Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 29 avril 2010 à 9h00
Garde à vue — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, Mme Alima Boumediene-Thiery, premier signataire de la présente proposition de loi, marque une fois de plus son intérêt, que partagent d'ailleurs nombre d’entre vous, pour les questions liées aux libertés publiques.

Comme l’a fort bien souligné M. le rapporteur, nous partageons tous un certain nombre de constats : le recours à la garde à vue est trop systématique ; les conditions de celle-ci sont trop souvent indignes, malgré les efforts de chacun ; l’avocat n’a pas les moyens de jouer pleinement son rôle au cours de la garde à vue.

Pour résoudre ces problèmes, la proposition de loi soumise à l’examen du Sénat prévoit – de manière radicale, comme l’a souligné M. le rapporteur – que toute personne placée en garde à vue sera immédiatement assistée d’un avocat si elle en fait la demande.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous entendons évidemment tenir compte de l’ensemble de vos travaux et de vos idées, dans le cadre de la concertation que mène Mme le garde des sceaux, ainsi d'ailleurs que la chancellerie dans son ensemble, sur la procédure pénale.

Je le répète, deux propositions de loi, dont l’objet est similaire ou plus large, ont été déposées au Sénat, respectivement par M. Jacques Mézard et par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tous ces textes font partie du débat, qui gagne à être large.

Je rappellerai également que l’opposition n’est pas la seule à suivre de très près les exigences posées par la Cour européenne des droits de l’homme, auxquelles M. le rapporteur a d'ailleurs fait allusion à l’instant. J’ai moi-même participé aux travaux de réforme de la Cour de Strasbourg qui ont été menés dans le cadre de la conférence d’Interlaken, à la fin du mois de février dernier, et je puis vous assurer que la France n’a pas à rougir de la façon dont elle applique la Convention européenne des droits de l’homme. Dans ces réunions, elle n’est pas montrée du doigt, loin s’en faut.

Je voudrais tout d'abord revenir sur la question, qui doit s’inscrire dans le cadre d’une réflexion globale, de la présence de l’avocat au cours de la garde à vue.

La réforme engagée est ambitieuse ; c’est d'ailleurs ce qui ressort des propos de M. le rapporteur. Il s'agit d’une refondation de la procédure pénale, qui vise à assurer l’équité de l’enquête, à renforcer la protection des droits et des libertés à toutes les étapes de la procédure, à trouver un meilleur équilibre entre les droits des victimes et les garanties de la défense.

C’est dans cet esprit que Mme le garde des sceaux a engagé une large concertation avec l’ensemble des acteurs de la procédure pénale, sur la base de l’avant-projet de loi qui a été rendu public et qui est donc accessible à tous.

La Haute Assemblée s’est engagée dans cette démarche, à travers – vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur – un groupe de travail animé par deux membres de la commission des lois ici présents. Toutefois, les acteurs des professions judicaires, dans leur ensemble, sont également impliqués dans ce processus. Une véritable concertation a été engagée : l’avant-projet de loi a vocation à être discuté, enrichi et amélioré par tous, y compris, bien entendu, par les praticiens.

La réforme de la garde à vue sera l’un des volets importants de cette démarche. Bien entendu, il faudra poser la question de la présence de l’avocat au cours de la garde à vue. Je dois d'ailleurs vous indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’avant-projet de loi va d'ores et déjà au-delà de cette mesure, puisqu’il vise à garantir les conditions de l’efficacité de l’assistance par un avocat. Ce dernier se verrait ainsi reconnaître la possibilité d’accéder aux procès-verbaux des interrogatoires, afin de mieux assister son client.

Pour autant, les réponses que nous apporterons devront s’inscrire dans une logique d’ensemble ; aucune question ne devra être éludée, y compris celle du rôle réel des gardes à vue, auquel M. le rapporteur a fait allusion.

En effet, le recours à la garde à vue ne devra être possible que dans les cas de crimes ou de délits punis d’une peine d’emprisonnement. Il devra également être distingué d’autres situations, comme le dégrisement.

Nous devons aussi aborder la question des critères établissant la nécessité de certaines mesures de garde à vue. Pour des affaires ne présentant pas un caractère de particulière gravité, la personne concernée pourra, sous réserve de son accord, être entendue librement.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les pistes de réflexion lancées par Mme le garde des sceaux sur ce sujet ; elles méritent là encore d’être travaillées et approfondies, en analysant leurs différents aspects.

Je sais que cette proposition a fait l’objet de controverses. Toutefois, elle a aussi suscité un certain intérêt, car chacun sent bien qu’il faut résoudre le problème posé par l’absence de solution de rechange à la garde à vue.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué également – en fait, vous avez tout dit !

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