Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 13 novembre 2008 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Renvoi à la commission

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

En effet, si nous sommes loin de partager les mêmes idées, il n’en reste pas moins que, face à la dégradation continue des comptes de la sécurité sociale, le dialogue au sein de la commission, faisant suite aux rapports équilibrés rédigés par nos cinq collègues, a fait émerger des pistes de réformes structurelles intéressantes.

Premièrement, la question de l’efficacité des exonérations de cotisations et charges sociales et d’un usage plus ciblé de cet outil est une interrogation partagée par beaucoup d’entre nous.

Deuxièmement, la nécessité de porter les crédits destinés à la sécurité sociale au niveau des prévisions de dépenses des organismes telles qu’elles sont adoptées dans les lois de financement devrait recueillir un large assentiment. En effet, au regard de la reconstitution rapide des dettes de l’État à l’égard du régime général, constatée à peine quelques mois après l’opération d’extinction des 5, 1 milliards d’euros de dettes antérieures, cette mesure s’impose.

Troisièmement, travailler sur la justice fiscale et taxer, dès le premier euro, les parachutes dorés, golden hello et autres rémunérations accessoires mobiliseraient sans doute au-delà des rangs de la gauche.

Quatrièmement, rechercher des sources de financement pérennes et continuer à travailler autour du forfait social susciteraient également nombre de propositions.

Le rapport de M. Leclerc relatif à l’assurance vieillesse vous alerte, mes chers collègues, sur la nécessité de passer d’une réforme paramétrique à une véritable réforme structurelle, en pointant deux phénomènes : la montée des inégalités entre les générations et la répartition inéquitable de l’effort contributif demandé aux différentes catégories d’assurés sociaux. C’est une réflexion qui nous semble pertinente et qu’il nous semble indispensable de mener sans attendre.

Voilà quelques exemples qui vous montrent que, en laissant aux commissions plus de temps pour travailler, les plans de financement que vous nous proposez année après année pourraient être autre chose que des architectures purement comptables, socialement inefficaces et déjà obsolètes avant même d’être votées !

Nous ne perdrions rien à procéder ainsi. De projets de loi de financement en projets de loi de financement, à force de déficits et d’accumulations de dettes, vous êtes en train d’étouffer le système. S’accorder une pause, et enfin travailler sur le fond, serait même salvateur. Mais vous préférez aller droit dans le mur en klaxonnant, pour que personne ne rate l’impact, plutôt que de prendre le temps de réfléchir aux besoins des Français et au sens de votre action.

Vous allez rejeter cette motion tendant au renvoi à la commission, alors que, cette année encore, votre approche purement comptable s’est révélée désastreuse. Mais ce n’est pas un hasard : avoir une vision uniquement comptable des enjeux conduit à ne se focaliser que sur le déficit et à préparer ainsi la fin du système.

Du fait de votre inaction et de l’alourdissement des charges liées aux intérêts de l’emprunt, les finances sociales se sont encore dégradées. Le découvert de l’ACCOSS a atteint 27, 6 milliards d’euros à la fin de l’année 2008, tandis que la hausse des taux d’intérêt a provoqué une montée rapide des charges financières : 930 millions d’euros en 2008, contre 648 millions d’euros en 2007. Le coût des frais financiers est supérieur de 100 millions d’euros à ce que rapporteront les franchises médicales.

Face à cette situation, votre réponse est sidérante : planquer la poussière des découverts sous le tapis de la dette ! C’est ainsi que vous transférez à la CADES 27 milliards d’euros de dettes supplémentaires. Ce transfert de déficit, vous avez le toupet de l’appeler « assainissement des comptes » ! Bel assainissement qui consiste à laisser à nos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants le soin de payer votre gabegie ! Et pour quel résultat ? Si au moins le refus de travailler sur les réformes structurelles et le gaspillage des fonds publics assurait à court terme l’opulence !

Il suffit de se pencher sur la situation de la branche maladie pour constater que les déficits ne sont pas liés à l’amélioration de la santé des Français. C’est même le contraire : aujourd’hui, notre système voit les inégalités se creuser entre les populations et entre les territoires. La différence d’espérance de vie entre les régions peut atteindre cinq ans, voire dix ans, si l’on compare les zones d’emploi. En moyenne, l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d’un cadre, et l’écart tend même à s’accroître. Cela en dit long sur ce que devient avec vous le « meilleur système de santé du monde ».

Il est plus que temps de sortir de ce mensonge qui veut que la médecine soit libérale, alors qu’elle est largement socialisée. La collectivité consacre 160, 7 milliards d’euros à la branche maladie, sans compter la part des mutuelles. Or, dans ce système, la solidarité repose quasi exclusivement sur les assurés et les malades. Ce sont eux qui, à coup de déremboursements, forfaits, franchises, ont supporté les efforts demandés à la branche. Cette année, faute de pouvoir encore alourdir les prélèvements par crainte d’irriter un peu plus nos concitoyens, vous ponctionnez un milliard d’euros sur le budget des assurances complémentaires.

Cette ponction ne sera pas exceptionnelle et aboutira forcément à la hausse des cotisations des ménages ou à l’augmentation du reste à charge. Dans les deux cas, c’est encore une fois l’assuré social qui servira de variable d’ajustement.

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