Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après le débat, le 9 février dernier, sur la question orale présentée par notre collègue M. Jacques Mézard et l’examen de la proposition de loi également à l’initiative de M. Jacques Mézard, le 24 mars, nous débattons, aujourd’hui, pour la troisième fois en séance publique sur le même thème, de la proposition de loi, présentée par Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, portant réforme de la garde à vue.
À ceux qui trouveraient cela un peu répétitif, je répondrai d’emblée, au risque de les surprendre, que ces initiatives successives se justifient.
D’abord, elles concernent un sujet majeur pour les libertés publiques et la sécurité. Ensuite, le régime actuel de la garde à vue, chacun en convient, ne peut plus être maintenu – c’était la conclusion de notre premier débat. Je ne rappellerai pas les chiffres ni les circonstances de certaines gardes à vue excessives. Enfin, la recherche du régime de garde à vue le plus adapté passe par la présentation et l’étude de toutes les options possibles de la réforme. L’échange et le débat sont les meilleurs moyens de progresser dans cette voie.
Aujourd’hui, Mme Boumediene-Thiery et ses collègues souhaitent une transformation radicale du régime de la garde à vue.
Sans doute, certaines modifications proposées pourraient être retenues. Elles ont d’ailleurs déjà été présentées par M. Mézard comme par certains représentants du groupe de l’UMP, de l’Union centriste et même du groupe CRC-SPG lors des débats en commission.
Il en est ainsi du droit de la personne à être immédiatement informée de la possibilité de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées. Dans le régime prévu par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, cette disposition existait. Nous sommes nombreux à souhaiter son rétablissement.
D’autres modifications proposées paraissent plus contestables. Nous pourrons notamment discuter de la possibilité d’être assisté par l’avocat dès le début de la garde à vue. En revanche, l’accès de l’avocat au dossier de l’intéressé me laisse plus dubitatif, même si vous prévoyez que le procureur de la République peut écarter l’application de cette disposition « lorsqu’il ressort des circonstances particulières de l’espèce qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre le droit de l’avocat de consulter le dossier pénal ».
Je ne sais pas si cette disposition a un intérêt. Au début de la garde à vue, le dossier comporte, a priori, très peu d’éléments intéressants pour la défense. Tous ceux qui ont pratiqué en la matière vous le diront.
Par ailleurs, l’avocat pouvant assister aux interrogatoires, la consultation de la procédure ne paraît pas répondre à une vraie nécessité. Il importe de savoir si l’avocat peut être présent dès le début de la procédure mais son accès au dossier est un problème de second rang.
Notre éminent collègue Robert Badinter relevait, lors de son intervention en séance publique le 9 février dernier, que la présence de l’avocat n’impliquait pas la communication intégrale à celui-ci du dossier de l’enquête de police. Il déclarait ainsi : « L’obligation de communiquer la totalité du dossier ne vaut qu’au stade de la mise en examen, quand des charges suffisantes, et non une simple raison plausible de soupçonner qu’il ait commis une infraction, ont été réunies contre celui qui n’était jusque-là qu’un gardé à vue. »
Par ailleurs, dans votre proposition de loi, madame la sénatrice, vous prévoyez la suppression des dispositions dérogatoires retardant l’entretien avec l’avocat pour les infractions liées à la criminalité organisée et au terrorisme. Nous avons sans doute des divergences sur le sujet. Mais vous avez évoqué la nécessité, pour le terrorisme, d’un régime spécifique retardant l’intervention de l’avocat et permettant une prolongation supplémentaire par rapport aux autres infractions. Sur ce point, nous serons sans doute d’accord, du moins je l’espère.
Concernant la criminalité organisée, une discussion est possible. Il existe en effet plusieurs types de criminalité organisée.