Intervention de Muguette Dini

Réunion du 23 janvier 2007 à 16h00
Prévention et répression des violences — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

Madame la ministre déléguée, je me réjouis que la question de notre collègue Mme Gisèle Gautier nous donne l'occasion de vous interroger sur l'application de la loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre des mineurs, texte promulgué voilà plus de huit mois.

Cette loi a aggravé les sanctions et élargi leur champ d'application aux concubins, aux pacsés et aux ex-compagnons. Elle a pris en compte le viol et le vol entre époux ainsi que les mutilations sexuelles, et a prévu des dispositions pour mieux protéger les jeunes filles contre un mariage forcé. On ne peut qu'être d'accord avec cette amélioration de la prise en compte des violences commises, la plupart du temps, contre les femmes, mais il en existe aussi contre les hommes.

Dans mon intervention du 29 mars 2005, lors de la première lecture du texte au Sénat, j'avais souhaité que cette loi soit appliquée rapidement. Près de deux années plus tard, où en sommes-nous ?

Les chiffres de 2006 ne sont pas rassurants : 113 homicides, soit un tous les trois jours, ont concerné très majoritairement des femmes et quelques-uns des hommes violents tués par leur compagne. À la suite de ces drames, 26 personnes se sont suicidées, 11 ont tenté de le faire, 10 enfants ont été tués. Cela porte à 160 en un an le nombre des victimes de ce fléau !

Par ailleurs, un million trois cent mille femmes auraient été, dans leur vie de couple, confrontées à des violences verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles.

Le coût global de ces situations s'élève à 1 milliard d'euros, qui inclut entre autres 383 millions d'euros pour des frais d'hospitalisation, de consultation et de médicament, 232 millions d'euros pour des frais de police, de justice et d'incarcération, 89 millions d'euros pour des frais de relogement et de prestations sociales. Ce bilan 2006 n'est pas encourageant !

Nous savons, madame la ministre déléguée, qu'un certain nombre de mesures se sont mises en place au début de cette année et que vous travaillez à améliorer la prise en compte de cette grave question. Mais on voit aussi que cette loi, dont le titre évoque prévention et répression, s'attache plus, pour l'instant, à la répression. Je ne nie pas son importance, mais, pour les victimes, quand la sanction à l'encontre de leur conjoint intervient, le chemin parcouru a été bien long et beaucoup d'entre elles ne trouvent pas ou n'ont pas encore trouvé l'écoute attentive, l'encouragement à réagir, la certitude rassurante qu'elles seront soutenues et aidées.

Par conséquent, j'aimerais savoir ce qui est prévu ou ce qui a déjà été fait dans le domaine de la prévention. En particulier, l'accueil dans les gendarmeries et les commissariats est-il fait par des femmes ? par des personnes spécifiquement formées ? par des personnes ayant déjà une bonne expérience de la vie d'adulte ?

S'agissant de la sensibilisation des magistrats, où en est la formation spécifique ? Envisage-t-on la création d'une juridiction de genre, comme en Espagne ? Je rappelle que, dans ce pays, où 150 000 plaintes ont été enregistrées en un an, des tribunaux spécialisés dans les violences à l'encontre des femmes ont été créés.

En France aussi, il s'agit d'un contentieux massif qui nécessite des juges spécifiquement formés. Ces tribunaux permettraient de mieux articuler les décisions pénales, comme la sanction des violences, et les décisions civiles, comme la garde des enfants. Aujourd'hui, ces décisions sont prises par des magistrats différents et on sait qu'elles sont parfois contradictoires.

J'aimerais aussi savoir ce qui est concrètement prévu ou réalisé pour la formation du milieu médical, pour l'implication des associations et des intervenants sociaux auprès des services de police et de gendarmerie, pour l'édition d'un code du droit des femmes et pour l'instauration d'un numéro d'appel unique.

D'autres questions déjà posées lors de mes deux interventions précédentes sont restées sans réponse. Elles concernent d'abord la sensibilisation, dès le tout jeune âge, au respect de l'autre, en particulier le respect des garçons à l'égard des plus faibles, dont les filles. Elles concernent ensuite la diffusion des spots de sensibilisation. Sont-ils diffusés dans les lycées ? Si ce n'est pas le cas, peut-on envisager de le faire ? Elles concernent enfin la violence inadmissible exercée par les grands frères sur les petites soeurs. A-t-on des chiffres ?

Le phénomène des violences au sein des couples n'est pas en régression. La répression seule ne dissuadera pas un homme violent, car, au moment de lever la main sur sa compagne, il ne se dira pas : « Attention ! Je vais être passible d'une circonstance aggravante. ».

L'éducation au respect de l'autre et de sa dignité, la prise de conscience par les femmes de leur valeur et de leurs droits, sont des voies qui doivent être beaucoup plus exploitées. Il y va de l'équilibre de notre société. Madame le ministre déléguée, nous comptons sur vous pour nous éclairer sur ce qui a déjà été fait et pour continuer à avancer rapidement et efficacement dans ce qui reste à faire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion