Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 24 octobre 2007 à 17h00
Valorisation des produits agricoles forestiers ou alimentaires et des produits de la mer — Adoption d'un projet de loi

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la valorisation constitue une question centrale pour notre agriculture ; elle est une réponse majeure de la France à la mondialisation. En effet, les rapports de forces dans le secteur agricole à l'échelle mondiale sont fortement déséquilibrés. Il n'est qu'à constater l'écart existant entre la surface agricole utile du Brésil -220 millions d'hectares - et celle de la France - 30 millions d'hectares - pour comprendre l'effet de masse de l'agriculture de ce pays et l'intérêt qu'il y a à développer, dans le nôtre, des productions hautement qualitatives.

La France doit absolument structurer très fortement sa politique de qualité, car elle est déjà soumise à des concurrences terribles, que ce soit sur les vins, les fromages, les fruits et légumes, et le sera encore plus à l'avenir.

Pour ne prendre que l'exemple du vin, les critiques à l'égard de la complexité des AOC sont sans cesse plus nombreuses et accentuées par une concurrence de plus en plus vive, les vins tricolores n'ayant plus le monopole du marché. En France, les breuvages chiliens, californiens, australiens ou autres séduisent à grand renfort de marketing de nouveaux consommateurs. Ces nouvelles sociétés de production ou de commercialisation ne s'embarrassent pas d'origines géographiques : elles mettent en avant un cépage. Le consommateur, qui n'est pas toujours un oenologue averti, est ravi qu'on lui simplifie la vie.

À l'étranger, même s'ils conservent une très bonne image, associée d'ailleurs au prestige de leurs appellations, nos vins ont perdu des parts de marché. Ainsi, ils se positionnent beaucoup moins bien sur le très important marché américain.

La France ne compte pas moins de 473 AOC dans les vins et alcools. C'est beaucoup, sans doute trop. La baisse qualitative observée voilà quelques années a miné la confiance des consommateurs. Nous devons donc rendre l'offre encore plus lisible et plus crédible.

Une association de défense des consommateurs a, d'ailleurs, récemment proposé des solutions radicales pour redonner toute sa crédibilité au vin français produit en AOC. Selon elle, près d'un tiers de la production devrait sortir de l'appellation, car ces vins ne représentent ni la typicité d'un terroir ni un gage de qualité.

Sans aller aussi loin, il faut évidemment simplifier le système et repenser les contrôles. On ne doit plus pouvoir dire que les producteurs sont juges et parties, que les produits ne sont pas contrôlés, qu'on n'arrive pas à les identifier. Cela vaut bien sûr pour les vins, mais également pour d'autres productions.

L'enjeu est de taille : il en va de la préservation du patrimoine alimentaire de la France. En effet, les conséquences ne sont pas uniquement affectives ; elles sont surtout économiques, dans un environnement où mondialisation et banalisation des produits tendent à rimer et où la spécificité devient un atout majeur.

C'est pourquoi je soutiens tout à fait les mesures qui nous sont proposées aujourd'hui en application de la loi d'orientation agricole, notamment la transformation de l'Institut national des appellations d'origine en Institut national de l'origine et de la qualité, la séparation des organismes chargés de la défense et de la gestion des signes d'identification de la qualité et de l'origine des organismes chargés d'assurer le contrôle de leurs cahiers des charges, la reconnaissance des ODG de manière à garantir leur représentativité et leur bon fonctionnement.

Cela étant, monsieur le ministre, je m'interroge sur certains aspects de cette réforme.

L'INAO, dont la création visait au départ uniquement les vins, a vu progressivement ses missions étendues à d'autres secteurs, vous l'avez rappelé. Cet accroissement de ses compétences n'a pas toujours été accompagné des moyens nécessaires. Aujourd'hui, cet institut voit son champ d'intervention encore élargi puisqu'il aura en charge, outre l'AOC et l'IGP qui étaient déjà de son ressort, trois autres signes d'identification de la qualité et de l'origine : le label rouge, la spécialité traditionnelle garantie et l'agriculture biologique.

Cette modification se fait-elle à effectif constant, par le seul transfert du personnel de l'Institut national des appellations d'origine à cet établissement ? Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez les ambitions que vous avez pour l'INAO et les moyens pluriannuels que vous comptez lui attribuer pour lui permettre d'assurer ses missions. Peut-être allez-vous renvoyer cette réponse à l'examen du prochain projet de loi de finances, mais vous conviendrez que, dans ce débat, nous ne pouvons ignorer les modalités de financement de l'institut.

Par ailleurs, comment l'INAO contribue-t-il à la promotion des signes de qualité en France comme à l'étranger ? Dispose-t-il de moyens de communication adaptés ? Quels sont ses partenariats avec la société pour l'expansion des exportations agroalimentaires françaises, la SOPEXA ?

À cet égard, je me réjouis que cet organisme ait créé une filiale, SOPEXA France, destinée à promouvoir l'agroalimentaire sur le territoire français. Il s'agit aujourd'hui, pour nos entreprises, de reconquérir les consommateurs hexagonaux. La France constitue, en effet, un marché très convoité pour les exportateurs du monde entier. La SOPEXA promouvra désormais, sur le marché français, des productions qu'elle délaissait jusqu'à présent, comme les vins et les produits laitiers.

À en juger par la prolifération d'écrits et de colloques sur le sujet, le terroir est à la mode. Mais peut-on parler d'une mode, alors que l'INAO a déjà fêté ses soixante-dix ans ? Riches d'histoire, de terroir et de culture, les produits locaux usent de leur typicité pour « se frayer un chemin » vers le coeur des consommateurs. Car il s'agit bien d'économie marchande, de segmentation de marché : la référence au terroir, ou du moins à l'origine, fonctionne bel et bien comme une marque pour les consommateurs de France et d'ailleurs, qui sont demandeurs de repères.

La politique de qualité mise en place par la France répond à cette demande. Mais prenons garde : la surabondance des signes nuit fortement à la lisibilité et à la clarté du dispositif. Cet effet pervers se trouve aggravé par la juxtaposition des signes nationaux et communautaires.

C'est pourquoi cette réforme était nécessaire. La majorité du groupe RDSE votera donc ce texte.

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