Je répondrai aux préoccupations exprimées par les auteurs de ces amendements, mais je précise d'emblée que le Gouvernement émet le même avis défavorable que la commission. Je voudrais m'en expliquer très clairement, car un certain nombre d'assureurs ont émis des craintes qui ne me semblent pas fondées.
La Commission des clauses abusives a dénoncé en 2002 les contrats d'assurance de protection juridique qui imposaient à l'assuré de déclarer le sinistre « dès son origine » à peine de déchéance. En effet, il faut penser aux cas où la lente genèse d'un sinistre peut rendre difficile la détermination de sa date de naissance. De nombreux procès en matière de voisinage, de construction ou de droit du travail, ont une origine ancienne et quelquefois nébuleuse. En imposant à son client de déclarer le sinistre dès son origine, l'assureur se réserve en pratique la possibilité de prononcer la déchéance de garantie à sa guise.
Ce qu'interdit la Commission des clauses abusives, le présent amendement aboutit à le rétablir. En imposant à l'assuré de déclarer à l'assureur le litige « dès qu'il a connaissance d'une situation pouvant le générer », il autorise ce que la jurisprudence était parvenue à proscrire et revient ainsi sur un acquis fondamental en faveur des droits de l'assuré.
Indépendamment même de la régression du droit des consommateurs, cette rédaction serait contestable juridiquement. En effet, dès lors que l'assureur pourrait en pratique décider souverainement de sa propre garantie, c'est à son égard que le contrat serait dépourvu d'aléa, sans lequel, comme vous le souligniez, il n'est pas de contrat d'assurance. L'aléa est pour tout le monde : pour l'assuré et pour l'assureur.
Le texte de la commission des lois est, pour sa part, parfaitement fondé juridiquement et conforme aux recommandations de la Commission des clauses abusives. Il vise à définir le sinistre au premier instant où le litige est cristallisé.
C'est une solution équilibrée pour les parties et c'est la seule qui prenne en compte un événement que l'on puisse précisément dater. Elle préserve, par ailleurs, les intérêts légitimes des assureurs en leur permettant de soulever la fraude - c'était votre objection, madame le sénateur - dès lors qu'un assuré aurait souscrit un contrat de protection juridique après la survenance d'un litige.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter ces amendements.