Intervention de Virginie Klès

Réunion du 29 avril 2010 à 15h00
Contrats d'assurance sur la vie — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey a pour objet de se préoccuper du sort réservé à l’épargne acquise par certains assurés qui disparaissent, tandis que les bénéficiaires désignés n’obtiennent pas le bénéfice des sommes déposées, faute de les avoir réclamées ou simplement d’en avoir eu connaissance.

Nous sommes face à un problème d’éthique : il s’agit de tout mettre en œuvre pour permettre à un vœu de s’exaucer, en l’occurrence le vœu de transmission qui avait été formulé par l’assuré défunt.

Nous sommes également confrontés à un problème économique : il s’agit également de tout mettre en œuvre pour faire en sorte que ces sommes soient réinjectées dans le circuit économique.

Ce dispositif d’épargne, cher aux Français, met en relation trois parties : les assureurs, les assurés – à ne pas confondre avec les souscripteurs, bien qu’ils soient souvent confondus dans la réalité – et, enfin, les bénéficiaires.

Ces trois parties ont des intérêts plus ou moins divergents et, en tout cas, différents.

S’agissant des assureurs, à l’évidence, l’intérêt de ces derniers est non pas de reverser les sommes en question, mais de les conserver et de les faire fructifier le plus longtemps possible.

Quant aux assurés ou aux souscripteurs, ils ont intérêt, puisqu’il s’agit d’un dispositif d’épargne, à conserver une certaine maîtrise de ce capital, avec la possibilité de changer éventuellement de bénéficiaire, au gré de la vie et de ses événements, ou celle de racheter tout ou partie du capital. Ce point ne doit pas être négligé dans notre réflexion.

Enfin, l’intérêt du bénéficiaire est de bénéficier de son droit, ce qui implique d’abord d’en être informé, puis de pouvoir l’exercer.

Les précédents intervenants l’ont souligné, nous sommes tous quelque peu choqués par la non-transparence concernant les contrats en déshérence, puisque les estimations de l’encours existant à cet égard fluctuent entre 700 000 millions d’euros et 5 milliards d’euros. La différence est de taille ! Ce manque de transparence n’incite pas à la confiance ni à l’établissement de meilleures relations entre les différentes parties.

Par ailleurs, il est également anormal que les assureurs puissent gérer pendant trente ans de l’argent qui ne leur appartient pas, alors que ces fonds ont un bénéficiaire potentiel, qui n’est pas informé ou n’a pas trouvé le moyen de réclamer ce qui lui est dû.

Certes, la situation a bien évolué. Les orateurs précédents ont évoqué les différentes étapes de cette évolution en 2005, en 2006 et en 2007.

D’abord, la mise en place du dispositif AGIRA I, qui a ouvert à tout bénéficiaire potentiel la possibilité de s’informer sur ses droits éventuels, était une première avancée.

Ensuite, les dispositions portant sur l’acceptation de la clause bénéficiaire, qui ne peut se faire à l’insu du souscripteur mais uniquement avec son accord, a sans doute aussi permis d’améliorer l’information des bénéficiaires.

Enfin, plus récemment, le dispositif AGIRA II, sur les résultats duquel nous avons encore peu de recul, oblige l’assureur à interroger le répertoire national d’identification des personnes physiques et à mettre à jour ses fichiers.

On peut aussi souligner au passage les incitations fortes pour les assureurs à verser les fonds rapidement une fois qu’ils ont retrouvé les bénéficiaires, sous peine de pénalités ou de versements supplémentaires.

Tous ces dispositifs ont permis d’instaurer un certain équilibre entre les droits des parties et d’améliorer les choses dans ce domaine.

La proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey va dans le même sens.

Elle vise à accroître les avancées, s’agissant notamment du dispositif AGIRA II. À cet égard, il faudra sans doute attendre l’avis de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Le fait de rendre la consultation annuelle et obligatoire pour les assureurs, sans attendre les trois courriers recommandés ni les trois informations non revenues, est un progrès très important.

L’abolition de la limite d’âge, afin de ne pas s’intéresser uniquement aux contrats souscrits par des personnes de plus de quatre-vingt-dix ans, est un point à souligner.

Par ailleurs, le texte tend à améliorer la transparence, grâce à la publication non seulement des démarches réalisées par les assureurs, mais aussi des sommes concernant les contrats encore en cours. Cette disposition, si elle est adoptée, permettra, au fil des ans, de mieux évaluer le stock des contrats en déshérence, ainsi que leur flux, et de juger de l’efficacité des démarches entreprises par les assureurs.

Au final, la présente proposition de loi apportera certainement un mieux, et nous attendons avec impatience la publication du prochain rapport sur l’ensemble de ce dossier.

Néanmoins, il reste des freins : certaines propositions auraient pu aller plus loin. Les assureurs que j’ai entendus, souvent très proches de leurs assurés, m’ont d’ailleurs suggéré des voies d’amélioration, dont nous aurons certainement l’occasion de discuter ultérieurement puisque ce sujet est sans doute appelé à revenir à l’ordre du jour de nos débats à plusieurs reprises.

Je regrette, par exemple, que la commission ait supprimé l’article 2.

Il aurait été souhaitable, en effet, de maintenir la communication annuelle obligatoire entre l’assureur et son assuré. Ainsi, il est bon de rappeler à l’assuré qu’il doit communiquer son changement d’adresse, même si l’on ne peut pas lui tenir rigueur de son manquement éventuel à cet égard. Il est également important de lui rappeler la possibilité dont il dispose de changer les bénéficiaires désignés sur son contrat d’épargne, tant qu’il n’existe pas de clause d’acceptation du bénéficiaire signée. De plus, il importe de l’informer du montant de son épargne, par lettre simple, ce qui serait tout à fait suffisant.

Sur les obligations de l’assureur concernant la formule de la clause bénéficiaire, les propositions auraient pu aller plus loin.

Dans la formule classique, « enfants nés ou à naître, à défaut, les héritiers », autrement dit les ayants-droit, il est assez facile de s’y retrouver. Mais si une autre personne est nommée comme bénéficiaire, il serait intéressant de préciser son nom, son prénom, ainsi que sa date et son lieu de naissance. Cela faciliterait les recherches pour retrouver le bénéficiaire lors de la disparition de l’assuré.

Il serait également opportun de s’intéresser aux courriers retournés portant la mention NPAI, « N’habite plus à l’adresse indiquée », qui représentent une proportion très importante de la disparition d’informations concernant les bénéficiaires. Aujourd’hui, ils sont renvoyés à l’assureur. Ne pourrait-on imaginer un dispositif d’enveloppes préparées, comme celui qui est utilisé pour les impôts ? Ainsi, celles qui portent la mention NPAI reviendraient non pas à l’assureur, mais, par exemple, à l’AGIRA, qui pourrait être chargée des premières recherches. Plus on recherche tôt une personne qui a changé d’adresse, plus on a de chances de la retrouver, de ne pas la perdre de vue.

Si le financement de la recherche des personnes doit effectivement incomber aux assureurs, ne conviendrait-il pas de transférer la responsabilité du résultat de la compagnie d’assurance à un autre organisme, l’AGIRA, par exemple ? Dans un tel système, les assureurs auraient tout intérêt à ce que les recherches aboutissent, et ce rapidement, pour réduire leur coût. Ainsi, la mutualisation des coûts de recherche sur l’ensemble des contrats serait maintenue, la charge financière serait laissée à l’assureur, mais la responsabilité du résultat serait transférée à une entité autre que la compagnie d’assurance.

En ce qui concerne la clause du bénéficiaire acceptant, il est important de donner davantage de droits à l’assuré, autrement dit au contractant.

Très souvent, l’assurance est un contrat aux termes duquel une garantie est donnée au bénéficiaire en échange d’une créance, ce qui implique des engagements réciproques. Il me paraît utile, dans cette forme d’épargne, que l’on ne puisse pas revenir sur la clause bénéficiaire.

En revanche, si le bénéficiaire n’est qu’un récipiendaire et l’assuré un donneur, pourquoi ne pas laisser à ce dernier le droit de revenir sur sa décision ? Dans ce cas, il ne faudrait pas qu’il y ait systématiquement cette notion de contrat entre l’assuré et le bénéficiaire, car cela empêcherait toute modification, alors même que la vie peut être riche de rebondissements et conduire l’assuré à certains changements.

Au total, le régime de l’assurance vie a beaucoup évolué depuis 2005 ; il en avait sans doute besoin. Certes, nous aurions pu aller plus loin dans les contraintes, notamment en matière de résultats s’agissant des assureurs. Nous aurions pu être plus protecteurs pour l’assuré quant à la conservation de ses droits sur son capital et son épargne. J’adhère donc à la citation faite par M. Maurey : il faudra remettre l’ouvrage sur le métier.

Néanmoins, le texte, tel que modifié, nous semble faire avancer les choses. Pour ces raisons, et dans l’attente de la suite des événements, notamment du prochain rapport promis par le Gouvernement, nous voterons ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion