargées de la mesure de protection est appliquée moins rigoureusement lorsque la mesure est exercée à titre gratuit que lorsqu’elle est exercée à titre onéreux.
« Lorsque la faute à l’origine du dommage a été commise par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, l’action en responsabilité peut être dirigée contre celui-ci ou contre l’État qui dispose d’une action récursoire. »
2° Les articles 422 et 424 sont abrogés.
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement a pour objet de rendre plus lisible le régime de responsabilité en matière de protection juridique des majeurs et d’harmoniser les différents régimes de responsabilité de l’État.
Anticipant ce que pourrait dire Mme la rapporteure pour avis, je précise que je ne doute pas que cette mesure devrait faire l’objet d’un examen plus poussé et s’inscrire dans une vision d’ensemble. Je n’irai par conséquent pas plus loin : j’estime que mon amendement est défendu.
Mme Elsa Schalck, rapporteure pour avis. Mme la ministre a déjà tout dit : avis défavorable.
Sourires.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – Le chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° La section 1 est complétée par un article 427-1 ainsi rédigé :
« Art. 427 -1. – Les informations relatives aux mesures de sauvegarde de justice, de curatelle, de tutelle et d’habilitation familiale ainsi que les mandats de protection future ayant pris effet en application de l’article 481 sont inscrites dans un registre dématérialisé dont les modalités et l’accès sont fixés par décret en Conseil d’État. » ;
2°
Supprimé
II. – Le 1° du I entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2025.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 372, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 427 -1. – Les mesures de protection juridique sont inscrites sur un registre national dématérialisé. » ;
II. – Alinéa 4
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
2° À l’article 477-1 du code civil, le mot : « spécial » est supprimé ;
III. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2025
par les mots :
le 31 décembre 2028
La parole est à Mme la ministre.
Il s’agit de clarifier l’article créant un registre des mesures de protection et de prévoir un délai pour la mise en place dudit registre.
L’amendement n° 135 rectifié, présenté par Mme Artigalas, M. Roiron, Mmes Le Houerou, Lubin et Féret, M. Kanner, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et Bonnefoy, MM. Chaillou, Cozic, Fagnen, Gillé, Jacquin, Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, M. Weber et Tissot, Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. 427 -1. – Sont publiés par une inscription sur un registre dont les modalités et l’accès sont réglés par un décret en Conseil d’État les mesures juridiques suivantes :
« Les mesures de protection juridique prononcées par les juges des tutelles ;
« Les mandats de protection future ayant pris effet en application de l’article 481 du code civil ;
« Les mandats de protection future conclus en application de l’article 477 du code civil ;
« Les désignations anticipées prévues à l’article 488 du code civil. » ;
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
L’amendement n° 163, présenté par Mme Nadille, MM. Patriat, Iacovelli, Théophile, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Mohamed Soilihi, Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
dématérialisé dont les modalités et l’accès sont fixés par décret au Conseil d’État
par les mots :
national dématérialisé
II. – Alinéa 4
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
2° À l’article 477-1 du code civil, le mot : « spécial » est supprimé.
III. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2025
par les mots :
le 31 décembre 2028
La parole est à Mme Solanges Nadille.
L’amendement n° 151 rectifié ter, présenté par Mme Billon, MM. Levi, Laugier et Longeot, Mmes Loisier et O. Richard, MM. Cambier, Pillefer et Cigolotti, Mmes Tetuanui, Herzog et Devésa et MM. Delahaye, Bleunven, Delcros et Canévet, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° L’article 477-1 est ainsi rédigé :
« Art. 477-1. – Le mandat de protection future, n’ayant pas encore pris effet en application de l’article 481, est publié par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l’accès sont réglés par décret en Conseil d’État.
Les mandats ayant pris effet font l’objet d’une mention en marge de l’acte de naissance selon les conditions prévues à l’article 444, et sont publiés sur le registre centralisant les informations relatives aux mesures de protection juridique en cours d’exécution mentionné à l’article 427-1. Il en est de même lorsqu’il est mis fin au mandat de protection future pour l’une des causes prévues à l’article 483. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Cet amendement porte sur le mandat de protection future.
Je tiens à saluer le travail de Mme la rapporteure pour avis, Elsa Schalck, qui a contribué au rétablissement de l’article 477-1 du code civil, alors que le texte issu de l’Assemblée nationale visait initialement à le supprimer.
L’amendement n° 152 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Levi, Laugier et Longeot, Mmes Loisier et O. Richard, MM. Cambier, Pillefer et Cigolotti, Mmes Tetuanui, Herzog et Devésa et MM. Delahaye, Bleunven, Delcros et Canévet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer l’année :
par l’année :
La parole est à Mme Annick Billon.
Voici le seul article du titre II bis que la commission a choisi de maintenir dans le texte, tant il est important.
Nous avons décidé de conserver ce registre général, car il est attendu depuis longtemps par l’ensemble des professionnels : il permettra de disposer d’une publicité centralisée de l’ensemble des mesures de protection, regroupant les mesures judiciaires – sauvegardes, tutelles et curatelles – et les mandats de protection future.
Cela étant, comme l’a souligné notre collègue Annick Billon, ce nouveau registre cohabitera avec le registre spécial des mandats de protection future, lui aussi très attendu. À cet égard, je rappelle qu’une décision du Conseil d’État du 27 septembre 2023 a enjoint au Gouvernement de créer ce registre spécial, qui est attendu depuis 2015, mais qui n’a toujours pas vu le jour, faute de décret d’application.
Il nous paraissait important de ne pas faire échec à cette décision du Conseil d’État, raison pour laquelle nous avons maintenu l’article 477-1 du code civil tel quel.
Au bénéfice de ces explications, la commission est défavorable aux amendements n° 372, 135 rectifié, 163 et 152 rectifié bis. Elle demande par ailleurs le retrait de l’amendement n° 151 rectifié ter ; à défaut, elle y sera également défavorable.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements n° 135 rectifié, 163, 151 rectifié ter et 152 rectifié bis.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Non, monsieur le président. Je ne veux pas mettre en péril une décision qui pourrait être enfin prise, après plus de huit années d’attente, et je retire les amendements n° 151 rectifié ter et 152 rectifié bis.
Les amendements n° 151 rectifié ter et 152 rectifié bis sont retirés.
Je mets aux voix l’article 5 decies.
L ’ article 5 decies est adopté.
TITRE III
GARANTIR À CHACUN DES CONDITIONS D’HABITAT AINSI QUE DES PRESTATIONS DE QUALITÉ ET ACCESSIBLES, GRÂCE À DES PROFESSIONNELS ACCOMPAGNÉS ET SOUTENUS DANS LEURS PRATIQUES
L’amendement n° 285, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 7233-3 du code du travail est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 7233-3. – Toute revalorisation du salaire minimum interprofessionnel de croissance donne lieu de plein droit à revalorisation, dans la même proportion, du salaire des travailleurs mentionnés à l’article L. 2211-1 et exerçant dans les activités mentionnées au 2° de l’article L. 7231-1. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Les métiers de l’intervention à domicile, du soin et du lien sont majoritairement exercés par des femmes, dont les salaires sont particulièrement bas.
Il y a urgence à mieux valoriser ces professions en améliorant les conditions de travail et le niveau des rémunérations.
Dans un contexte de forte inflation, nous proposons d’indexer automatiquement les revenus des personnels visés pour garantir une revalorisation salariale adéquate.
Cette décision s’inscrirait parfaitement dans la politique de « désmicardisation » de la France annoncée par le Premier ministre. Les professionnels de l’assistance aux personnes ayant besoin d’une aide à domicile sont naturellement concernés au regard de leur très faible rémunération.
Cet amendement tend à prévoir une indexation automatique sur le Smic des salaires des professionnels des services à la personne intervenant au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées.
Le niveau de rémunération des professionnels de l’aide à domicile est notoirement insuffisant et explique, au moins en partie, la crise d’attractivité du secteur.
Pour autant, une telle disposition serait exorbitante du droit applicable aux autres branches.
En outre, je rappelle que la fixation des salaires – en dehors du salaire minimum – relève du niveau conventionnel : ce sont les partenaires sociaux des branches concernées qui doivent s’efforcer de suivre l’évolution du Smic.
Enfin, en l’absence de financements publics adéquats, une telle mesure n’aurait d’autre effet que d’entraîner la fermeture des services à domicile.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 285.
Je partage l’ensemble des arguments que vient d’exposer Mme la rapporteure.
Je précise que ce type de mesure vide de sa substance les négociations salariales. Il est en effet de la responsabilité des partenaires sociaux de se réunir autant de fois que nécessaire pour négocier, en vue d’assurer la conformité des salaires au Smic et, plus généralement, de s’interroger sur la revalorisation de l’ensemble de la grille.
Je partage néanmoins votre préoccupation sur la négociation salariale, madame la sénatrice. C’est pourquoi les services de mon ministère assurent un suivi renforcé des négociations de branche au niveau interprofessionnel, en lien avec les partenaires sociaux, avec la mise en place de comités de suivi régulièrement convoqués.
Si le sujet est important, je suis néanmoins défavorable à cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 286, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le II de la section 5 du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier est complété par une sous-section ainsi rédigée :
« …° : Crédit d’impôt sur le revenu au titre des frais de déplacement journaliers entre le domicile et le lieu de travail pour les aides à domicile
« Art. 200… – Les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B, exerçant une activité d’aide à domicile et optant pour le régime des frais professionnels réels, peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des frais de déplacement journaliers entre le domicile et le lieu de travail, sur justificatifs.
« Pour les mêmes bénéficiaires, la réalisation de déplacements professionnels avec leurs véhicules personnels ouvre le droit à un crédit d’impôt sur le revenu.
« L’évaluation des frais de déplacement, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d’intérêts annuels afférents à l’achat à crédit du véhicule utilisé, peut s’effectuer sur le fondement d’un barème forfaitaire fixé par arrêté du ministre chargé du budget en fonction de la puissance administrative du véhicule, retenue dans la limite maximale de sept chevaux, du type de motorisation du véhicule et de la distance annuelle parcourue.
« Lorsque les bénéficiaires mentionnés au premier alinéa du présent article ne font pas application dudit barème, les frais réels ouvrant le droit à un crédit d’impôt, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d’intérêts annuels afférents à l’achat à crédit du véhicule utilisé, ne peuvent excéder le montant qui serait admis en crédit d’impôt en application du barème précité, à distance parcourue identique, pour un véhicule de la puissance administrative maximale retenue par le barème. » ;
2° Les septième à avant-dernier alinéas du 3° de l’article 83 sont supprimés.
II. – La première phrase du 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles est complétée par les mots : « et une contribution de solidarité des actionnaires d’un taux de 0, 3 % sur l’ensemble des dividendes des entreprises ».
III. – Les I et II ne s’appliquent qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Le Premier ministre l’a dit hier devant l’Assemblée nationale et l’a répété aujourd’hui devant le Sénat : le travail doit payer davantage que l’inactivité. Voilà justement un amendement allant dans ce sens.
Vous le savez, l’indemnisation des déplacements des aides à domicile pose problème depuis longtemps. Il s’agit d’un sujet de plus en plus prégnant, alors que le prix des carburants a particulièrement augmenté. Certains salariés sont contraints de faire de nombreux kilomètres tout en sachant qu’ils en seront « de leur poche », si je puis dire. De nombreux rapports ont pointé cette difficulté : par cet amendement, nous cherchons à faire avancer les choses.
La mobilité constitue une contrainte majeure pour les professionnels de l’aide et de l’accompagnement à domicile, à laquelle l’article 7 de la présente proposition de loi apporte un début de réponse.
Toutefois, la création d’un crédit d’impôt au titre des seuls professionnels de l’aide à domicile constituerait une différence de traitement difficilement justifiable aux yeux des autres professionnels concernés par de fréquents déplacements : avis défavorable.
Comme vient de le souligner Mme la rapporteure, l’article 7 contribuera à apporter des réponses en matière de soutien à la mobilité des aides à domicile.
Le fonds qui sera mis en place sera doté de 100 millions d’euros par an, une somme qui permettra de soutenir le pouvoir d’achat des aides à domicile et de favoriser la mise à disposition de véhicules sur l’ensemble du territoire.
Avec ce fonds, nous souhaitons promouvoir des politiques actives de soutien à la mobilité au niveau des employeurs et des autorités de tarification que sont les départements.
Si nous partageons votre objectif, madame la sénatrice, le mécanisme fiscal que vous proposez ne permet pas d’élaborer une politique active de soutien à la mobilité impliquant l’employeur et les territoires. La discussion s’engagera véritablement lorsque nous aborderons l’article 7 : nous espérons vraiment que l’adoption de cet article permettra un réel effet de levier.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 286.
J’ai bien écouté Mme la rapporteure et Mme la ministre, notamment lorsqu’elles ont évoqué les hausses de salaire.
Certes, on ne peut prendre une mesure pour certaines branches et pas pour d’autres ; certes, il revient aux partenaires sociaux de suivre l’évolution du Smic.
Mais tout le monde sait bien que les services à la personne ne sont pas solvables actuellement. Autrement dit, si personne ne se résout à aider ce secteur, vous pourrez mettre en place toutes les négociations que vous voulez, les salaires n’augmenteront pas !
Ma question s’adresse à vous, madame la ministre : le projet de loi Grand Âge, qui sera examiné à la fin de l’année, comportera-t-il des mesures permettant d’augmenter les revenus des professionnels de l’aide à domicile ? À mon sens, c’est la seule solution à notre disposition, à moins de demander aux bénéficiaires de payer plus, ce qui n’est pas vraiment, me semble-t-il, dans l’air du temps.
Madame la ministre, que ferez-vous pour « solvabiliser » les services d’aide à la personne ?
Je souhaite dire quelques mots pour compléter les propos de notre collègue.
Je suivrai bien entendu l’avis de la commission et ne voterai pas cet amendement, mais je tiens à souligner l’importance de ce sujet, qui doit être mis rapidement sur la table.
Comme chacun le sait, la question du temps passé dans les transports et celle du coût du kilomètre parcouru sont essentielles pour les professionnels des services à domicile.
Certes, la présente proposition de loi n’est pas le texte approprié pour traiter des aspects financiers du problème, mais il faut avoir à l’esprit que la fin de partie risque d’être vite sifflée pour ce secteur si ces différents points – je pense aussi aux questions inhérentes de coordination – ne sont pas réglés rapidement.
Madame la ministre, je forme le vœu qu’au détour du futur projet de loi de programmation pluriannuelle l’on puisse enfin discuter du financement et de l’organisation des services à domicile, en prenant soin de tenir compte de l’ensemble des coûts supportés par les professionnels, et pas seulement des frais liés à la présence à domicile.
Si l’on ne fait rien, c’est la fin des services à domicile : les patients, les Français en général, y perdraient beaucoup.
Par ailleurs, il faudra déterminer comment faire évoluer la tarification – conserver une tarification à l’heure, mettre en place une dotation ou un système mixte… Il s’agit d’un vrai sujet : trouver le prix juste à la fois pour améliorer la reconnaissance du professionnel et pour que le reste à charge demeure raisonnable pour les bénéficiaires.
Hier, j’ai conclu la discussion générale en disant que nous avions besoin, sur ce sujet, de travailler sur trois points : quelle stratégie, quelle gouvernance, quel financement ?
Comme vous, j’ai conscience de la nécessité absolue de valoriser ces métiers. Cela passe évidemment – ne tournons pas autour du pot – par une reconnaissance sonnante et trébuchante, mais aussi par la valeur accordée au métier. Quel avenir peut-on avoir quand on s’engage dans les métiers de l’humain ? C’est une vraie question.
Nous examinons aujourd’hui un texte sur le bien-vieillir, mais la question serait exactement la même s’il agissait d’un texte sur la petite enfance.
Nous avons donc besoin, comme je l’avais dit en audition et comme je l’ai redit hier, de discuter d’une stratégie globale. Pour ce qui concerne la dimension juridique, j’ai bien conscience que nous ne pouvons procéder par bribes, qu’une lecture globale est requise. C’est la même chose sur un sujet aussi fondamental.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
Je suivrai l’avis de la commission, mais je tiens à revenir sur l’intervention de son président.
Madame la ministre, comme je l’ai dit hier lors de la discussion générale, il y a urgence. La CNSA débloque 50 millions d’euros… C’est insuffisant ! Il faudrait dix fois plus pour éviter la catastrophe dans les établissements et les associations d’aide à domicile.
Lorsque je l’avais interpellée, votre prédécesseure avait confirmé que nous aurions besoin de moyens supplémentaires. Cette année, les prévisions de financement de la cinquième branche annoncent un excédent de 1, 3 milliard d’euros. Utilisons-le, au moins en partie, pour sauver la situation !
J’y insiste, ce sujet est fondamental. Pour reprendre les termes du président Mouiller, nos services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) vont mourir.
Je ne suis plus responsable de Saad ou de Ssiad (service de soins infirmiers à domicile), mais j’ai, pendant longtemps, participé à la création et au fonctionnement de tels services. Mes collègues qui s’en occupent actuellement me disent qu’ils se trouvent dans une impasse totale. Ils rencontrent des difficultés de recrutement de personnel, parce que ces métiers ne sont pas reconnus. Les professionnels ne sont pas rémunérés à la hauteur de leur travail.
En outre, il s’agit à 90 % ou 95 % de femmes, qui, pour des raisons d’organisation, sont bien souvent obligées de travailler à temps partiel, réalisant des contrats de 27 heures, plus pratiques pour organiser les tournées.
Les temps de déplacement entre deux soins, c’est-à-dire entre le domicile de deux patients, ne sont, pour ce qui concerne les associations à but lucratif privées – et il en existe de nombreuses –, pas payés, ce qui me fait dire qu’il s’agit presque d’esclavagisme.
Dans nos services publics, nous essayons soit de fournir une voiture, soit de rémunérer les temps de déplacements. Mais les coûts qui en résultent causent un déséquilibre financier permanent qui menace le fonctionnement de nos Saad.
Nous en convenons tous : il s’agit d’un problème majeur pour la survie des soins à domicile. Le virage domiciliaire que chacun appelle de ses vœux ne pourra intervenir sans accorder aux Saad les moyens financiers nécessaires à leur fonctionnement.
Je suivrai l’avis de la commission, mais je tiens moi aussi à dire un mot sur ce sujet, car nous avons de très grandes difficultés, dans les départements, à conserver les employés des Saad.
À l’échelle départementale, il est bien sûr possible de financer des voitures, mais les employés utilisent souvent leur propre véhicule pour réaliser leur tournée. Certains refusent ainsi de se rendre dans des communes rurales éloignées.
Madame la ministre a dit vrai : il faut absolument repenser le financement de ces services. L’article 7 constitue un premier apport important, mais pour renforcer le virage domiciliaire, il faut tout repenser pour conserver et amplifier l’aide à domicile.
Je tiens à joindre ma voix à celle de mes collègues, car – je le note –, peu de sujets font l’objet d’un tel consensus entre nous.
Ce problème n’est pas nouveau, et nous constatons que cela fait trop longtemps que nous entendons que ce sujet est intéressant, important, qu’une attention particulière y sera consacrée, qu’on va y réfléchir, mais qu’il est toujours différé, reporté.
Or la situation est grave. On nous dit qu’il y a un problème de financement, mais les budgets sont le fruit d’un choix politique. À quand un véritable choix politique mettant l’accent sur le vieillissement et le grand âge ?
J’ai moi aussi envie d’en rajouter une couche, car ce sujet est majeur. La création d’une carte professionnelle, à l’article 6, est révélatrice de ce que représente cette proposition de loi par rapport aux attentes de l’ensemble des professionnels qui s’occupent du domicile : rien du tout !
Nous attendons tous une loi établissant une véritable stratégie pour l’embauche et l’attractivité de ces métiers, car, actuellement, la désespérance prime : celle des professionnels du secteur ; celle des élus, qui voient qu’on ne répond pas aux besoins des personnes âgées et handicapées de leur territoire ; et, bien sûr, celle de ces dernières, qui, faute de personnel, ont rarement affaire à une même personne. Or il est délicat d’intervenir épisodiquement auprès d’un tel public. Tout le monde est en difficulté.
J’interviens donc moi aussi sur cet article 6, car il est temps d’apporter une vraie réponse !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – Après l’article L. 313-1-3 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 313-1-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 313 -1 -4. – Les professionnels intervenant au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées disposent d’une carte professionnelle.
« La délivrance de la carte professionnelle est soumise à l’obtention préalable d’une certification professionnelle attestant de la qualification et de la compétence des prestataires d’aide à domicile ou à la justification de deux années d’exercice professionnel dans des activités d’intervention au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées.
« Un décret définit les catégories de professionnels bénéficiant de la carte professionnelle, les modalités de délivrance et de retrait de cette carte ainsi que les facilités associées à la détention de la carte pour la réalisation des tâches des professionnels intervenant au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées, notamment en termes de mobilités. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2025.
L’amendement n° 319, présenté par Mme Nadille, MM. Patriat, Iacovelli, Théophile, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Mohamed Soilihi, Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
professionnels
insérer les mots :
de l’accompagnement
La parole est à Mme Solanges Nadille.
Cet amendement vise à préciser le périmètre de la carte professionnelle créée par l’article.
En effet, la formulation « professionnels intervenant au domicile » paraît trop large. Il convient de recentrer le périmètre sur les métiers de l’accompagnement plutôt que de l’étendre à l’ensemble des activités professionnelles pouvant être exercées au domicile des personnes.
Cet amendement tend à préciser que la carte professionnelle créée par l’article 6 concernerait les seuls professionnels de l’accompagnement intervenant au domicile des personnes âgées ou en situation de handicap.
Cet ajout est à la fois insuffisamment précis, donc susceptible de créer des oubliés de la carte, et inutile, puisqu’un décret doit définir les catégories de professionnels concernés.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Le Gouvernement estime que la formulation « professionnels intervenant au domicile », trop large, doit être recentrée sur les métiers de l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie. Il s’agit de les distinguer, par exemple, des professionnels du ménage ou des coachs sportifs.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 142 rectifié bis, présenté par Mme Devésa, M. Henno, Mme Saint-Pé, MM. Canévet et J.M. Arnaud, Mme de La Provôté, M. Duffourg et Mme Romagny, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après la deuxième occurrence du mot :
professionnelle
insérer les mots :
ou d’un parcours professionnel
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
La rédaction de l’article 6 issue des débats en séance publique à l’Assemblée nationale conditionne l’éligibilité à la carte professionnelle à l’obtention d’une certification professionnelle.
Une telle rédaction exclut l’ensemble des parcours professionnalisants qui, s’ils n’ouvrent pas le droit à une certification, doivent également être valorisés.
Ainsi, dans le secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile, les relais assistants de vie (RAVie) constituent un dispositif adapté au secteur, car ils permettent aux assistants de vie de rompre l’isolement professionnel, de prévenir les situations de maltraitance, d’encourager les bonnes pratiques et d’ouvrir sur une offre de formations professionnelles.
Le suivi d’un parcours professionnalisant au sein d’un RAVie est sanctionné par un passeport professionnel qu’il convient de valoriser en rendant ses détenteurs éligibles à la carte professionnelle.
Cet amendement a pour but de ne pas limiter l’octroi de la carte professionnelle aux seuls professionnels de l’accompagnement à domicile justifiant d’une certification professionnelle.
Il est satisfait par le texte de la commission : nous avons déjà précisé que les professionnels justifiant de deux années d’exercice professionnel dans des activités d’aide à domicile pourraient prétendre à l’octroi de la carte.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 142 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 57 rectifié est présenté par Mmes Féret, Lubin et Le Houerou, MM. Roiron et Kanner, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bonnefoy, MM. Chaillou, Cozic, Fagnen, Gillé, Jacquin, Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et M. Weber, Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 141 rectifié bis est présenté par Mmes Devésa et Saint-Pé et MM. Henno, Canévet et Duffourg.
L’amendement n° 229 rectifié est présenté par Mme Bourcier, MM. V. Louault et Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Brault, Capus et Verzelen, Mme Lermytte et M. Chevalier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
prestataires d’aide
par le mot :
intervenants
La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 57 rectifié.
Cet article crée une carte professionnelle pour améliorer la reconnaissance de l’ensemble des professionnels intervenant à domicile.
La rédaction que nous proposons, sans revenir sur l’obligation de certification professionnelle, ouvre l’éligibilité de la carte professionnelle à l’ensemble des professionnels intervenant à domicile, quel que soit leur statut.
Au-delà de cet amendement, j’insiste à mon tour sur l’absolue nécessité d’une plus grande reconnaissance et d’une plus grande valorisation de tous ces métiers, qui sont indispensables dans l’accompagnement et la prise en charge des personnes âgées.
La carte professionnelle est certes une petite proposition, mais elle tend vers une meilleure reconnaissance de ces métiers à ce point difficiles et pénibles que de grosses difficultés de recrutement existent. De nombreuses structures ne trouvent pas suffisamment de personnel pour répondre aux besoins très importants de nos aînés et des familles.
Ce sera tout l’enjeu, madame la ministre, de la grande loi qui portera, comme vous l’avez annoncé, sur la gouvernance, la stratégie, mais aussi, bien sûr, sur le financement de ces métiers.
L’amendement n° 141 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 229 rectifié.
Je suis d’accord avec Mme Féret : en distinguant certains salariés au détriment d’autres professionnels, cette carte professionnelle risque de décevoir. Elle pourrait se révéler un outil clivant, alors que l’objectif est de reconnaître le travail essentiel réalisé à domicile.
Cet amendement vise à réintégrer l’ensemble des professionnels intervenant à domicile dans le dispositif de la carte professionnelle, sans distinction.
Ces amendements identiques de précision rédactionnelle remplacent l’expression « prestataires d’aide à domicile » par celui d’« intervenants à domicile » pour désigner la qualification attendue des bénéficiaires de la carte professionnelle.
Cette modification vise à bien inclure parmi les professionnels concernés les salariés du particulier employeur.
La commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques.
Pour les mêmes raisons, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 57 rectifié et 229 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 192, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou à la justification de deux années d’exercice professionnel dans des activités d’intervention au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
L’article 6 instaure la délivrance d’une carte professionnelle aux aides à domiciles. Si cette disposition, déjà mise en place dans de nombreux services d’aide à domicile, est positive en ce qu’elle va dans le sens d’une meilleure reconnaissance professionnelle des métiers de l’aide à domicile et qu’elle sécurise les personnes accompagnées, sa formulation actuelle, en limitant l’obtention de cette carte à deux années d’exercice professionnel, est trop restrictive.
Comment expliquer aux personnes aidées que certains professionnels détiennent et présentent une carte professionnelle et d’autres pas ? Les prestations de la majorité des services à domicile sont quotidiennes – parfois même vingt-quatre heures sur vingt-quatre –, et les remplacements sont fréquents. Tout professionnel doit donc pouvoir présenter sa carte professionnelle et la restituer au service en cas de sortie.
Selon la CFDT, le taux de turnover au sein du secteur de l’aide à domicile atteint 70 %. Selon l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), 92 % des structures ont ouvert des postes en 2019, dont 22 % n’étaient pas pourvus, et 64 % des structures comptent des postes vacants depuis des années.
Les raisons de cette sinistralité sont largement connues : selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), en 2021, les conditions de travail, les faibles rémunérations, l’isolement et les horaires provoquent des départs et rendent ce métier très peu attractif.
Dans ce contexte, si la carte professionnelle contribue à une meilleure reconnaissance professionnelle et favorise le sentiment d’appartenance à une équipe, elle ne peut apparaître que comme une mesure mineure, dès lors que cette proposition de loi ne traite pas les causes profondes du manque d’attractivité de ces métiers.
En tout état de cause, les services doivent pouvoir la délivrer sans condition d’ancienneté afin de rendre les dispositions de cet article plus réalistes et effectives.
L’amendement n° 155 rectifié bis, présenté par Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme Bourcier, MM. Wattebled et Chevalier, Mme L. Darcos et MM. Brault, V. Louault et Rochette, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
deux
par les mots :
trois
La parole est à M. Daniel Chasseing.
L’objet de cet amendement est d’aligner le nombre d’années d’expérience professionnelle requises, à défaut de diplôme, pour l’obtention de la carte professionnelle, sur les dispositions du cahier des charges des services autonomie, soit trois ans.
L’amendement n° 265, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
professionnel
insérer les mots :
ou bénévole
La parole est à Mme Silvana Silvani.
L’article 6 crée une carte professionnelle pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile. La commission des affaires sociales du Sénat a élargi le dispositif aux professionnels justifiant de deux années d’expérience.
À l’heure actuelle, 65 % des professionnels sont sans diplôme. La carte professionnelle constituant un premier pas pour tenir compte de cette réalité, nous proposons d’en étendre le bénéfice aux personnes cumulant deux années d’expérience bénévole dans les activités d’intervention au domicile de personnes âgées ou handicapées.
Sur le terrain, nous constatons bien souvent que des personnes ayant été amenées à intervenir au domicile d’un membre de leur famille décident de poursuivre cette activité auprès d’autres personnes.
Par ailleurs, cet ajout permet de s’aligner sur les conditions d’accès à une validation des acquis de l’expérience (VAE) pour que les années d’expérience bénévole ouvrent droit à l’obtention d’un diplôme. Il serait dommage de prendre des mesures en deçà d’une réglementation déjà existante. Nous proposons par conséquent de faire bénéficier les bénévoles de cette reconnaissance de leur qualité d’aidants.
L’amendement n° 192 vise à rendre le texte de la commission moins restrictif en supprimant la condition de justification de deux ans d’exercice professionnel pour prétendre à l’obtention de la carte professionnelle.
Ce faisant, il restreint toutefois le bénéfice de la carte aux professionnels ayant préalablement obtenu une certification professionnelle et a donc un effet contraire à celui recherché par ses auteurs.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 155 vise à allonger à trois ans la condition de durée d’activité pour pouvoir prétendre à l’obtention de la carte professionnelle en l’absence de certification professionnelle.
La commission estime que la durée de deux ans est adéquate et émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 265 vise à comptabiliser les interventions à titre bénévole dans l’appréciation de la condition de deux années d’exercice dans des activités d’intervention à domicile pour bénéficier de la carte professionnelle.
Il est vrai que des associations organisent des actions d’accompagnement à domicile à titre bénévole, notamment au bénéfice de personnes âgées isolées, et ces actions doivent être saluées.
Toutefois, de telles activités pourraient se révéler plus difficiles à justifier que des expériences professionnelles, ce qui complexifierait le dispositif.
Par ailleurs, la carte professionnelle vise à octroyer une forme de reconnaissance à des intervenants professionnels. Aussi cette ouverture pourrait-elle brouiller le message, sachant que l’enjeu est essentiellement symbolique.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Je précise que, dans le cadre d’une VAE, les systèmes de validation et de reconnaissance des périodes bénévoles existent déjà. Il est possible de les formaliser, cela ne revêt pas une immense complexité.
Bénévole ne veut pas dire non professionnel
Mme la ministre en convient.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 331 rectifié bis est présenté par M. Somon, Mme Muller-Bronn, MM. Milon, H. Leroy, Sautarel, Khalifé et Naturel, Mme Micouleau, M. Cambon, Mme Noël, MM. Belin, Gremillet, Chaize, Bouchet, Saury et Lefèvre, Mme Belrhiti, MM. Bruyen, Sido et Reynaud, Mmes Drexler et Aeschlimann, MM. Paccaud et Burgoa, Mmes Gosselin, M. Mercier et Malet, MM. J.P. Vogel, Grosperrin, Brisson, Anglars, Klinger et Rojouan, Mmes Dumont et Ventalon et MM. Genet, Bonnus et Rapin.
L’amendement n° 336 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Daubet, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle est également soumise à un contrôle des antécédents judiciaires.
La parole est à M. Laurent Somon, pour présenter l’amendement n° 331 rectifié bis.
Cet amendement vise à compléter les conditions d’obtention de la carte professionnelle.
En l’état, une attestation de la qualification et de la compétence des prestataires d’aide à domicile ou la justification de deux années d’exercice professionnel dans les activités d’intervention au domicile des personnes âgées ou handicapées sont requises.
Ce public étant vulnérable, nous souhaitons ajouter comme condition la consultation du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais).
La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 336 rectifié.
Ces amendements identiques tendent à conditionner l’octroi de la carte professionnelle de l’aide à domicile à un contrôle des antécédents professionnels.
Cette précaution est superflue, puisque ce contrôle est déjà prévu par l’article 5 bis A de la proposition de loi pour l’exercice de professions impliquant un contact avec des majeurs vulnérables. Du reste, la rédaction de cet amendement est insuffisamment précise pour une mesure potentiellement restrictive.
La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
J’abonderai dans le sens de Mme la rapporteure. Je précise que l’arrêté du 24 novembre 2023 fixant le cahier des charges prévu à l’article R. 7232-6 du code du travail renforce les obligations des employeurs en la matière.
Ainsi, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 331 rectifié bis et 336 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 84 rectifié, présenté par Mmes Lubin, Féret et Le Houerou, MM. Roiron et Kanner, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bonnefoy, MM. Chaillou, Cozic, Fagnen, Gillé, Jacquin, Lurel et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et M. Weber, Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les professionnels intervenant au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées en attente de la délivrance de leur carte professionnelle se voient fournir par leur employeur une attestation confirmant leur statut et fonction.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Il s’agit, si je puis dire, d’un amendement extrêmement pratique. Nous nous sommes interrogés sur ce qu’il adviendrait des aidants intervenant chez des personnes vulnérables qui ne posséderaient pas encore cette carte professionnelle.
Si l’obtention d’une telle carte est attendue par les professionnels, elle sécurisera également les bénéficiaires. Aussi, quid de ceux qui ne disposeront pas de la carte lorsqu’ils demanderont à un potentiel bénéficiaire de leur ouvrir sa porte ?
Je crains que cette bonne idée ne pose problème aux personnes qui ne cumuleront pas les deux ans d’expérience requis pour l’obtention de la carte. Aussi, cet amendement vise à instaurer un dispositif pour sécuriser les bénéficiaires dans ce cas de figure.
Vous proposez que les professionnels en attente de la délivrance de leur carte professionnelle se voient fournir par leur employeur une attestation confirmant leur statut et leur fonction.
Le dispositif de la carte professionnelle, dont la portée est essentiellement symbolique, ne doit pas être la source d’une complexité excessive pour les services à domicile. En outre, cet amendement obligerait les particuliers employeurs à fournir à leur salarié une attestation.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Même avis.
Le Gouvernement a la même lecture que Mme la rapporteure. En effet, les employeurs délivrent déjà des certificats de travail et des attestations d’embauche permettant de justifier le statut et la fonction du professionnel.
Cela étant dit, j’entends l’appel des auteurs de l’amendement. Il sera très important que le dispositif et son délai d’application permettent une délivrance la plus rapide possible.
Je les remercie donc de cette interpellation, mais maintiens l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 6 est adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.