Nous y reviendrons ! Bien entendu, le groupe socialiste n’a jamais voté cet article, considérant qu’il ouvrait une première brèche très importante dans le dispositif. Il se confirme aujourd’hui que l’on peut s’y engouffrer. Qui plus est, nous avons toujours eu du mal à croire que les orthophonistes libéraux sont incapables de rémunérer un stagiaire 400 euros par mois exonérés de charges sociales. Au demeurant, nul n’est obligé d’accueillir un stagiaire si cette somme « exorbitante » risque de mettre en péril l’équilibre financier du cabinet !
Vous affirmez, mes chers collègues, que cette proposition de loi n’a pas pour objet de supprimer le principe de la gratification, mais qu’elle vise à répondre au cri d’alarme des étudiants travailleurs sociaux qui, faute de stages, ne pourraient pas valider leur diplôme.
Je n’ignore pas qu’il y a un véritable problème d’offres de stage, nous le savons tous. Mais peut-être faudrait-il préciser que les étudiants et tous les acteurs du secteur social et médico-social, en particulier les organismes de formation et les fédérations d’établissements, ne remettent pas en cause le principe de la gratification : ils demandent les moyens financiers correspondants afin de pouvoir rémunérer les stagiaires.
Mes chers collègues, vous avez reçu comme moi cette lettre du collectif national des étudiants en travail social dans laquelle ils demandent très clairement le rejet de cette proposition de loi, qui « ne répond ni à [leurs] attentes, ni à [leurs] exigences » et qui se disent « très attachés au principe de gratification, qui permet, d’une part, la reconnaissance et la valorisation de [leur] travail et, d’autre part, de lutter contre la précarité étudiante, pendant la période des stages ». C’est pourquoi ils s’opposent « de toutes [leurs] forces à votre proposition de loi, qui ne ferait que repousser le problème financier sans proposer de réelles solutions ». On ne saurait être plus clair !
En fait, ce problème de la gratification révèle avant tout les difficultés financières auxquelles est confronté l’ensemble du secteur social et médico-social – aide à la personne, maintien à domicile… Celui-ci traverse une crise financière sans précédent, qui l’asphyxie peu à peu. Il faudrait que la commission des affaires sociales aussi bien que le Gouvernement se penchent sur cette question, qui, je le sais, préoccupe tout le monde.
La présente proposition de loi est un très mauvais signal donné à ce secteur. Elle va à l’encontre des dispositions adoptées par le législateur en 2006 et contredit les préconisations de la commission Hirsch et de la mission commune d’information du Sénat sur la politique en faveur des jeunes : favoriser l’insertion professionnelle et l’autonomie de la jeunesse. En suspendant la gratification, elle entérine la situation de précarité dans laquelle se trouvent aujourd’hui de nombreux étudiants et elle dévalorise la filière sociale, qui a pourtant besoin de recruter. Enfin, elle crée une discrimination entre la filière sociale et les autres formations, mais aussi entre les étudiants eux-mêmes selon qu’ils seront ou non soutenus financièrement par leurs parents pendant leur période de stage : les plus démunis, les plus pauvres seront les plus pénalisés.
J’estime qu’il vaudrait mieux se pencher sur les incohérences du système de rémunération des jeunes en formation. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur ce point : si des moyens financiers sont dégagés pour rémunérer les élèves de Polytechnique ou de l’École nationale de la magistrature, pourquoi n’en irait-il pas de même pour les étudiants de la filière sociale et médico-sociale ? Il me paraît impensable que le législateur puisse vouloir supprimer la gratification pour ces jeunes alors que la précarité étudiante est une réalité alarmante, qui mène souvent à de vrais drames : on sait à quelles extrémités sont malheureusement conduits certains afin de pouvoir financer leurs études ! Les textes que nous avions adoptés avaient réglé ce problème, et voilà que vous revenez en arrière. Car la proposition de loi concernera beaucoup de personnes !
Une véritable solution au problème du financement de cette mesure doit être trouvée, et il faut y travailler dès à présent. En aucun cas les stagiaires travailleurs sociaux ne sauraient être moins bien traités que les autres, d’autant qu’ils sont souvent chargés d’interventions éprouvantes auprès de familles en difficulté. Ce sont eux qui seront pénalisés, et aucun autre, nous y reviendrons dans le cours du débat.
Lors de l’examen du texte en commission, madame le rapporteur, vous avez fait adopter un amendement prévoyant que la mise en œuvre de cette dérogation serait limitée dans le temps, à savoir jusqu’au 31 décembre 2012. Madame la secrétaire d’État, le choix du 31 décembre 2012, c’est-à-dire après les élections présidentielle et législatives, relève-t-il du hasard ? Après cette date, il reviendrait à l’État de formuler des propositions pour que les conseils régionaux puissent prendre en charge – allons-y gaiement ! – le remboursement de la gratification des stagiaires au motif qu’ils ont des compétences en matière de formation.
Madame la secrétaire d’État, l’IGAS vous remettra un rapport dès le mois de mai : nous avons tout le temps de prendre des dispositions ! Et si vraiment il faut une mesure de suspension, madame le rapporteur, de grâce, pas jusqu’au 31 décembre 2012 !
Ce que vous nous proposez, c’est un enterrement définitif de la gratification des stages des professions sociales ! Faut-il tant de temps pour élaborer des propositions ? Je pose la question ! De plus, il est pour nous inacceptable que l’on veuille a priori faire supporter la charge de cette mesure par les régions. Et si tel devait être le cas, encore faudrait-il que celles-ci disposent des moyens financiers adéquats : à tout transfert de compétence doit correspondre un transfert de moyens, c’est maintenant constitutionnel !
Aujourd’hui, le cursus de formation des étudiants et élèves travailleurs sociaux est fixé non par la région, mais par l’État. Puisqu’il est du ressort de l’État de prendre en charge le coût de la formation initiale, la dépense entraînée par les rétributions des stagiaires doit logiquement lui revenir aussi : elle fait partie du coût global de la formation.
C’est pourquoi nous avons rédigé, avec le concours de l’Assemblée des départements de France, l’ADF, deux amendements visant à conforter le principe de la gratification obligatoire des stages étudiants dans le secteur médico-social et à le rendre effectif en créant au sein de l’ONDAM médico-social une enveloppe financière à la charge des ministères sociaux responsables de ces diverses formations.
S’il était adopté, ce dispositif permettrait, d’une part, d’apporter un soutien financier aux étudiants et, d’autre part, de ne pas pénaliser les structures d’accueil des stagiaires, aujourd’hui fortement invitées à s’inscrire dans des logiques de maîtrise des coûts et de convergence tarifaire. En effet, il conduirait, au sein des différentes enveloppes de crédits limitatifs pour le financement de ces structures, à dédier des fonds au financement des stages, qui sont de véritables missions d’intérêt général puisqu’ils sont essentiels à la validation des formations des étudiants en travail social.
J’espère, madame le rapporteur, que vous accueillerez favorablement cette proposition, même si la discussion a déjà pris une tonalité qui m’amène à en douter. Quoi qu’il en soit, en l’état, le texte est pour nous totalement inacceptable, et vous le savez bien puisque nous avons eu l’occasion d’en débattre longuement.
Madame la secrétaire d’État, le début de votre intervention m’a donné à espérer que l’accord qui régnait jusqu’à présent sur la question des stages allait persister. Mais la fin de votre propos m’a déçu. Je vous pose la question, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues : ne craignez-vous pas, à force d’exceptions, de vider totalement ces textes de leur substance ? Et que répondrez-vous quand on vous adressera d’autres demandes en ce sens ? Que répondrez-vous, par exemple, au secteur de l’automobile, au secteur des banques, qui se disent en crise ?
Madame la secrétaire d’État, ce qui est tout à fait dramatique dans la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, c’est que seront seuls pénalisés ceux qui s’engagent dans ce travail social que vous connaissez bien et qui est si important, et ce jusqu’en 2012 ! D’exception en exception, les bonnes dispositions vont finir par disparaître.
Quand des dispositions ont été prises en 2006, quand le décret a été pris en 2009, on s’est forcément posé le problème du financement ! Peut-on imaginer que l’on aurait sciemment « dégagé en touche » en laissant les suivants se débrouiller ? Je n’ose ! Si pourtant cet aspect a été effectivement négligé, il nous revient aujourd’hui de réparer cela très vite, parce qu’il n’y a aucune raison que ce soient les étudiants qui soient pénalisés, absolument aucune ! Ils seraient pénalisés parce que nous avons manqué, tous, disons-le ainsi, à notre devoir d’anticipation sur le financement qu’il fallait prévoir ?
Dans ces conditions, ce texte est, à nos yeux, inacceptable.
Mes chers collègues, lorsque nous légiférons – même sur des textes que nous ne votons pas ! –, il ne faut pas penser que nous pourrons revenir sur certains textes et pas sur d’autres ! Pour être très clair, il est possible de revenir sur un texte relatif aux stages des étudiants, qui concerne donc des jeunes en formation, en leur ôtant toute gratification – 417 euros par mois, pour éviter l’hyperpauvreté ! –, mais tel n’est pas le cas pour les dispositions relatives au bouclier fiscal, aux stock-options ou encore à la fiscalisation des retraites chapeau, car elles sont sanctuarisées !