Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 8 mars 2011 à 14h30
Garde à vue — Article 8

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

L’article 8 pose les principes du respect de la dignité de la personne gardée à vue et de la limitation des mesures de sécurité à celles qui sont strictement nécessaires. Soit ! Il est positif que ces exigences soient rappelées.

Mais qu’en sera-t-il dans la réalité ? Cet article contribuera-t-il à rendre plus acceptables les conditions matérielles de détention, trop souvent indignes aujourd’hui ? Permettez-moi d’en douter !

Le texte ne dit rien, en effet, de ces conditions matérielles. Le projet de loi, tel qu’il se présentait avant son examen par le Conseil d’État, les évoquait ; elles ont disparu depuis lors. En toute logique, rien n’est dit non plus à propos d’une quelconque sanction de leur non-respect.

Nous avions déposé sur cet article 8 un amendement qui était destiné à réparer cette absence et à faire de la dignité un droit ne souffrant aucune dérogation. Nous y invoquions notamment le respect de l’intimité, de la pudeur, de l’hygiène, et les conditions matérielles permettant de garantir ce respect.

Pour garantir l’effectivité de notre amendement, nous avions prévu une sanction : la mise en cause de la responsabilité de l’État en raison du préjudice moral subi par la personne gardée à vue, dans la logique des amendements que nous avions défendus lors de l’examen de la loi pénitentiaire. Cet amendement a été rejeté sous le prétexte qu’il était contraire à l’article 40 de la Constitution.

Nos propositions répondaient pourtant à une injonction du Conseil constitutionnel qui a rappelé, dans sa décision du 30 juillet dernier, que la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d’asservissement et de dégradation constituait un principe à valeur constitutionnelle. Nous avons voulu sanctionner la méconnaissance de ce principe et donner aux institutions judiciaires les moyens juridiques d’assurer leur mission.

Tant que vous refuserez d’accorder les budgets nécessaires au maintien des locaux de garde à vue dans un état normal et digne, il est clair que les choses ne changeront pas et que cette réforme ne sera pas effective.

Je ne détaillerai pas tout ce qui a été dit et écrit, y compris dans le rapport de notre collègue François Zocchetto, sur les conditions actuelles de la garde à vue : la saleté, les odeurs nauséabondes, l’obligation de quémander une couverture ou le droit d’aller aux toilettes, l’absence de pudeur, d’intimité. Je m’en tiens là pour le constat, car je n’en finirais pas... Permettez-moi de vous renvoyer aux divers rapports du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, que j’ai saisie à plusieurs reprises. Ils sont édifiants !

Mes chers collègues, les prisons françaises ne sont pas les seules, hélas ! à constituer une humiliation pour la République.

Il est temps que la France fasse en sorte de ne plus être montrée du doigt par les organismes internationaux, comme le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou le Comité contre la torture des Nations unies.

Je regrette que l’article 40 – dont l’utilisation, on le sait bien, est à géométrie variable ! – nous ait été opposé. De toute façon, les dispositions que vous voterez demeureront nulles et non avenues si les budgets correspondants ne sont pas suffisants.

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