Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 22 février 2010 à 21h30
Action extérieure de l'état — Article 13

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Les articles 13 et 14 visent à faire prendre en charge, par les voyagistes ou les intéressés eux-mêmes, les dépenses occasionnées par des secours à l’étranger.

Que ceux qui font profession de commerce de voyages organisés assurent leurs clients que tout est prévu en cas de problème, y compris les frais de rapatriement, n’est pas une mauvaise chose si l’on considère certaines propositions qui ne manquent pas d’étonner le lecteur de certains catalogues : « dix-huit jours de randonnée en 4x4 au Yémen ou traversée pédestre de l’Érythrée et du Soudan », au printemps prochain...

Que des milliardaires s’engageant en croisière privée de luxe au large des côtes somaliennes, dont les pêcheurs n’ont connu de la mondialisation que les énormes chalutiers européens et japonais écumant leurs ressources au point que certains se sont reconvertis en pirates, ne fassent pas payer la rançon de leur imprudence et de leur impudence par les contribuables est juste.

Mais ces deux articles, tout particulièrement l’article 13 du fait de son imprécision, portent en eux des messages de fermeture, d’invitation au repli sur soi et sur son chez-soi, de frilosité à l’égard du monde et des autres.

En effet, quelle sera l’interprétation juridique de la notion d’ « exposition délibérée à des risques que l’on ne peut ignorer » quand il s’agit de simples voyageurs sans motifs professionnels ou humanitaires ? Faudra-t-il se tenir à l’écart de tous les pays où ont eu lieu dans les dix dernières années des enlèvements ou des actes terroristes ? Le site du ministère des affaires étrangères sera-t-il la référence absolue ? Aujourd’hui y sont fléchés le Pérou, la Thaïlande, la Bolivie, la République dominicaine, l’Inde, le Honduras, Madagascar ; et, bien sûr, le Niger, Haïti, l’Iran, la Libye… Mais sur le même site, pour la Belgique, on peut lire : « On constate un développement de la criminalité de droit commun »… Et plus sérieusement, pour le Canada, aujourd’hui, il est écrit : « Le risque de tremblement de terre dans la région de Vancouver est sérieux. » Voilà un risque sismique que désormais nous ne pourrons ignorer, si l’on suit le texte du projet de loi, et pour l’éventualité duquel le Gouvernement pourra se désengager, à l’égard de ses ressortissants, de tout devoir impliquant des frais.

Il nous faudra donc des éléments plus précis : ce ne sera pas « au cas par cas ». Les randonneurs et trekkeurs sont nos fenêtres sur le monde, ils reviennent porteurs de modestie, témoins de diversité, chargés de richesses à partager. Ils ne sont pas partis, eux, pour exploiter des travailleurs mal protégés, ils ne laissent pas derrière eux des fonds marins ravagés ou des terrils contaminés sur des terrains uranifères. Paradoxalement, ce sont ces derniers « voyageurs » que votre rédaction de l’article 13 protège, ceux dont les grands groupes dont ils sont les employés ont bien les moyens d’assurer le secours – tout comme elle protège les « conseillers de la DGSE » français enregistrés comme journalistes à l’hôtel Sahafi et capturés en Somalie cet été…

N’envoyons pas des messages de peur, n’entretenons pas l’idée que, les autres, c’est le danger. « Nourrissons-nous de l’échange », nous exhortiez-vous il y a quelques heures ; et M. Gouteyron : « Ne restons pas enfermés dans nos murs ».

Tout ce que je veux dire, c’est que des précisions s’imposent pour que ces deux articles permettent de prévenir les excès sans devenir une invitation à rester enfermés dans l’espace étriqué de nos frontières. Votre réponse « au cas par cas » s’accommode mal de l’égalité des citoyens devant la loi et de la précision nécessaire du décret.

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