Intervention de Guy Fischer

Réunion du 23 octobre 2008 à 9h30
Revenu de solidarité active — Article 2

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, l’article 2, pierre angulaire du projet de loi, prévoit le remplacement de l’API et du RMI par le RSA et détaille les modalités de sa mise en œuvre. Il s’appuie sur la proposition de loi déposée par notre collègue Michel Mercier.

Cet article très long détaille les principales dispositions relatives au RSA et affiche l’objectif de « faire des revenus du travail le socle des ressources des individus ». Qui ne souscrirait pas à une telle mesure ?

Mais, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que les conséquences, tant pour ces « allocataires-salariés » que pour le marché du travail, seront lourdes.

Je m’attacherai d’abord aux conséquences pour les futurs allocataires salariés, présentés implicitement – nous l’avons souvent entendu dans cet hémicycle ! – comme des profiteurs du système. Les bénéficiaires du RMI « profitent » de quelque 440 euros par mois, alors qu’il s’agit pour nombre d’entre eux de survivre, tandis que les quelques familles les plus riches voient leurs revenus exploser et ne profiteraient pas du système !

Dans la droite ligne des textes qui nous ont été soumis ces derniers mois, notamment celui du projet de loi instaurant la notion d’« offre raisonnable d’emploi », il s’agit implicitement d’accuser les salariés privés d’emploi d’être des « chômeurs volontaires », pour lesquels il faudrait multiplier les contrôles et les pressions, afin qu’ils acceptent n’importe quel travail.

Ce texte sonne également comme la condamnation des « assistés », accusés d’être des « parasites » vivant aux crochets de « la France qui se lève tôt » ! Ainsi, alors que le RMI est un dispositif dont l’objectif est d’accompagner financièrement un retour à l’emploi, le RSA est censé soutenir durablement un revenu d’activité faible, quand bien même celui-ci ne permettrait pas à ses « bénéficiaires » de vivre dignement.

Le RSA se réduit-il à n’être que la mise en œuvre de l’obligation absolue de travailler à n’importe quel prix, pour être socialement respectable, et ce au détriment de la dignité humaine ?

Nous l’affirmons solennellement, ce dispositif sera également lourd de conséquences pour le marché du travail, car il contribue à transformer la norme de l’emploi. En effet, contrairement au mécanisme d’intéressement du RMI, qui est transitoire, celui du RSA est pérenne ! Ainsi, en agissant comme une subvention permanente aux très bas salaires, c’est-à-dire, pour l’essentiel, au temps partiel contraint, de fait massivement réservé aux femmes, il institutionnalise la précarité.

L’absence d’obligations pour les employeurs dans ce dispositif va renforcer cette tendance. Les retours des expérimentations ne nous trompent pas. Certes, comme l’indique l’exposé des motifs, et comme s’est plu à nous le rappeler M. le haut-commissaire, « près d’une année d’expérimentation apporte des informations positives avec des taux d’emploi supérieurs de 30 % en moyenne à ceux que l’on constate dans les zones témoins ». Mais de quels emplois s’agit-il ? D’un emploi à durée indéterminé fermement encadré par le droit du travail et couvert par la protection sociale ? Pas du tout ! Selon le rapport d’étape du comité d’évaluation des expérimentations de septembre 2008, il s’agit, pour environ un tiers, de contrats aidés et, pour un quart, de CDD de moins de six mois ou d’intérim.

Au final, l’idéologie libérale qui imprègne ce texte, en rabaissant le seuil d’exigence qui commande l’accès au travail et en faisant du travail précaire la nouvelle norme de l’emploi, conduira peut-être l’économie à la pleine activité, mais certainement pas au plein emploi. La différence est majeure ! Quand la première permet aux individus d’être autonomes économiquement et socialement et de vivre dignement, le second relègue l’individu au nouveau statut de « travailleur pauvre », qui s’installe pas à pas dans notre paysage social.

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