Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’une des premières conséquences de la révision constitutionnelle de 2008 nous vaut d’avoir le privilège, depuis février dernier, d’une réunion mensuelle sur la garde à vue.
Ce bégaiement législatif sera-t-il suivi de l’énoncé d’une loi consensuelle que, pour notre part, nous appelons de nos vœux, d’une loi de bon sens, protectrice de la société et des droits fondamentaux du citoyen ?
Y-a-t-il une urgence particulière à multiplier les lois sécuritaires de circonstance et à retarder les lois de liberté ? D’ailleurs, je conseille la lecture de l’instruction du 11 mars 2003, signée par le ministre de l’intérieur de l’époque, sur la question de la dignité des personnes en garde à vue. Mes chers collègues, c’est une lecture édifiante !
Cette question est toujours en suspens, et elle ne sera pas résolue par le renvoi à la commission du texte de nos collègues du groupe socialiste et rattachés, que notre groupe, à une exception près, ne votera pas, confirmant ainsi son opposition au blocage actuel.
Le débat qui est ouvert découle – nous en sommes tous conscients – d’une dérive inacceptable de la procédure de garde à vue ; cette évolution, reconnue et dénoncée par les plus hautes autorités de l’État, suscite la désapprobation de plus en plus ouverte d’une majorité de nos concitoyens. Ceux-ci sont conscients qu’il est intolérable, dans un État de droit, d’infliger chaque année à plus de 800 000 personnes une mesure privative de liberté, pour des infractions qui sont souvent bénignes – vous l’avez très objectivement souligné, monsieur le secrétaire d’État –, dépourvues de suite judiciaire et même, parfois, d’infraction caractérisée. Cette situation est aggravée, nous en sommes tous d’accord, par des conditions matérielles et des conditions d’exercice tout à fait indécentes.
L’évolution de la jurisprudence européenne, l’insécurité juridique qui découle de l’interprétation qu’en donne aujourd’hui une partie de nos tribunaux imposent aussi de sortir d’urgence de ce gâchis pénal. En outre, je l’ai déjà souligné, cette situation contribue à creuser un fossé entre les forces de l’ordre et les citoyens, avec une rubrique « faits divers » constamment remplie par quelques bavures rendues inéluctables par l’inflation du nombre de gardes à vue, les conditions de celles-ci et l’absence de contrôle réel du parquet sur ces procédures.
Les propositions de lois qui se succèdent émanent de tous les groupes politiques, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État. Le texte que j’ai présenté était très semblable à celui qui avait été déposé par certains députés de l’UMP. Il s’agit là de l’expression de l’exaspération et de l’urgence à réagir. En revanche, il serait à notre avis contre-productif, voire fallacieux, de tergiverser au motif qu’une telle réforme serait contradictoire avec l’objectif légitime de préserver la sécurité de nos concitoyens, voire avec le motif inexprimé de ne point mécontenter tel représentant des forces de l’ordre, dont le travail, au cours de tous ces débats, monsieur le secrétaire d’État, ne fut jamais caricaturé, quels qu’aient été les auteurs des diverses propositions de lois.
Le texte que nous examinons s’inscrit dans ce contexte général. Il n’est pas tout à fait semblable à celui que j’avais eu l’honneur de présenter le mois dernier. Si nous partageons l’essentiel de ses objectifs en ce qui concerne le type d’infractions justifiant une garde à vue, le droit au silence et le rôle de l’avocat, nous considérons en revanche que la question du terrorisme justifie un traitement particulier, avec la présence d’un avocat choisi sur des listes établies par le barreau, pour le moins. Notre groupe, en effet, ne cautionnera jamais l’ETA, ni les dérives régionalistes armées, corses et autres…
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez soumis un projet à la concertation. Toutefois, Mme le ministre d’État nous rappelait voilà quelques jours encore qu’elle avait une conviction et qu’elle s’y tiendrait, ce qui est éminemment respectable, mais qui laisse peu de place à la concertation, encore plus pour les non concertés !