Intervention de Annie David

Réunion du 23 octobre 2008 à 21h45
Revenu de solidarité active — Article 3

Photo de Annie DavidAnnie David :

Nous en arrivons à l’article 3 relatif au financement, sujet qui a occupé une grande partie des débats à l’Assemblée nationale. Je ne reviendrai pas sur l’injustice de ce financement, qui consiste à maintenir le bouclier fiscal et donc à faire payer, une fois encore, les populations les plus modestes, pervertissant de fait le concept républicain de la solidarité. Il s’agit non plus, en effet, d’une solidarité des riches envers les pauvres, mais d’une solidarité des pauvres envers les plus pauvres.

Au-delà de cet aspect hautement condamnable du financement, j’évoquerai, dans cette intervention, la question de la charge financière et humaine supplémentaire pour les départements, en prenant pour exemple mon département, l’Isère.

En 2007, le conseil général de l’Isère a dénombré 4 846 personnes « entrées » dans le RMI et 6 065 « sorties », avec un nombre de 16 492 bénéficiaires au 31 décembre 2007. Le mouvement entrant représente donc 30 % et le mouvement sortant 37 % des personnes inscrites à cette date.

Si on extrapole, sachant que le nombre de personnes concernées par le RSA est multiplié par trois, on atteint un chiffre de plus de 49 000 bénéficiaires du RSA, avec 15 000 « entrées » dans l’année. Les « sorties » du RSA risquent d’être moins nombreuses puisque ce dispositif sera pérenne. Aussi, l’instruction du RSA, notamment du flux des entrants, représentera une charge de travail trois fois supérieure à celle d’aujourd’hui.

Il est prévu que l’État prenne en charge le budget « intéressement RMI », qui serait de l’ordre de 13 millions d’euros pour l’Isère. En contrepartie, l’État transfère aux départements le coût de l’API, actuellement gérée par les caisses d’allocations familiales, qui est de l’ordre de 12, 2 millions d’euros en Isère.

Si la compensation est équilibrée, l’expérience douloureuse des départements en matière de gestion du revenu minimum d’insertion légitime leurs inquiétudes pour l’avenir. En effet, comme l’a indiqué M. le rapporteur pour avis, « Le taux de couverture des dépenses de RMI par l’État n’est donc plus que de 89, 3 % au titre de l’exercice 2007. »

L’inquiétude des départements est d’autant plus vive que le projet de loi prévoit, en ce qui concerne l’API, qu’il s’agit d’une « extension de compétence », et non d’un « transfert de compétence », comme ce fut le cas pour le RMI. Autrement dit, l’obligation constitutionnelle pour l’État de transférer le montant intégral des dépenses, en vertu de l’article 72-2 de la Constitution, disparaît. Comme l’indique encore M. le rapporteur pour avis : « La seule obligation de l’État est d’accompagner l’extension de ressources, en veillant au principe de libre administration des collectivités territoriales. »

Nous avons déposé des amendements afin de revenir sur ce point, d’autant que l’API a été, d’année en année, sous-budgétisée en loi de finances.

D’autres ambiguïtés dans ce projet de loi attisent, à juste titre, les craintes des départements de voir leurs charges financière et humaine s’alourdir.

D’une part, les différentes estimations ayant servi au calcul du montant de la compensation de cette extension de l’API vers les départements ont été réalisées hors du contexte économique actuel. Or, chacun le sait, les conditions économiques se sont fortement dégradées et les prévisions de croissance pour la France sont inférieures à 1 %.

D’autre part, cette extension de compétence intègre de fait l’accompagnement à l’insertion des bénéficiaires de l’API, ce qui représente un coût non négligeable.

Si l’on prend toujours l’exemple de l’Isère, le nombre des bénéficiaires s’élèverait à 49 000 au lieu de 16 000 aujourd’hui, ce qui multiplierait le coût par trois et mobiliserait davantage les services. Or cet aspect du problème n’est absolument pas soulevé dans le texte.

Ainsi, comme l’indique M. le rapporteur pour avis dans son rapport, « aucun dispositif spécifique n’est prévu pour compenser les actions d’insertion que le département devra mettre en œuvre au profit des anciens allocataires de l’API qui, dans le dispositif du RSA, auront les mêmes droits à l’insertion que les actuels allocataires du RMI. ».

Force est de constater que, sans garantie précise et complète en matière de compensation financière et humaine, ce sont les charges d’insertion qui vont augmenter pour les départements, lesquels seront dans l’obligation de gérer plus de public et plus d’allocations.

Enfin, les aides individuelles qui sont actuellement accordées dans le cadre d’une politique volontariste du département de l’Isère seront largement insuffisantes pour un nombre d’allocataires multiplié par trois. Il faudra donc les augmenter. Or le projet de loi n’en tient pas du tout compte.

Monsieur le haut-commissaire, chers collègues, vous le voyez, ce texte soulève bon nombre d’interrogations, qui constituent autant de sujets d’inquiétude pour les départements. En l’état, le groupe communiste républicain et citoyen ne peut cautionner une telle mesure.

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