Séance en hémicycle du 29 avril 2010 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • cumul
  • d’administration
  • l’avocat
  • surveillance

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires, en remplacement de M. Michel Charasse nommé membre du Conseil constitutionnel.

La commission des finances a fait connaître qu’elle propose la candidature de :

- M. Jean-Pierre Fourcade pour siéger au sein du conseil d’administration de l’établissement public de réalisation de défaisance ;

- M. Yvon Collin pour siéger au sein du conseil d’orientation stratégique du fonds de solidarité prioritaire ;

- M. Yvon Collin pour siéger en qualité de suppléant au sein du conseil d’administration de l’Agence française de développement.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de France Télévisions.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Pierre Leleux pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil supérieur des prestations agricoles.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des finances et la commission des affaires sociales à présenter chacune une candidature.

Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant réforme de la garde à vue, présentée par Mme Alima Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 201 rectifié, rapport n° 371).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en guise d’introduction, je souhaite citer la phrase suivante du Président de la République relative aux avocats : « Parce qu’ils sont auxiliaires de justice et qu’ils ont une déontologie forte, il ne faut pas craindre leur présence dès les premiers moments de la procédure. Il ne le faut pas parce qu’elle est, bien sûr, une garantie pour leurs clients mais elle est aussi une garantie pour les enquêteurs qui ont tout à gagner d’un processus consacré par le principe du contradictoire. »

Je vous laisse méditer ces propos, auxquels, une fois n’est pas coutume, nous souscrivons parfaitement.

Depuis plusieurs mois, la question de la garde à vue n’a cessé d’être au cœur de l’actualité tant judiciaire que parlementaire, puisque pas moins de six propositions de loi ont été déposées sur ce sujet. Elles ont toutes en commun la volonté de modifier, à des degrés variés, les conditions de mise en œuvre de la garde à vue en France, ce qui permettrait peut-être de garantir un peu plus de sécurité et d’éviter les dérives auxquelles nous avons pu assister récemment

La raison de cet engouement réside dans un fait aujourd’hui devenu vérité : le système de garde à vue doit être aligné sur la Convention européenne des droits de l’homme.

Pour notre part, nous avions choisi d’aborder cette réforme sous un angle maximaliste : la présence de l’avocat dès le début de la garde à vue est une nécessité, mais cette exigence nous a paru insuffisante. Nous avons donc opté pour une réforme globale de la garde à vue, qualifiée d’ailleurs de « radicale » par M. le rapporteur, François Zocchetto.

Cette radicalité, nous l’assumons, monsieur le rapporteur. Elle est réaliste, puisque le modèle de garde à vue que nous proposons s’inspire directement des standards en vigueur dans d’autres pays européens. À notre avis, ce n’est pas notre proposition de loi qui est radicale ; c’est le système français qui est rétrograde. Nous devons donc totalement le modifier.

Le présent texte est une contribution modeste tendant à faire évoluer le droit français vers une prise en compte accrue du droit européen.

Mais nous avons également souhaité mieux encadrer la garde à vue afin de mettre un terme à une dérive que vous avez vous-même constatée : le nombre de gardes à vue prononcées actuellement est bien trop élevé alors qu’elles ne sont pas toujours nécessaires à la manifestation de la vérité ou à l’enquête.

Les auteurs de la présente proposition de loi, qui s’articule autour de huit principes, poursuivent plusieurs objectifs : humaniser les gardes à vue, mettre un terme à l’utilisation abusive de cette procédure et permettre au gardé à vue de bénéficier de tous les droits de la défense, y compris celui de se faire assister par un avocat dès le début de la garde à vue et durant les interrogatoires.

J’évoquerai tout d’abord l’utilisation abusive de la garde à vue. Supposée être une mesure grave, cette procédure est devenue un outil de gestion sécuritaire qui alimente, de manière artificielle, les statistiques de performance des activités de la police. C’est pourquoi nous vous proposons de la limiter aux infractions punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Cette limitation n’empêchera pas la garde à vue pour les autres infractions, mais celle-ci sera soumise à un régime d’autorisation du parquet, ce dernier devant s’assurer de la nécessité de cette procédure.

Le deuxième principe qui sous-tend cette proposition de loi consiste à garantir au gardé à vue le droit de garder le silence en l’absence de son avocat.

Il s’agit de mettre un terme à la culture de l’aveu, permettant aujourd’hui de « cuisiner » les suspects en violation du droit du gardé à vue et de faire bénéficier celui-ci d’une notification formelle de son droit de se taire. Ainsi, il est prévu que devra figurer parmi les droits notifiés au gardé à vue – examen médical, appel d’un proche – celui de garder le silence avant d’avoir pu s’entretenir avec son avocat.

Il s’agit ensuite de permettre la présence de l’avocat dès le début de la garde à vue, quelle que soit l’infraction.

Nous souhaitons mettre un terme à la variété des régimes d’intervention de l’avocat, qui est présent dès le début de la garde à vue dans le droit commun, mais n’intervient qu’à la quarante-huitième ou la soixante-douzième heure dans certains cas, comme dans la lutte contre la criminalité organisée, les stupéfiants ou encore le terrorisme.

Nous souhaitons ensuite rendre effectif le droit du gardé à vue de s’entretenir avec son avocat.

Aujourd’hui, cet entretien ne dure que trente minutes ; par conséquent, il s’assimile plus à une « visite de courtoisie » qu’à une réelle prise en compte de la situation de la personne gardée à vue. La présente proposition de loi entend porter ce délai à deux heures, permettant ainsi à l’avocat de prendre toute la mesure des faits reprochés à son client et, éventuellement, de mieux préparer sa défense.

Nous souhaitons également permettre à l’avocat d’accéder au dossier pénal. Cette exigence est fondamentale : l’avocat doit pouvoir disposer du procès-verbal d’interpellation, afin de prendre la mesure des faits qui sont reprochés à son client. Il n’est pas question de permettre à l’avocat d’accéder aux procès-verbaux des diligences en cours : il s’agit simplement de lui assurer l’accès au certificat médical de son client, ainsi qu’au procès-verbal d’interpellation.

À titre exceptionnel, cette possibilité pourra même être limitée par décision du procureur de la République si cette limitation est motivée par des raisons impérieuses.

Par ailleurs, le droit à un procès équitable commande que l’avocat puisse assister aux interrogatoires de son client et qu’aucun interrogatoire ne puisse être conduit sans qu’il ait été mis en mesure d’y assister.

Enfin, la proposition de loi entend rendre obligatoire l’examen médical du mineur placé en garde à vue ainsi que la présence de l’avocat.

Aujourd’hui, l’intervention du médecin lors de la garde à vue d’un mineur relève de régimes variés selon l’âge de ce mineur. Si cet examen est obligatoire lorsque le mineur est âgé de 13 à 16 ans, il est en revanche facultatif pour les mineurs âgés d’au moins 16 ans. Il est proposé de le rendre obligatoire pour tout mineur dès le début de la garde à vue et en cas de prolongation de cette dernière.

Le régime actuel prévoit également que l’intervention de l’avocat est facultative pour les mineurs et soumise à la décision des représentants légaux des intéressés.

Nous proposons de rendre cette présence automatique dès lors qu’un mineur est placé en garde à vue.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes tous d’accord sur le constat : il convient de réformer la garde à vue. Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, l’a elle-même déclaré dans cet hémicycle.

En revanche, nous ne sommes pas d’accord sur la méthode : vous souhaitez, tout comme le rapporteur de cette proposition de loi, attendre la réforme globale de la procédure pénale, tandis que nous souhaitons une réforme immédiate.

Je ne reviendrai pas sur le projet de réforme de la procédure pénale. L’ayant déjà plus ou moins abordée, je me contenterai de faire deux séries de commentaires.

La première a trait à la forme. Pourquoi, si nous devons attendre une réforme globale de la procédure pénale, la majorité a-t-elle adopté récemment une proposition de loi sur la publicité devant les juridictions pour mineurs ?

Pourquoi, s’il faut attendre une réforme globale de la procédure pénale, le Gouvernement a-t-il déposé, sous la responsabilité de Mme la ministre d’État, le 3 mars dernier, un projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, qui ne comporte pas moins de trente modifications du code de procédure pénale, y compris des procédures comme celles de l’ordonnance pénale ?

Le Gouvernement veut nous imposer une méthode qu’il ne respecte pas lui-même ! Il est difficile de ne pas être surpris : d’un côté on nous dit d’attendre une réforme globale de la procédure pénale, et, de l’autre, le Gouvernement modifie, par petites touches, le code de procédure pénale par ci par là.

Il y a là une contradiction évidente. J’attends votre réponse sur ces interrogations, monsieur le secrétaire d’État.

Par ailleurs, en dépit des garanties que vous nous apporterez dans quelques minutes, nous avons toutes les raisons d’être sceptiques quant à l’aboutissement de ce grand projet de réforme.

La première raison est simple : l’agenda parlementaire est lourd. Les réformes d’envergure vont se succéder ces prochains mois, notamment celle des retraites, et l’on voit mal comment et quand une fenêtre pourra s’ouvrir pour offrir l’occasion d’un examen de ce texte.

La deuxième raison est liée à la concertation autour du texte que vous nous proposez. Vous le savez, la Cour de cassation elle-même a émis des réserves importantes, sans parler des professionnels du droit, notamment les avocats, qui sont vent debout contre cette réforme, qu’ils considèrent comme insuffisante, en particulier dans le volet sur la garde à vue.

Face au doute, à l’embarras, aux consultations réelles ou supposées, aux réticences et, finalement, à l’inaction du Gouvernement, nous préférons l’action d’un Parlement fort, protecteur des libertés individuelles et conscient de la nécessité urgente d’une réforme rapide.

Le président de la commission des lois lui-même a évoqué la possibilité, pour le Sénat, de se saisir de cette question en cas de carence du Gouvernement. Monsieur le président de la commission, aujourd’hui, cette carence est consommée, tous les projets ont été repoussés. Il est temps de prendre les devants !

Notre démarche est inspirée par une réelle volonté de changer l’état de notre droit. Vous le savez bien, il ne s’agit pas d’un gadget juridique ni même d’une ligne rédigée à la va-vite pour surfer sur une actualité.

Il s’agit d’un projet mûri, pour lequel de nombreux acteurs du monde judiciaire ont été auditionnés : des avocats, des magistrats, y compris des procureurs.

Nous avons donc décidé d’agir, sans attendre une hypothétique réforme, dont le contenu, d’ailleurs – je regrette de vous le dire une fois de plus –, n’est pas à la hauteur de ce que l’on peut attendre.

Cela m’amène, en second lieu, à évoquer le fond de la réforme projetée, en particulier les dispositions concernant la garde à vue.

J’ai déjà eu l’occasion, devant Mme la garde des sceaux, de livrer ici quelques réflexions sur l’insuffisance des dispositions relatives à la garde à vue.

Je ne conteste pas les nombreuses avancées, notamment en ce qui concerne le régime de droit commun de la garde à vue. À l’entretien classique d’une demi-heure, déjà prévu par le droit actuel au début et en cas de renouvellement de la garde à vue, vous ajoutez la possibilité pour l’avocat de s’entretenir avec son client au bout de la douzième heure, conformément d’ailleurs aux préconisations du rapport du comité de réflexion sur la justice pénale, présidé par M. Philippe Léger.

L’avocat pourra également recevoir copie des procès-verbaux des auditions effectuées au cours des vingt-quatre premières heures, et, si la mesure de garde à vue est renouvelée, il pourra assister, au bout de ces vingt-quatre heures, à toutes les auditions suivantes.

En revanche, en ce qui concerne les régimes de garde à vue relatifs aux crimes en bande organisée, aux stupéfiants et au terrorisme, les plus contestables au regard de la Convention européenne des droits de l’homme, aucune réflexion n’a été menée et aucune proposition n’a été encore formulée.

L’avocat continuera à n’intervenir qu’à la quarante-huitième heure pour les crimes en bande organisée et à la soixante-douzième heure en matière de terrorisme, la seule différence notable étant une intervention moins tardive en matière de stupéfiants, puisque nous passons de soixante-douze à quarante-huit heures.

Nous sommes là au cœur d’un problème. Que le terrorisme bénéficie d’un régime spécifique, c’est nécessaire, nous en convenons. Cependant, nous continuons à penser qu’un régime spécifique ne doit pas conduire à exclure le respect d’une garantie essentielle : la présence de l’avocat dès la première heure.

Il s’agit en effet d’une garantie importante pour les libertés et pour notre démocratie. Une telle avancée constituerait, à n’en pas douter, une véritable révolution juridique. Ce n’est qu’à ce seul prix que la France disposera d’un véritable habeas corpus à la française.

Cette révolution juridique est au cœur de notre proposition de loi. C’est aussi la raison pour laquelle nous vous invitons, chers collègues, à faire preuve de courage politique en adoptant aujourd’hui cette proposition de loi. Comme je l’ai dit à M. le président de la commission, il est urgent de remédier à cette carence au plus vite, pour la garantie des droits dans notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après le débat, le 9 février dernier, sur la question orale présentée par notre collègue M. Jacques Mézard et l’examen de la proposition de loi également à l’initiative de M. Jacques Mézard, le 24 mars, nous débattons, aujourd’hui, pour la troisième fois en séance publique sur le même thème, de la proposition de loi, présentée par Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, portant réforme de la garde à vue.

À ceux qui trouveraient cela un peu répétitif, je répondrai d’emblée, au risque de les surprendre, que ces initiatives successives se justifient.

D’abord, elles concernent un sujet majeur pour les libertés publiques et la sécurité. Ensuite, le régime actuel de la garde à vue, chacun en convient, ne peut plus être maintenu – c’était la conclusion de notre premier débat. Je ne rappellerai pas les chiffres ni les circonstances de certaines gardes à vue excessives. Enfin, la recherche du régime de garde à vue le plus adapté passe par la présentation et l’étude de toutes les options possibles de la réforme. L’échange et le débat sont les meilleurs moyens de progresser dans cette voie.

Aujourd’hui, Mme Boumediene-Thiery et ses collègues souhaitent une transformation radicale du régime de la garde à vue.

Sans doute, certaines modifications proposées pourraient être retenues. Elles ont d’ailleurs déjà été présentées par M. Mézard comme par certains représentants du groupe de l’UMP, de l’Union centriste et même du groupe CRC-SPG lors des débats en commission.

Il en est ainsi du droit de la personne à être immédiatement informée de la possibilité de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées. Dans le régime prévu par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, cette disposition existait. Nous sommes nombreux à souhaiter son rétablissement.

D’autres modifications proposées paraissent plus contestables. Nous pourrons notamment discuter de la possibilité d’être assisté par l’avocat dès le début de la garde à vue. En revanche, l’accès de l’avocat au dossier de l’intéressé me laisse plus dubitatif, même si vous prévoyez que le procureur de la République peut écarter l’application de cette disposition « lorsqu’il ressort des circonstances particulières de l’espèce qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre le droit de l’avocat de consulter le dossier pénal ».

Je ne sais pas si cette disposition a un intérêt. Au début de la garde à vue, le dossier comporte, a priori, très peu d’éléments intéressants pour la défense. Tous ceux qui ont pratiqué en la matière vous le diront.

Par ailleurs, l’avocat pouvant assister aux interrogatoires, la consultation de la procédure ne paraît pas répondre à une vraie nécessité. Il importe de savoir si l’avocat peut être présent dès le début de la procédure mais son accès au dossier est un problème de second rang.

Notre éminent collègue Robert Badinter relevait, lors de son intervention en séance publique le 9 février dernier, que la présence de l’avocat n’impliquait pas la communication intégrale à celui-ci du dossier de l’enquête de police. Il déclarait ainsi : « L’obligation de communiquer la totalité du dossier ne vaut qu’au stade de la mise en examen, quand des charges suffisantes, et non une simple raison plausible de soupçonner qu’il ait commis une infraction, ont été réunies contre celui qui n’était jusque-là qu’un gardé à vue. »

Par ailleurs, dans votre proposition de loi, madame la sénatrice, vous prévoyez la suppression des dispositions dérogatoires retardant l’entretien avec l’avocat pour les infractions liées à la criminalité organisée et au terrorisme. Nous avons sans doute des divergences sur le sujet. Mais vous avez évoqué la nécessité, pour le terrorisme, d’un régime spécifique retardant l’intervention de l’avocat et permettant une prolongation supplémentaire par rapport aux autres infractions. Sur ce point, nous serons sans doute d’accord, du moins je l’espère.

Concernant la criminalité organisée, une discussion est possible. Il existe en effet plusieurs types de criminalité organisée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cette qualification a été assez étendue par les dernières dispositions législatives, et la notion de « bande organisée » permet de couvrir beaucoup d’infractions. Il faudra peut-être s’interroger sur les distinctions entre la traite des êtres humains, le proxénétisme, le trafic de stupéfiants, surtout lorsqu’il est pratiqué en récidive, et d’autres infractions qui, sans être mineures sont néanmoins d’un autre ordre.

Cela dit, dans votre proposition de loi, vous prévoyez un dispositif plus radical pour toute la criminalité organisée. En l’état actuel de notre réflexion, je ne peux pas y adhérer.

Ces propositions vont beaucoup plus loin que la proposition de loi présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs membres du RDSE. À l’issue de ce débat, nous avions décidé de voter une motion de renvoi en commission, ce que je vous proposerai à nouveau ce matin.

En effet, nous avons estimé que le texte proposé soulevait des questions délicates sur lesquelles nous devions encore approfondir notre réflexion en commission avant de proposer un texte convenable au Sénat.

Par ailleurs, cette réforme de la garde à vue peut difficilement être appréhendée indépendamment de la réforme de la procédure pénale annoncée par le Gouvernement.

Je citerai un exemple des difficultés que nous avons à surmonter en évoquant l’arrêt Medvedyev du 29 mars dernier de la Cour européenne des droits de l’homme.

Aujourd’hui, le procureur est informé lorsqu’une mesure de garde à vue a été décidée par un officier de police judiciaire. En cas de prolongation, il donne son autorisation. La procédure de garde à vue est donc placée sous le contrôle d’un membre du parquet, le procureur de la République, en l’espèce. Comme le prévoient certaines propositions de loi, il serait même possible de demander l’autorisation du procureur dès le début de la garde à vue et pas seulement en cas de prolongation.

Toutefois, mes chers collègues, lisez le récent arrêt Medvedyev c/France qui, certes, ne conteste pas le statut du parquet français – au contraire, il en prend acte –, mais qui pose que le procureur de la République ne peut réaliser un certain nombre de procédures, notamment s'agissant des mesures privatives de liberté individuelle. Or la garde à vue entre bien dans cette catégorie. À l’heure actuelle, je suis donc de moins en moins convaincu – je ne le suis même plus du tout ! – que le procureur de la République puisse être l’autorité qui, en France, contrôle la garde à vue.

La réforme de la procédure pénale vise à instituer un juge de l’enquête et des libertés, qui serait chargé de contrôler un certain nombre de dispositions attentatoires aux libertés. Il s'agit là, sans doute, d’une piste pour améliorer notre garde à vue. Madame Boumediene-Thiery, sur ce point déjà, votre proposition de loi ne me semble pas compatible avec l’arrêt Medvedyev

Il nous reste à étudier plusieurs problèmes, sans d'ailleurs que la liste que je vais dresser soit limitative.

Premièrement, l’avocat doit-il être présent dès le début de la garde à vue ? Doit-il apporter son assistance à son client, au-delà de l’entretien de trente minutes ? Chacun convient que ce dernier est souvent très formel, la personne mise en cause ignorant, tout comme son avocat, pourquoi elle se trouve retenue dans les locaux de la police ou de la gendarmerie.

Deuxièmement, nous devons nous interroger sur la faisabilité de cette réforme eu égard à l’organisation de la profession d’avocat.

Les avocats, du moins la majorité d’entre eux, semble-t-il, réclament une réforme qui leur permettrait d’assister plus rapidement et plus nettement leurs clients. Fort bien ! Toutefois, la profession doit aujourd'hui faire face à ses responsabilités. Elle doit se donner les moyens de répondre à la demande qui s’exprimera.

Ainsi, d’un point de vue pratique, les avocats pourront-ils – pour reprendre l’exemple qui est toujours cité – parcourir quatre-vingts kilomètres, en pleine nuit pour aller assister, à l’autre bout du département, une personne qui, parfois, n’est pas très éveillée ? Il faut savoir en effet – c’est là un autre problème auquel nous sommes confrontés – que certaines personnes sont mises en garde à vue uniquement parce que cette procédure est utilisée comme mesure de dégrisement, dès lors qu’il n’existe aucune autre solution juridique dans un tel cas de figure.

Cette réforme suppose également que la profession d’avocat organise un système de permanences. Si celles-ci, comme on peut facilement l’imaginer, ne sont pas assurées par les avocats les plus expérimentés, il faudra prévoir des actions de tutorat et d’encadrement. Enfin, ce travail devra bien entendu être rémunéré, ce qui pose la question de l’aide juridictionnelle.

Troisièmement, la réforme de la garde à vue oblige à réfléchir aux régimes dérogatoires. Je ne reviendrai pas sur cette question, car nous en avons déjà discuté tout à l'heure, mais il faudra approfondir le débat sur ce point.

Sur toutes ces questions, le Gouvernement a formulé des propositions. Il ne me revient pas de les présenter, mais je suis tout de même obligé d’en tenir compte. Comme M. le secrétaire d'État nous le rappellera sans doute tout à l’heure, Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué à deux reprises à cette tribune que l’avant-projet de loi prévoyait d'ores et déjà de limiter les gardes à vue aux strictes nécessités de l’enquête.

Sur ce point, j’observe d'ailleurs que la police nationale a récemment été destinataire d’une circulaire me laissant à penser que les chiffres des gardes à vue connaîtront un infléchissement dans les mois à venir…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Probablement !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Il n’est donc pas toujours nécessaire de modifier les textes pour que les faits changent !

Néanmoins, il serait utile, me semble-t-il, de rappeler très clairement que les gardes à vue doivent être limitées aux strictes nécessités de l’enquête.

Comme l’a rappelé tout à l’heure Mme Boumediene-Thiery, le Gouvernement a également proposé d’instituer un deuxième entretien avec l’avocat, à la douzième heure de la garde à vue. Par la suite, dès que celle-ci serait prolongée, l’avocat interviendrait pleinement, c’est-à-dire qu’il apporterait une assistance permanente et aurait accès au dossier et aux procès-verbaux des premiers interrogatoires.

Une autre disposition, très importante, a été proposée par le Gouvernement : les aveux recueillis en dehors de la présence de l’avocat ne pourraient suffire à justifier une condamnation.

En effet, au-delà du problème de la garde à vue, nous devons aussi lutter contre la culture de l’aveu. Sur ce point, nous revenons de très loin. Néanmoins, grâce à l’évolution des techniques et des esprits, cette culture de l’aveu me semble appelée à disparaître progressivement.

En outre, le Gouvernement a formulé une proposition sur laquelle je me pose de nombreuses questions – je ne vous le cacherai pas, mes chers collègues –, tant j’ignore si elle constituerait un progrès ou susciterait des difficultés nouvelles : la création d’une audition libre d’une durée maximale de quatre heures. §Cette question mérite également d’être étudiée.

Vous voyez, mes chers collègues, que les sujets dont nous devons débattre sont nombreux. Nous en discutons d'ailleurs déjà chaque semaine ou presque, il faut le reconnaître, au sein de la commission des lois, au point que celle-ci a souhaité que la réflexion se poursuive dans le cadre formel du groupe de travail sur la réforme de la procédure pénale, qu’elle a confié à deux de nos collègues ici présents, Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel. Ces derniers ont commencé à procéder à leurs auditions, qui sont ouvertes à l’ensemble des membres de la commission.

Nous devons tous participer aux travaux de ce groupe de travail et faire part de nos diverses opinions et propositions, afin d’être prêts à réformer la garde à vue.

Quand cette réforme, si ardemment désirée, aura-t-elle lieu ? C’est la question que vous ne manquerez pas de me poser, mes chers collègues !

La réponse en est simple. Soit le Gouvernement nous confirme les éléments de calendrier qu’il nous a donnés – nous pourrions commencer à discuter de ces dispositions au début de l’automne prochain, dans le cadre d’un premier volet de la réforme de la procédure pénale – et qui nous semblent acceptables. Soit il ne nous apporte aucune précision, et alors, monsieur le président de la commission des lois, nous pourrions malheureusement être contraints de prendre des initiatives, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto, rapporteur. … car le Sénat, je le répète, ne peut se satisfaire de la situation actuelle.

Applaudissementssur les travées de l’UMP. –M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, Mme Alima Boumediene-Thiery, premier signataire de la présente proposition de loi, marque une fois de plus son intérêt, que partagent d'ailleurs nombre d’entre vous, pour les questions liées aux libertés publiques.

Comme l’a fort bien souligné M. le rapporteur, nous partageons tous un certain nombre de constats : le recours à la garde à vue est trop systématique ; les conditions de celle-ci sont trop souvent indignes, malgré les efforts de chacun ; l’avocat n’a pas les moyens de jouer pleinement son rôle au cours de la garde à vue.

Pour résoudre ces problèmes, la proposition de loi soumise à l’examen du Sénat prévoit – de manière radicale, comme l’a souligné M. le rapporteur – que toute personne placée en garde à vue sera immédiatement assistée d’un avocat si elle en fait la demande.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous entendons évidemment tenir compte de l’ensemble de vos travaux et de vos idées, dans le cadre de la concertation que mène Mme le garde des sceaux, ainsi d'ailleurs que la chancellerie dans son ensemble, sur la procédure pénale.

Je le répète, deux propositions de loi, dont l’objet est similaire ou plus large, ont été déposées au Sénat, respectivement par M. Jacques Mézard et par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tous ces textes font partie du débat, qui gagne à être large.

Je rappellerai également que l’opposition n’est pas la seule à suivre de très près les exigences posées par la Cour européenne des droits de l’homme, auxquelles M. le rapporteur a d'ailleurs fait allusion à l’instant. J’ai moi-même participé aux travaux de réforme de la Cour de Strasbourg qui ont été menés dans le cadre de la conférence d’Interlaken, à la fin du mois de février dernier, et je puis vous assurer que la France n’a pas à rougir de la façon dont elle applique la Convention européenne des droits de l’homme. Dans ces réunions, elle n’est pas montrée du doigt, loin s’en faut.

Je voudrais tout d'abord revenir sur la question, qui doit s’inscrire dans le cadre d’une réflexion globale, de la présence de l’avocat au cours de la garde à vue.

La réforme engagée est ambitieuse ; c’est d'ailleurs ce qui ressort des propos de M. le rapporteur. Il s'agit d’une refondation de la procédure pénale, qui vise à assurer l’équité de l’enquête, à renforcer la protection des droits et des libertés à toutes les étapes de la procédure, à trouver un meilleur équilibre entre les droits des victimes et les garanties de la défense.

C’est dans cet esprit que Mme le garde des sceaux a engagé une large concertation avec l’ensemble des acteurs de la procédure pénale, sur la base de l’avant-projet de loi qui a été rendu public et qui est donc accessible à tous.

La Haute Assemblée s’est engagée dans cette démarche, à travers – vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur – un groupe de travail animé par deux membres de la commission des lois ici présents. Toutefois, les acteurs des professions judicaires, dans leur ensemble, sont également impliqués dans ce processus. Une véritable concertation a été engagée : l’avant-projet de loi a vocation à être discuté, enrichi et amélioré par tous, y compris, bien entendu, par les praticiens.

La réforme de la garde à vue sera l’un des volets importants de cette démarche. Bien entendu, il faudra poser la question de la présence de l’avocat au cours de la garde à vue. Je dois d'ailleurs vous indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’avant-projet de loi va d'ores et déjà au-delà de cette mesure, puisqu’il vise à garantir les conditions de l’efficacité de l’assistance par un avocat. Ce dernier se verrait ainsi reconnaître la possibilité d’accéder aux procès-verbaux des interrogatoires, afin de mieux assister son client.

Pour autant, les réponses que nous apporterons devront s’inscrire dans une logique d’ensemble ; aucune question ne devra être éludée, y compris celle du rôle réel des gardes à vue, auquel M. le rapporteur a fait allusion.

En effet, le recours à la garde à vue ne devra être possible que dans les cas de crimes ou de délits punis d’une peine d’emprisonnement. Il devra également être distingué d’autres situations, comme le dégrisement.

Nous devons aussi aborder la question des critères établissant la nécessité de certaines mesures de garde à vue. Pour des affaires ne présentant pas un caractère de particulière gravité, la personne concernée pourra, sous réserve de son accord, être entendue librement.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les pistes de réflexion lancées par Mme le garde des sceaux sur ce sujet ; elles méritent là encore d’être travaillées et approfondies, en analysant leurs différents aspects.

Je sais que cette proposition a fait l’objet de controverses. Toutefois, elle a aussi suscité un certain intérêt, car chacun sent bien qu’il faut résoudre le problème posé par l’absence de solution de rechange à la garde à vue.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué également – en fait, vous avez tout dit !

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice

L’avant-projet de loi précise déjà que l’aveu recueilli en garde à vue hors de la présence de l’avocat ne peut fonder à lui seul une condamnation, ce qui constitue tout de même une avancée importante par rapport à la situation actuelle. Il serait possible de prévoir en outre un meilleur encadrement de certaines pratiques ; c’est le cas, notamment, des fouilles, dont l’usage devra être limité et précisé.

En un mot, mesdames, messieurs les sénateurs, l’objectif que Mme le garde des sceaux et moi-même visons est de parvenir, avec les parlementaires et l’ensemble des acteurs concernés, à une réforme qui soit la plus cohérente possible.

En effet, quitte à mener une grande réforme, autant tenir compte de toutes les attentes, difficultés et manques qui ont été constatés, afin qu’elle soit faite pour longtemps.

Dans cette perspective, il ne nous paraît pas souhaitable d’isoler la question de la présence de l’avocat des autres aspects de la réforme de la garde à vue, sans même évoquer les difficultés pratiques qui sont liées au texte de la présente proposition de loi, pour lequel nous ne disposons d’aucune évaluation.

Par ailleurs, l’évolution de la présence de l’avocat au cours de la garde à vue doit prendre en compte les nécessités de l’enquête. Il faut permettre aux services de police ou de gendarmerie d’entendre directement une personne afin d’obtenir les informations indispensables à leurs investigations.

Or, comme M. le rapporteur l’a souligné, l’application systématique de la règle prévue par la proposition de loi serait, dans un certain nombre de cas, incompatible avec les exigences de sécurité inhérentes à ce type de procédure. Je pense moi aussi à la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. En la matière, le régime de la garde à vue ne peut pas être celui du droit commun.

Je tiens également à évoquer les difficultés qui peuvent être liées à l’assistance immédiate d’un avocat aux personnes placées en garde à vue.

Que faire si l’avocat ne se présente pas ? Toute investigation devra-t-elle être bloquée, en attendant qu’il se présente au commissariat ? Dans des cas comme les enlèvements et les séquestrations, nous le savons, chaque minute compte pour protéger la victime.

Que faire si l’avocat ne se présente pas au bout de vingt-quatre heures ? L’hypothèse d’une prolongation de la garde à vue paraît peu compatible avec le respect des droits de la défense.

Que faire si l’avocat ne se présente jamais ?

Monsieur le rapporteur, vous y avez fait allusion, la question de la présence renforcée de l’avocat – nous sommes tous d’accord pour reconnaître que cette présence devra être améliorée – pose celle du financement de l’aide juridictionnelle.

Dans le cadre de la concertation qui est engagée, nous menons, avec Mme le garde des sceaux, une réflexion à ce sujet. D’excellents rapports parlementaires ont d’ailleurs été rendus, tel le rapport d’information de M. Roland du Luart. De nombreuses et intéressantes idées sont avancées. À nous de déterminer celles qui sont aujourd'hui les plus adaptées et les plus à même d’être mises en œuvre, car un financement uniquement budgétaire n’est pas la solution. Nous le voyons bien, nous sommes arrivés à la limite de l’exercice.

C'est la raison pour laquelle, dans le cadre de la réflexion sur le financement de l’aide juridictionnelle, il nous faut formuler des propositions nouvelles. C’est ce que nous faisons, avec le souci de nous inscrire dans le calendrier que vous avez esquissé tout à l’heure, monsieur le rapporteur, en souhaitant comme vous qu’il soit confirmé. Nous y travaillons en tout cas, de manière que la question du financement de l’aide juridictionnelle ne soit pas dissociée de celle de la réforme de la garde à vue. Tout cela nécessite encore du temps, pour que les meilleures décisions soient prises.

En tout état de cause, le régime juridique que prévoit cette proposition de loi est trop rigide et semble inadapté à certaines procédures indispensables à la manifestation de la vérité. Je pense à certaines confrontations, notamment en matière d’inceste, où la confrontation immédiate d’un suspect et de sa victime, lors de la garde à vue, peut être nécessaire, mais d’autres exemples peuvent être pris. Tout cela mérite donc encore réflexion et travail.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont, en complément des réserves avancées par M. le rapporteur, les principales difficultés qui me semblent surgir à l’examen de la proposition de loi.

Pour autant, je le répète, le ministère de la justice n’entend pas décider seul des orientations souhaitables dans ce domaine. La réforme de la procédure pénale ne saurait être le travail d’une administration, d’un ministre ou d’un gouvernement. Elle doit être l’œuvre du plus grand nombre, pour être, le moment venu, une réussite. Nous y travaillons avec des praticiens du droit, des universitaires, des parlementaires de toutes sensibilités. Notre méthode sera celle de l’écoute et du dialogue. Tel est mon état d’esprit aujourd'hui.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi qu’au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si c’est le troisième débat que nous avons sur ce sujet en quelques mois, nous n’en sommes pas pour autant au troisième acte ! C’est en effet toujours le premier acte, aucune avancée n’ayant été constatée depuis le début de nos travaux sur cette question.

Je trouve vos propos très optimistes, monsieur le rapporteur. En effet, à force de parler de cette question, le scandale s’émousse, la situation devient presque banale, alors qu’elle ne l’est pas du tout, et il n’y a plus grand monde en séance ! Lors de notre première discussion sur ce sujet, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de Jacques Mézard, l’hémicycle était un peu plus plein… Désormais, plus personne ne s’y intéresse. On comprend la méthode du Gouvernement : lorsque tout le monde se sera détourné du problème, il sera temps de ne rien faire !

Monsieur le rapporteur, je trouve également vos propos tout à fait contradictoires. Vous convenez que le régime actuel ne peut plus être laissé en l’état, mais vous considérez qu’il faut malgré tout le maintenir pour réfléchir encore ! Sur cette question, votre embarras est manifeste, et la longueur de votre intervention en témoigne.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Ah, non, au contraire ! C’était pour tenter d’être complet !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Aujourd’hui, qu’en est-il ? Si nous connaissons le nombre exact de placements en garde à vue prononcés en 2008, nous ignorons celui de cette année. Nous savons en revanche que l’inflation est considérable, que plus de 600 000 personnes ont été concernées par cette procédure, un certain nombre d’entre elles pour moins de vingt-quatre heures. À mon sens, nous ne pouvons plus attendre.

Pour la chancellerie, il est certainement plus urgent de préparer un texte créant une infraction difficilement applicable à l’encontre d’une poignée de femmes qui provoquent le pacte républicain. Pour la garde à vue, il est urgent d’attendre !

Le comité Léger a pourtant formulé un certain nombre de propositions intéressantes et a notamment prévu la restriction des cas de placements de garde à vue. Il a en effet considéré qu’il s’agissait d’une mesure « coercitive » – le terme est intéressant –, ce qui a des implications pour ceux qui peuvent la mettre en œuvre : la mesure doit être proportionnée à l’infraction et strictement indispensable aux nécessités de l’enquête. Ce sont là deux critères fondamentaux.

La chancellerie a mis en ligne son avant-projet de réforme de la procédure pénale.

S’agissant de la garde à vue, presque tout est critiquable ! Ainsi, la définition de la garde à vue est beaucoup trop large. En outre, avec l’audition de quatre heures à compter de l’interpellation, une zone grise est créée : la police pourra entendre, sans aucune garantie, un individu pendant ces quatre heures, lesquelles pourront d’ailleurs être suivies par une véritable garde à vue. En d’autres termes, la garde à vue sera prolongée de quatre heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Le tour est joué ! On a très bien compris ce que le Gouvernement voulait faire. C’est absolument inadmissible, et je le dis très clairement.

Les propositions de la chancellerie sont également totalement insuffisantes en ce qui concerne la présence de l’avocat. Celui-ci doit pouvoir être présent dès le début de la garde à vue. Quelles conséquences cela aura-t-il ? Je n’en sais rien.

Mais rappelez-vous : lorsqu’il a été envisagé de prévoir dans le code de procédure pénale la présence de l’avocat dans le cabinet du juge d’instruction, que n’a-t-on entendu ! La Cour de cassation elle-même, en séance plénière, a délibéré sur ce projet et s’y est déclarée défavorable, sous prétexte que cela augmenterait la délinquance. Depuis, les esprits ont évolué, et tout le monde reconnaît la nécessité de cette mesure.

Par conséquent, je pense que tout le monde admettra bientôt que les avocats doivent être présents tout au long de la garde à vue et que personne ne remettra en cause leur déontologie.

Enfin, la garde à vue, dans la mesure où il s’agit d’une mesure coercitive, doit être placée sous l’autorité du juge du siège.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Lui seul a en effet les qualités d’indépendance requises par les normes tant européennes que françaises pour priver nos concitoyens de liberté.

D’ailleurs, pas plus tard qu’hier après-midi, sous votre impulsion, monsieur le rapporteur, et avec l’accord du Gouvernement, un pas énorme a été franchi. Le Sénat a en effet considéré que, pour les perquisitions et les saisies, c’est-à-dire pour l’atteinte au droit de propriété, c’est le juge du siège – et non le parquet – qui devait être seul compétent. Un tel raisonnement devrait à plus forte raison s’appliquer quand il s’agit de l’atteinte aux droits des personnes dans leur liberté d’aller et venir ! Mme le garde des sceaux devra réfléchir à cette avancée de notre assemblée et, si cette disposition est maintenue à l'Assemblée nationale, revoir un certain nombre des positions qu’elle développait ici-même.

La réforme de la garde à vue est urgente.

Elle l’est en raison de l’inflation considérable des gardes à vue, inflation qu’un responsable de la police – appelons-le ainsi – attribue à la loi Guigou. Voilà qui est tout à fait nouveau et un peu fort ! Je pense qu’on a dû lui demander de faire une telle déclaration et que, comme d’habitude, il se sera exécuté. On sait de qui l’on parle...

La réforme de la garde à vue est également urgente à cause de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et des nombreux recours qui sont formés devant les juridictions, lesquelles statuent de manière différente. Cela provoquera bientôt une paralysie du système, ce qui, à mon avis, n’est pas bon.

Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, si la réforme globale de la procédure pénale qui est envisagée est votée – quand ? dans quelles conditions ? nul ne le sait –, la nature profonde de la garde à vue sera modifiée. En effet, la chaîne pénale ne sera plus scindée entre une enquête préliminaire sous l’autorité du parquet et une instruction ou une audience sous l’autorité du juge. Sous l’autorité de qui sera-t-elle alors placée ? L’avant-projet de loi prévoit celle du parquet. Je penche, pour ma part, pour celle du juge, et ce, je le répète, dès le début.

La nature de la garde à vue sera donc différente. Par conséquent, les propos que tient Robert Badinter n’auront à mon avis plus cours. Les mises en examen auront lieu dès le début et le processus commencera immédiatement. Aussi des garanties totales devront-elles être assurées tout de suite, et l’avocat devra être présent d’emblée pour défendre son client.

Aujourd'hui, il nous faut attendre une probable réforme de la procédure pénale. Or tout le monde ignore quand elle interviendra. La concertation est ouverte, paraît-il, mais elle l’est d’une drôle de façon puisque la chancellerie, dans sa circulaire, s’est abstenue de demander aux chefs de cour de convoquer des assemblées générales de juridiction, ce qui est d’ailleurs contraire à la loi. Mais passons… Quand la chancellerie n’applique pas la loi, on peut faire n’importe quoi !

Aujourd'hui, nous sommes quand même d’accord sur un certain nombre de points et nous pouvons agir, certes a minima mais tout de suite, quitte ensuite à harmoniser ces dispositions avec le reste de la procédure. Ce n’est pas la peine de parler aujourd'hui de toutes les exceptions qu’il faudra prévoir. Il va de soi que ce sera nécessaire, par exemple pour les infractions les plus graves. Toutefois, il existe un certain nombre de mesures simples que nous pourrions prendre en l’état, compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

C'est la raison pour laquelle, pour la troisième fois, le groupe socialiste porte ce débat devant la Haute Assemblée. Ce n’est pas pour que nous y réfléchissions encore. Certes, on peut poursuivre la réflexion sur la réforme globale de la procédure pénale et sur son harmonisation avec les règles de la garde à vue, mais il n’est à mon avis plus temps de revenir sur les dispositions à propos desquelles nous sommes, semble-t-il, tous d’accord, à tout le moins au sein de la commission des lois. Le Gouvernement, c’est autre chose… Personne ne sait ce qu’il pense : il change, il varie, il attend les résultats de la concertation tronquée qu’il a organisée.

Nonobstant la constitution d’un groupe de travail sur l’évolution du régime de l’enquête et de l’instruction dont Jean-René Lecerf et moi-même sommes les rapporteurs et au nom duquel nous procédons à des auditions, nous pourrions agir tout de suite dans un certain nombre de domaines. Le Gouvernement ne le veut pas. Pourquoi ? C’est la seule question qui vaille. C’est à celle-là que nous attendions que vous répondiez, monsieur le secrétaire d'État. Vous ne l’avez pas fait, et c’est dommage.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’une des premières conséquences de la révision constitutionnelle de 2008 nous vaut d’avoir le privilège, depuis février dernier, d’une réunion mensuelle sur la garde à vue.

Ce bégaiement législatif sera-t-il suivi de l’énoncé d’une loi consensuelle que, pour notre part, nous appelons de nos vœux, d’une loi de bon sens, protectrice de la société et des droits fondamentaux du citoyen ?

Y-a-t-il une urgence particulière à multiplier les lois sécuritaires de circonstance et à retarder les lois de liberté ? D’ailleurs, je conseille la lecture de l’instruction du 11 mars 2003, signée par le ministre de l’intérieur de l’époque, sur la question de la dignité des personnes en garde à vue. Mes chers collègues, c’est une lecture édifiante !

Cette question est toujours en suspens, et elle ne sera pas résolue par le renvoi à la commission du texte de nos collègues du groupe socialiste et rattachés, que notre groupe, à une exception près, ne votera pas, confirmant ainsi son opposition au blocage actuel.

Le débat qui est ouvert découle – nous en sommes tous conscients – d’une dérive inacceptable de la procédure de garde à vue ; cette évolution, reconnue et dénoncée par les plus hautes autorités de l’État, suscite la désapprobation de plus en plus ouverte d’une majorité de nos concitoyens. Ceux-ci sont conscients qu’il est intolérable, dans un État de droit, d’infliger chaque année à plus de 800 000 personnes une mesure privative de liberté, pour des infractions qui sont souvent bénignes – vous l’avez très objectivement souligné, monsieur le secrétaire d’État –, dépourvues de suite judiciaire et même, parfois, d’infraction caractérisée. Cette situation est aggravée, nous en sommes tous d’accord, par des conditions matérielles et des conditions d’exercice tout à fait indécentes.

L’évolution de la jurisprudence européenne, l’insécurité juridique qui découle de l’interprétation qu’en donne aujourd’hui une partie de nos tribunaux imposent aussi de sortir d’urgence de ce gâchis pénal. En outre, je l’ai déjà souligné, cette situation contribue à creuser un fossé entre les forces de l’ordre et les citoyens, avec une rubrique « faits divers » constamment remplie par quelques bavures rendues inéluctables par l’inflation du nombre de gardes à vue, les conditions de celles-ci et l’absence de contrôle réel du parquet sur ces procédures.

Les propositions de lois qui se succèdent émanent de tous les groupes politiques, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État. Le texte que j’ai présenté était très semblable à celui qui avait été déposé par certains députés de l’UMP. Il s’agit là de l’expression de l’exaspération et de l’urgence à réagir. En revanche, il serait à notre avis contre-productif, voire fallacieux, de tergiverser au motif qu’une telle réforme serait contradictoire avec l’objectif légitime de préserver la sécurité de nos concitoyens, voire avec le motif inexprimé de ne point mécontenter tel représentant des forces de l’ordre, dont le travail, au cours de tous ces débats, monsieur le secrétaire d’État, ne fut jamais caricaturé, quels qu’aient été les auteurs des diverses propositions de lois.

Le texte que nous examinons s’inscrit dans ce contexte général. Il n’est pas tout à fait semblable à celui que j’avais eu l’honneur de présenter le mois dernier. Si nous partageons l’essentiel de ses objectifs en ce qui concerne le type d’infractions justifiant une garde à vue, le droit au silence et le rôle de l’avocat, nous considérons en revanche que la question du terrorisme justifie un traitement particulier, avec la présence d’un avocat choisi sur des listes établies par le barreau, pour le moins. Notre groupe, en effet, ne cautionnera jamais l’ETA, ni les dérives régionalistes armées, corses et autres…

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez soumis un projet à la concertation. Toutefois, Mme le ministre d’État nous rappelait voilà quelques jours encore qu’elle avait une conviction et qu’elle s’y tiendrait, ce qui est éminemment respectable, mais qui laisse peu de place à la concertation, encore plus pour les non concertés !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Votre avant-projet s’articule autour de quelques axes.

Premièrement, en réformant l’article 327-3 du code de procédure pénale, vous entendez réserver la garde à vue aux soupçons d’infractions justiciables d’une peine d’emprisonnement, c'est-à-dire, en réalité, l’immense majorité des cas. Cette mesure ne représentera donc pas une véritable évolution et ne réglera pas le problème, le contrôle des motifs par l’autorité judiciaire restant le principe dans la pratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Deuxièmement, avec l’article 327-7 du code de procédure pénale, vous souhaitez créer l’audition libre.

Monsieur le secrétaire d’État, qualifier d’ « audition libre » un entretien auquel une personne est amenée sous la contrainte – le mot apparaît dans le texte de l’avant-projet – et privée de liberté pendant quatre heures relève d’une singulière démarche ! De plus, cet homme libre ne pourra être aucunement assisté et aura le « privilège » de passer illico du statut de liberté factice à celui, bien réel, de gardé à vue, dans des conditions peu différentes du système actuel ! Sur ce point, je ne crois pas qu’il s’agisse d’une avancée de la liberté ni même d’une avancée tout court.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Or notre droit pénal n’échappera pas – et il doit en être ainsi – à des évolutions courantes en Europe, s’agissant de la présence de l’avocat, du droit au silence, de la privation de liberté, en adéquation avec la gravité de l’infraction.

Ce qui dysfonctionne aujourd’hui, nous le savons tous, c’est la multiplication de ces cas, qui sont des centaines de milliers.

Les infractions de circulation routière justifient-elles que l’on place des gens en garde à vue dans les conditions que nous connaissons ? Non !

Des délits mineurs justifient-ils que l’on fasse passer à des gens un nombre X d’heures dans un commissariat, dans les conditions que l’on connaît ? Non !

Et si, tout simplement, monsieur le secrétaire d’État, cette dérive n’avait pas eu lieu ? S’il y avait eu des évolutions anticipées, sages ? Je crois que tout le monde serait convenu que le système était acceptable !

Monsieur le secrétaire d’État, souscrire aux aspirations de nombre de parlementaires de tous les groupes ne serait pas perdre la face ou reculer, bien au contraire. Le Gouvernement ne pourrait qu’en sortir grandi. Quand on est fort, on ne craint pas la liberté. D’autant que, de toute façon, cette réforme aura lieu, et le plus tôt sera le mieux. Merci de nous entendre, monsieur le secrétaire d’État !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Giudicelli

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de Mme Alima Boumediene-Thiery et des membres du groupe socialiste dont nous débattons aujourd’hui tend à modifier les articles 63 et suivants du code de procédure pénale.

Le 24 mars dernier, nous avons déjà eu l’occasion de débattre de la nécessité de réformer la garde à vue en examinant la proposition de loi présentée par notre collègue Jacques Mézard.

Le groupe UMP avait alors considéré qu’il était plus opportun et plus cohérent de prévoir cette réforme dans le cadre de la procédure pénale.

Cette réforme fait l’objet d’un avant-projet de loi qui devrait, à la suite de la concertation engagée par le ministère de la justice, se traduire vraisemblablement par deux projets de loi.

Au regard des nombreuses propositions qui visent à réformer la garde à vue, déposées sur le bureau tant de la Haute assemblée que de l’Assemblée nationale, nous vous renouvelons notre souhait d’examiner par priorité les questions touchant à la garde à vue.

Chacun est en effet bien convaincu de la nécessité de réformer aujourd’hui ce dispositif, et ce compte tenu non seulement de notre exposition au risque d’annulation d’un certain nombre de procédures pour non-respect de la Convention européenne des droits de l’homme mais aussi des nombreuses saisines du Conseil constitutionnel par les avocats, au lendemain de l’entrée en vigueur de la procédure de questions prioritaires de constitutionnalité, le 1er mars dernier.

Il y a là un réel problème de sécurité juridique, en particulier lorsque les tribunaux de première instance annulent des gardes à vue.

Si les dispositions du code de procédure pénale se trouvaient ainsi écartées, il n’y aurait plus rien pour nous prévenir d’une justice impuissante à faire son office sereinement et efficacement. Devant ce risque, il paraît indispensable de légiférer rapidement, notamment pour ne pas laisser nos concitoyens exposés à cette insécurité juridique.

L’arrêt Medvedyev c/France, rendu le 29 mars dernier ne remet pas en cause le statut du parquet français. Il rappelle toutefois que le magistrat doit présenter des garanties d’indépendance face à l’exécutif. Pour ma part, je veux souligner que l’avant-projet de loi tend plutôt à renforcer cette autonomie.

Or le texte que nous examinons aujourd’hui ne traite à mon avis que trop partiellement la question – peut-être par excès de précipitation – pour apporter une véritable réponse et garantir un dispositif sans faille.

Ce qui était vrai en mars dernier l’est encore aujourd’hui. Je pense, comme M. le rapporteur, que la réforme globale de la procédure pénale annoncée pour la fin de l’année 2010, dans laquelle s’inscrirait la modification du régime de la garde à vue, permettrait de satisfaire à cette exigence, sans accumuler toute une série de textes parcellaires qui nuirait à la clarté juridique de l’ensemble.

Peut-on envisager l’adoption de cette proposition de loi qui subordonne le placement en garde à vue à l’autorisation du procureur de la République pour les infractions passibles d’une peine inférieure à cinq ans d’emprisonnement, alors même que les modalités d’intervention du parquet présentent de réelles incertitudes ?

Il faut faire preuve, je crois, de pragmatisme. Même s’il s’avère évident que la réforme de la garde à vue est indispensable, nous devons l’appréhender en concordance avec les divers travaux menés sur la procédure pénale. Il s’agit notamment d’attendre les conclusions du groupe de travail animé actuellement par les sénateurs Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel. Cette coprésidence par la majorité et l’opposition traduit bien la volonté d’aboutir, sur un sujet si important, à un résultat consensuel qui dépasse largement les clivages partisans.

Limiter la garde à vue aux strictes nécessités de l’enquête, comme le prévoit le texte du Gouvernement, permettrait effectivement de lutter contre la banalisation de cette procédure. Ce projet prévoit, pour les infractions punies de moins de cinq ans d’emprisonnement, qu’une audition libre puisse être réalisée, sans contrainte et pour une durée maximale de quatre heures. Les personnes auditionnées pourront à tout moment demander leur placement en garde à vue, afin de jouir des droits associés à cette procédure.

Plus personnellement, je ne conteste pas le bien fondé, l’intérêt des dispositions présentes et l’utilité de certains compléments apportés par la proposition de loi que nous examinons, par rapport au précédent texte de mars dernier. Ainsi, possibilité est donnée cette fois-ci à l’avocat d’avoir accès au dossier pénal de son client. La communication du dossier pour les actes d’enquête auxquels est associé le gardé à vue paraît en effet un préalable essentiel, sans lequel le texte semblerait bien vide de sens et pourrait même conduire l’avocat à conseiller au gardé à vue de refuser de répondre, comme il en a le droit.

Mais je crois aussi qu’il ne faut pas se leurrer : cette disposition entraînera des difficultés matérielles évidentes. Dans de nombreux cas, en effet, le dossier est constitué au fur et à mesure des auditions, comme l’avait souligné M. le rapporteur.

Au regard de ces difficultés fonctionnelles, l’avant-projet prévoit un deuxième entretien à la douzième heure. En cas de prolongation au-delà de la vingt-quatrième heure, l’avocat, ayant eu accès aux comptes rendus des interrogatoires déjà menés, pourra assister aux auditions.

Les articles 4, 5 et 6 tendent à unifier les régimes de la garde à vue. La présence de l’avocat est requise dès le début de celle-ci pour la criminalité et la délinquance organisées, ainsi que pour la garde à vue d’un mineur.

Or dans le projet de réforme de la procédure pénale, le Gouvernement souhaite conserver les régimes spécifiques, et nous le soutenons. Le groupe UMP est pleinement favorable au maintien de ces dérogations justifiées par l’impérieuse nécessité de garantir la sécurité de nos concitoyens.

Ces régimes ne sauraient être alignés sur le droit commun, alors même que la privation de liberté à l’encontre, notamment, de terroristes ou d’auteurs d’enlèvement et de séquestration répond, d’une part, au besoin de rapidité dans la recherche de la vérité face à des grands délinquants et, d’autre part, à la volonté de déstructurer l’organisation criminelle en cause.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ne perdons tout de même pas de vue que la garde à vue intervient aussi, et la plupart du temps, lorsqu’il y a des victimes, et que le travail de la police et des enquêteurs est là pour leur rendre justice : il n’est pas concevable de rendre ce travail encore plus difficile.

J’évoquerai maintenant certaines incertitudes présentes dans la présente proposition de loi, qui soulèvent autant d’interrogations. Des difficultés y sont certes posées, mais rien n’est proposé pour les résoudre : que faire si l’avocat ne se présente pas quand le gardé à vue a demandé sa présence ? Suffira-t-il de mentionner qu’il n’a pu venir ? Ou bien faudra-t-il différer l’audition tant que l’avocat ne se sera pas présenté ?

Par ailleurs, je note également la disparition de la mention d’une audition immédiate pour le gardé à vue. Pour moi, c’est une bonne chose. Cette disposition critiquable semblait signifier qu’il était exclu de procéder, en cas d’interpellation à domicile, à une perquisition immédiate, ce qui aurait permis à des tiers d’avoir du temps pour faire disparaître des preuves à charge.

Or l’un des principaux problèmes de la garde à vue réside bien là : elle intervient souvent trop tôt, quand les preuves matérielles n’ont pas encore été recherchées et alors même que les personnes soupçonnées ne sont pas susceptibles de prendre la fuite. Ainsi les enquêteurs sont-ils souvent conduits à provoquer l’aveu plutôt qu’à le rendre incontournable par des preuves déjà réunies.

Trop souvent l’enquête, ouverte sur une plainte, commence par une garde à vue, quand celle-ci ne devrait être que l’aboutissement d’un processus tendant à étayer la mesure, ce qui, à l’évidence, contribue malheureusement à sa prolifération. C’est un peu moins vrai dans les affaires flagrantes, car les modalités prévues en la matière engendrent, de fait, une certaine précipitation, sans laisser aux enquêteurs le temps de réunir des preuves matérielles. Mais, là encore, l’imprécision règne : ne suffirait-il plus, alors, qu’à placer un suspect en garde à vue sans jamais l’entendre, la mesure n’ayant plus pour objet que de permettre aux enquêteurs de réunir des preuves sans que le gardé à vue puisse entraver leur action ?

Manifestement, la garde à vue est la partie d’un tout, et sa réforme envisagée doit participer à une réforme complète de la procédure pénale. Cela aurait au moins l’avantage de modifier notre approche de l’enquête afin d’éviter, autant que possible, de dévoiler trop tôt et trop largement les éléments sur lesquels elle se fonde, au risque de ne plus pouvoir les utiliser.

Le Gouvernement nous assure de son volontarisme pour que « l’amélioration des conditions de garde à vue soit une priorité dans le cadre de la future réforme de la procédure pénale ».

Malgré cet engagement positif, la commission, en l’absence de texte du Gouvernement dans un délai raisonnable, pourrait, comme l’a très bien fait remarquer M. le rapporteur, « reprendre l’initiative à la lumière des travaux » engagés dans l’enceinte du Sénat.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au vu de toutes ces remarques, le groupe UMP votera la motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi qu’au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est la troisième fois en peu de temps que nous sommes amenés à débattre de la garde à vue. Et comme il l’a fait pour la précédente proposition de loi sur ce sujet dont il était déjà le rapporteur, M. Zocchetto, avec une certaine constance, nous demande de renvoyer l’examen de celle-ci à plus tard.

Encore une fois, nous ne pouvons nous satisfaire de cette réponse.

Voilà un mois, j’avais demandé que la commission des lois travaille à un texte commun à partir des différentes propositions de loi existantes et, bien évidemment aussi, des dispositions figurant dans l’avant-projet de loi du Gouvernement.

Non seulement ce n’est pas le cas, mais la commission refuse également de se saisir du texte qui nous est présenté aujourd'hui, préférant laisser au Gouvernement l’entière initiative dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission a mis en place un groupe de travail spécifique confié à nos collègues Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Il poursuivra d’ailleurs ses auditions cet après-midi !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La révision constitutionnelle, suivie par la réforme du règlement du Sénat, était destinée – c’est du moins ce qui nous a été affirmé – à conférer aux législateurs que nous sommes des pouvoirs accrus.

En nous cantonnant, de fait, à des interventions générales, les deux demandes successives de renvoi à la commission émanant de la majorité nous privent de tout débat réel. Quelle belle illustration des limites posées à l’initiative des groupes et du sort réservé à leurs propositions quand elles ne correspondent pas aux souhaits du Gouvernement ou du Président de la République !

Il est significatif que nous soyons saisis par le Gouvernement de la vingt-troisième loi sécuritaire depuis 2002, mais que le Parlement ne puisse être à l’origine d’un seul texte relatif aux libertés individuelles.

Aussi, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, d’accepter que s’engage la discussion sur le présent texte. C’est avec cet objectif que j’ai déposé un certain nombre d’amendements. Les dispositions qui y figurent sont d’ailleurs issues de la proposition de loi que j’ai moi-même déposée avec mes collègues du groupe CRC-SPG, texte que je suis prête – je ne m’en priverai d’ailleurs pas – à présenter dans le cadre d’une semaine d’initiative parlementaire. Cela amènerait le Sénat à discuter une quatrième fois de la garde à vue et constituerait une preuve manifeste supplémentaire du rôle mineur conféré au législateur.

M. Jean-Pierre Michel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Examiner cette proposition de loi serait en outre d’autant plus opportun tant il est vrai que l’avant-projet du Gouvernement sur la réforme de la procédure pénale nourrit des inquiétudes croissantes et fait naître une contestation grandissante parmi de nombreux professionnels.

Des représentants des magistrats et des avocats ont préféré quitter la concertation, totalement faussée, que mène Mme le garde des sceaux, notamment parce qu’elle refuse toute discussion sur la suppression du juge d’instruction ou l’indépendance du parquet. Les hauts magistrats de la Cour de cassation ont émis sur le texte gouvernemental un avis défavorable, considérant qu’il « ne garantit pas suffisamment les équilibres institutionnels et l’exercice des droits de la défense et des victimes ». Concernant le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, ils estiment que le « contrôle de la garde à vue ne peut dépendre de l’autorité de poursuite ».

A été évoquée l’idée d’un texte spécifique sur la garde à vue. Depuis, Mme le garde des sceaux a indiqué qu’elle envisageait de scinder son avant-projet en deux parties qui seraient examinées en parallèle par l’Assemblée nationale et le Sénat, mais aucune date n’a été annoncée. Tout cela n’est vraiment pas clair ! Ce qui l’est, en revanche, c’est la nécessité, au vu de l’actualité, de ne pas attendre davantage pour légiférer sur la garde à vue.

Pour ce qui est des faits, il est urgent d’en finir avec des situations telles que celle que nous avons vécue à la fin du mois de mars dernier, quand trois lycéens marseillais ont été placés en garde à vue pendant plusieurs heures, fouillés au corps et menottés pour avoir insulté la fille d’une commandante de police.

Quant au nouvel arrêt Medvedyev c/France prononcé par la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, s’il fait certes l’objet d’interprétations diverses, voire divergentes, il ne paraît cependant pas infirmer le jugement rendu en première instance, puisqu’il rappelle qu’un « magistrat doit présenter les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif », ce qui n’est évidemment pas le cas du procureur de la République.

C’est précisément pour cette raison de fond que nombre de professionnels sont fondamentalement opposés au projet de suppression du juge d’instruction.

Pour revenir à la proposition de loi présentée aujourd'hui par notre collègue et les membres du groupe socialiste, si je soutiens globalement les dispositions qui y sont inscrites, j’ai déposé trois amendements à mes yeux très importants, lesquels, je le répète, reprennent des propositions issues du texte que j’ai moi-même déposé.

Deux de ces amendements ont pour objet de restreindre le champ de la garde à vue.

Le premier vise à exclure les régimes dérogatoires pour terrorisme, association de malfaiteurs ou trafic de stupéfiants. J’ai entendu les différents points de vue qui se sont exprimés, mais il n’en demeure pas moins que l’extension continue des dérogations pose problème.

Le deuxième amendement, auquel je suis particulièrement attachée, tend à supprimer la garde à vue stricto sensu des mineurs.

Le fait de redonner du sens à la garde à vue et d’empêcher une constante augmentation par des lois toujours plus répressives comme par les pratiques en cours suppose inévitablement de restreindre son champ d’application.

Au travers du troisième amendement, je souhaite poser le principe du droit de la personne gardée à vue au respect de sa dignité et de la responsabilité de l’État en cas d’atteinte à cette dignité. Je note, sur ce point, que le directeur général de la police nationale, M. Frédéric Péchenard, a récemment souligné dans un entretien accordé à un journal qu’il n’était « pas hostile à ce que la loi interdise la fouille à corps », insistant sur le fait qu’il fallait que « ce soit la loi » qui fixe une telle interdiction. Effectivement, mes chers collègues, c’est à nous, législateurs, qu’il appartient de le décider. À mon sens, au-delà des citoyens eux-mêmes, les deux institutions policière et judiciaire ne pourraient que tirer bénéfice d’une telle disposition.

Une fois encore, je souhaite dire ici combien il me paraît indispensable de tenir bon sur les principes de la justice et du droit, de la justice et des droits, et de cesser de banaliser à tout propos leur non-respect, voire leur négation.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de renoncer à voter la motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi et de débattre des conditions de la garde à vue, en prenant nos responsabilités de législateurs !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le sujet abordé par cette proposition de loi portant réforme de la garde à vue me tient particulièrement à cœur parce qu’il touche aux droits les plus fondamentaux de la personne humaine.

À ce titre, ni les nécessités d’une enquête judiciaire ni les soupçons pesant sur une personne ne devraient permettre qu’on atteigne à sa dignité.

Puisque je m’exprime aussi en qualité de présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, je tiens à rappeler que, selon les chiffres annoncés, les femmes représentent 10 % des personnes gardées à vue ; elles sont 60 000 dans ce cas.

C'est la raison pour laquelle les membres de la délégation ont décidé l’an dernier, sur mon initiative, de consacrer une partie de leurs activités à la situation des femmes dans les lieux de privation de liberté. Pour forger notre conviction, nous avons auditionné de nombreux professionnels.

C’est ainsi que le directeur de l’administration pénitentiaire, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, de nombreux responsables d’associations et de commissions, dont la CIMADE, mais aussi des médecins, psychiatres et magistrats sont venus échanger leurs expériences et fournir des données chiffrées sur la réalité de la garde à vue en France.

Afin de nous rendre compte concrètement de la procédure et des conditions de placement, nous nous sommes déplacés dans différents centres de rétention, en particulier au dépôt et à la souricière du palais de justice de Paris.

Il ressort de ces entretiens et de ces déplacements un constat unanime.

Malgré une hygiène relativement mieux préservée dans les espaces qui leur sont réservés, « l’excès de zèle » dans les fouilles corporelles pratiquées sur les femmes, l’attente souvent longue, ainsi que les conditions d’hygiène et d’intimité rendent la garde à vue difficile à supporter pour elles. La situation des hommes n’est d’ailleurs pas plus enviable.

De manière plus générale, comme le reconnaissait lui-même le contrôleur général des lieux de privation de liberté, malgré des efforts de rénovation incontestables, « la plupart des lieux de garde à vue restent dans un état indigne pour les personnes qui y séjournent, qu’elles soient interpellées ou qu’elles y exercent leurs fonctions ».

Cette situation ne peut nous laisser indifférents et il semble nécessaire aujourd’hui de la faire évoluer.

Dans le rapport qu’elle a remis à l’issue de ses travaux, la délégation a par conséquent formulé des demandes urgentes et préconisé des recommandations, qui restent toujours d’actualité aujourd'hui.

Comme nous le demandons dans le rapport, les pouvoirs publics se doivent d’appliquer les recommandations formulées par le contrôleur général des lieux de privation de liberté et, en particulier – monsieur le secrétaire d'État, j’attire votre attention sur ce point –, de mettre un terme aux pratiques de retrait systématique du soutien-gorge et de la paire de lunettes de vue, qui portent atteinte à la dignité de la personne sans pouvoir être toujours justifiées par un impératif de sécurité.

Parmi les trente recommandations formulées, la délégation invite notamment les autorités responsables des lieux de privation de liberté à rechercher un juste équilibre entre les exigences légitimes de sécurité et le respect indispensable de la dignité des personnes détenues.

Nous avions été notamment frappés, voilà quelques mois, par l’exemple de cette femme placée en garde à vue, à Tarbes, le lendemain d’une fausse couche à l’hôpital.

À ce titre, la délégation a souhaité que le recours aux fouilles à corps soit limité autant que possible, notamment grâce à des équipements permettant aujourd’hui des pratiques plus respectueuses de la liberté des personnes.

Je me félicite aujourd’hui de ce que Mme Borvo Cohen-Seat et ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche reprennent cette proposition au travers d’un amendement déposé sur le présent texte et tendant à insérer un article additionnel dans le code de procédure pénale. Ils entendent ainsi garantir que « toute personne placée en garde à vue a le droit au respect de la dignité humaine, notamment dans le domaine du respect de l’intimité, de la pudeur, de l’hygiène » et prévoir que « toute atteinte à la dignité humaine de la personne placée en garde à vue engage la responsabilité de l’État ».

La commission des lois a estimé plus sage de demander le renvoi à la commission de la proposition de loi. Ses membres ont considéré que la réflexion n’était pas encore mûre sur des sujets délicats comme l’organisation effective de la défense quand la présence de l’avocat serait admise pendant les interrogatoires de garde à vue, l’accès de la défense au dossier ou encore la possible évolution des régimes dérogatoires de garde à vue.

Je veux croire que le Gouvernement respectera ses engagements et que le débat se poursuivra selon les orientations ainsi tracées.

Je souhaite qu’il se nourrisse des propositions de notre délégation et que les droits des femmes placées en garde à vue, particulièrement menacés, fassent l’objet d’une attention particulière. Je forme le vœu que le groupe de travail de nos collègues Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel prenne en compte ces situations et ces propositions spécifiques, toujours soucieuses du respect des libertés fondamentales de la personne humaine, en l’occurrence tout spécialement des femmes, notamment. J’y veillerai de très près.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à exprimer l’intérêt du Gouvernement pour les interventions qui viennent d’être prononcées.

Madame Boumediene-Thiery, vous souhaitez que nous sortions de la culture de l’aveu. Sachez-le, c’est dans cet état d’esprit que nous souhaitons mener la réforme de la procédure pénale.

M. le rapporteur a fait plusieurs remarques très justes, soulignant qu’il importait d’adopter une vue d’ensemble sur le sujet.

Vous avez eu raison de souligner qu’il est peu pertinent, en cas de flagrance, de donner accès au dossier dès le début de la garde à vue, avant que les policiers n’aient terminé la rédaction des procès verbaux.

Je tiens à vous rassurer sur le calendrier : un premier projet de loi sera déposé au Parlement cet été, ce qui permettra un débat à l’automne, comme vous en avez tout à l’heure émis le vœu.

Monsieur Michel, vous avez évoqué le risque de légiférer sous le coup de l’émotion. C’est précisément parce que Mme le garde des sceaux et moi-même voulons des solutions équilibrées et durables que nous présentons un projet global.

Qu’en est-il de la réalité européenne ? Eh bien, nos partenaires européens n’ont pas fait systématiquement de la présence de l’avocat dès le début de la garde à vue un préalable obligatoire, loin de là ! Je pense à un certain nombre de systèmes judiciaires que j’ai pu étudier lors de mes déplacements en Autriche, aux Pays-Bas ou en Belgique, par exemple.

Monsieur Mézard, vous avez dénoncé l’inflation des lois sécuritaires et l’absence de lois en faveur des libertés. Faut-il vous rappeler que le Gouvernement a présenté, ces derniers mois, plusieurs textes visant à élargir les libertés publiques ? Je pense notamment à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et à la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes, pour ne citer que ces deux exemples.

Vous avez dénoncé tous les effets pervers que pourrait avoir l’audition libre.

En lançant cette idée, nous avons voulu apporter une réponse adaptée à des situations très concrètes. Lorsqu’une personne est arrêtée pour une infraction mineure – un cas de figure que vous avez d’ailleurs évoqué –, en matière routière ou pour un vol simple dans un supermarché, lorsqu’elle reconnaît les faits et accepte d’être entendue, est-il toujours nécessaire de la placer en garde à vue ? Cette procédure demande souvent de retenir la personne pendant huit ou douze heures, le temps de faire venir l’avocat et le médecin, de prévenir la famille. L’audition libre, elle, durerait moins d’une heure.

Bien sûr, cette proposition doit être débattue et examinée dans le détail, ne serait-ce que pour mettre au point les mécanismes susceptibles d’éviter les effets pervers que vous avez évoqués. Mais n’écartons pas d’un revers de main cette piste qui offre une solution pragmatique dans le cas de délits mineurs et reconnus !

Madame Giudicelli, nous partageons votre conviction selon laquelle la refonte globale de la procédure pénale ne peut faire l’économie d’une réflexion concomitante sur les conditions de la garde à vue. Vous avez, en outre, eu raison de rappeler qu’il n’était pas très pertinent de dissocier de cette réforme globale la discussion d’une proposition de loi sur ce thème.

Madame Borvo Cohen-Seat, vous jugez insuffisante la concertation menée dans le cadre de la réforme de la procédure pénale. Pourtant, près de quarante organisations, syndicats, associations y participent ! Et même les organisations de magistrats qui disent s’être retirées de la concertation ont fait des propositions ! Ces propositions, ces remarques, nous les prenons en compte, à quelque moment qu’elles nous aient été transmises.

La concertation existe, quel que soit le discours de certaines organisations, dont la posture critique s’explique par des raisons que chacun peut imaginer. Récemment encore, la Cour de cassation a fait des propositions intéressantes, que Mme le garde des sceaux entend prendre en considération. À la lecture des résultats de cette concertation, qui seront communiqués d’ici à la fin du mois, vous pourrez constater que celle-ci aura été réelle et sérieuse.

Madame André, nous prendrons en compte, comme vous l’avez demandé, les remarques formulées par le secteur associatif intervenant sur les lieux privatifs de liberté.

Vous avez insisté sur les conditions de la garde à vue, notamment lors des fouilles. J’en conviens, nous avons des progrès à faire dans ce domaine. L’intérêt de la refonte d’ensemble à laquelle j’ai fait allusion à plusieurs reprises tient justement aussi à la possibilité d’aborder plus précisément de telles questions et de mettre en œuvre des dispositifs qui apportent des réponses satisfaisantes.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques éléments de réponse que je tenais à vous apporter, mais je suis conscient de leur caractère incomplet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il me paraît bon de faire quelques rappels sur les conditions dans lesquelles nous examinons les propositions de loi.

Lors de son intervention, Mme Borvo Cohen-Seat s’est en effet montrée assez injuste envers la commission ! Elle ne tient absolument pas compte du groupe de travail qui a été constitué, avec son accord, autour de MM. Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel, et qui procédera cet après-midi encore à des auditions. Ce dispositif illustre pourtant la complexité des sujets dont nous discutons !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Tous les orateurs sont convenus qu’il fallait faire quelque chose, mais qu’un certain nombre de questions se posaient. Décréter que l’on met fin à la situation actuelle et que l’on réforme, c’est très facile ! Encore faut-il bien prendre en compte toutes les conséquences que de tels changements peuvent entraîner !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si, ma chère collègue !

De plus, vous reprochez presque au rapporteur d’avoir répondu à tous les arguments de Mme Alima Boumediene-Thiery ! Il me semble pourtant que réfléchir sur tous les aspects d’un texte et poser un certain nombre de questions, c’est respecter l’auteur d’une proposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

De toute façon, je tiens à mettre les choses au point par rapport à votre interprétation !

En outre, nos collègues socialistes savent très bien que l’on ne peut pas traiter la question de la garde à vue en deux heures. Ils le savent d’autant mieux qu’ils ont déposé une proposition de loi sur un autre thème important dont nous débattrons tout à l’heure.

Dans le cadre de l’initiative parlementaire, nous avons deux possibilités : ou bien voter des propositions de loi, ce qui n’est possible que sur un sujet précis et relativement simple, susceptible d’être traité dans un délai de quatre heures, ou bien décider du renvoi en commission. Cette dernière solution me semble plus respectueuse du travail parlementaire, surtout dans le cas du débat d’ensemble relatif à la garde à vue et à la réforme de la procédure pénale.

En effet, le renvoi en commission signifie non pas qu’il n’y a rien à voir, mais qu’il y a un vrai sujet ! D’ailleurs, il serait facile pour la majorité, quand une proposition de loi ne lui convient pas, de la rejeter purement et simplement à l’issue de la discussion en séance publique.

Nous sommes, au contraire, particulièrement respectueux des propositions de nos collègues et du travail de la commission sur ce sujet. On ne peut pas venir nous le reprocher après !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi, par M. Zocchetto, au nom de la commission, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, la proposition de loi portant réforme de la garde à vue (201 rectifié, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

monsieur le président, je considère que j’ai défendu cette motion lors de mon intervention dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, contre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Nous ne comprenons pas cette demande de renvoi à la commission.

Tout le monde s’accorde ici sur le fait qu’une réforme est nécessaire pour remédier à la carence du dispositif actuel, qui entraîne d’énormes difficultés sur le plan du droit et des libertés.

Tout le monde s’accorde aussi pour déplorer la récente multiplication des gardes à vue, y compris pour des faits mineurs, dans des conditions inhumaines et indignes. Il y a vraiment urgence tant ces dérives, cette hémorragie sont devenues inacceptables.

Nous ne comprenons pas pourquoi nous devrions encore attendre une réforme globale de la procédure pénale. La majorité ne vient-elle pas d’adopter une proposition de loi relative au régime de publicité applicable devant les juridictions pour mineurs ? Le Gouvernement n’a-t-il pas déposé, sous la responsabilité de Mme le garde des sceaux, un projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, lequel comporte une modification et une réforme du code de procédure pénale, notamment en ce qui concerne l’ordonnance pénale ?

Pourquoi faudrait-il attendre pour certains textes et pas pour les autres ? Pourquoi la justice serait-elle à vitesse variable ? Je ne le comprends toujours pas, et je regrette que vous n’ayez pas répondu clairement à ces questions, monsieur le secrétaire d’État !

On ne doit pas craindre pour ses droits ! Lorsqu’il y a privation de liberté, enfermement, il y a urgence parce que c’est la dignité humaine qui est touchée ! Dès lors, nous n’avons pas le droit d’attendre plus longtemps pour remédier à cette situation.

J’ai lu dans le rapport que cette proposition de loi devrait être examinée au dernier trimestre 2010. Mais, compte tenu de la navette, de la quantité de textes inscrits à l’ordre du jour et des séances qui seront consacrées à la discussion budgétaire, le vote de cette proposition de loi sera reporté d’au moins un an. Or, pendant ce délai, ce sont 600 000 personnes qui seront placées en garde à vue, 600 000 personnes qui verront encore leur dignité bafouée dans des conditions inacceptables et en violation du droit européen !

Décidément, il n’est plus possible d’attendre ! D’ailleurs, l’incertitude qui pèse sur la réforme de la procédure pénale risque de renvoyer la discussion de la proposition de loi sur la garde à vue à une échéance encore plus lointaine, alors que l’adoption de ce texte est plus que nécessaire !

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous devons faire preuve d’un peu de courage politique, car c’est aussi ce que les Français attendent de nous ! Nous ne devons plus accepter que 600 000 personnes se retrouvent aujourd’hui victimes, victimes en violation de leurs droits, en violation de leur dignité, tout simplement parce que nous attendons une prétendue réforme qui ne vient pas et qui ne répondra pas à nos demandes !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est la raison pour laquelle je vous demande de voter contre cette motion de renvoi à la commission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État

Le Gouvernement est favorable à la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

La motion est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

En conséquence, le renvoi à la commission est ordonné.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je rappelle que la commission des finances a proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Jean-Pierre Fourcade membre du conseil d’administration de l’établissement public de réalisation de défaisance et M. Yvon Collin, membre du conseil d’orientation stratégique du fonds de solidarité prioritaire et membre suppléant du conseil d’administration de l’Agence française de développement.

Je rappelle que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Pierre Leleux membre du conseil d’administration de France Télévisions.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, présentée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 291, rapport n° 394).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, on assiste, depuis quelques semaines, à un intéressant mouvement de nominations de femmes, certaines « illustres », en tout cas « emblématiques » et membres du réseau habituel, aux conseils d’administration de quelques fleurons du CAC 40, et j’ai remarqué que l’industrie du luxe, notamment, était très à la pointe.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Dans le même temps, on a constaté que les organisations patronales que sont le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, et l’Association des entreprises privées, l’AFEP, menaient une campagne de communication vantant les mérites de l’autorégulation. Elles signifient, par là même, leur refus qu’on recoure à la loi, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… reprenant ainsi le discours qu’elles avaient tenu lorsqu’il s’était agi des grosses rémunérations.

Je veux donc croire que le mouvement opéré par le législateur, tant à l’Assemblée nationale avec l’adoption de la proposition de loi présentée par M. Copé, Mme Zimmermann et plusieurs députés de l’UMP qu’au Sénat avec le dépôt de la proposition de loi du groupe socialiste que je défends aujourd'hui, a été l’élément déclencheur de ces nominations et de cette opération de communication, ce qui, mes chers collègues, ne doit pas manquer de réconforter le législateur que nous sommes !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

J’ai d’ailleurs la conviction que c’est là l’un des rôles du législateur, et je vous propose donc, mes chers collègues, de ne pas nous arrêter en si bon chemin !

La proposition de loi que mon groupe a déposée s’inscrit dans la continuité de notre volonté de réformer la gouvernance des entreprises.

En novembre 2008, nous avons défendu devant vous une proposition de loi visant à réformer le statut des dirigeants de sociétés et à encadrer leurs rémunérations. Aujourd’hui, nous nous intéressons à la concentration des pouvoirs et – je ne crains pas d’utiliser ce terme – à l’« endogamie » qui en résulte, notamment au sein des sociétés cotées.

Que voulons-nous ? Notre objectif, auquel je crois pouvoir rallier la totalité de cet hémicycle, a fortiori sur fond de crise financière, est de favoriser la prise en compte par les entreprises, notamment les entreprises cotées, du long terme dans leur gestion, de prévenir les conflits d’intérêts et de permettre une représentation diversifiée dans la prise de décision économique.

Il importe donc de renforcer l’implication et l’indépendance des mandataires sociaux dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance. Et il nous semble que le meilleur moyen pour y arriver est de limiter les possibilités de cumul de leurs mandats, exécutifs et non exécutifs.

En effet, le cumul des mandats, souvent déraisonnable, est un frein à la diversité des sexes et des nationalités, mais aussi à la diversité sociologique, à l’indépendance des mandataires sociaux et à l’amélioration de ce qu’il est convenu d’appeler la « bonne gouvernance » des entreprises.

Le code de gouvernement d’entreprise de l’AFEP le précise lui-même : « L’administrateur doit consacrer à ses fonctions le temps et l’attention nécessaires. Lorsqu’il exerce des fonctions exécutives, il ne doit, en principe, pas accepter d’exercer plus de quatre autres mandats d’administrateur dans des sociétés cotées, y compris étrangères, extérieures à son groupe. » Voilà qui est parler d’or !

Hélas ! la réalité est fort éloignée de ces beaux principes. Nous ne pouvons donc croire aux vertus spontanées de l’autorégulation.

Ainsi, sur un total de 500 administrateurs de sociétés inscrites au CAC 40, quatre-vingt-dix-huit personnes concentrent aujourd'hui encore 43 % des mandats.

Quant à la féminisation de l’encadrement, elle est toute relative. Si, dans les sociétés du CAC 40, les femmes représentent, en moyenne, 28 % des cadres supérieurs, ce taux n’a, jusqu’à présent, pas reçu de traduction à l’échelon des organes de décision exécutifs : rapporté à la seule composition des conseils d’administration, il tombe, en moyenne, à 10, 5 % !

C’est ainsi que la banque Natixis vient juste de nommer une femme à son conseil d’administration : elle est la seule femme parmi les quinze administrateurs que compte celui-ci. Quant au conseil d’administration du Crédit Agricole, sur vingt et un membres, il compte trois femmes. Les femmes, on le sait, sont pourtant très nombreuses dans les activités bancaires, y compris dans l’encadrement !

Nous en sommes convaincus, pourvoir à la libération des sièges d’administrateurs, exécutifs et non exécutifs, est donc un préalable au rééquilibrage en faveur des femmes.

La spécificité de notre proposition de loi par rapport à celle de l’Assemblée nationale repose sur deux mouvements qui, à notre avis, doivent être concomitants.

Nous proposons de réduire le nombre de mandats que peut détenir une personne physique à trois mandats légaux, soit cinq mandats réels possible par le jeu des dérogations et la comptabilisation des mandats dans les filiales, tant dans des sociétés sur le territoire français que dans des sociétés étrangères, comme le recommande du reste l’AFEP dans son « code de bonne conduite ».

Nous nous situons là dans la continuité des dispositions que nous avions défendues et que le Parlement avait adoptées dans le cadre de la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001, dite « loi NRE », qui avait limité à cinq le nombre de mandats qu’une personne peut exercer dans plusieurs sociétés.

Cependant, la portée de cette loi a été fortement limitée, je veux le rappeler, après l’élection présidentielle et les élections législatives de 2002, par une autre majorité parlementaire. Quelques jours avant la date couperet du 16 novembre 2002, fixée pour obliger les mandataires sociaux à se mettre en conformité avec les dispositions de la loi NRE, est en effet intervenue la loi modifiant certaines dispositions du code du commerce relatives aux mandats sociaux du 29 octobre 2002, qui a assoupli la loi NRE s’agissant à la fois de la sévérité de la sanction et des exceptions aux règles de cumul.

On peut ainsi disposer aujourd'hui de trois mandats exécutifs et cumuler neuf mandats non exécutifs. Et, comme on ne compte pas les mandats détenus dans les filiales, ce seuil théorique est, en réalité, largement dépassé. Cette situation nous semble tout à fait déraisonnable !

Aussi proposons-nous de réduire le nombre de mandats d’administrateur à trois dans les sociétés qui ont leur siège sur le territoire français ou hors du territoire, de réduire le nombre de mandats exécutifs à un, de limiter les dérogations à un mandat d’administrateur exécutif supplémentaire dans une filiale et de comptabiliser les mandats d’administrateur non exécutif détenus dans les filiales non cotées pour un seul mandat dans la limite de trois.

Cette dernière limitation peut paraître sévère, j’en conviens, mais nous acceptons de débattre de ce point, madame le rapporteur. En effet, comme je vous l’ai dit lors de mon audition, ce qui compte, c’est l’objectif.

Je pense tout particulièrement à la limite du cumul des mandats dans les filiales, cotées ou non.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

En effet, en matière de stratégie industrielle, on peut comprendre la nécessité qu’il y a à siéger dans les instances des filiales, en cas de restructuration, par exemple. Il n’en reste pas moins qu’il nous faudra bien fixer une limite raisonnable.

En application de nos propositions, les administrateurs auraient trois mois après l’entrée en application de la loi pour se mettre en conformité. À défaut, ils seraient réputés démissionnaires de tous leurs mandats et les délibérations auxquelles ils auraient pris part seraient réputées invalides.

Cependant, madame la secrétaire d'État, madame le rapporteur, nous sommes également ouverts à la discussion sur ce mode de sanction, qui est inspiré par le même esprit que celui qui a présidé à la rédaction de la loi NRE.

Enfin, il n’aura échappé à personne que l’une des spécificités de cette proposition de loi est de rendre incompatible l’exercice d’un mandat exécutif dans une société publique avec la détention d’un mandat dans une société privée. Mon collègue Richard Yung reviendra en détail sur ce point, auquel, comme lui, le groupe socialiste tient beaucoup.

S’agissant de la répartition équilibrée entre hommes et femmes, j’ai déjà dit que nous estimions – et je vais le démontrer – que les limites au cumul des mandats « donneraient de l’air » aux conseils d’administration et aux conseils de surveillance.

Ayant, comme Mme le rapporteur l’a certainement fait, elle aussi, pris l’attache de l’Institut français des administrateurs, l’IFA, que préside par M. Lebègue, je sais qu’un vivier de femmes est rapidement mobilisable pour occuper les places qui seraient libérées.

Je tiens d’autant plus à y insister que nous entrons dans la période au cours de laquelle les assemblées d’actionnaires se réunissent et procèdent aux nominations dans les conseils d’administration. Je vais donc appuyer mon propos sur quelques chiffres significatifs.

Aujourd'hui, il y a un total de 1 482 sièges d’administrateur dans le SBF 120 – qui regroupe cent vingt sociétés cotées –, dont 577 pour les sociétés du CAC 40.

Sur ces 1 482 sièges, 1 000 personnes cumulent plusieurs mandats, de la manière suivante : 121 personnes, dont 11 femmes, ont deux mandats ; 42 personnes, dont une seule femme, ont trois mandats ; 14 personnes, dont aucune femme, ont 4 mandats ; 8 personnes, dont une femme, ont 5 mandats ; enfin, 3 personnes, dont aucune femme, ont 6 mandats. Ces chiffres démontrent que les femmes ne sont guère concernées par le cumul des mandats sociaux…

L’IFA estime que, à l’approche des assemblées générales des mois de mai et juin prochains, 130 renouvellements de mandats sont à prévoir pour les sociétés du CAC 40 et 166 renouvellements de mandats pour le SBF 120. Si l’on proposait ces 296 postes, on atteindrait le seuil de 20 % en une seule année, et celui de 40 % en trois ans ! C’est dire que, si on le veut, on peut aller vite !

Certes, notre texte dépasse le périmètre des sociétés cotées. Notre référence est la définition européenne des grandes sociétés, c’est-à-dire celles qui emploient plus de 250 salariés et qui réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros. Là encore, on peut discuter du seuil, mais, je le répète, nous voulons fixer un objectif. Qui veut le plus, peut le moins !

En tout cas, madame le rapporteur, monsieur le président de la commission, je suis prête à parier qu’appliquer la parité dans les sociétés cotées aura valeur d’entraînement pour toutes les sociétés.

L’objectif est de parvenir à une proportion des administrateurs de chaque sexe qui ne peut être inférieure à 40 %. Nous rejoignons ici la proposition de loi de Mme Zimmermann et de M. Copé qu’a adoptée l’Assemblée nationale : six mois pour remédier à l’absence de représentation d’un des deux sexes, trois ans pour atteindre le seuil de 20 %, six ans pour parvenir à 40 %. Mais je viens de démontrer que l’on pouvait aussi aller plus vite.

S’agissant des sanctions, en revanche, nous nous éloignons de cette proposition de loi. Nous proposons que les nominations intervenues en violation du principe de représentation de chaque sexe à hauteur de 40 % au moins soient réputées nulles, ainsi que les délibérations du conseil. Celui-ci doit procéder à des nominations provisoires dans un délai d’un mois et à de nouvelles nominations dans un délai de trois mois.

Est-ce trop sévère ? Compte tenu du délai dont disposent les sociétés pour se préparer à appliquer les nouvelles règles, nous ne le pensons pas. Si vous nous prouvez, madame le rapporteur, que la nullité des seules délibérations non conformes auxquelles ont pris part les administrateurs suffit, nous sommes prêts à l’admettre. Ce que nous voulons atteindre, encore une fois, c’est un objectif.

Nous souhaitons débattre, et nous sommes ouverts aux modifications utiles à un objectif qui peut être partagé par tous : limiter le cumul des mandats et diversifier les administrateurs. Je consulte chaque jour la liste des nominations au sein des grands groupes du CAC 40. Cette lecture me conduit à penser qu’en nommant des femmes présentant toutes le profil sociologique habituel, nous n’aurons fait qu’une partie du chemin. Le but à atteindre est d’appréhender la modernisation des pratiques de gouvernance dans leur ensemble.

Selon l’IFA, au terme des six années, sur la base des 1 482 mandats du SBF 120, ce sont 592 mandats qui devront être libérés pour les femmes afin d’atteindre l’objectif de 40 %.

Mes chers collègues, sommes-nous capables de prendre la suite de l’État le plus avancé en la matière en Europe, à savoir la Norvège ? Depuis 2003, dans ce pays, chacun des deux sexes doit être représenté à hauteur d’au moins 40 %.

La méthode employée par les Norvégiens est intéressante. Ils ont commencé par appliquer le quota aux entreprises publiques et ils ont fait confiance aux entreprises privées pour s’adapter. Ayant constaté, très rapidement, que ces dernières ne s’adaptaient pas, ils ont décidé de leur appliquer la loi : elles ont eu deux ans pour réaliser l’objectif des 40 %, qui a été atteint en 2008. Cela montre toute l’importance de la loi, y compris dans des pays qui n’y recourent pas de façon habituelle et privilégient la voie de la convention, de la négociation, du contrat.

Je vois que vous m’écoutez attentivement, madame la secrétaire d’État, et je tiens à vous en remercier, car ce n’est pas le cas de tous les membres du Gouvernement !

Madame le rapporteur, vous m’avez avertie courtoisement que vous demanderiez le renvoi en commission afin d’attendre l’examen de la proposition de loi de nos collègues députés. Mais permettez-moi de douter que, compte tenu de l’encombrement législatif, elle soit inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée avant la fin de la session.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous me direz ce qu’il en est, monsieur Hyest ; peut-être ai-je mal compris.

En tout cas, moi, je pense qu’il faut aller vite sur ce sujet. Je ne suis pas du tout convaincue que la proposition de loi de Mme Zimmermann et de M. Copé viendra en discussion avant la fin de la session. Et je redoute, avec mes collègues socialistes, de devoir en rester aux codes de bonne conduite, dont nous savons, par expérience, qu’ils ne sont pas, ou très peu et très lentement, suivis d’effet.

Je m’adresserai directement au groupe majoritaire, l’UMP : il doit prendre l’initiative, car il en a le pouvoir. S’il ne le fait pas avant la fin de la session, nous en conclurons qu’il n’a pas la volonté d’aboutir. Le vote intervenu à l’Assemblée nationale n’aura donc été qu’un moulinet, qu’une éolienne brassant du vent, sans produire l’énergie nécessaire pour parvenir à bonne fin !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y a parfois des vents contraires !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. Nous trouvons gênante votre proposition de renvoi en commission, alors même que le groupe socialiste du Sénat et le groupe UMP de l’Assemblée nationale partagent le même objectif : il faut se lancer sans perdre de temps !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Nous sommes saisis d’une proposition de loi de notre collègue Nicole Bricq relative aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance.

Notre collègue part du constat objectif – et je pèse mes mots ! – de la sous-représentation des femmes dans les lieux de pouvoir économique que sont les conseils d’administration et de surveillance. Elle estime qu’une limitation plus stricte du cumul de mandats sociaux sera un levier efficace pour les ouvrir aux femmes.

Cette question relève de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et de l’égal accès aux fonctions de direction économique et sociale. Cette intéressante initiative parlementaire vient après la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : l’article 1er de la Constitution affirme désormais que la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales.

M. le président de la commission des lois opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est à rapprocher de celle qui est relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, déposée par Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann, et adoptée par l’Assemblée nationale le 20 janvier dernier. La convergence de ces deux initiatives parlementaires est incontestablement un signe fort de la volonté du Parlement d’agir dans ce domaine.

Cette sous-représentation des femmes est indiscutable, persistante et regrettable.

Tout d’abord, elle est indiscutable. Si les entreprises françaises, dans leur globalité, comptent environ 17 % de femmes dirigeantes, ce pourcentage est légèrement supérieur dans les entreprises de moins de dix salariés, où il atteint 18, 5 %. Mais il fléchit très vite au sein des entreprises de grande taille, et tombe à 8 % dans celles de 200 salariés et plus.

Tous les rapports, tous les états des lieux le montrent, et Mme Bricq l’a également rappelé : s’agissant des entreprises du CAC 40, la représentation des femmes dans les conseils d’administration et de surveillance est seulement d’un membre sur dix. Cinq entreprises ne comptent aucune femme dans leur organe de direction : Cap Gemini, EADS, ST Microelectronics, Vallourec, Veolia Environnement. Quatre ont une représentation supérieure à 20 % : BNP Paribas avec 28, 5 %, Michelin avec 25 %, L’Oréal avec 21, 4 %, Pernod Ricard avec 21, 4 %. À titre de comparaison, les pourcentages atteignent 24 % en Finlande, 27 % en Suède et 42 % en Norvège. La moyenne de l’Union européenne est à 11 % et les États-Unis sont à 15 %.

Ensuite, cette sous-représentation est persistante. En effet, l’évolution annuelle récente de la place des femmes dans les conseils d’administration des plus grandes capitalisations boursières reste très modérée. Dans le cadre des entreprises du CAC 40, les femmes étaient 57 en 2008 et 56 en 2009 ; en 2003, elles représentaient 5 % des administrateurs. Si l’on appliquait ce coefficient d’évolution naturelle, il faudrait attendre l’année 2075 pour atteindre l’objectif visé !

Le 19 avril dernier, l’AFEP et le MEDEF ont intégré dans le code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées une recommandation relative à la représentation des femmes au sein des conseils.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

L’AFEP indique, par ailleurs, que le pourcentage de femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance des entreprises du CAC 40 passerait, pour les assemblées publiées à ce jour au bulletin des annonces légales obligatoires, le BALO, de 10, 80 % à 15, 6 % en 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Il existe donc un mouvement naturel et spontané, en France comme en Europe, d’accroissement de la place des femmes. Mais je considère que ce mouvement demeure trop lent. L’évolution naturelle ne permettra pas d’atteindre, me semble-t-il, une représentation équilibrée dans un délai raisonnable. L’autorégulation ne marche pas. Je pense donc qu’il est devenu impératif d’agir. Les initiatives législatives prises en ce domaine sont, par conséquent, les bienvenues.

Enfin, cette sous-représentation est regrettable. La mixité des sexes est, en effet, une valeur ajoutée pour l’entreprise. Si la mixité au sein des directions d’entreprise peut être prônée pour des raisons juridiques, notamment au nom de l’affirmation du principe d’égalité entre les hommes et les femmes, elle peut aussi l’être en fonction de considérations d’ordre économique et financier.

De nombreuses études ont été publiées en ce sens et montrent, par exemple, que la diversité au sein des conseils d’administration aboutit à des discussions stratégiques plus constructives et à des approches différentes des enjeux. Les femmes ont un style de management qui leur est propre, et l’analyse de l’attitude envers le risque montre qu’elles répondent d’une manière différente et appréhendent mieux le risque.

Un rapport commandé par la Commission européenne relève que l’accroissement de la place des femmes contribue à l’amélioration des performances économiques ; excusez du peu ! La féminisation ouvre les conseils d’administration et de surveillance sur de nouvelles perspectives, tout en améliorant leur fonctionnement.

Il est dit, dans le même rapport, que si l’Europe entend sortir réellement de la crise et devenir, grâce à une croissance intelligente et solidaire, compétitive sur le plan économique, nous devons mieux exploiter les compétences et les talents féminins. L’égalité entre les hommes et les femmes se situe donc, par là même, au cœur de la stratégie européenne.

J’ajoute qu’il est de la plus haute importance, dans la situation économique actuelle, de mobiliser tous les talents. Il n’est plus question de gaspiller des compétences et un potentiel économique à cause d’une perception obsolète du rôle des femmes et des hommes et de leur capacité à diriger.

L’aspect des compétences est, comme vous l’avez dit, madame Bricq, un point clé de l’accélération du changement. À ce sujet, la question de l’existence ou non d’un vivier suffisant de femmes ne se pose plus aujourd’hui. Disons-le clairement, les entreprises comptent suffisamment de femmes qui répondent aux exigences de compétence et d’expérience professionnelle pour rejoindre les conseils d’administration ou de surveillance.

J’affirme donc que le vivier des compétences existe bel et bien chez les femmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

J’en viens à la levée du verrou constitutionnel.

Le 16 mars 2006, le Conseil constitutionnel a censuré la loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, considérant que le principe d’égal accès des femmes et des hommes ne s’appliquait qu’aux élections à des mandats et fonctions politiques. Il a précisé : « la Constitution ne permet pas que la composition des organes dirigeants ou consultatifs des personnes de droit public ou privé soit régie par des règles contraignantes fondées sur le sexe des personnes. »

Mes chers collègues, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a permis de lever ce verrou : le second alinéa de l’article 1er de la Constitution dispose maintenant que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

J’ai plaisir à rappeler que c’est sur l’initiative du président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, que cette disposition figure désormais à l’article 1er de notre loi fondamentale, car l’Assemblée nationale l’avait initialement inscrite à l’article 34 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

rapporteur. J’en viens maintenant à la convergence des deux initiatives parlementaires.

Nous sommes saisis aujourd’hui de la proposition de loi présentée par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, mais il convient aussi de rappeler l’initiative prise, à l’Assemblée nationale, par nos collègues Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

rapporteur. Vous avez raison, ma chère collègue, mais je crois aussi que la signature d’un président de groupe politique a donné toute son autorité et toute sa force à cette proposition de loi. Peut-être n’aurait-elle pas été adoptée par l’Assemblée nationale si le président du groupe UMP n’avait pas, en apposant sa signature, donné de l’importance à ce texte. Je considère, ma chère collègue, que la cosignature de Jean-François Copé n’est pas anodine dans cette affaire.

L’Assemblée nationale a donc adopté, en première lecture, cette proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle. Et elle a été officiellement transmise au Sénat, je tenais à le souligner.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Ces deux textes partagent le même objectif : garantir la présence de 40 % de femmes dans les conseils d’administration ou de surveillance des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions, ainsi que dans les organes dirigeants des entreprises publiques, avec des délais de mise en œuvre.

Toutefois, leurs périmètres sont, bien sûr, différents concernant les entreprises privées. Des modalités essentielles, telles les sanctions, diffèrent également. Mais la proposition de loi de Mme Bricq intègre, elle aussi, des mesures complémentaires importantes, comme les dispositions de non-cumul de mandats sociaux. La convergence entre ces deux initiatives parlementaires n’en est pas moins réelle.

La proposition de loi de Mme Bricq fixe un objectif de 40 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance.

Compte tenu des règles de composition des conseils d’administration et de surveillance, il était en effet difficile de prévoir une stricte parité ; je partage votre point de vue, madame Bricq. La règle des quotas a donc été retenue comme un mal nécessaire. C’est important, car de nombreuses modifications peuvent se produire dans un conseil d’administration, par exemple, à la suite d’un accident. Il me semble donc tout à fait réaliste d’avoir retenu ce quota de 40 %.

Par ailleurs, la proposition de loi prévoit un palier de 20 % dans les trois ans pour les seules sociétés cotées.

Lorsqu’un administrateur est une personne morale, son représentant est pris en compte dans le respect des règles de représentation équilibrée. Cette disposition est également très importante pour éviter d’offrir une possibilité d’échappatoire considérable.

En cas de vacance, lorsque les règles de représentation équilibrée ne se trouvent plus respectées, le conseil d’administration doit procéder à des nominations provisoires dans les trois mois.

Les administrateurs élus par les salariés ne sont pas pris en compte pour la détermination du quota. Toutefois, si ces administrateurs sont élus par scrutin de liste, chaque liste doit être composée de manière paritaire.

Le président du conseil d’administration doit rendre compte à l’assemblée générale du respect des règles de parité.

Des dispositions analogues sont prévues pour les conseils de surveillance et pour les sociétés en commandite par actions.

L’article 10 de la proposition de loi vise les sociétés publiques, ainsi que les établissements publics industriels et commerciaux de l’État et tous les établissements publics administratifs de l’État.

S’agissant du périmètre concernant les sociétés privées, les sociétés visées sont celles qui comptent plus de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros.

Le conseil d’administration ou le conseil de surveillance délibère annuellement de la politique d’égalité salariale. Il sera important, de mon point de vue, de s’intéresser, au-delà du conseil d’administration, aux différents comités de nomination et de rémunération, même si les règles en la matière figurent non dans la loi, mais dans les statuts des différentes sociétés.

S’agissant des sanctions, sont prévues la nullité des délibérations en cas de composition non conforme du conseil dans le cadre du fonctionnement normal et, dans le cadre de la période transitoire, la nullité des nominations qui contreviennent à la règle des 20 % puis des 40 %, cette nullité entraînant la nullité des délibérations auxquelles ont pris part les membres nommés irrégulièrement. J’ai déjà eu l’occasion de dire à Mme Bricq mon souci de préserver une sécurité juridique tout en prévoyant de vraies sanctions, permettant la réalisation de l’objectif poursuivi.

La proposition de loi s’appuie sur une plus forte limitation du cumul des mandats sociaux : hors le cas des administrateurs personnes morales, le texte limite à trois le nombre de mandats d’administrateurs ou de membres d’un conseil de surveillance ou d’un directoire susceptibles d’être cumulés, que la société soit cotée ou non et quel que soit le lieu de son siège.

Le texte ajoute qu’une même personne ne peut exercer simultanément plus d’un mandat de président de conseil d’administration, de directeur général, de président du directoire, de directeur général unique ou de président du conseil de surveillance.

Actuellement, on peut cumuler jusqu’à cinq mandats d’administrateur ou de membre de conseil de surveillance et on peut cumuler jusqu’à cinq mandats de directeur général membre du directoire directeur général unique. La proposition de loi semble contenir une contradiction concernant le mandat de membre du directoire ; nous examinerons cette question.

Il est certain que, au sein des sociétés relevant du CAC 40, 22 % des mandataires sociaux concentrent 43 % des droits de vote du fait du cumul.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Par ailleurs, la proposition de loi prohibe le cumul des fonctions de président du conseil d’administration, directeur général, membre du directoire ou président du conseil de surveillance dans une entreprise privée avec les mêmes fonctions dans une entreprise du secteur public.

Je rappelle que le Sénat s’est prononcé sur cette question dans le cadre de la proposition de loi présentée par M. Yvon Collin, adoptée en novembre 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mes chers collègues, voilà de très nombreuses dispositions qui modifieraient assez profondément la législation en vigueur et sur lesquelles un travail de fond me semble nécessaire.

Réunie le 7 avril dernier, la commission des lois a décidé de proposer de réunir les deux initiatives parlementaires de façon à pouvoir les étudier conjointement, dans un esprit constructif.

En effet, plutôt que d’examiner deux textes séparément, il semble préférable, pour une bonne coordination des initiatives législatives du Sénat et de l’Assemblée nationale, plus logique de poursuivre la navette engagée par la transmission de la proposition de loi de l’Assemblée nationale, en lui joignant le texte défendu par Nicole Bricq.

Il reste à trancher des questions de fond, comme le périmètre exact des entreprises concernées ou les sanctions attachées au respect des dispositions adoptées. Et, compte tenu de l’ampleur du sujet abordé, un travail important est à mener. Dans ces conditions, il y a lieu, en termes d’efficacité, d’éviter des navettes inutiles.

Ainsi, je vous proposerai à ce stade, dans l’attente de l’inscription à l’ordre du jour du Sénat de la proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale, d’adopter une motion de renvoi à la commission. Je suis confiante, madame Bricq : si cette discussion ne peut pas se faire avant la fin de cette session ordinaire, elle aura lieu à l’automne, juste après la reprise de nos travaux. Il faut le préciser, un travail ambitieux d’auditions de plus de quatorze heures, d’ores et déjà programmé, et il est susceptible de commencer dès le 5 mai prochain. Ces auditions sont très importantes à mes yeux.

Je réitère ma confiance dans l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat et dans le travail de fond de la commission des lois sur un sujet qui m’apparaît primordial.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, madame Bricq, mesdames, messieurs les sénateurs, s’il est vrai que le travail féminin a acquis une légitimité sociale…

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

… irréversible, il est également vrai que son statut n’est pas encore semblable à celui des hommes.

C’est une réalité, les inégalités perdurent. Ce sont elles que vise à combattre la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et dont l’objectif est d’augmenter de façon significative la représentation des femmes dans les conseils d’administration. Mais, je le dis d’emblée, les moyens proposés nous paraissent excessifs, voire contre-productifs.

La salarisation massive des femmes, l’ouverture des carrières aux deux sexes n’ont nullement empêché que soient reconduites des différences inacceptables. Le rapport remis en juillet dernier par Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, dresse, dans ce domaine, un constat accablant. En France, les femmes sont près de deux fois plus souvent rémunérées au niveau du SMIC que les hommes : près de 20 % d’entre elles, contre 11 % d’entre eux. Elles sont cinq fois plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel : 30 % de femmes, contre 6 % d’hommes en 2007. Et, à responsabilités équivalentes, leur rémunération moyenne est inférieure de 27 % à celle des hommes.

L’égalité avec les hommes semble la chose la plus naturelle et, en même temps, la plus chimérique ! Au fil des années – 1972, 1983, 2001, 2006 –, aucun des textes législatifs adoptés jusqu’ici n’a permis de remédier efficacement aux inégalités existantes.

Heureusement, un pas décisif a été franchi l’an dernier : la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 portant modernisation des institutions de la Ve République a érigé en principe constitutionnel l’exigence d’égalité.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

La Constitution prévoit désormais que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

L’égalité professionnelle constitue une priorité de notre action.

Le 6 novembre dernier, nous avons rencontré, Xavier Darcos et moi-même, les partenaires sociaux au sein de la commission nationale de la négociation collective. Il leur a été remis, à cette occasion, un document d’orientation définissant les trois axes que le Gouvernement souhaite voir traités en matière d’égalité professionnelle.

Il s’agit, premièrement, de poser des règles plus simples, notamment pour les obligations de négocier, et ce afin de faire en sorte que les entreprises puissent établir un diagnostic.

Il s’agit, deuxièmement, de faire une meilleure place aux femmes dans l’entreprise en améliorant la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle et en favorisant une plus grande présence des femmes dans toutes les instances de direction des entreprises.

Il s’agit, troisièmement, de se donner les moyens d’appliquer la loi grâce à la transparence de certaines informations et à un système calé sur l’évolution des indicateurs relatifs à l’égalité professionnelle et de carrière des femmes.

L’ensemble des organisations patronales et syndicales nationales et interprofessionnelles ont fait part de leurs positions. Au vu de ces échanges, le Gouvernement a constaté qu’une négociation pouvait se tenir entre les partenaires sociaux sur tout ou partie des sujets évoqués par ce document d’orientation et qui sont dans le champ de la négociation collective nationale : travail à temps partiel, temps partiel familial et mise en place d’un entretien de conciliation entre vie personnelle et professionnelle, négociations collectives prévues par le code du travail conduisant à traiter des questions d’égalité professionnelle, représentation des femmes dans les instances représentatives du personnel.

À l’issue de ces négociations, il sera possible de définir, sur l’ensemble des aspects évoqués dans le document d’orientation, les moyens d’action pour que la situation en matière de réduction des écarts de salaire et de carrière, de durée de promotion ou d’accès des femmes aux fonctions de dirigeantes s’améliore réellement.

Je suis heureuse que vienne en débat la question de la place des femmes dans les conseils d’administration, car c’est l’une des facettes de l’égalité professionnelle que nous cherchons à promouvoir.

Chacun sait qu’en ce domaine notre pays est loin d’être exemplaire puisqu’on ne compte que 8 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des 500 premières sociétés françaises. La France fait donc pâle figure en comparaison de certains pays, en particulier de certains pays scandinaves : il y a plus de 41 % de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises norvégiennes, 27 % en Suède, 20 % en Finlande.

Toutefois, vous le savez, une proposition de loi de Marie-Jo Zimmermann et de Jean-François Copé a été adoptée à l’Assemblée nationale le 20 janvier dernier. J’en rappellerai les principales dispositions.

Aux termes de ce texte, dans six ans, les sociétés cotées devront compter au moins 40 % de femmes au sein de leur conseil d’administration. Un premier palier de 20 % est fixé à l’échéance du troisième anniversaire de la promulgation de la loi. Faute de respecter cet objectif, ces sociétés verront frappées de nullité les nominations irrégulières, mais également les délibérations intervenant à l’issue de la période transitoire de mise en œuvre de ces quotas par les entreprises.

J’ajoute que, lors de l’examen de cette proposition de loi au Palais-Bourbon, le Gouvernement a notamment proposé d’aligner rigoureusement le régime applicable aux entreprises publiques sur celui des entreprises privées. En particulier, il a souhaité que, dans les conseils d’administration des entreprises publiques qui ne comptent aucune femme, une femme puisse être nommée dans les six mois, comme Marie-Jo Zimmermann l’a proposé pour les entreprises privées.

Le texte présenté aujourd’hui par Nicole Bricq, Michèle André, Richard Yung et plusieurs de leurs collègues reprend les principaux articles du texte de Marie-Jo Zimmerman. Mais il contient aussi des dispositions qui, à être trop contraignantes, risquent, selon moi, de se révéler contre-productives.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Ainsi, il tend à durcir le régime des sanctions concernant le secteur privé, en prévoyant la nullité des délibérations y compris après la période transitoire, en réduisant le délai pour procéder à de nouvelles nominations.

Il tend, en outre, à interdire certains cumuls de mandats. La présente proposition de loi élargit en effet le champ du texte adopté par l’Assemblée nationale en traitant également du cumul des mandats, pour lequel elle prévoit trois types de limitation : l’interdiction du cumul de plus de trois mandats d’administrateur dans le secteur privé, au lieu de cinq mandats au maximum actuellement ; l’interdiction de cumuler plus d’un mandat de président de conseil d’administration, de directeur général, de président de directoire, de membre de directoire, de directeur général unique, de président de conseil de surveillance ; l’interdiction du cumul des mandats de président de conseil d’administration, de directeur général, de membre de directoire, de président de conseil de surveillance du secteur privé et du secteur public.

Le texte élargit également le champ d’application du quota, dans le secteur privé, aux entreprises qui emploient au moins 250 salariés et qui ont un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros au cours de l’exercice. Est ainsi introduit un nouveau seuil, quand seules les entreprises de plus de 300 salariés ont l’obligation de réaliser le rapport de situation comparée.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Enfin, est introduite une sanction nouvelle qui touche à la rémunération des administrateurs concernés.

Pour ce qui est de la diminution du nombre de mandats d’administrateur exerçables par une même personne, elle n’est pas, en l’état, opportune, ne serait-ce que parce que ces modifications auraient des conséquences qui iraient bien au-delà de l’objectif de parité. Il n’est aucunement justifié d’empêcher un dirigeant de droit privé d’une entreprise publique d’exercer une autre fonction dans une entreprise privée dès lors que cette seconde activité ne nuit pas à l’exercice de ses fonctions dans le cadre de la direction de l’entreprise publique. En effet, pourquoi priver certaines entreprises publiques de la participation avisée de grands dirigeants exerçant dans le privé, alors même que cette participation est le gage d’une connaissance et d’une compétence reconnues ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

En outre, le dirigeant de droit privé d’une entreprise publique serait ainsi soumis à un régime plus strict que les fonctionnaires, pour lesquels la loi du 13 juillet 1983 prévoit certes une interdiction de cumul, mais avec la possibilité d’y déroger, dans certains cas précisés par voie réglementaire, lorsque cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n’affecte par leur exercice.

En résumé, les auteurs de ce texte visent le même but que Marie-Jo Zimmermann et Jean-François Copé, mais selon des modalités plus sévères. Or il me semble que, pour pouvoir entrer en vigueur dans les meilleures conditions, cette réforme doit être équilibrée. Notre objectif est d’encourager les entreprises à accélérer cette démarche, parce que l’égalité n’est pas seulement juste : elle est aussi source d’efficacité et de performance économique. À cet égard, je vous rejoins, madame Bricq, madame Des Esgaulx, et je partage votre avis commun : oui, le vivier potentiel de talents féminins existe !

Une réforme équilibrée implique que les entreprises bénéficient d’un délai minimum de mise en œuvre de ce nouveau dispositif et que le Gouvernement le calibre au mieux pour ne pas créer de contraintes supplémentaires sur les entreprises cotées en France ; sinon, nous pourrions envoyer un message qui ne serait pas compris. Pénaliser les entreprises reviendrait à pénaliser les salariés, donc l’emploi et finalement les femmes dans leur ensemble.

Au demeurant, il n’est sans doute pas inutile de rappeler que les entreprises ne sont pas seules responsables de la situation existante, loin de là. Les résistances à l’égalité professionnelle proviennent d’abord de vieilles représentations du féminin et du masculin, diffusées par l’école, par les médias, ainsi que sur les nouveaux supports culturels.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Notre tâche est de lutter contre les stéréotypes sexistes et les déterminismes qui en découlent. C’est à cela que nous nous employons, notamment en matière d’orientation. Je pourrais vous citer, par exemple, la commission de réflexion sur l’image des femmes, présidée par Michèle Reiser, réalisatrice et membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, commission qui a été créée afin d’élaborer des indicateurs de suivi des stéréotypes de genre dans les médias ; ses travaux seront achevés d’ici au mois de juin prochain.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris : si l’esprit nous semble bon, sur le fond et sur la forme, cette proposition de loi ne peut malheureusement susciter l’approbation du Gouvernement. Néanmoins, quelles que soient nos divergences aujourd’hui, ce que je vous invite à retenir, c’est que nos débats ont d’ores et déjà provoqué un « électrochoc » au sein du monde des entreprises.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

L’AFEP et le MEDEF ont complété leur code sur le gouvernement d’entreprise pour poser l’objectif de 40 % de femmes dans les conseils des sociétés cotées dans les six ans qui viennent, avec un objectif intermédiaire de 20 % dans les trois ans. Dans de grandes entreprises – Alcatel-Lucent, Axa, BNP Parisbas, Bouygues, Capgemini, Crédit agricole… –, de toutes nouvelles administratrices viennent d’être nommées.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. D’ici à l’été, selon les évaluations de l’AFEP, le taux de présence des femmes dans ces instances devrait passer de 10, 8 % à 15, 6 %, soit une amélioration de près de 50 %. Les choses bougent, elles avancent, et c’est grâce à la mobilisation, il faut bien le dire, des parlementaires et du Gouvernement.

Moues sceptiquessur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Certains objecteront sans doute que tant la proposition de loi Zimmermann-Copé que celle qui est examinée aujourd’hui ne sauraient épuiser le sujet. Je leur répondrai que l’instauration de quotas dans les instances dirigeantes des entreprises cotées est un premier pas important et que, comme je l’ai indiqué, l’intention du Gouvernement est d’aller plus loin en traitant la question de l’égalité professionnelle dans sa globalité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en période de crise, d’incertitude économique et sociale, il existe toujours un risque : celui de voir les femmes devenir une variable d’ajustement économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Encore plus au niveau de l’emploi et de la rémunération des salariées que dans les conseils d’administration !

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. L’examen, aujourd’hui, de cette proposition de loi relative aux règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance justifie le dépôt d’une motion de renvoi en commission. C’est avec confiance que je vous donne rendez-vous pour l’examen conjoint des deux propositions de loi : celle de Marie-Jo Zimmermann et Jean-François Copé, celle de Nicole Bricq, Michèle André et Richard Yung. Nous les aborderons, je le dis clairement, dans un esprit constructif.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes engagés là dans un vrai débat de société, un débat politique au sens le plus noble du terme. Au cœur de ce débat, se trouve le problème de la concentration du pouvoir économique, étant entendu que ce problème est lié à celui de la parité, car, à mes yeux, la question de la diversité ne se résume pas à la question de la parité hommes-femmes.

Un État qui n’est pas capable de faire respecter des règles à ceux qui exercent le pouvoir – en premier lieu le pouvoir économique, au demeurant nécessaire et respectable – est un État qui ne saurait durablement imposer des contraintes sociales à ceux qui vivent dans la difficulté en perdant l’espoir de vivre mieux. Le lapidaire « Enrichissez-vous ! » de Guizot a marqué négativement notre histoire, car il y manquait la contrepartie de la justice et de la redistribution.

Les radicaux, initiateurs de l’école obligatoire et accessible à tous, des premiers droits du travail, de l’impôt sur le revenu, restent fidèles à des principes qu’ils ont toujours promus et dont le marasme actuel de nos sociétés, de l’échec soviétique aux crises du capitalisme, renforce encore l’évidence et l’actualité.

Pour nous, l’économie doit être au service de la société et non l’inverse. La liberté d’entreprendre, le jeu de la concurrence sont indispensables, mais ils doivent impérativement être soumis au pouvoir régulateur de l’État, garant du respect de l’équilibre social et du processus de redistribution indispensable à la cohérence de notre société et au respect de tous les citoyens.

Notre assemblée a eu l’occasion de se pencher sur la question du cumul des mandats sociaux à l’occasion de la discussion de la proposition de loi du groupe RDSE adoptée le 18 novembre dernier. Notre propos d’alors, dicté par la nomination du PDG d’une grande entreprise privée à la tête d’EDF, ne s’inscrivait pas tout à fait dans une perspective identique. Quoi qu'il en soit, contrairement à vous, madame la secrétaire d’État, nous sommes de ceux qui considèrent que ce mélange des genres, ce cumul, est extrêmement dangereux et conduit à une concentration du pouvoir économique particulièrement discutable.

La pertinence des questions soulevées à ce moment-là demeure. Le paysage que composent les dirigeants des grandes entreprises françaises reste marqué, on l’a dit, par une forte « endogamie », propre à alimenter les soupçons de collusion d’intérêts, voire de conflits d’intérêts. Oui, 98 personnes concentrent aujourd’hui 43 % des 500 mandats d’administrateurs des sociétés du CAC 40, et les femmes ne représentent que 10 % des administrateurs de ces mêmes sociétés.

Cette concentration des pouvoirs rompt les équilibres entre les pouvoirs fondamentaux de notre société.

Vient d’être publié le « palmarès » des rémunérations des dirigeants des entreprises du CAC 40. On apprend ainsi que, hors stock-options et actions gratuites, leur rémunération globale a augmenté de 4 % l’année dernière, les dirigeants de ces 40 entreprises se partageant un total de 79, 5 millions d’euros. Bien sûr, on se réjouit pour le vainqueur de cette course effarante, qui a touché 4, 4 millions d’euros en 2009. Mais on est piqué de curiosité à l’idée que le morcellement progressif des revenus en de multiples composantes intégrées à des packages – des contrats négociés de plus en plus complexes, mêlant salaire fixe et variable, retraite supplémentaire et stock-options – vise à mieux indexer la rémunération des dirigeants sur « les exigences de la place, des politiques et de l’opinion publique pour réduire les risques d’excès ou, tout du moins, de mieux lier la performance des dirigeants à leurs salaires », comme l’explique un grand quotidien économique.

Cette cascade de chiffres, encore plus aujourd’hui qu’hier, soulève l’indignation, la révolte – et je ne suis pas de ceux qui sont contre le système libéral ! –, au moment où nos compatriotes souffrent d’une crise économique provoquée par la spéculation financière et où le chômage repart de plus belle.

C’est pour lutter contre ces dérives que la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 avait limité à trois le nombre de mandats ; tous les mandats au sein des sociétés anonymes étaient visés. Malheureusement, madame la secrétaire d'État, votre majorité, revenue au pouvoir, s’est empressée de retourner à l’état antérieur du droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La loi du 29 octobre 2002 fixe l’état du droit toujours applicable aujourd’hui. Même si le code de bonne conduite du MEDEF et de l’Association française des entreprises privées recommande de limiter à trois le nombre de mandats cumulés, on sait que cette limite est assez peu suivie dans la pratique.

Madame la secrétaire d'État, qu’incarne cette concentration des pouvoirs si ce n’est la transposition, à la tête de nos grandes entreprises, d’un modèle de reproduction sociale qui favorise l’accès aux grandes écoles à une minorité toujours plus resserrée ? Il n’y a pas tant à s’étonner que des réseaux d’influence très restreints soient autant surreprésentés et pèsent d’un poids si grand et contraire à une véritable démocratie.

Cette situation est particulièrement ambiguë pour un État qui se targue d’être le héraut de la transparence et de la régulation financière internationale !

Mes chers collègues, à ce vice rédhibitoire s’ajoute la sous-représentation des femmes au sein des conseils d’administration. À cet égard, les exemples étrangers qui ont été cités éclairent d’un jour bien peu reluisant la situation française.

On a rappelé, à juste titre, l’article 1er, modifié, de la Constitution. Aujourd'hui, il nous faut aller de l’avant.

Je ne suis certes pas un adepte des quotas, dont la systématisation peut entraîner des effets pervers. Mes chers collègues, faudra-t-il instaurer un quota d’hommes à l’École nationale de la magistrature ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je ne m’avancerai pas sur ce terrain, d’autant qu’une telle idée ne manquerait pas de susciter certaines oppositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Pour la sagesse des décisions, ce ne serait pas une mauvaise idée !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est un autre débat !

Je le dis clairement, nous souscrivons à la proposition de loi de Marie-Jo Zimmermann et Jean-François Copé dans ses grandes lignes. Pour notre part, nous nous réjouissons que la représentation nationale se soit saisie d’une question maintes fois débattue, mais n’ayant finalement jamais été tranchée. Nous estimons que le volontarisme a besoin d’actes pour ne pas rester une vaine incantation. Notre assemblée est donc aujourd'hui pleinement dans son rôle.

Pour l’ensemble de ces raisons, la très grande majorité des membres du RDSE s’opposera à la motion tendant au renvoi en commission. Il faut donner des signes forts et, je le répète, avancer.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après que nous avons eu récemment l’occasion de nous interroger sur les rémunérations des dirigeants d’entreprise, voici que nos collègues du groupe socialiste nous invitent aujourd'hui à réfléchir à la question du cumul des mandats de direction et à celle de la représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance.

Malheureusement, cette discussion risque fort de tourner court puisque Mme le rapporteur, tout en ayant démontré le bien-fondé de ces propositions, nous demandera tout à l'heure, par le biais d’une motion de procédure, de renvoyer ce texte en commission, au motif qu’une proposition de loi de l'Assemblée nationale portant sur le même sujet est actuellement en navette.

Sur le fond, vous le comprendrez aisément, mes chers collègues, nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation, car le travail parlementaire va, de fait, être interrompu avant même d’avoir commencé. Nous le regrettons d’autant plus que certaines des dispositions de la proposition de loi de notre collègue Nicole Bricq méritaient un examen plus approfondi.

Il en est notamment ainsi de celles de l’article 1er, qui visent à empêcher qu’une personne physique puisse exercer simultanément plus de trois mandats d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance ou du directoire de sociétés anonymes, ou plus d’un mandat de président de conseil d’administration ou de président de directoire. Car il faut savoir que, du fait du cumul des mandats, 20 % des mandataires sociaux des sociétés du CAC 40 concentrent 43 % des droits de vote au sein des conseils d’administration de ces mêmes sociétés ! Au demeurant, de telles dispositions constituent sans nul doute l’un des leviers nécessaires pour accroître la représentation des femmes au sein de ces instances de décision.

Ne pas poursuivre la discussion de cette proposition de loi est en soi regrettable, mais il convient également de relever que les propositions de loi déposées par les groupes d’opposition ou les groupes minoritaires semblent de plus en plus sujettes – je me fais ici l’interprète de Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC-SPG, et de notre collègue Yves Détraigne, tous deux ayant souligné ce point en commission – à faire l’objet d’un examen écourté.

C’est à croire que, par le renforcement des droits du Parlement, déjà largement rogné par le recours constant et régulier du Gouvernement à la procédure accélérée, certains parlementaires sont, d’une certaine manière, moins égaux que d’autres et que toute proposition qu’ils formulent, en dehors de toute considération sur la qualité de celle-ci, aurait de toute façon moins de chance d’être réellement examinée et, donc, d’aboutir.

Après ces considérations formelles sur des pratiques qui pervertissent le sens de la réforme constitutionnelle – à moins qu’elles n’en dévoilent, en fin de compte, le véritable contenu ! –, venons-en au fond.

S’il est un domaine où la place des femmes est largement minorée, c’est bien celui de la direction des plus grandes entreprises du pays ! Et, de ce point de vue, on ne peut pas dire que l’État montre l’exemple avec ses grandes administrations !

En ce qui concerne les grandes sociétés, hormis le cas de la PDG de la société AREVA – dont les capitaux sont d’ailleurs plutôt publics ! –, il n’y a pas de femme PDG parmi les valeurs vedettes de la place financière de Paris. La nomination récente de deux femmes fort connues au sein des conseils d’administration de sociétés prestigieuses ne changera pas fondamentalement le taux de présence des femmes…

Le rapport de la commission indique, sans plus de précision, que les femmes représentaient en 2009 environ 10 % des membres des conseils d’administration ou de surveillance des plus grandes sociétés cotées françaises.

Au demeurant, quelques-unes de ces entreprises, qui acceptent encore parmi leurs administrateurs des représentants des salariés, de par leur passé d’entreprises publiques ou nationalisées, doivent sans doute leur taux de présence féminine au sein de leurs instances dirigeantes à des dérogations prévues par la loi de 1983 de démocratisation du service public, qui permet à quelques militantes syndicales d’être élues sur les listes présentées par leur organisation.

Si l’on examine les fonctions exécutives les plus importantes – président de conseil d’administration ou de conseil de surveillance, directeur général délégué ou directeur financier –, on constate que, plus encore que dans la sphère politique, ces fonctions valorisantes dans les entreprises restent la chasse gardée des hommes, qu’ils soient diplômés de grandes écoles ou héritiers de grandes familles industrielles. La « démocratie actionnariale » semble donc encore moins vivante et réelle que la démocratie représentative !

Que le monde économique soit ainsi très largement masculin, ne laissant aux femmes que la portion congrue, est finalement assez logique ! Car c’est le même monde économique qui estime normal de confiner les femmes salariées dans les tâches les moins valorisantes, de pratiquer l’inégalité salariale, de généraliser le développement du stress au travail et des pressions les plus diverses !

La quasi-absence des femmes dans les organes de direction de nos plus grandes entreprises n’est en fait que la partie visible de l’iceberg, la partie immergée étant le développement de la précarité de l’emploi des femmes, la décote de 20 % des salaires pour les postes d’exécution et de 25 % à 30 % pour les postes d’encadrement, les discriminations à l’embauche, à la promotion sociale comme devant la formation, sans parler des changements de poste intempestifs après un congé maternité ou du harcèlement moral, reconnu comme violence dans la proposition de loi qu’ont examinée nos collègues de l’Assemblée nationale.

Tant que nous n’aurons pas résolu ces questions, que nous n’aurons pas réellement pris la mesure de ces enjeux, la question de la « représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance » restera assez symbolique.

Pour autant, nos collègues du groupe socialiste ont raison de vouloir agir à la fois sur le cumul des mandats d’administrateur et sur la « diversité des instances dirigeantes des sociétés anonymes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

D’autres pays l’ont fait et se retrouvent aujourd’hui, telle la Norvège, avec une proportion record de 42 % de femmes membres des conseils d’administration de grandes sociétés, de 27 %, en Suède, ou de 24 %, en Finlande.

Avec un taux de 10 %, notre pays se situe à peine dans la moyenne des vingt-sept pays de l’Union européenne et loin derrière les pays les plus avancés.

Un rapport de la Commission européenne, publié le 25 mars dernier, et que Mme le rapporteur a cité tout à l'heure, considère que « l’accroissement de la place des femmes dans les organes dirigeants des entreprises contribue à l’amélioration de leurs performances économiques ».

Le même rapport pointe, à partir des expériences étrangères, que seule l’intervention du législateur permet d’accélérer ce processus. Dès lors, comme pour la parité en politique, laisser faire le mouvement naturel et spontané de l’arrivée des femmes ne suffit pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Vous avez indiqué, madame le rapporteur, que cette simple évolution nous ferait attendre jusqu’à 2075 !

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Pouvons-nous laisser patienter ainsi plusieurs générations de femmes, nos filles, petites-filles et arrière-petites-filles ?

Face à ce constat, il est de notre responsabilité de législateur de créer les outils susceptibles de faire évoluer les choses.

Tout en regrettant de ne pouvoir aller plus loin dans l’examen de cette proposition de loi, nous ne pouvons que répéter qu’il y a urgence à lutter contre l’ensemble des discriminations dont souffrent les femmes dans la vie professionnelle, qu’il s’agisse de la rémunération qu’elles perçoivent ou des fonctions et responsabilités qui leur sont confiées.

Nous déplorons donc vivement que la commission des lois concoure, une nouvelle fois, en présentant une motion tendant au renvoi en commission, au report de l’examen de ces questions pourtant urgentes et essentielles…

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Mme Odette Terrade. … non seulement pour les femmes, mais également pour l’ensemble de notre société.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise ce matin nous permet d’aborder trois questions : tout d’abord, celle du cumul des mandats sociaux dans les entreprises ; ensuite, celle du cumul de fonctions dans des entreprises publiques et dans des entreprises privées ; enfin, celle de la place des femmes dans la gestion ou la direction des entreprises.

Concernant la question générale du cumul des mandats sociaux dans les entreprises, je me demande parfois si nous ne sommes pas en train de reculer.

Voilà une dizaine d’années, l’adoption d’un certain nombre de textes a conduit à introduire des changements dans les entreprises, qu’elles soient cotées ou non, y compris dans les PME.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Puis, progressivement, du fait de lois, déjà évoquées, qui ont desserré ce que certains avaient vécu comme un étau ou un carcan – ce qui est, à mon avis, une erreur ! – et de la multiplication de nouvelles formes juridiques de société, comme les sociétés par actions simplifiées, dans lesquelles les dirigeants ne sont pas soumis à des règles de cumul, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

… nous avons observé un retour en arrière, c'est-à-dire une augmentation du cumul des mandats et des fonctions de direction dans les entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

C’est en tout cas ce que j’ai constaté sur le terrain.

Pour ma part, je déplore cette évolution.

Comme cela a été indiqué tout à l'heure, 98 personnes concentrent aujourd'hui 43 % des mandats d’administrateurs d’entreprises du CAC 40. Que dirait-on si une petite centaine d’élus gérait les quarante plus grandes villes de France ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Évidemment, ma comparaison peut sembler quelque peu audacieuse, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

… mais elle ne l’est pas tant que cela, car elle nous permet de mesurer les problèmes qu’une telle situation pose en termes de disponibilité et d’inventivité. Elle ne peut donc perdurer.

Tout d’abord, il importe d’opérer des distinctions selon que la société est cotée ou non, que l’actionnariat est unipersonnel ou comprend plusieurs groupes d’actionnaires, que l’entreprise a une implantation internationale ou non, selon le nombre de salariés, etc.

Bref, il faut mener toute une réflexion préalable pour élaborer un dispositif qui ne soit pas trop brutal et, surtout, qui soit applicable.

Personnellement, je crois aux vertus de l’exemple, et il me semble que Mme Bricq s’est exprimée tout à l'heure dans le même sens : si les entreprises les plus importantes évoluent, les autres suivront.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Concernant le cumul de fonctions exercées dans une entreprise publique et une entreprise privée, pardonnez-moi, madame la secrétaire d’État, mais je ne suis pas d’accord avec vous.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

J’en suis navrée !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Quelles que soient les compétences de M. Proglio – je n’hésite pas à citer son nom –, qui sont immenses et incontestables, il ne me semble pas possible, en termes de disponibilité, de gérer simultanément deux très grosses entreprises, même s’il n’exerce pas de fonctions exécutives dans l’une d’entre elles.

Par ailleurs, il faut opérer une distinction fondamentale entre l’entreprise publique et l’entreprise privée.

Si une entreprise publique existe, c’est qu’elle est chargée d’une mission d’intérêt général. Sinon, il faut immédiatement la transformer en entreprise privée ; c’est d’ailleurs ce qui s’est souvent produit, et je m’en félicite. Néanmoins, il reste des entreprises publiques, donc en charge d’une mission d’intérêt général, de l’intérêt des citoyens dans leur ensemble.

De leur côté, les entreprises privées gèrent, elles, des intérêts particuliers, même s’ils sont globalisés : ceux des actionnaires, ceux des salariés, ceux des clients de la société.

Dès lors, pour ceux qui dirigent à la fois une entreprise publique et une entreprise privée, le conflit d’intérêts est permanent, au point qu’à un moment les personnes concernées ne peuvent plus continuer à occuper les deux fonctions !

J’en viens à mon dernier point, et qui n’est pas mineur : la question de la proportion de femmes dans organes dirigeants des entreprises.

Je fais partie de ceux, nombreux, et pas seulement chez les hommes, qui sont spontanément plutôt défavorables à la méthode des quotas. Il est vrai que cette méthode n’est pas très satisfaisante. Néanmoins, force est de constater que, dans les collectivités publiques où elle a été appliquée, elle a produit des effets dont on ne peut que se féliciter.

Par conséquent, s’il faut passer par la méthode des quotas et des pourcentages, nous le ferons, et sans état d’âme !

De ce point de vue, le simple fait que des propositions de loi aient été déposées, discutées, et que l’une d’elles ait été votée, pour le moment par la seule Assemblée nationale, a conduit à des changements d’attitude au sein des sociétés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Comme par hasard, dans toutes les assemblées générales qui se tiennent en ce moment, des nominations de femmes au conseil d’administration ou de surveillance sont proposées ! Mme la secrétaire d'État a d’ailleurs dit tout à l'heure que, dans les sociétés du CAC 40, on allait passer en une seule année de 10 % à 15 % de femmes, soit une augmentation de 50 %, ce qui est considérable !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

On va le vérifier, mais il est sûr qu’un changement d’attitude est perceptible.

Point n’est besoin, je crois, de convaincre tous nos collègues de l’intérêt d’obtenir une mixité dans les conseils d'administration et dans les équipes de direction. On le sait bien, et toutes les études le montrent, la présence des femmes améliore la gestion des entreprises. Je pense aux questions de disponibilité et de moindre cumul de mandats.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

On observe en effet, et c’est aussi vrai en politique, que les femmes sont moins attirées par le cumul.

Les femmes ont également une approche différente des problèmes. Mme le rapporteur a tout à l’heure évoqué l’appréhension des risques ; on peut aussi songer, entre autres, à la vision à moyen et long terme, à la gestion des personnels...

Bref, de nombreux éléments pratiques plaident aussi en faveur de la mixité. C’est aussi pourquoi je suis favorable au fait d’accroître la proportion de femmes dans les organes dirigeants des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La proposition de loi qui nous est présentée me paraît donc constituer une base très intéressante, tout comme les autres textes déposés, y compris la proposition de loi votée à l’Assemblée nationale.

J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt non seulement l’exposé de Mme Bricq, mais également ce qu’a ajouté Mme Des Esgaulx, qui m’a paru tout à fait disposée à faire avancer les choses rapidement, ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

... en utilisant le travail accompli par Mme Bricq, Mme André et M. Yung.

En conclusion, je formule le souhait que, à la faveur de la transmission au Sénat de la proposition de loi Copé-Zimmermann, l’adoption de la motion de renvoi à la commission, que le groupe de l’Union centriste va voter, ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto. ... conduise très bientôt à l’élaboration d’un texte, sinon définitif, en tout cas applicable, adapté et conduisant rapidement à un changement dans les faits.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, en octobre 2009, les Français découvraient avec étonnement que M. Proglio, malgré sa nomination au poste de président-directeur général d’EDF, resterait président du conseil d’administration de Veolia, appelé ainsi à cumuler des fonctions de direction dans une entreprise privée et dans une entreprise publique de tout premier plan.

Même si, entre-temps, le problème a été réglé – je pense que nos remarques et nos critiques n’ont pas été complètement inutiles ! –, cela montre à nouveau ce mal français bien connu qui fait qu’une petite élite, souvent issue des mêmes milieux sociaux, des mêmes réseaux et des mêmes grandes écoles, cumule la direction de la majorité des entreprises du CAC 40. Et que l’on ne nous dise pas que c’est une garantie de qualité : il y a autant de fautes de gestion, de fautes stratégiques et de banqueroutes dans les sociétés ainsi dirigées.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

C’est précisément ce mal de la gouvernance d’entreprise que nous souhaitons régler avec notre proposition de loi. Pour ce faire, nous proposons de limiter le cumul des mandats et d’interdire le cumul des fonctions dans les entreprises publiques et privées. L’appel d’air ainsi créé servira, nous l’espérons, à une féminisation des conseils d’administration et de surveillance ; et j’ajouterai : à une diversification.

Notre proposition de loi participe donc d’une véritable logique qui est, il faut le dire, différente de celle de la proposition de loi de l’Assemblée nationale, même si les deux se rejoignent sur certains points, car celle de l’Assemblée nationale ne s’intéresse qu’à la féminisation des instances dirigeantes. Nous, nous traitons simultanément le cumul des mandats d’administrateur et la diversification des conseils d’administration.

Le MEDEF et l’AFEP nous vantent leur « code » sur la féminisation des conseils d’administration. Nous nous en réjouissons, mais cette modeste évolution est avant tout déclarative, de façade : cela fait penser à un « village Potemkine ». En effet, de même que, quand nous parlons de recours collectifs, on nous rétorque que c’est inutile puisque les entreprises développent l’arbitrage et la médiation, quand nous parlons de féminisation, on nous renvoie au code de l’AFEP !

D’autres collègues ont traité ou vont traiter de la question d’une représentation équilibrée des deux sexes qui nous permettra de rejoindre ce pays, ô combien vertueux, qu’est la Norvège !

Qu’on me permette simplement, sur ce point, de me réjouir de voir que, en France, le mouvement est manifestement amorcé puisque Mme Chirac a rejoint le conseil d’administration de LVMH et Mme Woerth, celui d’Hermès. Néanmoins, j’ai envie de dire : Français, encore un petit effort !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Surtout quand ce sont des femmes de ministres qui entrent dans les conseils d’administration !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pour ma part, je voudrais insister sur le fait que ce texte s’inscrit dans la continuité de nos propositions tendant à réformer la gouvernance des entreprises, à améliorer le système par lequel les entreprises sont dirigées et contrôlées. Nous nous intéressons non seulement à l’organisation de la direction de l’entreprise, mais aussi à son contrôle et aux moyens d’expression des actionnaires.

Nous voulons renforcer l’indépendance et limiter le plus possible les complaisances qui existent entre les différents acteurs. Vous le savez, mes chers collègues, l’élection des administrateurs s’apparente le plus souvent à une aimable cooptation ! On a parlé d’« endogamie ». Je vous cite, madame le rapporteur : « 20 % des mandataires sociaux des sociétés du CAC 40 concentrent 43 % des droits de vote dans les conseils du fait du cumul des mandats. » Cela entraîne une concentration excessive, avec des nominations croisées et un soutien mutuel en matière de rémunération.

Permettez à quelqu’un qui a suivi de près des conseils d’administration de banques de la place de le dire, il est évident que, sauf cas extrême, on ne vote pas contre telle ou telle décision proposée par le président dans la mesure où ce dernier est un ami, qu’il siège dans votre propre conseil et que vous escomptez bien qu’il vous rende la pareille le jour où vous aurez besoin de faire voter une résolution !

Et c’est encore bien pis pour les rémunérations : on imagine aisément comment cela se passe au sein de ces comités composés de deux, trois, parfois quatre mandataires sociaux. De telles pratiques ne sont pas bonnes. Si ce n’est pas de la corruption, c’est une sorte de déviance morale et intellectuelle. Il faut donc, en fait, protéger ceux qui y siègent contre eux-mêmes !

Par ailleurs, nous avons sévèrement critiqué le cumul de type Proglio. Nous pensons que l’exercice des fonctions de dirigeant dans une entreprise privée n’est pas compatible avec l’exercice des fonctions de dirigeant dans une entreprise publique. Notre collègue M. François Zocchetto ayant parlé avec beaucoup de talent de cette incompatibilité, je n’insiste pas, sinon pour souligner qu’exercer la fonction de président de conseil d’administration ou de président de conseil de surveillance, c’est une responsabilité lourde et prenante quand il s’agit d’une grande entreprise. Ce n’est pas une fonction que l’on peut exercer à temps partiel ou seulement quand on en a le loisir !

S’ajoute à cela le cumul des rémunérations. L’écart entre le salaire médian des Français et celui des grands dirigeants, qui est déjà très important, se voit ainsi doublé !

À cet égard, nous n’avons pas été convaincus par la proposition de loi du groupe du RDSE telle qu’elle est sortie de nos débats, car la majorité l’a allègrement vidée de sa substance en ramenant en fait le dispositif à un avis donné au ministre des finances… je n’irai pas jusqu’à dire par un comité Théodule, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Absolument !

… mais par des hauts fonctionnaires des finances, sur un cumul des fonctions et des rémunérations !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je ne développerai pas davantage, mais, très franchement, cela ne paraît pas très convaincant. C’est pourquoi, à l’article 4, nous avons repris les règles d’incompatibilité.

J’en viens aux sanctions. Selon vous, la nullité des délibérations serait une sanction trop lourde. Mais nous devons nous donner des moyens si nous voulons avancer !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

S’il y en a d’autres, débattons-en ! Or, malheureusement, on botte en touche !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Oui, mais à la Saint-Glinglin !

Nous voulons introduire ces sanctions qui, selon nous, sont proportionnées et raisonnables. De plus, un délai est laissé aux entreprises : 20 % au minimum de représentants d’un même sexe au bout de trois ans, 40 % au bout de six ans. Cela nous paraît de nature à créer non pas l’insécurité juridique dénoncée par Mme le rapporteur, mais, au contraire, les conditions d’une avancée.

Cette proposition de loi est dans l’esprit du temps et de la modernisation de l’économie française. Elle est nécessaire. C’est pourquoi je vous demande d’en débattre et, par conséquent, de rejeter la motion de renvoi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Panis

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je crois que, à ce moment où j’interviens, le débat sur les propositions de Mme Nicole Bricq et de ses collègues du groupe socialiste est déjà bien entamé : c’est donc qu’il a lieu.

Ce texte vise, d’une part, à fixer une proportion des administrateurs de chaque sexe à un minimum de 40 % d’ici à six ans et, d’autre part, pour atteindre cet objectif, à libérer un nombre suffisant de postes par le renforcement de la règle du non-cumul des mandats sociaux.

C’est un vaste et laborieux chantier qui se poursuit avec cette proposition de loi ! En effet, favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail est, depuis la loi relative à l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes du 22 décembre 1972, l’une de nos préoccupations majeures.

Sans retracer l’historique des évolutions apportées à notre droit du travail en la matière, je souhaite néanmoins présenter les réflexions du groupe UMP sur cette question, qui l’intéresse tout particulièrement.

D’abord, l’Observatoire de la parité a été créé sous le gouvernement de M. Alain Juppé, en 1995. Il a pour mission de promouvoir, par le biais de rapports, de recommandations et de propositions de réformes, l’égalité entre les deux sexes.

Par la suite, le Parlement a adopté plusieurs lois destinées à soutenir la parité lors des élections. La loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a ainsi été suivie de quatre lois, votées entre 2003 et 2008, toujours dans l’optique de renforcer la parité entre les hommes et les femmes pour ce qui concerne les listes électorales.

Enfin, par la volonté du Président de la République, la réforme constitutionnelle de juillet 2008 a permis de préciser, à l’article 1er de la Constitution, que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». Cette modification de la Constitution résulte de la censure, intervenue le 16 mars 2006, par le Conseil constitutionnel de certaines mesures prévues par la loi du 23 févier 2006 et relatives à une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les conseils exécutifs des sociétés françaises.

Je tiens également à souligner l’action menée par les organisations patronales, qui ont instauré un code de gouvernance commun et des accords d’entreprise incitant à la mixité au sein des organes exécutifs.

Malgré ces efforts continuellement soutenus par notre majorité, un travail considérable reste à accomplir dans le milieu professionnel, eu égard aux chiffres avancés par différentes études sur la présence de femmes aux postes de direction des sociétés du CAC 40, qui stagne aux alentours de 10%.

Notre collègue rapporteur, Marie-Hélène Des Esgaulx, l’a parfaitement indiqué, « l’évolution naturelle et l’autorégulation ne permettraient pas d’atteindre, dans un délai raisonnable, une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d’administration ou de surveillance des grandes sociétés ».

Vous avez d’ailleurs déclaré, madame la secrétaire d’État, être « favorable à une loi améliorant la parité dans les grandes entreprises françaises ». Nous nous réjouissons de la volonté du Gouvernement de rester attentif au domaine de l’égalité professionnelle. Vous pouvez compter sur mes collègues ici présentes aujourd’hui : grâce à leur pugnacité, ce dossier devrait trouver une issue au cours de cette année, même si les décisions ne sont pas prises aussi rapidement que certains d’entre nous le souhaitent.

Dans ce contexte, la proposition de loi prévoit de fixer un quota minimum pour la représentation des administrateurs du sexe sous-représenté. Ainsi, dans les entreprises qui emploient au moins 250 salariés et réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros, la proportion de chaque sexe dans les conseils d’administration et de surveillance devra atteindre au moins 40 %.

Prenant exemple sur la législation norvégienne qui a imposé, depuis 2006, ce quota de 40 % à toutes les sociétés anonymes, cette disposition semble être bénéfique à l’accroissement de la mixité au sein des organes dirigeants des entreprises françaises, privées comme publiques. Nous avons pu, lors de la mission que la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a effectuée l’an passé, nous en rendre compte sur place.

Pour parvenir à une telle situation, la proposition de loi prévoit que cette proportion de 40 % devra être atteinte au cours des six années à venir et fixe un palier de 20 % après trois ans. Dans cette perspective, il est nécessaire de libérer un nombre suffisant de postes, en limitant le cumul de mandats. Le non-respect de ces règles serait sanctionné par la restitution des rémunérations perçues pour le ou les mandats ne respectant pas le quota et par la nullité des nominations du sexe surreprésenté et des délibérations du conseil ne respectant pas la parité.

Cependant, comme l’a souligné notre rapporteur, ce texte converge fortement avec la proposition de loi de M. Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann, adoptée à l’Assemblée nationale le 20 janvier 2010. Certes, des différences apparaissent entre les deux textes, concernant notamment le champ des entreprises soumises à l’obligation de parité. Toutefois, ils instaurent, selon des modalités similaires, un quota minimum de 40 % de femmes au sein des conseils de surveillance et d’administration à atteindre sur six ans.

C’est pourquoi le groupe UMP et moi-même, en tant que membre de la délégation du Sénat aux droits des femmes, estimons essentiel d’attendre l’inscription de la proposition de loi issue de l’Assemblée nationale à l’ordre du jour du Sénat, afin de réaliser une articulation entre les deux textes.

De plus, la proposition de loi de notre collègue Nicole Bricq permet d’envisager utilement la limitation du cumul des mandats sociaux, en tant que levier efficace pour libérer des postes en vue d’obtenir la mixité, alors même que cette question n’est pas abordée par les députés.

Nous souhaitons donc attendre, mes chers collègues, l’examen par le Sénat de la proposition de loi de l’Assemblée nationale, afin d’y apporter les améliorations que nous estimerons nécessaires. C’est un dossier qui, par sa complexité et son utilité, doit faire l’objet d’un véritable travail de fond, cohérent et efficace, de manière à aboutir au consensus le plus large possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Panis

Mme Jacqueline Panis. Au vu de l’ensemble de ces remarques, le groupe UMP votera la motion tendant au renvoi à la commission.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est le fruit d’une réflexion engagée depuis plusieurs années et rendue possible par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Eh oui, le temps passe vite, monsieur le président !

Si l’on exclut la proposition de loi portant sur le même sujet et émanant du groupe majoritaire de l’Assemblée nationale, le Parlement examine aujourd’hui pour la première fois un texte visant à réaliser l’objectif constitutionnel d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, en l’occurrence dans les instances de décision des grandes entreprises. Il est en effet nécessaire de passer de la théorie à la pratique, des grandes intentions aux actes.

Aujourd'hui pourrait rester une date mémorable, car le sujet dont nous traitons en cet instant dépasse les clivages partisans, ainsi que l’intervention à l’instant de Mme Panis, première vice-présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat, l’a montré.

L’Assemblée nationale a en effet adopté, à la mi-janvier de cette année, une proposition de loi déposée conjointement par M. Jean-François Copé, président du groupe UMP, et Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale. Ce texte, comme celui que nous examinons ce matin, fixe un objectif de 40 % de femmes au sein des conseils d’administration ou de surveillance des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions, ainsi que dans les organes des entreprises publiques.

Quelles que soient nos appartenances politiques, nous faisons le même constat : les femmes sont sous-représentées dans les instances décisionnelles de l’entreprise. En tirons-nous les mêmes conclusions ? Faut-il se résigner, faut-il agir ? Comme dirait le poète, « faut-il pleurer, faut-il en rire ? » C’est du reste une question que nous nous posons souvent à propos des manquements à l’égalité entre les femmes et les hommes !

Ainsi que vous l’avez fort bien dit, madame la secrétaire d’État, il s’agit de libérer les femmes du statut de variable d’ajustement qui est trop souvent le leur dans le domaine économique.

En juillet dernier, à l’occasion d’un grand débat sur la place des femmes administrateurs dans les sociétés françaises cotées, nous avait été remise une étude brossant un tableau, sinon exhaustif, du moins largement représentatif de la situation des inégalités professionnelles. Les termes de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler le « plafond de verre » y sont parfaitement décrits.

Le taux d’activité des femmes se rapproche de plus en plus de celui des hommes. Dans certaines professions, la féminisation est telle que c’est même la place des hommes qui se trouve menacée ; notre collègue Jacques Mézard a évoqué le cas de l’École nationale de la magistrature. Dans la mesure où la parité suppose l’égal accès aussi bien des hommes que des femmes à certaines fonctions, peut-être un jour les hommes nous remercieront-ils de l’avoir inventée : c’est alors eux que la parité protégera !

La proportion de femmes diplômées de l’enseignement supérieur tend à dépasser celle des hommes chez les moins de quarante-cinq ans. Malgré cela – les chiffres présentés dans l’étude que j’évoquais sont éloquents –, les femmes ne sont pas suffisamment présentes dans les instances de décision. Elles ne représentent globalement que 6 % ou 7 % des dirigeants d’entreprise et cette proportion est, hélas ! apparemment stable. La proportion des femmes dans les conseils d’administration est à peine supérieure : 10 % en moyenne, 14 % dans les petites entreprises, et 8 à 9 % dans les grandes et moyennes entreprises.

Même si l’on observe une légère amélioration de 2007 à 2008, convenons que ces chiffres sont faibles et homogènes. Ajoutons qu’une proportion notable d’entreprises sont dirigées par un conseil d’administration uniquement masculin.

Les comparaisons internationales ne sont guère flatteuses pour notre pays : nous sommes loin derrière la tant citée Norvège, mais aussi la Suède, la Finlande, le Danemark et les Pays-Bas, ce qui confirme, une fois de plus, l’avance des pays nordiques en ce domaine. Or, dans ces pays, les pouvoirs publics ont pris la décision d’imposer des mesures contraignantes et obligatoires, à l’image de celles que nous vous proposons d’adopter aujourd’hui.

J’ai pu me rendre compte de l’intérêt d’une telle politique lors d’un déplacement en Norvège que j’ai effectué avec ma collègue Jacqueline Panis, au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes, et Marie-Jo Zimmermann et Danielle Bousquet, qui représentaient la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes. À cette occasion, nous avons pu rencontrer le ministre norvégien qui avait été à l’origine du projet de loi ayant permis de mieux représenter les femmes au sein des conseils d’administration des entreprises.

Cet ancien ministre de l’industrie, un pêcheur – et, en Norvège, un pêcheur n’est jamais simplement propriétaire d’une petite barque ! –, nous a déclaré ne pas être féministe. Nous l’avons cru. Il a également expliqué qu’il avait à l’époque mené une étude très approfondie sur le caractère vertueux de la présence des femmes au sein de l’entreprise. Leur absence constituait, selon lui, un problème. Fort de ce constat, sans solliciter son président de groupe ni les partenaires qu’il aurait pu avoir – il appartenait au parti conservateur –, il a déposé un projet de loi dont les dispositions devaient s’appliquer en deux temps. Dans un premier temps, les entreprises devaient se mettre « à niveau » si elles voulaient éviter que le législateur intervienne de manière contraignante.

C’est alors que les conservateurs ont perdu les élections ; il s’est même demandé si cette proposition n’y avait pas été pour quelque chose !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

On peut considérer que, en France, aujourd'hui, grâce aux différentes lois adoptées au fil du temps – Jacqueline Panis en a cité certaines, mais, pour ma part, je mentionnerai la loi Roudy sur l’égalité professionnelle –, l’égal accès des hommes et des femmes aux différentes professions est à peu près assuré. Par conséquent, nous en avons la certitude, madame la secrétaire d’État, dès lors que la loi impose, elle peut changer la donne.

Dans les entreprises norvégiennes, les effets ont été rapides. Certes, celles-ci disposaient d’un vivier de compétences féminines, mais n’oublions pas que les autorités se sont aussi évertuées à améliorer la situation. Bien sûr, c’est un pays riche. Mais c’est aussi un pays qui a une vraie volonté en matière de politique familiale : hommes et femmes peuvent bénéficier d’un congé pour l’éducation des enfants qui est sans doute le plus long du monde ; les hommes ont en outre droit à un congé de paternité d’une durée appréciable, et qui est respecté. Je précise que les jeunes parlementaires pères de famille ont également droit à un long congé de paternité, qui est rémunéré et pendant lequel ils sont remplacés par leur suppléant ; il est même mal vu par l’opinion publique de ne pas en profiter !

Nous n’en sommes pas là, mais sans doute devrons-nous également avancer sur ce chemin.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Nous avons encore une grande marge de progression !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

C’est à la lumière de cet exemple que nous vous proposons aujourd’hui d’instaurer des quotas obligatoires visant à assurer une meilleure représentation des femmes dans les instances dirigeantes des sociétés : ainsi, la proportion des administrateurs de chaque sexe ne pourrait être inférieure à 40 % dans les conseils des sociétés de plus de 250 salariés et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires et des dispositions analogues seraient prévues pour les conseils de surveillance des sociétés anonymes, ainsi que pour les conseils d’administration ou de surveillance des entreprises publiques.

Nous vous proposons, en outre, d’instaurer des règles plus strictes de cumul de mandats sociaux.

Ce second volet, qui n’est pas abordé dans le texte voté par l’Assemblée nationale, me semble être la condition de base de la réussite du dispositif. En libérant des postes dans les conseils d’administration ou les conseils de surveillance, il devra permettre plus aisément de donner davantage de place aux femmes.

Je vous rappelle que, à l’heure actuelle, une petite centaine de personnes – 98 exactement, soit 22 % des administrateurs – détient 43 % des droits de vote des sociétés du CAC 40. La féminisation de ces instances devrait également permettre de rajeunir les conseils et de renforcer l’indépendance de leurs membres en limitant les risques de conflits d’intérêts.

Certes, les sanctions prévues dans notre proposition de loi sont sévères, notamment en ce qu’elles prévoient la nullité des délibérations auxquelles ont pris part les membres nommés irrégulièrement ou la démission d’office de tous les mandats en surnombre. Mais l’expérience prouve que cette sévérité est nécessaire.

La comparaison entre la Norvège et l’Espagne est instructive. Dans ce dernier pays, où le dispositif repose davantage sur l’incitation que sur une contrainte juridique ferme, les résultats sont modestes. Deux ans après l’adoption d’une loi visant à encourager la participation des femmes dans la vie économique, la proportion des femmes dans les conseils d’administration n’avait progressé que de 3 % dans le secteur public et restait de 10 % dans les sociétés privées.

Nous avons donc fait le choix d’une contrainte juridique ferme, à l’instar du dispositif norvégien, car c’est le choix de l’efficacité.

Je vous rappelle en effet que, là où la proposition de loi de l’Assemblée nationale ne concerne que les sociétés cotées, soit près de 700 entreprises, le texte que nous examinons aujourd’hui s’adresse à toutes les sociétés anonymes qui emploient au moins 250 salariés et réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 30 millions d’euros.

J’estime par conséquent, madame le rapporteur, qu’il serait bien dommage de renvoyer la présente proposition de loi à la commission, car, plus contraignante dans son dispositif répressif et plus large dans son périmètre d’application que le texte de l’Assemblée nationale, elle serait aussi plus efficace pour faire avancer concrètement la représentation des femmes dans les instances dirigeantes des sociétés.

Monsieur le président, je vous demande de vous faire notre interprète auprès de la conférence des présidents pour que la proposition de loi de Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann, adoptée par l’Assemblée nationale, soit inscrite d’urgence à l’ordre du jour du Sénat. Sinon, nous continuerons d’énoncer de beaux principes et nous nous désolerons du quotidien.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Ma chère collègue, je ferai part de votre souhait à la conférence des présidents, conjointement avec M. le président de la commission des lois et Mme le rapporteur.

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi, par Mme Des Esgaulx, au nom de la commission, d'une motion n°1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, la proposition de loi relative aux règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance (291, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme le rapporteur, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Monsieur le président, j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer, au cours de la discussion générale, les raisons qui ont motivé le dépôt de cette demande de renvoi à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Au préalable, je tiens à remercier l’ensemble de nos collègues qui se sont exprimés. Ce faisant, ils ont non seulement marqué leur intérêt pour le sujet, mais encore démontré qu’ils en ont mesuré toute l’importance. Il n’est pas si fréquent qu’une proposition de loi présentée par l’opposition suscite une telle attention.

M’adressant plus particulièrement à notre collègue Jacques Mézard, je veux souligner qu’un pas vers l’égalité, si modeste soit-il, est toujours un grand pas vers l’humanité. Les femmes, comme les pauvres, se heurtent souvent à un plafond de verre. Or l’histoire nous enseigne que, quand la cause des pauvres et la cause des femmes n’ont pas progressé simultanément, cela a toujours très mal fini.

Madame le rapporteur, vous nous avez signifié votre volonté de travailler sur ce sujet. Je prends acte de votre détermination. Pourtant, aujourd’hui, vous refusez de faire le petit pas nécessaire et de procéder à l’examen des articles de notre proposition de loi. Mes chers collègues de la majorité, cette attitude habituelle qui consiste à mettre fin à l’examen des propositions de loi déposées par l’opposition avant même la discussion des articles nuit à la cause du Parlement. Pourquoi refuser ce débat, quitte à émettre in fine un avis défavorable sur ces articles ? C’est d’autant plus regrettable que les interventions des différents orateurs convergeaient sur de nombreux points.

Ainsi, M. Zocchetto a raison de ne pas vouloir se limiter aux seules sociétés anonymes dans la mesure où, depuis de nombreuses années, on assiste au développement de nouvelles formes juridiques de sociétés, dans lesquelles le cumul des mandats sociaux n’est soumis à aucune contrainte. Précisément, nous proposons de ne pas nous en tenir aux seules sociétés visées par la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, mais d’élargir le périmètre de cette liste.

Madame la secrétaire d'État, nous ne créons pas un nouveau seuil ; nous nous contentons de reprendre celui qu’a fixé l’Union européenne pour définir ce qu’est une grande entreprise. Du reste, vous avez rappelé qu’on ne compte que 8 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des cinq cents premières sociétés françaises. Cela démontre bien que la situation doit évoluer ; en particulier, le régime des sanctions applicables doit être modifié.

Quand vous dites qu’il ne faut pas « infliger », pour reprendre votre propre terme, des contraintes supplémentaires aux entreprises cotées, je veux croire, madame la secrétaire d'État, que vos paroles reflètent plus la doxa du Gouvernement auquel vous appartenez – je peux néanmoins le comprendre – ou le courant de pensée dominant, que votre conviction intime.

Je conclurai mon propos sur une note grave. Depuis quelques semaines et, plus particulièrement, ces derniers jours, l’Union européenne est dans la tourmente d’une crise financière. La contrainte que les marchés financiers font subir aux entreprises cotées est autrement plus prégnante que celle que leur imposerait l’évolution législative que toutes et tous, dans cette enceinte, appelons de nos vœux. L’association française des entreprises privées comme le MEDEF feraient bien d’y réfléchir.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Le Gouvernement est évidemment favorable à cette motion tendant au renvoi à la commission.

Madame Bricq, je m’étais fermement prononcée en faveur d’une plus grande représentation des femmes au sein des conseils d’administration des entreprises. Toutefois, autant je considère que nous devons lutter pour que la situation évolue et pour obtenir des avancées, autant je ne peux ignorer que les revendications des femmes portent avant tout sur l’égalité salariale.

Par ailleurs, il conviendrait également de battre en brèche les stéréotypes véhiculés par les médias ou l’école, lesquels sont loin d’être anecdotiques. Vous avez cité l’exemple des pays d’Europe du Nord. En Suède, où j’effectuais récemment un déplacement, on étudie dès la crèche les types de jouets attribués aux filles et aux garçons, afin de combattre l’idée que le fer à repasser, la pelle et la balayette sont des jouets davantage destinés aux filles. C’est donc toute la société qu’il faut transformer, et nous devons nous retrouver pour mener ce travail ensemble.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez montré la détermination du législateur à promouvoir une véritable égalité entre les hommes et les femmes. Il reste encore du chemin à parcourir vers la parité. Le Gouvernement veillera à ce que la conférence des présidents inscrive rapidement à l’ordre du jour du Sénat la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

La motion est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

En conséquence, le renvoi à la commission est ordonné.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.