Intervention de Michel MASSET

Réunion du 30 janvier 2024 à 15h00
Condamnés terroristes et lutte antiterroriste — Vote sur l'ensemble

Photo de Michel MASSETMichel MASSET :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe RSDE partagent les objectifs des auteurs de ce texte comme les dispositifs qu’ils proposent.

Je ne reviens pas sur l’importance d’adapter notre législation à la menace terroriste, laquelle évolue sans cesse. Toutefois, il nous faut garder à l’esprit que durcir la législation répressive est en quelque sorte un aveu d’échec de nos sociétés, qui n’ont pas su empêcher que des crimes soient commis.

Nombre des dispositions prévues dans cette proposition de loi ne posent pas de difficulté à nos yeux. Je pense à celles qui tendent à renforcer la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion ou à aggraver certaines peines liées à la commission d’actes terroristes. Je pense également aux mesures d’investigation, comme l’allégement de la procédure d’autorisation d’achat de fournitures dans le cadre des enquêtes sous pseudonyme.

Mes chers collègues, au terme de l’examen de ce texte, il y a toutefois lieu de vous faire part, sinon de réserves, du moins de points de vigilance particuliers, qui tiennent à l’équilibre que doit toujours maintenir notre législation entre exigences fondamentales d’un État de droit et nécessités répressives de la lutte antiterroriste.

Je souhaite ainsi appeler votre attention sur l’article 1er bis, qui introduit le motif d’un « comportement [qui] manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République » pour révoquer le sursis probatoire. Malgré la disparition de la notion d’« inconduite notoire », la nouvelle disposition pâtit encore d’un certain flou. Elle pourrait soulever des problèmes, comme cela a été rappelé au cours de nos débats.

Dans un autre registre, je souhaite revenir sur les dispositions de l’article 7 bis. Il est en effet prévu que l’appel formé par le ministre de l’intérieur contre un jugement d’annulation d’un renouvellement des Micas entraîne de plein droit la prolongation des effets de la mesure initiale.

À première vue, cette disposition m’a semblé bonne : mieux vaut avoir quelques certitudes avant d’annuler les Micas ! Toutefois, j’ai également été sensible aux arguments avancés par certains de nos collègues, nous alertant sur le risque de dérives. En effet, ces mécanismes juridiquement automatiques priveraient les magistrats d’une part de leur liberté d’appréciation et marqueraient une forme de défiance à leur égard.

Je prendrai enfin l’exemple de l’article 11, qui réintroduit, dans une rédaction restreinte, le délit de recel d’apologie du terrorisme, lequel n’a pas fait l’objet de modifications en séance.

Là encore, nous comprenons l’objet de cette disposition et nous aurions même tendance à le soutenir. Reste que nous savons que le Conseil constitutionnel a conclu, dans une décision du mois de juin 2020, que « le délit de recel d’apologie d’actes de terrorisme port[ait] à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui n’[était] pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».

Certes, les auteurs du texte ont ajouté des critères, afin de prévenir une éventuelle censure. Cela étant, je rappelle, comme l’a déjà fait M. le garde des sceaux, que l’adhésion ne suffit pas à caractériser la volonté de commettre un acte terroriste ou d’en faire l’apologie. Il faut donc veiller à ne pas créer une infraction qui serait seulement fondée sur des soupçons de criminalité.

J’en viens aux réponses apportées au problème des mineurs radicalisés ou en voie de radicalisation.

La position du groupe RSDE s’inscrit dans le droit fil des propos que j’ai tenus lors de précédents débats : nous sommes attachés au principe d’un droit pénal spécial et autonome pour les mineurs ; nous appelons également à prévenir toute judiciarisation à outrance du destin de jeunes en construction.

Il faut absolument renforcer la prévention contre la radicalisation, notamment par des mesures éducatives et sociales. L’environnement dans lequel grandissent les mineurs joue un rôle prépondérant dans leur disposition à accueillir favorablement ou non des discours de radicalisation.

Mes chers collègues, je termine en rappelant que l’État de droit est le cadre garantissant aux citoyens le respect de leurs droits et libertés. Ce cadre assure l’efficacité de la loi ; il est la force de la République.

Bien sûr, je vois grandir la défiance envers les juges, qui livreraient parfois des interprétations contraires aux intérêts de certains – ou à certains intérêts –, mais il y va de l’intérêt général et de notre responsabilité de garantir avec volontarisme les droits et libertés constitutionnellement protégés.

L’atteinte à ces principes est un point de non-retour dont nous devons nous tenir le plus possible éloignés. Je sais que la navette parlementaire, si elle est conduite dans des conditions normales, nous permettra d’aboutir à une bonne version du texte, efficace et protectrice.

Malgré ces réserves, considérant les objets du texte et les modifications qui y ont été apportées, notre groupe votera majoritairement pour.

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