Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui devrait permettre, je l’espère, de boucler le dispositif progressivement mis en place depuis 2005 pour régler le fameux problème des contrats d’assurance vie non réclamés.
Comme l’ont rappelé certains orateurs, aujourd’hui, on estime qu’il existe 22 millions de contrats d’assurance vie, correspondant à environ 12 millions de souscripteurs et représentant un encours total de plus de 1 200 milliards d’euros, soit deux fois la capitalisation boursière du CAC 40, si mes informations sont exactes. Les enjeux sont donc importants.
Mais comme on le sait également, pour un certain nombre de ces contrats, le versement des sommes qui sont dues à leur bénéficiaire en vertu de la volonté du souscripteur et à la suite du décès de ce dernier n’est pas effectif, tout simplement parce que nombre de bénéficiaires ignorant qu’un contrat a été souscrit à leur profit ne font aucune réclamation.
Il en résulte un problème à la fois juridique et moral. D’un point de vue juridique, l’une des stipulations du contrat, essentielle dans l’esprit du souscripteur, n’est pas respectée. Sur le plan moral, les sommes placées sur ces produits par les souscripteurs l’avaient été non pas pour rester dans les réserves de la compagnie d’assurance au-delà de leur décès, mais bien pour bénéficier à une personne qu’ils avaient eux-mêmes choisie.
Cette problématique a été soulevée une première fois en 2005 devant la Haute Assemblée, au travers d’un amendement que j’avais déposé au moment de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance. Cet amendement, complété par une précision souhaitée par le Gouvernement et adopté par le Sénat, a instauré l’obligation pour l’assureur, lorsqu’il a connaissance du décès de l’assuré, d’informer le bénéficiaire d’une assurance vie de la stipulation effectuée à son profit, si ses coordonnées sont portées au contrat. Certes, comme l’a fait remarquer Hervé Maurey, c’est peu de chose, mais encore fallait-il que la loi le prévoie.
Le mécanisme introduit en 2005 a ensuite été complété en 2007, notamment par une disposition qui a donné aux sociétés et aux mutuelles d’assurance les moyens d’identifier les contrats pour lesquels elles sont tenues de verser un capital et a renforcé les obligations de moyens qui pesaient sur elles visant, d’une part, à identifier les bénéficiaires et, d’autre part, à verser les sommes dues dans un délai maximal d’un mois.
À la suite de ces diverses dispositions, les assureurs ont mis en place l’Association pour la gestion des informations relatives aux risques en assurance, l’AGIRA, qui joue en quelque sorte un rôle de guichet unique pour répondre aux obligations de gestion et de recherche mises à leur charge. Par ailleurs, ils se sont engagés à procéder à des recherches sur des contrats dont l’assuré était âgé de plus de quatre-vingt-dix ans et avec lequel ils n’avaient eu aucun contact depuis deux ans. C’est un début.
Ce dispositif, qui va incontestablement dans le bon sens, n’est certes réellement opérationnel que depuis l’an dernier, mais on constate aujourd’hui que le fichier des personnes décédées qui en a résulté donne lieu à près d’un million d’interrogations chaque mois.
On constate donc une montée en puissance du dispositif instauré à partir de 2005 et amélioré en 2007 ; il n’y a probablement pas lieu de modifier en profondeur ce qui se met en place.
Il n’en reste pas moins vrai que le système peut être amélioré : fin 2009, on estime l’encours de contrats non réclamés entre 700 000 millions d’euros et près de 5 milliards d’euros. Avec un tel écart, on peut progresser !
Le travail accompli par la commission des lois, à partir de la proposition de notre collègue Hervé Maurey, va dans le bon sens. La commission n’a pas souhaité modifier sensiblement le dispositif mis en place en 2005 et en 2007. En effet, comme je le soulignais déjà voilà deux jours à cette tribune, lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, il faut prendre le temps de l’évaluation avant de modifier une disposition législative.
Par ailleurs, l’assurance vie étant un produit d’épargne attractif, si l’on veut qu’il le reste, il convient de lui garantir une certaine stabilité.
Si elle n’a pas retenu l’ensemble des dispositions initiales de la proposition de loi, la commission, sous la houlette de son rapporteur Dominique de Legge, a néanmoins suivi l’auteur du texte sur plusieurs des mesures qu’il proposait.
Je pense à l’obligation annuelle de contrôle de l’éventuel décès de l’assuré, d’autant que les chiffres de consultation du dispositif évoqué à l’instant montrent que les assureurs sont en mesure de procéder à des recherches massives sur le portefeuille de leurs clients.
Je pense également à l’obligation faite aux assureurs de publier annuellement un état sur les démarches effectuées pour la recherche des assurés décédés et des bénéficiaires des contrats.
Ces dispositions vont dans le sens d’une plus grande transparence sur la situation de l’assurance vie qui – on le voit au travers de l’approximation des chiffres évoqués – n’est pas, aujourd’hui, des plus claires ! Par ailleurs, on évitera ainsi de voir se développer un certain nombre de rumeurs, voire de fantasmes, comme le disait M. le secrétaire d’État.
C’est dans le même esprit que j’ai cosigné les amendements proposés par Hervé Maurey, qui vont dans le même sens et tendent à compléter l’information annuelle prévue à l’article 1er bis de la proposition de loi.
Les échanges qui ont eu lieu en commission des lois, notamment entre l’auteur de la proposition et le rapporteur, sont de nature à parvenir à un texte conciliant au mieux transparence et efficacité, deux termes qui devraient nous servir de ligne de conduite pour la plupart des textes que nous examinons.
Je souhaite donc que nos débats de ce jour permettent d’adopter un texte garantissant cette transparence sur les actions menées pour régler au mieux le problème des contrats d’assurance vie non réclamés, aussi bien du côté des assureurs que de celui des bénéficiaires.