Madame la ministre, la récente publication des chiffres de la délinquance soulève bon nombre d’interrogations.
Le silence imposé aux préfets sur ce dossier, de même que les consignes adressées aux policiers et aux gendarmes sur cette question, jette un doute sur la crédibilité des statistiques annoncées. La modification des modes de recensement des actes et de compilation des données pour 2010 ne fait que renforcer la suspicion des acteurs locaux sur la réalité des chiffres officiels.
Pour autant, ces précautions ne suffisent pas à masquer la réalité d’une situation pour le moins dégradée.
Pour le seul département de l’Aude, qui compte 349 237 habitants, le taux de criminalité est de l’ordre de 38 faits pour 1 000 habitants, soit plus que dans les autres départements de strate démographique identique. Cela s’explique en partie par la spécificité de la situation géographique de l’Aude, qui se situe entre trois départements plus peuplés : les Pyrénées-Orientales, avec 441 000 habitants, ainsi que l’Hérault et la Haute-Garonne, avec chacun plus d’un million d’habitants.
Par ailleurs, l’Aude est au carrefour d’axes de circulation importants : un axe nord-sud, qui va jusqu’en Espagne via Perpignan, et un axe est-ouest, qui relie Montpellier à l’agglomération toulousaine.
Si une telle situation géographique est un atout fort pour le développement économique et culturel du département, c’est aussi un état de fait dont il convient de tenir compte pour appréhender la réalité de la délinquance sur le territoire.
Ce département a eu à déplorer le transfert du commandement de gendarmerie de Castelnaudary – c’est la troisième ville du département, aux portes de la Haute-Garonne – vers Carcassonne, ainsi que la suppression de la gendarmerie mobile à Narbonne.
La fermeture du tribunal de Castelnaudary est venue accroître les difficultés de la juridiction de Carcassonne, qui doit faire face à une charge trop lourde.
Le tribunal de grande instance de Carcassonne a certes décroché un bon point à l’échelon régional pour la rapidité de sa réponse pénale, mais son activité pour l’année 2010 a été marquée par 47 jours d’audiences criminelles, contre 30 en 2009, par 1 867 saisines du tribunal correctionnel, contre 1 558 en 2009, et par 17 332 affaires reçues au parquet, dont 3 760 sont « poursuivables ». La dizaine de magistrats du siège, les quatre parquetiers et les quarante-trois fonctionnaires sont donc soumis à rythme de travail particulièrement difficile à soutenir.
De plus, la refonte de la médecine légale, qui est entrée en vigueur depuis le 15 janvier, a conduit à concentrer l’activité de ce service sur le seul site de Montpellier, où s’effectueront désormais les autopsies jusque-là réalisées dans l’Aude, les Pyrénées-Orientales, l’Hérault, l’Aveyron, le Gard, la Lozère, le Vaucluse et l’Ardèche. Excusez du peu !
Une telle centralisation entraînera certainement des surcoûts. Les enquêteurs seront en effet contraints de se déplacer à Montpellier pour les autopsies, soit un trajet aller-retour de 300 kilomètres pour ceux de Carcassonne. Cette centralisation occasionnera également des frais pour les transferts de corps. Par ailleurs, le risque est grand que les enquêteurs perdent du temps, du fait à la fois de ces déplacements, mais aussi de l’engorgement inévitable d’une telle structure.
Madame la ministre, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me préciser si vous entendez engager une réelle concertation sur les problématiques de la délinquance et de la justice avec les acteurs du territoire afin de permettre au département de l’Aude et à ses habitants de bénéficier, dans ces domaines, des moyens adaptés à la réalité de la situation locale.