Nous demandons un peu plus à ceux qui ont beaucoup pour une plus grande solidarité vis-à-vis des pauvres.
Monsieur Virapoullé, vous souhaitez que les domiens puissent être rassurés. Tel est évidemment mon souhait. Notre démarche, qui consiste à d’abord mettre en place le nouveau système, puis à supprimer le système précédent si le premier se révèle plus intéressant, vaudra pour les DOM. Monsieur le sénateur, le projet de loi ne contient, me semble-t-il, aucune disposition qui soit de nature à susciter votre inquiétude. Cependant, afin de lever toute ambigüité, le Gouvernement est prêt à déposer un amendement visant à préciser que le RMI et l’allocation de parent isolé resteront en vigueur jusqu’à la mise en place du RSA. Cela ne figure pas dans le projet de loi parce que nous craignions qu’on lui reproche d’être trop bavard.
Je n’ignore pas que les départements d’outre-mer bénéficient de systèmes spécifiques, qu’il s’agisse des agences départementales d’insertion, de l’allocation de retour à l’activité ou du revenu de solidarité dans les départements d’outre-mer. De fait, nous n’allons pas mettre en place le RSA, pour constater peu après qu’il est moins avantageux pour ses bénéficiaires. C’est pourquoi l’un de vos collègues, député de la Réunion, a été nommé parlementaire en mission auprès du Premier ministre, du secrétaire d’État à l’outre-mer, Yves Jégo, et de moi-même afin d’étudier cette question. Il débutera son travail au début du mois de novembre par une rencontre avec tous les présidents de conseil général.
Dès que nous serons prêts, nous vous soumettrons l’amendement et il sera déposé.
M. Adnot a demandé qui allait percevoir le RSA. Cette question est fondamentale. Percevront le RSA toutes celles et tous ceux dont les revenus d’activité sont trop faibles pour leur permettre de vivre dignement, compte tenu de leurs charges de famille. Le RSA commence à 447 euros, avec des points de sortie en fonction des situations familiales. Pour une personne vivant seule, ce point de sortie sera de 1, 04 SMIC ; avec deux enfants à charge, il sera de 1, 8 SMIC. S’agissant de la prime pour l’emploi, je rappelle que, pour une personne vivant seule, le point de sortie est de 1, 2 SMIC ; avec deux enfants à charge, il est de 3, 5 SMIC ; avec trois enfants à charge, il est de 4, 7 SMIC.
Ces mécanismes ne se substituent pas aux revenus du travail, mais ils les complètent. Pourquoi sont-ils nécessaires ? S’ils n’existaient pas, nous serions face à une alternative diabolique : soit, comme certains pays l’ont fait, nous entérinerions définitivement la pauvreté au travail, soit nous exclurions une partie de la population du monde du travail, parce que l’augmentation du coût du travail des personnes non qualifiées se traduirait par leur éviction du monde du travail. Ce n’est d’ailleurs pas un problème franco-français. D’autres pays y ont été confrontés à plusieurs reprises.
C’est pour sortir de cette alternative diabolique qui est préjudiciable à certaines catégories de population – la France a malheureusement compté à la fois plus de chômeurs et plus de travailleurs pauvres que la moyenne européenne – que des mécanismes ont été mis en place dans divers pays et par différentes majorités. Il s’agissait de sortir les personnes de la pauvreté sans les diriger vers le chômage, c’est-à-dire sans peser sur le coût du travail.
C’est dans cette logique que s’inscrivent la prime pour l’emploi, certaines prestations familiales et, bien évidemment, le revenu de solidarité active.
Ces différents dispositifs ne sont pas destinés à entériner notre résignation face à la situation. Les gens peu qualifiés sont payés au salaire minimum. Mais ce n’est pas parce que l’on ne peut pas augmenter le salaire minimum, sous peine d’alourdir le chômage, que l’on doit se résigner à laisser ces gens dans la pauvreté. Si l’on veut progresser, il faut mettre l’accent sur la qualification, sur la formation, qui peut et qui doit être accessible. D’où l’intérêt de l’accord qui a été passé entre les partenaires sociaux pour ouvrir la formation à des publics qui n’y avaient pas accès.
J’ai été frappé, ces derniers temps, de constater que les personnes bénéficiaires de minima sociaux avaient du mal à accéder aux formations proposées par les régions. Cela a été la croix et la bannière, j’ai dû faire des pieds et des mains pour convaincre les acteurs concernés qu’une partie de l’argent que les régions consacrent à la formation professionnelle doit descendre à l’échelon du département pour la formation des allocataires du RMI, l’importance de ce transfert étant proportionnelle au nombre de RMIstes. Cela a déjà été fait dans certains départements. Cette procédure, pour l’heure très compliquée, devra devenir naturelle.
Notre démarche s’inscrit dans une logique très claire : dans un premier temps, rechercher les priorités ; dans un second temps, apporter des réponses.
Deux priorités se dégagent.
Première priorité : garantir aux personnes qui n’arrivent pas à sortir des minima sociaux que, dès qu’elles travaillent un peu, elles gagnent tout de suite de l’argent.
Seconde priorité : compléter le revenu des personnes qui travaillent mais qui, compte tenu de leurs charges de famille, restent dans la pauvreté, tirent le diable par la queue.
Telles sont les deux priorités absolues auxquelles nous répondons – second temps de notre démarche – par le revenu de solidarité active, doté de 1, 5 milliard d’euros. Ainsi, nous allons dans le bon sens.
Parallèlement, et c’est un autre élément de notre réponse, nous organisons l’accompagnement, la formation, des formes de suivis, afin qu’une fois le premier élan donné nous puissions continuer.
Telle est la philosophie du revenu de solidarité active. Elle n’est pas perverse. Elle est saine, d’autant plus saine qu’elle met à égalité des personnes aux parcours différents, certains ayant été allocataires des minima sociaux, d’autres non.
Il est malsain qu’une personne puisse dire de son voisin d’atelier : il travaille autant d’heures que moi, il a autant d’enfants que moi, il a le même salaire que moi et, pourtant, son revenu est différent.
Il est également malsain qu’une personne puisse dire de son voisin de pallier : je travaille, il ne travaille pas et, pourtant, nous avons les mêmes revenus.
Monsieur Fischer, de telles situations, malsaines, je le répète, attisent les haines entre pauvres, moyens pauvres et très pauvres. Elles sont délétères et pour la cohésion sociale et pour la démocratie.
Nous voulons traiter ces situations de manière plus juste. Nous le ferons sans idéologie, avec pragmatisme, en nous donnant les moyens de renouer avec l’idée que la France a un bon modèle social.