À cela, deux conditions.
La première est de réussir les douze travaux d’Hercule qui vous attendent, dans un pays taraudé depuis toujours – c’est sa grande faiblesse – par le doute, la hantise du déclin et le pessimisme : relever le niveau de l’école, guérir le système de santé, redonner de l’espoir aux agriculteurs, poursuivre la baisse du chômage, réindustrialiser le pays, réduire le déficit, construire l’Europe-puissance, réformer l’État, restaurer l’autorité au sein de la société, maîtriser l’immigration, assurer le développement durable à la française. Je n’insiste pas, monsieur le Premier ministre : vous avez, comme tous les orateurs précédents, détaillé ce constat. La tâche est immense.
Je n’ai toutefois énuméré que onze travaux. Le douzième est capital, mais c’est le moins compris. Le chef de l’État a évoqué le réarmement moral, économique, civique ; il reste le réarmement au sens propre, car nous sommes en guerre.
Voilà une très mauvaise idée européenne que d’affirmer chaque jour que l’on ne veut pas la guerre, que l’on n’est pas en guerre, lorsque nos ennemis le sont. L’internationale des dictateurs ne s’en cache pas : Russie, Chine, Iran, Corée du Nord proclament qu’ils veulent abattre l’Otan, l’Europe et l’Occident – et ils font ce qu’ils disent.
La guerre en Ukraine se voit à cause des tanks et des missiles, mais celle qu’ils nous livrent – cyberattaques, désinformation, création de milliers de comptes sur les réseaux antisociaux pour fausser les élections ou abrutissement de nos enfants sur TikTok pendant que la Chine protège les siens – est tout aussi violente. Elle mine nos démocraties de l’intérieur.
La Russie s’est mise en économie de guerre. Notre président parle d’économie de guerre, mais aucun pays d’Europe n’est capable, deux ans après le 24 février 2022, de livrer à l’Ukraine ne serait-ce que les munitions promises.
Si l’Ukraine perd la guerre, c’est l’Europe qui la perd. Par peur d’annoncer de mauvaises nouvelles, les gouvernements démocratiques ne préparent pas leurs opinions publiques à cette réalité. Lorsque j’écoute certains d’entre eux, j’ai l’impression d’entendre le toc-toc du parapluie de Daladier sur les pavés de Munich.
Monsieur le Premier ministre, vous serez certes jugé sur vos résultats dans notre pays, mais à l’échelle de l’histoire, votre gouvernement et tous les gouvernements d’Europe seront jugés à l’aune de la victoire ou de la défaite des démocraties face à l’internationale reconstituée des dictateurs.
La deuxième condition pour qu’en 2027, au soir de l’élection présidentielle, le visage qui apparaîtra sur nos écrans à vingt heures ne nous fasse pas honte comme ceux de Trump, d’Orban ou de Bolsonaro, ne dépend pas seulement de vous.
Il est grand temps que ceux qui se revendiquent du camp de la raison comprennent que le temps leur est compté.