Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à exprimer l’intérêt du Gouvernement pour les interventions qui viennent d’être prononcées.
Madame Boumediene-Thiery, vous souhaitez que nous sortions de la culture de l’aveu. Sachez-le, c’est dans cet état d’esprit que nous souhaitons mener la réforme de la procédure pénale.
M. le rapporteur a fait plusieurs remarques très justes, soulignant qu’il importait d’adopter une vue d’ensemble sur le sujet.
Vous avez eu raison de souligner qu’il est peu pertinent, en cas de flagrance, de donner accès au dossier dès le début de la garde à vue, avant que les policiers n’aient terminé la rédaction des procès verbaux.
Je tiens à vous rassurer sur le calendrier : un premier projet de loi sera déposé au Parlement cet été, ce qui permettra un débat à l’automne, comme vous en avez tout à l’heure émis le vœu.
Monsieur Michel, vous avez évoqué le risque de légiférer sous le coup de l’émotion. C’est précisément parce que Mme le garde des sceaux et moi-même voulons des solutions équilibrées et durables que nous présentons un projet global.
Qu’en est-il de la réalité européenne ? Eh bien, nos partenaires européens n’ont pas fait systématiquement de la présence de l’avocat dès le début de la garde à vue un préalable obligatoire, loin de là ! Je pense à un certain nombre de systèmes judiciaires que j’ai pu étudier lors de mes déplacements en Autriche, aux Pays-Bas ou en Belgique, par exemple.
Monsieur Mézard, vous avez dénoncé l’inflation des lois sécuritaires et l’absence de lois en faveur des libertés. Faut-il vous rappeler que le Gouvernement a présenté, ces derniers mois, plusieurs textes visant à élargir les libertés publiques ? Je pense notamment à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et à la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes, pour ne citer que ces deux exemples.
Vous avez dénoncé tous les effets pervers que pourrait avoir l’audition libre.
En lançant cette idée, nous avons voulu apporter une réponse adaptée à des situations très concrètes. Lorsqu’une personne est arrêtée pour une infraction mineure – un cas de figure que vous avez d’ailleurs évoqué –, en matière routière ou pour un vol simple dans un supermarché, lorsqu’elle reconnaît les faits et accepte d’être entendue, est-il toujours nécessaire de la placer en garde à vue ? Cette procédure demande souvent de retenir la personne pendant huit ou douze heures, le temps de faire venir l’avocat et le médecin, de prévenir la famille. L’audition libre, elle, durerait moins d’une heure.
Bien sûr, cette proposition doit être débattue et examinée dans le détail, ne serait-ce que pour mettre au point les mécanismes susceptibles d’éviter les effets pervers que vous avez évoqués. Mais n’écartons pas d’un revers de main cette piste qui offre une solution pragmatique dans le cas de délits mineurs et reconnus !
Madame Giudicelli, nous partageons votre conviction selon laquelle la refonte globale de la procédure pénale ne peut faire l’économie d’une réflexion concomitante sur les conditions de la garde à vue. Vous avez, en outre, eu raison de rappeler qu’il n’était pas très pertinent de dissocier de cette réforme globale la discussion d’une proposition de loi sur ce thème.
Madame Borvo Cohen-Seat, vous jugez insuffisante la concertation menée dans le cadre de la réforme de la procédure pénale. Pourtant, près de quarante organisations, syndicats, associations y participent ! Et même les organisations de magistrats qui disent s’être retirées de la concertation ont fait des propositions ! Ces propositions, ces remarques, nous les prenons en compte, à quelque moment qu’elles nous aient été transmises.
La concertation existe, quel que soit le discours de certaines organisations, dont la posture critique s’explique par des raisons que chacun peut imaginer. Récemment encore, la Cour de cassation a fait des propositions intéressantes, que Mme le garde des sceaux entend prendre en considération. À la lecture des résultats de cette concertation, qui seront communiqués d’ici à la fin du mois, vous pourrez constater que celle-ci aura été réelle et sérieuse.
Madame André, nous prendrons en compte, comme vous l’avez demandé, les remarques formulées par le secteur associatif intervenant sur les lieux privatifs de liberté.
Vous avez insisté sur les conditions de la garde à vue, notamment lors des fouilles. J’en conviens, nous avons des progrès à faire dans ce domaine. L’intérêt de la refonte d’ensemble à laquelle j’ai fait allusion à plusieurs reprises tient justement aussi à la possibilité d’aborder plus précisément de telles questions et de mettre en œuvre des dispositifs qui apportent des réponses satisfaisantes.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques éléments de réponse que je tenais à vous apporter, mais je suis conscient de leur caractère incomplet.