Intervention de François Zocchetto

Réunion du 23 janvier 2007 à 16h00
Assurance de protection juridique — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le contexte dans lequel Pierre Jarlier et moi-même avons déposé nos propositions de loi respectives est celui de l'accès au droit.

Je précise en effet d'emblée, pour répondre à des critiques que je viens d'entendre, mais qui sont également parues dans la presse, que le problème dont nous traitons ce soir est non pas celui de la fragilisation de la profession d'avocat ou de sa supposée paupérisation, mais bien celui de l'accès au droit de nos concitoyens, qui doivent bénéficier d'une égalité de traitement en matière de résolution des litiges, notamment ceux qui appartiennent à ce qu'il est convenu d'appeler les classes moyennes, bien souvent interdites d'accès à l'aide juridictionnelle sans avoir pour autant les moyens d'assumer les frais d'un procès.

Qui dit accès au droit dit aussi transparence. En d'autres termes, il importe non seulement que le traitement soit le même pour tous, mais aussi que chacun comprenne le traitement dont il fait l'objet.

Enfin, la clarté maximale doit prévaloir lorsque l'on est partie à un litige.

Ces propositions de loi visent donc à permettre aux consommateurs de mieux accéder au droit.

Deux moyens principaux se complètent, comme l'a rappelé le garde des sceaux. Il s'agit, d'abord, d'un meilleur traitement de l'aide juridictionnelle, avec une revalorisation des indemnités d'aide juridictionnelle, et, ensuite, de la mise en place d'une véritable protection juridique. Si nous avons la chance, en France, de posséder un système de protection juridique, ce dernier ne donne pas à ce point satisfaction que nous puissions en rester là.

Il me semble utile de faire un bref rappel au sujet de l'aide juridictionnelle, bien que ce ne soit pas l'objet de notre débat ce soir.

Entre 2002 et 2006, alors que le nombre d'affaires traitées par les tribunaux était relativement stable, celui des missions d'aide juridictionnelle a augmenté de 7 % par an, ce qui montre bien la proportion croissante des missions dont le coût est assumé par l'État.

Qu'en est-il de la revalorisation des unités de valeur en matière d'aide juridictionnelle, c'est-à-dire de la rémunération des avocats ?

Entre 2000 et 2005, l'unité de valeur a augmenté de 2 %, c'est-à-dire quatre fois moins que les prix à la consommation. En outre, comme cela a été rappelé par les rapporteurs lors de l'examen des crédits relatifs à la mission « Justice » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007, depuis deux ans, l'absence de rétribution de certaines missions est à déplorer. À cet égard, je salue les amendements du Gouvernement, qui visent à étendre le champ d'action de l'aide juridictionnelle.

Notre dispositif est donc très fragilisé, ce qui est paradoxal. En effet, si notre pays consacre à l'aide juridictionnelle globalement beaucoup d'argent, et de plus en plus, ce qui le place au deuxième rang de l'Union européenne dans ce domaine, la rémunération, en termes d'unité de valeur, est l'une des plus faibles non seulement au sein de l'Union européenne, mais peut-être même à l'échelon mondial.

Pour conclure sur ce sujet, je salue l'initiative prise par M. le garde des sceaux, qui organise mardi prochain les assises de l'aide juridictionnelle, tout comme je me félicite de l'initiative du Parlement, soutenue par le Gouvernement, visant à revaloriser les unités de valeur, sur la proposition du rapporteur pour avis de la commission des lois, Yves Détraigne, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007.

Pour en venir au dispositif d'assurance de protection juridique lui-même, il faut rappeler qu'il est largement ignoré des consommateurs. Le problème tient sans doute au fait que cette prestation peut être tantôt autonome, tantôt liée à un autre contrat.

Il ne s'agit pas d'une question abstraite, tant il est vrai qu'environ 35 % des ménages bénéficient aujourd'hui d'une assurance de protection juridique et que de plus en plus d'élus locaux - cela devrait intéresser le Sénat - ont souscrit volontairement des assurances de ce type.

Il reste que l'information fait défaut quant au champ d'application et au fonctionnement des contrats de protection juridique.

Certes, les spécialistes de l'assurance diront que la protection juridique ne constitue qu'une branche mineure de l'assurance, puisqu'elle représente 1 % de l'assurance dommage, soit 600 millions d'euros de chiffre d'affaires par an.

Toutefois, sachant que chaque ménage consacre actuellement près de 60 euros par an à cette protection juridique, on ne peut considérer cette dernière comme un instrument accessoire.

Pour autant, j'en ai conscience, toute modification concernant la protection juridique constitue un exercice délicat car, d'un côté, l'assurance de protection juridique possède un fort potentiel de développement que les compagnies d'assurances sont les premières à reconnaître et à encourager et, de l'autre, les imbrications de la mise en oeuvre de la protection juridique avec les règles de fonctionnement de la profession d'avocat sont nombreuses.

Aussi, je salue sincèrement les efforts du Gouvernement, qui a conduit depuis plusieurs mois des négociations difficiles avec les compagnies d'assurances et les avocats, mais aussi avec les services du ministère des finances.

Ces négociations ont conduit à une reconnaissance mutuelle entre les différents acteurs de la protection juridique et nous ont permis, à Pierre Jarlier et à moi-même, de déposer nos textes à point nommé, puisque, grâce à ces avancées, nous pouvons aujourd'hui nous comprendre.

Sans revenir en détail sur le texte, je précise simplement qu'il vise à donner une définition plus claire du sinistre, à rappeler le caractère libéral de l'intervention de l'avocat, avec le choix du conseil et la fixation de la rémunération.

Le rapport de la commission, fruit du travail très intéressant accompli par le rapporteur, constituera, me semble-t-il, une base de référence pour les semaines et les mois à venir.

Parmi ses apports, je relève notamment la proposition tendant à rendre l'aide juridictionnelle subsidiaire par rapport à la protection juridique dans un souci de meilleure gestion des deniers de l'État, la subrogation de l'assuré dans la perception des sommes qui seraient dues par la partie défaillante au procès et, enfin, l'alignement du code de la mutualité sur le code de l'assurance - comment n'y avions-nous pas pensé ? Nous pouvons nous en vouloir !

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