Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’assurance sur la vie est, vous le savez, le produit d’épargne préféré des Français.
Sa popularité ne se dément pas. En février 2010, près de 12 millions de nos concitoyens avaient, souscrit un contrat d’assurance sur la vie pour un montant total de 1 265 milliards d’euros, soit l’équivalent de 80 % du PIB français, plus de la moitié de l’encours des produits d’épargne longue et davantage que l’ensemble de la capitalisation boursière du CAC 40.
Le volume de l’épargne consacré à l’assurance sur la vie ne fait qu’augmenter puisque, en 2009, ce sont près de 5 millions de nouveaux contrats qui ont été souscrits, représentant une croissance de l’encours global de 12 % à 14 % selon les estimations. En douze ans, l’encours a presque triplé.
Une ombre plane toutefois sur ce produit phare de l’épargne française : la question des contrats d’assurance sur la vie non réclamés au décès de l’assuré.
Cette question est régulièrement évoquée depuis maintenant près d’une dizaine d’années. Elle est essentielle, car elle touche à la base même de toute relation contractuelle, en particulier dans le domaine de l’épargne : je veux parler de la confiance.
Il n’est pas acceptable que des encours soient conservés par les assureurs alors qu’ils devraient être versés aux bénéficiaires des contrats.
Ce n’est pas acceptable d’un point de vue éthique, car le doute ne peut pas exister en la matière. Les assurés doivent être certains que les sommes versées iront à leurs destinataires.
Ce n’est pas non plus acceptable d’un point de vue économique, car ces sommes seraient plus utiles si elles étaient réinjectées dans l’économie où elles produiraient, notamment, des recettes fiscales.
Le législateur a donc été conduit, en 2005, à poser un certain nombre de règles dans la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance.
Tout d’abord, il a prévu la possibilité, pour toute personne physique ou morale, de se renseigner auprès de l’Association pour la gestion des informations relatives aux risques en assurance, l’AGIRA, organisme crée par cette loi, de l’éventuelle existence d’une stipulation en sa faveur dans un contrat d’assurance sur la vie dont le souscripteur est décédé, dès lors qu’elle apporte la preuve du décès.
Il a ensuite prévu, sur proposition de notre collègue Yves Détraigne, le principe selon lequel la société d’assurance, dès lors qu’elle est informée du décès de l’assuré et qu’elle connaît les coordonnées du bénéficiaire du contrat, doit en informer ce dernier.
Comment d’ailleurs ne pas s’étonner qu’il ait fallu inscrire dans la loi cette mesure de bon sens qui répond, me semble-t-il, à l’honnêteté la plus élémentaire : prévenir le bénéficiaire du décès de l’assuré et de l’existence d’un contrat en sa faveur ?
La loi de 2005 constituait certes un incontestable progrès, mais elle restait insuffisante. Aussi le législateur a-t-il dû se saisir à nouveau de cette question dès 2007.
La loi du 17 décembre 2007, votée à l’unanimité par le Sénat, oblige les assureurs à s’informer de l’éventuel décès des souscripteurs et à rechercher, le cas échéant, les bénéficiaires.
Pour accomplir cette mission et savoir si un assuré est vivant ou décédé, la loi a ouvert aux assureurs la possibilité de consulter le répertoire national d’identification des personnes physiques, le RNIPP. Elle a également autorisé les traitements de données nominatives issues de ce répertoire, en vue de rechercher les bénéficiaires
Sans doute stimulés par ce texte, les assureurs se sont engagés à consulter ce fichier dès lors que l’assuré est âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, que l’encours de son contrat est supérieur à 2 000 euros et qu’il n’a pas donné de nouvelles depuis deux ans.
Ces avancées ont été incontestablement utiles et positives, et il convient de les saluer. Le fait que le fichier AGIRA II, institué par la loi de 2007, ait donné lieu à plus de huit millions de consultations en un an en atteste et démontre l’importance du phénomène.
Aussi, certains se sont interrogés sur l’utilité de légiférer à nouveau sur cette question.
Si j’ai souhaité déposer une proposition de loi sur ce sujet, c’est tout simplement parce que je crois le dispositif encore perfectible.
Permettez-moi de citer la célèbre maxime de Boileau :
« Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,
« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
« Polissez-le sans cesse et le repolissez ; ».
Elle semble faite pour ce sujet tant les réticences rencontrées nécessitent de se hâter lentement, sans perdre courage, et de remettre sur le métier l’ouvrage pour le polir et le repolir, de manière à en finir progressivement avec la situation scandaleuse que constituent les contrats d’assurance sur la vie non réclamés.
Légiférer efficacement, c’est savoir faire le point régulièrement sur un dispositif pour le faire évoluer et l’améliorer. C’est ce que certains appellent aujourd’hui – une expression que je n’aime pas beaucoup, même si j’en approuve le principe, – la clause de revoyure.
D’ailleurs, le Médiateur de la République, qui soutient notre démarche, a souligné à plusieurs reprises que, malgré les évolutions législatives, la situation actuelle n’était pas satisfaisante, les assureurs et les pouvoirs publics « ne jouant pas le jeu ».
Cette proposition de loi a pour objet, en premier lieu, de renforcer les obligations des assureurs en matière de recherche, puisque la loi de 2007 est peu contraignante sur ce principe et que les obligations que les assureurs se sont fixées sont, me semble-t-il, insuffisantes.
Le texte tend, en second lieu, et cet objectif est tout aussi important, à améliorer la transparence en matière de contrats d’assurance sur la vie non réclamés.
La commission des lois a bien voulu reconnaître l’utilité de cette proposition de loi, et je l’en remercie. Je tiens à saluer son travail, tout particulièrement celui de son rapporteur, Dominique de Legge, dont la capacité d’écoute, l’objectivité et le pragmatisme ont permis de trouver un équilibre satisfaisant.
Si la commission a sensiblement modifié le texte initial, elle a « pleinement souscrit à ses objectifs », et c’est là l’essentiel.
Elle est même allée au-delà de ce que je proposais en prévoyant l’obligation, pour les assureurs, de consulter chaque année le répertoire national d’identification des personnes physiques dès lors que l’encours du contrat est supérieur à 2 000 euros, et sans plus poser aucune condition quant à l’âge du souscripteur. C’est une avancée considérable par rapport à la situation actuelle, et je tiens à la saluer.
La commission des lois a également partagé mes objectifs en termes de transparence en prévoyant que les compagnies d’assurance rendent compte chaque année de leurs recherches et que les organismes professionnels publient un bilan de l’application des dispositifs AGIRA I et AGIRA II.
Sur d’autres aspects, mes propositions ne répondaient sans doute pas au précepte de Boileau selon lequel il convient de se « hâter lentement ». Peut-être devront-elles être remises sur le métier ultérieurement. Je pense notamment à la question de l’irrévocabilité de la clause bénéficiaire, …