Il convient donc d’agir le plus en amont possible, dès la charnière entre le primaire et la sixième.
Les causes de l’absentéisme sont aussi très diverses. Les difficultés d’apprentissage et une orientation par défaut doivent être prises en compte, tout comme les problèmes psychologiques, la violence subie à l’école ou le travail dissimulé. C’est donc une politique cohérente et globale qui doit être menée, sans qu’il faille espérer trouver la panacée dans une mesure isolée.
Il me semble capital d’agir simultanément sur les parents, sur l’école et sur l’environnement urbain, en conjuguant les instruments de la politique familiale, de l’éducation nationale et de la politique de la ville.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui insiste sur le premier volet : la politique familiale. Elle fait de la responsabilisation et de l’accompagnement des parents, qui sont les premiers éducateurs de leur enfant, un élément clef de la lutte contre l’absentéisme.
J’insisterai sur l’article 1er, qui constitue le cœur du dispositif. Il prévoit un régime gradué de suspension partielle des allocations familiales aux parents des élèves absentéistes. Une large liberté d’appréciation est laissée aux chefs d’établissement et aux inspecteurs d’académie pour faire face à la complexité des situations individuelles et éviter une application mécanique et désincarnée du texte.
Le principe en est simple. En cas d’absences continues sur plusieurs mois consécutifs, le premier mois donne lieu à un avertissement, le deuxième à une suspension et le troisième à une suppression. En revanche, tout retour à l’assiduité – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – peut déclencher le rétablissement des allocations suspendues, à l’exclusion des allocations supprimées, dont le paiement n’est évidemment plus dû.
À chaque étape est prévu un temps d’écoute et de dialogue avec les parents. À chaque étape, une aide sous forme d’accompagnement parental leur est proposée, dans le souci de conjuguer éducation et sanction.
La possibilité de sanctionner les manquements à l’obligation scolaire par la suspension des allocations familiales existe depuis longtemps en droit français. Sa légitimité ne me semble pas contestable, et son utilité pas davantage.
Si l’on prend les données collectées par la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, sur l’ancien dispositif, supprimé en 2004, il apparaît que 65 % des élèves ont repris le chemin de l’école après l’avertissement de l’inspecteur d’académie. Et les caisses n’ont recensé que 760 récidivistes sur 7 333 demandes de suspension en 2002. En d’autres termes, 10 % seulement – si je puis m’exprimer ainsi – des élèves ont fait l’objet plusieurs fois de suite d’une procédure de suspension des allocations, en raison de leur absentéisme chronique. Par conséquent, la mesure s’est révélée efficace dans 90 % des cas.
J’estime que peu de familles sont véritablement dans la négligence, mais que beaucoup sont dans la souffrance et la résignation.