Séance en hémicycle du 8 mars 2011 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • avocat
  • dignité
  • détention
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  • l’avocat
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  • procureur
  • procureur de la république

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la garde à vue (projet n° 253, texte de la commission n° 316, rapport n° 315).

Nous poursuivons la discussion des articles.

La semaine dernière, nous avons commencé l’examen de l’article 7, dont je rappelle les termes :

Après le même article 63-4, sont insérés quatre articles 63-4-1 à 63-4-4 ainsi rédigés :

« Art. 63 -4 -1. – À sa demande, l’avocat peut consulter le procès-verbal établi en application du dernier alinéa du I de l’article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l’article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste. Il ne peut en demander ou en prendre une quelconque copie.

« Art. 63 -4 -2 . – La personne gardée à vue peut demander que l’avocat assiste à ses auditions. Dans ce cas, la première audition ne peut débuter sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office avant l’expiration d’un délai de deux heures suivant l’avis adressé dans les conditions prévues à l’article 63-3-1, de la demande formulée par la personne gardée à vue d’être assistée par un avocat.

« Si l’avocat se présente après l’expiration du délai prévu au premier alinéa alors qu’une audition est en cours, celle-ci est interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s’entretenir avec son avocat dans les conditions prévues à l’article 63-4 et que celui-ci prenne connaissance des documents prévus à l’article 63-4-1. Si la personne gardée à vue ne demande pas à s’entretenir avec son avocat, celui-ci peut assister à l’audition en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire.

« Toutefois, à la demande de l’officier de police judiciaire, le procureur de la République peut autoriser celui-ci soit à débuter immédiatement l’audition de la personne gardée à vue sans attendre l’expiration du délai de deux heures prévu au premier alinéa, soit à différer la présence de l’avocat lors des auditions pendant une durée ne pouvant excéder douze heures lorsque cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête soit pour permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes. L’autorisation du procureur de la République est écrite et motivée.

« Dans le cas prévu au quatrième alinéa, le procureur de la République peut décider à la demande de l’officier de police judiciaire que, pendant la durée fixée par l’autorisation, l’avocat ne peut consulter les procès-verbaux d’audition de la personne gardée à vue.

« Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, la présence de l’avocat lors des auditions peut, dans les limites fixées au quatrième alinéa, être différée, au-delà de la douzième heure, jusqu’à la vingt-quatrième heure, par décision écrite et motivée du juge des libertés et de la détention statuant à la requête du procureur de la République.

« Art. 63–4–3. – L’audition est menée sous la direction de l’officier ou de l’agent de police judiciaire qui peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe, s’il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d’un autre avocat.

« À l’issue de chaque audition à laquelle il assiste, l’avocat peut poser des questions. L’officier ou l’agent de police judiciaire ne peut s’opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête ou à la dignité de la personne. Mention de ce refus est portée au procès-verbal.

« À l’issue de chaque entretien avec la personne gardée à vue et de chaque audition à laquelle il a assisté, l’avocat peut présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées en application du premier alinéa. Celles-ci sont jointes à la procédure. L’avocat peut adresser ses observations, ou copie de celles-ci, au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue.

« Art. 63 -4 -4. –

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Au sein de l’article 7, nous en sommes parvenus à l’examen de seize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 174 rectifié, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 5 à 7

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque les nécessités de l'enquête exigent une audition immédiate de la personne, le procureur de la République peut autoriser, par décision écrite et motivée, l’officier ou l’agent de police judiciaire à débuter l'audition sans attendre l'expiration du délai prévu au premier alinéa.

« À titre exceptionnel, l'officier ou l'agent de police judiciaire peut être autorisé, par décision écrite et motivée prise, selon les distinctions prévues par l’alinéa suivant, par le procureur de la République ou par le juge des libertés et de la détention, à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes.

« Le procureur de la République ne peut différer la présence de l’avocat que pendant une durée maximale de douze heures. Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l’avocat, au-delà de la douzième heure, jusqu’à la vingt-quatrième heure. Les autorisations du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention sont écrites et motivées par référence aux conditions prévues à l’alinéa précédent au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l’espèce.

« Lorsque, conformément aux dispositions des deux alinéas qui précèdent, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention a autorisé à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, il peut également, dans les conditions et selon les modalités prévues par ces alinéas, décider que l'avocat ne pourra, pour une durée identique, consulter les procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L’article 7 du projet de loi traite des modalités d’intervention de l’avocat lors de la garde à vue.

Le présent amendement, que je présente au nom de la commission des lois, a un triple objet.

En premier lieu, il tend à renforcer les garanties entourant la possibilité pour le procureur d’autoriser un report de la présence de l’avocat pendant une période de douze heures, puis pour le juge des libertés et de la détention pendant une nouvelle période de douze heures, en indiquant que ce report doit être exceptionnel et que les autorisations doivent être motivées par écrit au regard des faits de l’espèce.

En deuxième lieu, il vise à distinguer la question du report de l’avocat de celle de l’autorisation de commencer une audition sans attendre l’expiration du délai de deux heures, car ces questions, différentes, ne sauraient être confondues.

Enfin, dans un souci de cohérence, lorsque l’autorisation de reporter la présence de l’avocat a été exceptionnellement décidée par le juge des libertés et de la détention pour une nouvelle durée de douze heures, il est prévu que ce magistrat peut également autoriser le report de la communication des procès-verbaux d’audition à l’avocat.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Nègre et Mme Dumas, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toutefois, à la demande de l'officier de police judiciaire, le procureur de la République peut autoriser celui-ci à différer l'intervention de l'avocat prévue aux articles 63-3-1 à 63-4-2 pendant une durée ne pouvant excéder douze heures, lorsque cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes. L'autorisation du procureur de la République est écrite et motivée.

II. - Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

III. - Alinéa 7

Remplacer les mots :

la présence de l'avocat lors des auditions

par les mots :

l'intervention de l'avocat prévue aux articles 63-3-1 à 63-4-2

La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Aux termes du présent projet de loi, l'assistance de l'avocat se décline selon trois modalités : l'entretien confidentiel, l'assistance aux auditions et l'accès à certains procès-verbaux, en particulier les procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue.

Si l'assistance de l'avocat dans ses trois composantes est ainsi affirmée dans son principe à tous les stades de la garde à vue, l'article 7 n'en fixe pas moins la possibilité d'y faire exceptionnellement obstacle pendant une durée déterminée, et ce au regard de « raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes ».

Or selon la rédaction actuelle de l'article 7, l'accès aux procès-verbaux doit pouvoir être différé pendant une durée maximale de douze heures, alors que l'assistance de l'avocat aux auditions pourrait être reportée, elle, pendant une période pouvant aller jusqu'à vingt-quatre heures – douze heures sur autorisation du procureur de la République, puis douze heures supplémentaires sur décision du juge des libertés et de la détention –, tandis que l'entretien confidentiel ne pourrait faire l'objet d'aucun report, pour quelque durée que ce soit.

Force est de le constater, cette rédaction est source de complexité – elle accroît, par conséquent, les risques d'erreurs et de nullité – tout à la fois pour les enquêteurs et pour les avocats, voire pour l'autorité judiciaire elle-même, qui devra, en l'état du texte, justifier, dans une décision écrite et motivée, par des « raisons impérieuses » le report éventuel de l'assistance de l'avocat aux auditions à un moment où, par exemple, l'accès aux procès-verbaux d'audition lui sera permis, ou le report de l'exercice de l'un et l'autre de ces droits, alors même qu'il aura pu s'entretenir avec la personne gardée à vue avant la première audition.

Le présent amendement vise donc à rationaliser la procédure, en considérant que l'assistance de l'avocat doit être affirmée dans son caractère indivisible – entretien, assistance aux auditions et accès aux procès-verbaux –, de telle sorte que si des raisons impérieuses justifient un éventuel report de cette assistance, c'est dans ses trois modalités, tandis que, à compter du moment où l'avocat intervient en garde à vue, il doit alors pouvoir disposer de la plénitude de ses prérogatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 85, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Première phrase

Remplacer les mots :

le procureur de la République peut autoriser

par les mots :

le juge des libertés et de la détention peut décider

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Si le présent projet de loi comporte une innovation, il s’agit de la présence de l’avocat lors des auditions et des confrontations. Toutefois, il est paradoxal que, une fois cette avancée – il faut bien la reconnaître – réalisée, le texte s’empresse de fixer un certain nombre de limites, de reculs, au nombre desquels figure la possibilité confiée à l’officier de police judiciaire et au procureur de la République de reporter la présence de l’avocat. Pour notre part, nous sommes opposés par principe à un tel report.

Cependant, si le futur droit commun doit comporter une dérogation, selon nous, celle-ci doit obéir à des règles particulières, respecter notamment celles de l’habeas corpus, et relever du juge des libertés et de la détention.

Tel est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 117 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première et seconde phrases

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement, comme celui que vient de présenter M. Anziani, est en cohérence avec les positions que nous avons déjà soutenues relatives à la place que doivent occuper le juge des libertés et de la détention et le procureur de la République.

Sur le fond, reporter, à la demande du procureur de la République, la présence de l’avocat est un combat de retardement. Même si le Sénat puis l’Assemblée nationale acceptaient cette disposition, elle ne demeurerait pas longtemps, car elle irait à l’encontre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Nous considérons qu’il faut au moins que ce soit le juge des libertés et de la détention qui prenne une telle décision, d’une particulière gravité par rapport aux libertés individuelles.

Le présent projet de loi a pour objet premier d’assurer la présence de l’avocat lors de la garde à vue. Or sur demande du procureur de la République, cette présence pourrait être reportée pendant une durée de douze heures en raison de circonstances particulières, qui, fatalement, donneront lieu à interprétations, discussions et conflits. Je le répète, une telle mesure doit être à tout le moins entre les mains du juge des libertés et de la détention.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 33, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5, première phrase

Après les mots :

celui-ci

insérer les mots :

, après autorisation du juge des libertés et de la détention,

II. - Alinéa 5, seconde phrase

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Alors que vous concédez une avancée en acceptant la présence de l’avocat, vous vous empressez de la contraindre en permettant de différer cette dernière. Une telle disposition est contraire à de nombreux avis émis par des instances non seulement européennes, mais aussi internes à notre pays.

Comme nous l’avons indiqué à de multiples reprises et comme le note très justement l’avis remis par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNDH, au Gouvernement le 6 janvier dernier, le texte aboutit à une confusion des rôles, alors même que la Cour européenne des droits de l’homme relève, dans son arrêt Medvedyev c. France, que « le magistrat doit présenter les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar du ministère public ». Selon la Cour européenne, l’autorité de poursuite ne peut donc pas être le juge devant lequel la personne privée de liberté est déférée pour juger de la légalité et de la nécessité de l’arrestation et de la privation de liberté.

Avec l’alinéa 5 de l’article 7 du projet de loi, le Gouvernement persiste en donnant le pouvoir au directeur de l’enquête de priver la personne placée en garde à vue d’un droit substantiel : celui d’être assistée d’un avocat dès le début de la procédure.

C’est pourquoi nous souhaitons que la mise en œuvre des dispositions dérogatoires à la présence de l’avocat soit au moins soumise au contrôle du juge des libertés et de la détention.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 166, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5, première phrase

Après les mots :

l'audition

insérer les mots :

ou la confrontation

et après les mots :

des auditions

insérer les mots :

ou des confrontations

II. - Alinéa 6

Après les mots :

d'audition

insérer les mots :

ou de confrontation

III. - Alinéa 8

Après les mots :

l'audition

insérer les mots :

ou la confrontation

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il s’agit d’un amendement de coordination avec d’autres dispositions que nous avons examinées la semaine dernière.

Le texte initial du Gouvernement vise la présence de l’avocat lors des auditions. Considérant que ce qui se conçoit bien doit être énoncé clairement, nous estimons que si les auditions visent également les confrontations, il convient de prévoir ces dernières dans la future loi, afin d’éliminer toute ambiguïté, ce qui est le propre d’un bon texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 168, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

de deux heures

par les mots :

d'une heure

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il s'agit d’un amendement de pure coordination.

J’ai déjà eu l’honneur de défendre cette disposition devant le Sénat. J’espère qu’elle recevra aujourd'hui un accueil plus enthousiaste que la semaine dernière, le week-end étant passé depuis lors !

Sourires. – M. le président de la commission des lois s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 34 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L'amendement n° 119 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 34.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je le répète, l’alinéa 6 de cet article introduit une exception au droit commun de la garde à vue en portant atteinte aux droits de la défense.

Monsieur le garde des sceaux, vous créez tellement d’exceptions au sein de ce droit commun que nous avons l’impression de traiter des régimes dérogatoires, qui existent par ailleurs.

Nous avons fait le constat que l’assistance effective de l’avocat ne serait pas assurée aux termes du projet de loi. Nous avons dénoncé le cantonnement de l’avocat dans un rôle de surveillant d’interrogatoire. Or, ici, on va même jusqu’à le priver de cette fonction !

En effet, cet alinéa donne au procureur de la République, à la demande de l’OPJ, l’officier de police judiciaire, le pouvoir d’empêcher l’avocat d’avoir accès aux procès-verbaux d’audition. Ainsi, le défenseur ne sera plus en mesure de contrôler le bon déroulement des auditions réalisées en son absence.

De plus, cet alinéa n’est pas clair. Retire-t-il par ailleurs à l’avocat le droit d’accéder au procès-verbal régi par l’article 10 du projet de loi ? Aux termes de cette dernière disposition, il est établi « un procès-verbal mentionnant […] les motifs justifiant le placement en garde à vue […]. La durée des auditions de la personne gardée à vue et des repos qui ont séparé ces auditions », ainsi que les fouilles intégrales éventuellement effectuées ou encore l’heure à laquelle la personne gardée à vue a pu s’alimenter.

Si cette interprétation était la bonne, la situation serait encore beaucoup plus grave, car l’avocat n’aurait aucun moyen de vérifier qu’aucune pression ou atteinte à la dignité n’a été exercée à l’encontre du gardé à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 119 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je le répète une fois de plus : nous avons malheureusement affaire ici à un texte qui, dans plusieurs de ses dispositions, est « défensif », non pas au sens où il accroîtrait les droits de la défense, hélas ! mais parce que l’on nous propose des solutions qui visent à gagner du temps.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Pas du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Si, monsieur le garde des sceaux !

En effet, nous lisons à l’alinéa 6 que : « Le procureur de la République peut décider à la demande de l’officier de police judiciaire que, pendant la durée fixée par l’autorisation, l’avocat ne peut consulter les procès-verbaux d’audition de la personne gardée à vue. »

Mes chers collègues, on croit rêver ! En effet, compte tenu de la réalité des gardes à vue et du but affiché par ce projet de loi – respecter les décisions tant du Conseil constitutionnel que de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’homme –, que peut bien signifier une disposition permettant au procureur de la République d’empêcher, de fait, l’avocat de consulter les procès-verbaux de la personne qu’il est censé défendre ?

Pendant un certain nombre d’années, nous avons vécu sous un régime où la défense pouvait rencontrer la personne gardée en vue dans le cadre d’un entretien dit « de courtoisie ».

M. Roland Courteau s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Au demeurant, la courtoisie et la garde à vue ne faisaient pas toujours bon ménage, il suffit de lire certains récits relatifs à ces auditions pour s’en convaincre.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

À supposer même que ces « entretiens de courtoisie » aient existé, on voit mal comment un texte de cette nature peut permettre, aujourd'hui encore, au procureur de la République de décider – j’insiste sur ce terme –, à la demande de l’OPJ, que l’avocat ne pourra consulter les procès-verbaux d’audition de son propre client.

Ce n’est pas raisonnable ! Une fois encore, c’est la démonstration que l’on s’arc-boute sur des positions d’un autre temps, qui, de toute façon, aujourd'hui ou demain, seront balayées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 86 est présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 120 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 86.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Franchement, chers collègues de la majorité, il faut tout de même veiller à ne pas tomber dans le ridicule. Je comprends que vous vouliez borner et border le rôle de l’avocat. Toutefois, au travers de cette disposition, vous allez empêcher le défenseur de lire le compte rendu des propos qu’a pu tenir son client.

On voit bien l’absurdité du système : le gardé à vue a fait certaines déclarations au cours de son audition, mais l’avocat n’a pu être présent. Or on empêche ce dernier de lire le procès-verbal.

Il faut tenir compte de la réalité, comme vient de le rappeler mon confrère Mézard. Or comment les choses se passeront-elles concrètement ? À l’évidence, dans la proximité créée au commissariat ou à la gendarmerie, un échange informel se produira à un moment ou à un autre entre le client et son avocat, et le premier racontera au second ce qu’il a déclaré pendant son audition.

Ainsi, le client aura le droit de relater ses propos à son avocat, mais celui-ci ne sera pas autorisé à lire les procès-verbaux de l’audition. Ici, nous ne sommes vraiment pas loin du ridicule.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 120 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il s'agit d’un amendement de repli.

Nous venons d’exposer pourquoi le texte ne pouvait nous satisfaire et n’était pas cohérent avec l’objectif même du projet de loi. J’en appelle d'ailleurs à la sagesse non pas seulement de la Haute Assemblée, mais également de M. le garde des sceaux. Je le connais bien et je suis sûr que, très sagement, il acceptera les modifications qui sont ici proposées.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

À supposer que, dans certains cas, qui ne peuvent être que très peu nombreux, il existe une véritable raison pour empêcher l’avocat d’avoir accès au procès-verbal de l’audition de son propre client, une telle mesure, qui est manifestement, nous le savons tous, attentatoire aux droits de la défense, ne devrait relever que de la seule décision du juge des libertés et de la détention, le JLD.

Je rappelle une fois de plus que le procureur est partie poursuivante !

Si une partie vient interdire à une autre d’avoir accès aux pièces du dossier, c’est comme si, au cours d’une partie de cartes – et le cas de figure dont il s'agit ici est malheureusement beaucoup plus grave –, on privait de son jeu l’un des partenaires.

Ce n’est pas raisonnable. Une fois encore, c’est le signe que l’on s’arc-boute sur des positions qui sont strictement intenables, aussi bien sur la forme que sur le fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 88, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

L’alinéa 7 de cet article prévoit que : « Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, la présence de l’avocat […] peut […] être différée, au-delà de la douzième heure, jusqu’à la vingt-quatrième heure, par décision écrite et motivée du juge des libertés et de la détention […]. »

Pour ma part, je rappellerai que la Cour européenne des droits de l’homme, comme d’autres juridictions d'ailleurs, a constamment affirmé le principe selon lequel les exceptions doivent toujours être motivées par les nécessités de l’enquête.

Si l’enquête révèle tel ou tel point qui rend nécessaire une plus grande vigilance, on peut comprendre qu’il y ait une exception, mais tel n’est pas le cas ici : nous sommes en présence d’une exception à une exception, qui est tirée uniquement de la durée de la peine, donc de la nature de l’infraction.

Or la Cour européenne des droits de l’homme exige que les procédures pénales spécifiques soient créées non pas selon la nature des infractions, naturellement, mais selon les nécessités de l’enquête.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 101 rectifié, présenté par MM. Fouché, Doligé et Trillard, Mme Bout et MM. Cléach et Doublet, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

La parole est à Mme Brigitte Bout.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

L'abaissement de cinq ans à trois ans du quantum de peine requis afin de pouvoir différer la présence de l'avocat lors des auditions au-delà de la douzième heure permettra de répondre de manière plus satisfaisante aux besoins de l'enquête, en élargissant la catégorie d'actes qui peuvent justifier, au regard de leur gravité, cette nécessité de suspension temporaire des droits de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 118 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer le chiffre :

cinq

par le chiffre :

sept

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Aux termes du projet de loi, la présence de l’avocat aux auditions du client pourrait être repoussée jusqu’à la vingt-quatrième heure de la garde à vue par une décision écrite et motivée du JLD si la peine encourue est de cinq ans d’emprisonnement et plus. Nous proposons de fixer le quantum à sept ans.

En effet, une fois encore, il s'agit d’une restriction considérable qui est apportée aux droits de la défense. On peut accepter une telle procédure quand des raisons impérieuses l’exigent, quand apparaissent des éléments qui seraient de nature à influencer l’enquête. Toutefois, elle ne doit être réservée, selon nous, qu’aux infractions les plus graves, à supposer d'ailleurs que son principe puisse être admis.

C'est pourquoi nous proposons de relever de cinq à sept ans le quantum des peines visées. Ce seuil est significatif dans notre droit pénal, puisqu’il est celui à partir duquel peuvent s’appliquer, depuis le vote de la LOPPSI 2, les mesures de sûreté. S’il était retenu, il y aurait donc une cohérence entre le code pénal et le code de procédure pénale, puisque tel est l’objectif que nous visons, mais dont, hélas ! nous nous éloignons au fil des textes.

De surcroît, ce seuil serait plus conforme au principe de proportionnalité posé par le Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 89, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

L’alinéa 8 du présent article prévoit que, en cas de difficulté, lors d’une audition, l'OPJ informe le procureur de la République, qui peut en aviser le bâtonnier aux fins de désignation d'un nouvel avocat.

Cette disposition est superfétatoire, nous semble-t-il. En effet, des règles existent d'ores et déjà dans un tel cas de figure. Dès lors qu’une difficulté apparaît lors d’une audience, nous savons quelle est la procédure qui s’applique, et c’est le bâtonnier qui, in fine, intervient.

Nous proposons que cette procédure de droit commun s’applique également aux auditions lors de la garde à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 121 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après les mots :

le procureur de la République qui informe,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

s’il y a lieu, le bâtonnier. Ce dernier statue conformément aux règles déontologiques qui régissent la profession.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’alinéa 8 de cet article dispose : « L’audition est menée sous la direction de l’officier ou de l’agent de police judiciaire qui peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe, s’il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d’un autre avocat. »

Nous proposons de modifier la rédaction de la fin de cet alinéa, en prévoyant que le procureur de la République avise « s’il y a lieu, le bâtonnier. Ce dernier statue conformément aux règles déontologiques qui régissent la profession. »

En effet, avec la rédaction actuelle de l’alinéa, la partie poursuivante peut dire à son contradicteur : « Vous ne me convenez pas, donc vous dégagez – le mot est à la mode, mes chers collègues ! – et on vous remplace ». Or si le procureur peut effectivement transmettre au bâtonnier toutes les informations utiles, il ne lui appartient pas, selon nous, d’apprécier si un autre avocat doit être désigné.

Tout d'abord, il revient fondamentalement à la partie qui se trouve en garde à vue de choisir son défenseur.

Ensuite, il existe une tradition en la matière : seul le bâtonnier de chaque ordre est habilité à apprécier s’il y a eu violation des règles de déontologie de la profession, pour prendre, le cas échéant, les mesures qui s’imposent.

Tel est le sens de cet amendement, qui vise à ôter au procureur de la République la compétence de solliciter la désignation d’un autre avocat.

Mes chers collègues, on ne perturbe pas un jeu équilibré ! La partie poursuivante possède un certain nombre de droits. Elle ne doit pas avoir celui de choisir, selon le déroulement de la garde à vue, l’avocat dont elle demandera le dessaisissement, parce qu’il est trop compétent, trop combattif ou pour toute autre raison.

En outre, cette disposition révèle une suspicion tout à fait désagréable envers le barreau, me semble-t-il.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Tout d’abord, concernant l’amendement n° 9 rectifié bis, si cet amendement était adopté, il marquerait un retrait par rapport au droit en vigueur. En effet, aujourd'hui, la personne gardée à vue peut s’entretenir avec un avocat pendant une durée maximale de trente minutes. Dans mon esprit et dans celui des membres de la commission, reporter la présence de l’avocat à la douzième heure de la garde à vue représenterait un recul. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 85 – mon avis vaudra également pour les amendements n° 117 rectifié et 33 – prévoit que l’autorisation de report de l’intervention de l’avocat relève du juge des libertés et de la détention en lieu et place du procureur de la République. Je me suis déjà expliqué à plusieurs reprises tant au cours de nos débats la semaine dernière qu’en commission sur les raisons pour lesquelles nous souhaitons maintenir l’intervention du procureur de la République à ce stade de la garde à vue. J’émets donc un avis défavorable. J’ajoute que l’amendement n° 174 rectifié que j’ai exposé voilà quelques instants et qui, je l’espère, sera adopté, vise à réécrire les alinéas 5 à 7 de l’article 7 et donne, à mon avis, des garanties supplémentaires à la personne gardée à vue.

J’en viens à l’amendement n° 166. Les deux premières parties de cet amendement, c'est-à-dire les paragraphes I et II visant respectivement l’alinéa 5 et l’alinéa 6 du texte, me paraissent satisfaites. En revanche, j’émets un avis favorable sur le paragraphe III tendant à insérer, à l’alinéa 8, les mots « ou la confrontation » après le mot « audition ».

S’agissant de l’amendement n° 168, lorsque vous l’avez exposé, monsieur le garde des sceaux, vous pressentiez déjà l’avis défavorable de la commission, qui, j’espère, sera suivie par le Sénat.

Vous avez dit que c’était un amendement de coordination. Or, pour notre part, nous ne souhaitons pas réduire de deux heures à une heure le délai pendant lequel les services de police ne peuvent commencer le premier interrogatoire de la personne gardée à vue sans la présence d’un avocat. Nous voulons laisser deux heures à l’avocat pour arriver sur le lieu de la garde à vue. Sans revenir sur l’ensemble des explications que nous avons développées, je rappelle simplement que l’une de nos motivations est que nous entendons maintenir des brigades de gendarmerie de plein exercice sur tout le territoire national, y compris lorsqu’elles sont situées à plus d’une heure de route du siège du tribunal de grande instance.

Les amendements identiques n° 34 et 119 rectifié tendent à autoriser l’accès de l’avocat au procès-verbal d’audition pendant la durée où la présence de ce dernier a été différée. La commission estime que, par cohérence, la consultation des procès-verbaux doit être également différée. L’avis est donc défavorable.

Il est également défavorable sur les amendements identiques n° 86 et 120 rectifié, qui visent à substituer le juge des libertés et de la détention au procureur de la République s’agissant de la décision de priver l’avocat de sa possibilité de consulter les procès-verbaux d’audition. J’ai déjà expliqué à plusieurs reprises les raisons de la position de la commission à cet égard.

Sur l’amendement n° 88, qui a pour objet de supprimer la possibilité pour le procureur de la République de différer la présence de l’avocat jusqu’à la vingt-quatrième heure lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, j’émets un avis défavorable.

Quant aux auteurs de l’amendement n° 101 rectifié, ils souhaitent ramener de cinq ans à trois ans le quantum de peine requis pour différer la présence de l’avocat de la douzième à la vingt-quatrième heure. En l’occurrence, ce serait rompre un équilibre que la commission a souhaité établir et ouvrir la porte à beaucoup trop de cas dans le cadre d’une procédure que nous voulons exceptionnelle. L’avis de la commission est donc défavorable.

De même, il est défavorable sur l’amendement n° 118 rectifié qui, à l’inverse, vise à restreindre davantage le droit de report de l’intervention de l’avocat. Le seuil retenant les infractions punies de cinq ans d’emprisonnement nous paraît correct pour autoriser ce report.

L’amendement n° 89 vise à supprimer l’alinéa 8 relatif à la discipline des auditions. C’est une disposition que nous avons introduite dans un souci d’apaisement. Au cas où vous auriez été convaincu par la rédaction que nous avons retenue, je vous serais reconnaissant de retirer votre amendement et c’est avec plaisir que je vous entendrai le faire. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement n° 121 rectifié soulève un vrai problème. Vos interrogations, que je comprends bien, monsieur Mézard, s’inspirent certainement d’une expérience professionnelle. Il s’agit de laisser au bâtonnier le soin d’apprécier s’il faut ou non un autre conseil.

Il est vrai que cette thèse peut se défendre dans la mesure où c’est le gardé à vue qui apprécie s’il veut ou non un conseil et, dans l’affirmative, le choisit lui-même.

D’un autre côté, monsieur Mézard, nous ne sommes pas au début de la procédure. Au moment où, selon le texte, le bâtonnier est saisi par le procureur de la République, un avocat a déjà été désigné. Cela signifie donc bien que le gardé à vue souhaitait être assisté par un avocat.

C’est parce que l’avocat désigné a un comportement qui ne permet pas de mener la garde à vue dans des conditions satisfaisantes que le procureur peut décider de s’en remettre au bâtonnier pour que celui-ci désigne un autre avocat. Dans ces circonstances, il me paraît nécessaire que le gardé à vue, qui n’est pas forcément responsable de l’attitude de son avocat, puisse bénéficier de la présence d’un autre avocat. Il est normal que le bâtonnier désigne ce dernier, dans le respect des règles déontologiques propres à la profession. À l’évidence, il ne désignera pas n’importe quel avocat. L’essentiel est qu’il le fasse, et ce sera une bonne chose.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

C’est un article très important, puisqu’il vise à définir le rôle de l’avocat dans le cadre de la garde à vue.

Afin d’expliquer la position du Gouvernement sur ces différents amendements, je souhaite faire au préalable les observations suivantes.

En premier lieu, le principe même d’une possibilité de report de la présence de l’avocat, expressément autorisé tant par la Cour de Strasbourg que par le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation dans leurs différentes décisions, ne peut évidemment pas être remis en cause. Il doit être inscrit dans la loi dans les termes mêmes retenus par ces trois juridictions. Dans certaines situations d’urgence, il est en effet indispensable que les premières heures de l’enquête soient entièrement consacrées à la recherche de la vérité.

En deuxième lieu, les raisons permettant de justifier ce report, telles que prévues par le texte issu des travaux de la commission des lois, n’ont pas non plus à être modifiées. Elles sont très exactement celles qui sont exigées par ces différentes jurisprudences.

La rédaction retenue est du reste la reprise des termes utilisés dans les décisions du Conseil constitutionnel, de la Cour européenne et de la Cour de cassation, qui ont expressément admis un report de la présence de l’avocat si des raisons impérieuses tenant aux circonstances de l’infraction le justifient.

En troisième lieu, la détermination de l’autorité judiciaire appelée à autoriser le report me paraît totalement conforme aux exigences à la fois constitutionnelles et conventionnelles. Le procureur n’est compétent que pour les douze premières heures de la garde à vue. Le juge des libertés et de la détention intervient ensuite, si la peine encourue est d’au moins cinq ans. Il s’agit là d’un équilibre satisfaisant, le procureur intervenant au tout début de l’enquête et de la garde à vue. Dans nombre d’États étrangers, le report est décidé par les enquêteurs eux-mêmes. En exigeant l’intervention d’un magistrat, notre droit est donc plus protecteur.

Au vu de ces observations, l’amendement n° 9 rectifié bis, qui répond tout à fait aux exigences que je viens de mentionner, recueille la sympathie du Gouvernement. Néanmoins, j’ai bien compris que la commission avait une vision plus large que celle qui résulte des dispositions de cet amendement.

Dans ces conditions, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 174 rectifié du rapporteur, qui améliore significativement le texte sur trois points.

Il prévoit que le report de l’avocat ne peut intervenir que de façon « exceptionnelle » et en exigeant une décision écrite qui soit motivée au regard des faits de l’espèce, ce qui renforce les garanties prévues par le texte.

Il distingue la question du report de l’avocat de celle du délai de carence entre la première audition et l’arrivée de l’avocat, car ce sont évidemment des questions différentes.

Enfin, il autorise le juge qui a décidé du report de l’assistance de l’avocat après douze heures à reporter également la communication des procès-verbaux d’audition à l’avocat, ce qui est cohérent.

Ayant émis un avis favorable sur l’amendement n° 174 rectifié, je suis, par voie de conséquence, défavorable aux amendements n° 85, 117 rectifié, 33, 166, 168, 34, 119 rectifié, 86, 120 rectifié, 88, 101 rectifié, 118 rectifié, 89 et 121 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l’amendement n° 174 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Mon explication de vote vaudra pour tous les amendements de cette série, puisque les nécessités de la séance et le dépôt par M. le rapporteur, après la réunion de la commission, d’un amendement global ont conduit à mettre ces amendements en discussion commune, ce qui obscurcit quelque peu le tableau.

De fait, le tableau est obscur. Il faut le dire : l’article 7 constitue une exception totale au principe posé à l’article 1er du texte.

L’article 1er dispose en effet que la personne gardée à vue ne peut pas se trouver incriminée sans la présence d’un avocat. Or l’article 7 précise que, si l’officier de police judiciaire n’est pas d’accord, il peut différer la présence de l’avocat ; …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… si la tête ou le comportement de l’avocat ne plaisent pas à l’OPJ, on peut changer l’avocat, et c’est le procureur qui en décidera ; on peut différer encore l’intervention de l’avocat ; on peut interroger la personne et l’incriminer sans même la présence de l’avocat.

Force est de constater que, malgré les quelques précisions apportées par notre estimé rapporteur, l’article 7 n’est pas acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il met à bas le principe général fixé à l’article 1er.

On voit bien pour quelles raisons cet article est arrivé là, vraisemblablement après des tractations avec certains acteurs de la procédure pénale.

Mais il faut savoir ce que l’on veut et nous, nous ne voulons pas de cette rédaction. Nous voterons donc contre cet article, y compris contre l’amendement n° 174 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

À l’évidence, l’amendement n° 174 rectifié, qui vise à balayer tous les autres amendements, améliore à la marge des dérogations qui vont à l’encontre de ce qui est recherché, c’est-à-dire assurer les droits du gardé à vue dès le début de la garde à vue.

Nous ne pouvons nous laisser entraîner dans ce piège, si je puis dire, et nous ne voterons ni l’article ni les améliorations éventuelles qui pourraient ressortir de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous non plus, nous ne pouvons pas nous associer à cet amendement qui, s’agissant de certains points, est pire que le texte initial, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… dans la mesure où, à titre exceptionnel, l’officier ou l’agent de police judiciaire peut être autorisé, par décision écrite et motivée, … Autrement dit, vous avez ajouté l’agent de police judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est tout de même le signe d’une politique qui ne trompe pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il faut le dire, car, on vous le répète à longueur de séance, vous fabriquez une machine non pas infernale, mais condamnée à être revue.

Les trois exceptions prévues par cet article sont tout de même graves puisque, comme l’a excellemment relevé notre collègue Jean-Pierre Michel, ce faisant vous détruisez l’article 1er et l’objectif affiché du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La pratique sera ordonnée par le garde des sceaux, puisque nous savons ce qu’il en est du procureur de la République.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Ce n’est pas possible !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mais si ! Vous le savez encore mieux que nous, monsieur le garde des sceaux, puisque vous l’avez rappelé dès votre entrée en fonction !

Nous savons quelle sera la pratique : vous aurez la possibilité de donner des instructions par lesquelles la décision écrite et motivée sera pratiquement un formulaire.

Nous savons ce qu’il en est aujourd’hui de la garde à vue, des fax qui arrivent la nuit et ne sont même pas lus.

Tout dépend effectivement de la pratique que l’on met en place et, par ces exceptions qui ne seront souvent pas des exceptions, mais deviendront une pratique courante, on va à l’inverse du but qui est affiché.

Ce faisant, on laisse au procureur de la République des marges de manœuvre sans contrôle. Pour ma part, je ne fais jamais le procès systématique des procureurs de la République : dans l’ensemble, ils accomplissent un travail dans les meilleures conditions possibles. On sait cependant ce qu’il en est.

Monsieur le garde des sceaux, le but affiché de ce texte est de diminuer le nombre de gardes à vue et de prévoir pour tous, y compris pour les victimes, le maximum de garanties. Ce n’est pas ce que vous faites avec cet article 7, qui compromet ce dessein.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je ne reviens pas sur la disposition visant à différer la présence de l’avocat quand les faits concernent des crimes ou délits punis d’une peine d’emprisonnement de cinq ans. M. le rapporteur nous a donné de façon fort opportune quelques exemples sur les peines de trois ans et sur ce qui ne relève pas de ce quantum de peine. Toutefois, je peux lui fournir des arguments opposés sur les peines de cinq ans !

Là encore, c’est l’incohérence qui prévaut : on affiche un objectif tout en prévoyant les moyens permettant de ne pas l’atteindre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons voter l'amendement n° 174 rectifié qui vise à modifier la rédaction des alinéas 5 à 7 de l’article 7. Je reviendrai ultérieurement sur l’alinéa 8.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je remercie M. Mézard de son intervention que j’ai écoutée avec beaucoup d’attention. Certes, je ne souscris pas à l’ensemble de ses propos, loin de là, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

... toutefois, il a eu raison d’insister sur la référence aux agents de police judiciaire.

C'est la raison pour laquelle je modifie l'amendement n° 174 rectifié, en supprimant dans les deux premiers alinéas proposés toute mention à un agent de police judiciaire. Il sera seulement fait référence à l’officier de police judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je rappelle la procédure stricte qui encadre la possibilité accordée à l’officier de police judiciaire de demander au procureur de la République ou au juge des libertés et de la détention de reporter l’intervention de l’avocat : « À titre exceptionnel, l’officier de police judiciaire peut être autorisé, par décision écrite et motivée prise, selon les distinctions prévues par l’alinéa suivant, par le procureur de la République ou par le juge des libertés et de la détention, à différer la présence de l’avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête, soit pour permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes. »

Mes chers collègues, vous en conviendrez : les modalités d’application de cette disposition sont très précises et cette procédure ne pourra être utilisée que dans des circonstances exceptionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Du reste, ce ne serait pas l’intérêt du procureur de la République ou d’un officier de police judiciaire – encore moins celui du garde des sceaux – de recommander que cette procédure devienne la règle, puisque l’article 1er A, qui figurera au III de l’article préliminaire du code de procédure pénale, prévoit : « En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui. » Ce serait fragiliser les audiences des tribunaux correctionnels, voire les audiences d’assises.

Je suis donc certain que cette possibilité ne donnera lieu à aucune dérive. Toutefois, peut-être M. le garde des sceaux nous expliquera-t-il comment il imagine la mise en pratique de cette disposition – même, ce n’est pas lui qui la fixera –, si ce texte est voté.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je suis donc saisi d’un amendement n° 174 rectifié bis, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Alinéas 5 à 7

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque les nécessités de l'enquête exigent une audition immédiate de la personne, le procureur de la République peut autoriser, par décision écrite et motivée, l’officier de police judiciaire à débuter l'audition sans attendre l'expiration du délai prévu au premier alinéa.

« À titre exceptionnel, l'officier de police judiciaire peut être autorisé, par décision écrite et motivée prise, selon les distinctions prévues par l’alinéa suivant, par le procureur de la République ou par le juge des libertés et de la détention, à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes.

« Le procureur de la République ne peut différer la présence de l’avocat que pendant une durée maximale de douze heures. Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l’avocat, au-delà de la douzième heure, jusqu’à la vingt-quatrième heure. Les autorisations du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention sont écrites et motivées par référence aux conditions prévues à l’alinéa précédent au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l’espèce.

« Lorsque, conformément aux dispositions des deux alinéas qui précèdent, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention a autorisé à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, il peut également, dans les conditions et selon les modalités prévues par ces alinéas, décider que l'avocat ne pourra, pour une durée identique, consulter les procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

La bonne volonté de M. le rapporteur est extrême et je comprends bien ses intentions, toutefois, je crains que la question de M. Mézard ne soit quelque peu biaisée. C'est la raison pour laquelle je tiens à attirer l’attention du Sénat, en particulier celle de la commission, sur la modification qui vient d’être apportée.

La rédaction initiale de l'amendement était excellente. Dans tous les cas, seul le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention pouvaient accorder l’autorisation : personne d’autre !

Par ailleurs, toutes les dispositions de ce projet de loi, dans le texte élaboré par la commission des lois, prévoient que l’enquête peut être menée soit par un officier de police judiciaire, soit par un agent de police judiciaire.

À l’alinéa 8 de l'article 7, l’agent de police judiciaire peut jouer son rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Certes, mais pas pour tout et cela doit se faire sous le contrôle de l’officier de police judiciaire !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Cet alinéa 8 dispose : « L’audition est menée sous la direction de l’officier ou de l’agent de police judiciaire qui peut à tout moment… ». C’est le texte de la commission : je le fais mien et le soutiens.

Par conséquent, la demande de M. Mézard n’était pas celle qu’il a formulée : il voulait bien sûr que l’autorisation soit accordée par le procureur de la République ou par le juge des libertés et de la détention, et en aucun cas par un agent de police judiciaire. Sur ce point, nous sommes d’accord ! Seuls le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention peuvent donner l’autorisation soit à l’officier de police judiciaire, soit à l’agent de police judiciaire qui mène l’enquête.

Si cet amendement était adopté dans sa version rectifiée, il faudrait modifier les autres dispositions de l'article 7 où figure l’expression « officier ou agent de police judiciaire ». Mais cela signifie que plus aucun agent de police judiciaire ne pourra mener de garde à vue.

L'amendement de la commission donne tout à fait satisfaction à M. Mézard. Selon moi, on ne peut faire autrement que de mentionner dans le même temps l’officier de police judiciaire et l’agent de police judiciaire. C’est d’ailleurs ce que prévoit le texte à de nombreuses reprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le garde des sceaux, pour ma part, c’est ce dernier point que je ne comprends pas : comment un agent de police judiciaire peut-il être autorisé à mener une audition ?

Nous avons tous insisté sur le fait qu’il fallait au moins détenir le titre d’officier de police judiciaire pour diriger des gardes à vue et que ces fonctionnaires devaient même être mieux formés. Dans ces conditions, comment accepter, comme le prévoyait initialement l'amendement, que des fonctionnaires disposant d’une qualification moindre puissent le faire ? Certes, dans un certain nombre de cas, les agents de police judiciaire peuvent exercer certaines missions, mais c’est toujours sous le contrôle d’un officier de police judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pour autant, on ne mène pas une audition sous le contrôle d’un officier de police judiciaire : on la mène ou on ne la mène pas, c’est tout !

À la réflexion, et grâce à l’explication de vote de M. Mézard, je considère que, à l’alinéa 8 de l’article 7, le premier alinéa de l'article 63–4–3 pose problème. Cet alinéa précise en effet que l’audition est menée « sous la direction de l’officier ou de l’agent de police judiciaire ». À mon sens, seuls les officiers de police judiciaire peuvent mener les auditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mon cher collègue, on peut faire de la coordination !

Les remarques formulées par M. Mézard, les réponses apportées par le rapporteur et les vôtres, monsieur le garde des sceaux, révèlent une réelle dichotomie. S’il faut homogénéiser le texte, nous le ferons.

Aucune audition ne peut avoir lieu sans la présence d’un officier de police judiciaire, que je sache ! Monsieur le garde des sceaux, nous avons d’ailleurs dénoncé le fait qu’il fallait prévoir un délai de deux heures avant que celle-ci ne débute car nous sommes opposés au regroupement des locaux destinés à la garde à vue. On ne peut tout de même pas nous tenir des discours contradictoires !

Pour ce qui me concerne, j’ai toujours considéré que c’étaient les officiers de police judiciaire qui pouvaient mener les auditions, car ils avaient la qualification requise.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je ne veux en aucun cas bloquer le système.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je rappelle que l'article 20 du code de procédure pénale prévoit que « les agents de police judiciaire ont pour mission :

« De seconder, dans l’exercice de leurs fonctions, les officiers de police judiciaire ;

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

« De constater les crimes, délits ou contraventions et d’en dresser procès-verbal ;

« De recevoir par procès-verbal les déclarations qui leur sont faites par toutes personnes susceptibles de leur fournir des indices, preuves et renseignements sur les auteurs et complices de ces infractions.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

« Les agents de police judiciaire n’ont pas qualité pour décider des mesures de garde à vue. »

Par conséquent, ces fonctionnaires ne peuvent pas placer en garde à vue.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Non plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’amendement n° 174 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

On a l’impression que cet article est un acte manqué : l’inconscient y fait sa réapparition.

De quoi débattons-nous sinon de la nécessité structurelle de la présence d’un avocat lorsqu’il y a garde à vue ? C’est fondamental dans un État de droit.

Or, et mes collègues l’ont souligné, cet article défait tout ce qui a été affirmé, notamment à l'article 1er. De ce point de vue, l’alinéa 7 est bien le plus significatif, car, si on peut comprendre que, pour les raisons de l’enquête, la présence de l’avocat soit différée un certain temps, comment peut-on justifier qu’il en soit ainsi en raison de la peine encourue ? Cela n’a strictement rien à voir ! Ce n’est pas parce que la personne est soupçonnée d’un crime ou d’un délit particulièrement grave que, lorsqu’elle est auditionnée par l’officier de police judiciaire, on doit lui refuser la présence d’un avocat !

Je le répète, la présence de l’avocat est structurellement nécessaire dans un État de droit. Un de mes collègues a qualifié cette disposition de ridicule. En tout cas, elle est parfaitement contradictoire avec l’objectif qu’est censé viser ce texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Lors de la discussion générale, M. le garde des sceaux a commencé son intervention en disant que nous examinions ce texte car, le 31 juillet dernier, le Conseil constitutionnel avait rendu une décision nous obligeant à revoir un certain nombre de dispositions du code de procédure pénale.

Le Conseil constitutionnel a invoqué deux principaux motifs, l’un étant l’insuffisance des garanties présentées aujourd'hui par les officiers de police judiciaire. Je cite le rapport de la commission des lois : « En second lieu, le Conseil constitutionnel a mis en avant la réduction progressive des exigences fixées par le législateur pour reconnaître la qualité d’officier de police judiciaire – qui seule habilite à placer en garde à vue. Ainsi, entre 1993 et 2009, le nombre des fonctionnaires civils et militaires ayant la qualité d’officier de police judiciaire est passé de 25 000 à 53 000. »

Par conséquent, je m’adresse à la fois à M le rapporteur, mais je crois qu’il vient d’en tirer les conséquences, et à M. le garde des sceaux : alors que le Conseil constitutionnel nous demande de prévoir davantage de garanties pour reconnaître la qualité d’officier de police judiciaire, comment proposer qu’il y en ait moins et donc prendre le risque d’encourir de nouveau la censure de cette juridiction ?

Il est véritablement urgent de supprimer la référence à l’agent de police judiciaire non seulement dans les alinéas 5 à 7 de l'article 7, mais également dans l’ensemble du texte, afin que nous puissions adopter un texte en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

En conséquence, les amendements n° 9 rectifié bis, 85, 117 rectifié, 33, 168, 34, 119 rectifié, 86, 120 rectifié, 88, 101 rectifié, 118 rectifié, 89 et 121 rectifié n'ont plus d'objet.

Monsieur Anziani, par coordination, il conviendrait de supprimer les paragraphes I et II de l'amendement n° 166. Acceptez-vous de rectifier ainsi cet amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je suis donc saisi d’un amendement n° 166 rectifié, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après les mots :

l'audition

insérer les mots :

ou la confrontation

Je le mets aux voix.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 100 rectifié, présenté par M. Fouché, Mmes Mélot et Bout et MM. Cléach, Doublet et Trillard, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'officier ou l’agent de police judiciaire qui exerce la police de l'audition peut à ce titre, si l’avocat compromet, par ses interventions, le bon déroulement de l'audition, en référer au procureur de la République qui peut autoriser, sur décision écrite et motivée, la poursuite de l'audition hors de la présence de l'avocat.

La parole est à Mme Brigitte Bout.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

Cet amendement vise à insérer, après l’alinéa 8, un alinéa ainsi rédigé : « L’officier ou l’agent de police judiciaire qui exerce la police de l’audition peut à ce titre, si l’avocat compromet, par ses interventions, le bon déroulement de l’audition, en référer au procureur de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous venons d’entendre que l’agent de police judiciaire ne pouvait pas faire cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

… qui peut autoriser, sur décision écrite et motivée, la poursuite de l’audition hors de la présence de l’avocat.

Il s’agit de prévoir que l’officier ou l’agent de police judiciaire assure la police de l’audition.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Madame Bout, cet amendement introduirait une nouvelle exception au droit à l’assistance d’un avocat, ce qui ne paraît pas conforme à l’esprit de la réforme.

La commission est donc défavorable à cet amendement. Mme Bout pourrait peut-être le retirer, même si je n’ignore pas qu’il a été rédigé par M. Fouché…

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

Je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’amendement n° 100 rectifié est retiré.

L'amendement n° 169, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première phrase

Après les mots :

chaque audition

insérer les mots :

ou confrontation

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il s’agit d’un amendement de coordination.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 90, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 9, deuxième et dernière phrase

Supprimer ces phrases.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cet amendement vise à supprimer la deuxième et la dernière phrase de l’alinéa 9.

Ces phrases, assez particulières, disposent que « l'officier ou l'agent de police judiciaire ne peut s'opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête ou à la dignité de la personne. Mention de ce refus est portée au procès-verbal. » Je tiens à faire deux observations.

Premièrement, je ne vois pas l’utilité de ces dispositions. En effet, l’avocat peut poser des questions. Si on considère qu’il n’y a pas lieu d’y répondre, on n’y répond pas. Il n’y a pas d’obligation de répondre aux questions posées par l’avocat. Je ne vois donc pas l’intérêt de l’interdiction qui pourrait être faite à l’avocat de poser certaines questions.

Deuxièmement, quelle personne est à même d’apprécier qu’une question doit être posée ou non ? Cela n’est pas une petite question. L’officier de police judiciaire, selon qu’il se trouve dans telle ou telle ville ou dans tel ou tel commissariat ou gendarmerie, peut-il affirmer que telle question ne lui convient pas, le dérange trop ou va trop loin ? Est-ce vraiment à cet officier de juger de l’opportunité de la question ? S’il considère qu’une question est outrageante, le problème est tout autre. Nous connaissons en effet les règles de déontologie qui s’imposent à un avocat, et le bâtonnier a, dans une telle situation, le pouvoir d’intervenir.

Si la question n’est pas outrageante et qu’elle porte simplement sur le dossier lui-même, je pense que ce n’est pas à l’officier de police judiciaire de décider si elle peut être posée ou non, sachant que, comme je l’ai dit, il n’y a pas d’obligation de réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 122 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 9, deuxième phrase

Supprimer les mots :

ou à la dignité de la personne

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’alinéa 9 est non pas stupéfiant, mais extraordinaire !

Sa relecture est souhaitable. Le texte est le suivant : « À l'issue de chaque audition à laquelle il assiste, l'avocat peut poser des questions. L'officier ou l'agent de police judiciaire » – le problème est ici le même que celui précédemment évoqué – « ne peut s'opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête ou à la dignité de la personne. Mention de ce refus est portée au procès-verbal. »

Je propose, par le biais de l’amendement n° 122 rectifié, que soient supprimés les mots « ou à la dignité de la personne ».

Ces mots sont extraordinaires ! Je considère tout d’abord qu’une telle formule est profondément insultante – j’insiste sur ce mot – pour la profession d’avocat ! En effet, cela signifie que, dans un texte de loi, le législateur part du principe que l’avocat posera des questions contraires à la dignité de la personne. Cela est assez extraordinaire, et dénote l’état d’esprit des auteurs de ce texte ! La forme est ici aussi grave que le fond !

Nous sommes vraiment au cœur du problème. En effet, ce qui est sous-entendu est extravagant. L’avocat chargé d’assurer la défense d’une personne placée dans une situation difficile – elle est gardée à vue, c’est logiquement une situation d’affaiblissement psychologique – pourrait, à en croire le texte, poser des questions attentatoires aux principes dont il assure précisément la protection.

De surcroît, la profession d’avocat est, d’une manière générale, soumise à des règles déontologiques. Si un avocat ne respecte pas ces règles, il appartient à l’officier de police judiciaire de saisir le procureur, qui prendra les mesures nécessaires vis-à-vis du bâtonnier de l’ordre des avocats.

En introduisant de telles dispositions dans ce texte de loi, ses auteurs sont allés très loin dans un sentiment de défiance ! Cela s’inscrit dans une mécanique très révélatrice de l’état d’esprit qui les anime.

À cela s’ajoute le fait que l’audition menée dans le cadre de la garde à vue n’est pas comparable à celle qui est menée dans le cabinet du juge d’instruction.

La référence à la dignité de la personne me semble, je le répète, inadmissible !

Que chacun fasse son travail et dans de bonnes conditions. À ce titre, étant donné ce qu’il s’est passé lors de gardes à vue depuis un certain nombre d’années, je ne pense pas qu’il soit de bon goût de donner des leçons aux avocats !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 37, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 9, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

L'officier ou l'agent de police judiciaire retranscrit au procès-verbal d'audition les questions posées et les réponses faites y compris celles formulées par l'avocat, ainsi que les éventuels refus de répondre.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Notre amendement porte sur la dernière phrase de l’alinéa 9. Je partage d’ailleurs ce qui vient d’être dit s’agissant de la sombre référence à des propos attentatoires à la dignité de la personne. Je soutiens donc les amendements de mes collègues.

Dans le cas où l’officier de police judiciaire prend la décision de s’opposer à une question – décision qui porte inévitablement atteinte au droit à bénéficier d’une défense effective –, il mentionne ce refus au procès-verbal.

Par cet amendement, nous souhaitons que les obligations de l’officier de police judiciaire soient quelque peu élargies. À cette fin, nous demandons que l’officier retranscrive au procès-verbal d’audition, en plus des éventuels refus, l’ensemble des questions posées et des réponses qui ont été faites. Il s’agit donc ici de retranscrire ce qui se passe lors de la phase qui démarre avec l’instruction.

Cette précision entraîne, il est vrai, une charge supplémentaire de travail pour les officiers de police judiciaire. Toutefois, nous pensons qu’elle est très importante pour garantir les droits de la personne gardée à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 123 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 9, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, avec le texte intégral de la ou des questions posées par l’avocat

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je tiens à préciser que le corporatisme est absent de mon processus de pensée. Je le démontre souvent par certaines de mes déclarations relatives au Conseil national des barreaux ou au fonctionnement de la défense.

Néanmoins, comme nombre de mes collègues, je suis particulièrement attaché à certaines règles fondamentales.

L’amendement n° 123 rectifié vise à modifier l’alinéa 9. Ce dernier précise en effet qu’en cas de refus d’une question de l’avocat « Mention de ce refus est portée au procès-verbal. » Il serait souhaitable de compléter cette phrase par les mots «, avec le texte intégral de la ou des questions posées par l’avocat ».

En effet, dans la suite de la procédure, il peut être intéressant, pour la personne gardée à vue – elle sera renvoyée ou non devant un tribunal – comme pour la victime, que la question refusée soit inscrite au procès-verbal. Une telle mention permettra d’ailleurs de limiter le nombre de refus.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Contrairement aux auteurs des différents amendements, je pense qu’il est nécessaire que la loi prévoie la discipline des auditions.

En matière de procédure pénale, il n’est pas possible de s’en remettre à une circulaire ministérielle ou à des textes réglementaires. La commission ne peut par conséquent qu’être défavorable aux amendements qui visent à supprimer les dispositions relatives à la discipline des auditions. C’est le cas de l’amendement n° 90.

S’agissant de l’amendement n° 122 rectifié, M. Mézard affirme qu’imaginer qu’un avocat puisse poser des questions attentatoires à la dignité de la personne équivaut à présumer que l’avocat puisse avoir, dès le départ, de mauvaises intentions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Vous considérez donc que la manière de procéder est mauvaise. En effet, si des dispositions prévoient que l’avocat pourrait avoir de mauvaises intentions, pourquoi ne pas envisager que d’autres parties, l’officier de police judiciaire en l’occurrence, puissent également avoir de mauvaises intentions ? Comme la commission, je suis d’accord avec cette idée. Aussi, la commission est favorable à l’amendement n° 122 rectifié.

Les auteurs de l’amendement n° 37 souhaitent que le procès-verbal d’audition retranscrive toutes les questions, y compris celles qui sont posées par l’avocat. Je ne pense pas, madame Borvo Cohen-Seat, que cette disposition soit nécessaire. En effet, l’avocat pourra toujours joindre ses questions aux observations qu’il fera mentionner au procès-verbal. Il pourra même, pendant la durée de la garde à vue, les adresser au procureur de la République. La commission est donc défavorable à cet amendement et, pour les mêmes raisons, à l’amendement n° 123 rectifié.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement partage tout à fait l’esprit de ce que vient de dire M. le rapporteur. Il est normal, s’agissant d’un texte aussi important de procédure pénale, que la loi fixe les règles. Aucun autre type de texte ne peut le faire. Je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point. Aussi, il est nécessaire que le Parlement légifère dans ce domaine. Pour cette raison, comme la commission, le Gouvernement est défavorable aux amendements n° 90, 37 et 123 rectifié.

La possibilité donnée à l’officier de police judiciaire de s’opposer à certaines questions de l’avocat est la reprise exacte de ce qui est prévu, pour l’instruction, par l’article 120 du code de procédure pénale. Cet article précise notamment que le juge « peut s'opposer aux questions de nature à nuire […] à la dignité de la personne. » Le texte même du code est donc repris par le texte que nous examinons.

Madame Borvo Cohen-Seat, lorsque vous saurez que cette règle date de la loi Guigou du 15 juin 2000 sur le renforcement de la présomption d’innocence, vous serez convaincue du bien-fondé de ce texte.

Cette disposition est tout à fait justifiée et n’a jamais fait l’objet, depuis plus de dix ans, de la moindre difficulté d’application. Il n’y a là aucun sous-entendu à l’encontre des avocats. Cette disposition n’est nullement tendancieuse. Elle ne l’était pas lors du vote de la loi du 15 juin 2000, et ne l’est pas plus aujourd’hui. En effet, le texte que nous examinons reprend précisément les termes de la loi que je viens de citer.

Pour ces raisons, le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 122 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’amendement n° 90.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il est possible de comprendre la nécessité d’ordonner l’audition, ainsi que la nécessité de respecter la dignité de la personne. Il m’est moins aisé, en revanche, de comprendre ce que peut signifier l’idée selon laquelle une question pourrait « nuire au bon déroulement de l’enquête ».

Pourrait-on me donner un exemple d’une question tellement puissante qu’elle nuirait au bon déroulement de l’enquête ? J’ai en effet du mal à comprendre ce que cela peut signifier…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je voudrais répondre à M. le garde des sceaux. Moi aussi, j’ai sous les yeux l’article 120 du code de procédure pénale, qui est une excellente lecture.

Que ces dispositions soient issues de la loi du 15 juin 2000, adoptée alors que Mme Guigou était ministre de la justice, m’indiffère au plus haut point ! Je n’étais pas sénateur en l’an 2000, et, comme vous le savez, tous les gouvernements peuvent faire des erreurs. Vous le vivez d’ailleurs au quotidien.

M. le garde des sceaux s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous pouvez me rappeler à chaque séance publique, monsieur le garde des sceaux, que, par mesure de rétorsion, vous fermerez la maison d’arrêt d’Aurillac, cela ne changera aucunement mes convictions !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Sur l’article 120 du code de procédure pénale, il ne faut pas confondre ce qui se déroule lors d’une instruction et ce qui passe pendant d’une garde à vue. Ce sont deux procédures différentes. Je vous rappelle qu’il y a proportionnellement très peu d’instructions par rapport au nombre de dossiers. Cela a posé, nous le savons tous, d’énormes problèmes auxquels on cherche à remédier. Ce n’est pas pour poursuivre dans une série de dérives comme celles qui découleraient de l’application de ce texte ! Les auteurs du projet de loi sur la garde à vue se sont contentés d’aller voir ce qu’il y avait à l’article 120 du code de procédure pénale sur l’instruction et de le recopier littéralement, sans se poser plus de questions !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 170, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 10, première phrase

Après les mots :

chaque audition

insérer les mots :

ou confrontation

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il s’agit d’un amendement de coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

C’est en effet un amendement de coordination : avis favorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 124 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 10, dernière phrase

Après les mots :

procureur de la République

insérer les mots :

, et le cas échéant au juge des libertés et de la détention,

Cet amendement n'a plus d'objet.

M. Jacques Mézard acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 171, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

et aux confrontations

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il s’agit d’un nouvel amendement de coordination.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 151 rectifié, présenté par Mme Klès et M. Michel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Si l’interrogatoire de la personne gardée à vue n’a pas été effectué en présence de l’avocat, le contenu du procès-verbal doit être obligatoirement validé, à peine de nullité, par l’intéressé devant le juge des libertés et de la détention. »

La parole est à Mme Virginie Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Mme Virginie Klès. Je voudrais remercier mon collègue Collombat puisqu’il a réussi à éclairer un peu ma lanterne. Grâce à lui, je sais ce qu’est une question de nature à perturber le bon déroulement de l’enquête ou du débat. Puisque sa question n’a pas eu de réponse, je suppose qu’elle est à ranger dans cette catégorie !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

L’amendement que je présente vise le cas où l’interrogatoire de la personne gardée à vue aura lieu en dehors de la présence de l’avocat, hypothèse vers laquelle on tendra inévitablement ! Nous demandons que, dans cette situation, le contenu du procès-verbal soit obligatoirement validé par l’intéressé devant le juge des libertés et de la détention.

On a souvent dit – et on le dira sans doute encore souvent – qu’en l’absence de l’avocat on peut au moins faire procéder à un enregistrement par vidéosurveillance. Mais, vous le savez très bien, tous les locaux affectés à la garde à vue ne seront pas équipés du matériel nécessaire pour le faire.

Au sujet de la vidéosurveillance sur la voie publique, on a également entendu parler de l’intérêt des caméras pour prouver ce qui a été fait ou ce qui n’a pas été fait, ce qui a été dit ou ce qui n’a pas été dit. Il me semble donc que faute d’avoir accès aux caméras pour prouver ce qui a été dit ou non, au mot près ou à la virgule près pendant un interrogatoire, la moindre des choses est de le faire confirmer par l’intéressé.

Je le sais par des témoignages d’avocats, il arrive que lors de l’instruction des dossiers les personnes mises en examen disent n’avoir pas tenu tel propos qui leur est prêté lors de leur interrogatoire. Quand l’interrogatoire est enregistré, on peut revenir dessus. Et il est arrivé que l’on s’aperçoive qu’en effet l’intéressé n’avait pas dit ce qui figurait dans le procès-verbal, et qui avait emporté une conséquence grave sur le déroulement du procès et sur la nature des faits pour lesquels la personne gardée à vue était incriminée.

Je signale aussi, en passant, qu’en Turquie la loi dit que si l’avocat n’a pas été présent pendant l’interrogatoire, l’intéressé doit confirmer les propos inscrits au procès-verbal. Il me semble que la moindre des choses serait de faire de même en France !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L’avis est défavorable, pour trois raisons principales.

D’abord, le mécanisme proposé par Mme Klès serait extrêmement lourd. S’il faut aller devant le juge des libertés et de la détention chaque fois qu’un procès-verbal d’audition est mené hors la présence de l’avocat, cela va être très lourd !

Mme Virginie Klès s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Ensuite, je l’ai déjà expliqué, nous estimons que, à ce stade de la procédure, le JLD n’a pas à intervenir.

Enfin, votre amendement prévoit une nullité textuelle qui risque de fragiliser les enquêtes.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour une raison simple : dans toutes les hypothèses, il n’y a pas d’avocat. Nous avons voté, à l’article 1er A, une disposition qui dénie tout sens à des déclarations qui seraient faites sans avocat. En tout cas, elles ne pourraient pas servir d’incrimination.

Je vous suggère, madame Klès, de bien vouloir retirer cet amendement, qui n’a pas de fondement. Une audition faite sans la présence d’un avocat ne peut pas donner lieu à une incrimination. Ce n’est pas le fait d’aller la répéter, sans avocat, devant un magistrat du siège qui lui donne plus de valeur !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je voudrais rectifier les propos que vient de tenir M. le garde des sceaux. Il ne s’agit pas forcément d’incrimination, il s’agit de ce qui a été déclaré : ce n’est pas nécessairement une auto-incrimination.

Quant à la réponse de M. le rapporteur, je n’ai pas bien compris : les auditions sans avocat seront-elles tellement nombreuses que la situation sera ingérable ? Ou seront-elles rarissimes, au point de rendre ma proposition inutile ?

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

I. – Après le même article 63-4, il est inséré un article 63-4-5 ainsi rédigé :

« Art. 63 -4 -5. – Si la victime est confrontée avec une personne gardée à vue qui est assistée d’un avocat lors de son audition, elle peut demander à être également assistée par un avocat choisi par elle ou par son représentant légal si elle est mineure ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier.

« La victime est informée de ce droit avant qu’il soit procédé à la confrontation.

« À sa demande, l’avocat peut consulter les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste.

« L’article 63-4-3 est applicable. »

II. –

Non modifié

« Le premier alinéa est également applicable lorsque l’avocat intervient pour assister une victime lors d’une confrontation avec une personne gardée à vue. »

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Vial et J. Gautier et Mme Mélot, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 2 et 3

Remplacer les mots :

la victime

par les mots :

une personne qui se déclare victime

II. - Alinéa 7

Remplacer les mots :

une victime

par les mots :

une personne qui se déclare victime

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Il s’agit de remplacer le mot « victime » par les mots « personne qui se déclare victime ». Au stade de l'enquête, une personne n'a pas la qualité de victime. Seule une juridiction peut déclarer et reconnaître cette qualité au moment de la décision qu'elle prononce. En outre, l'enquête de police ou de gendarmerie peut démontrer qu'une personne se prétendant victime ne l'est pas. Il me semble donc utile d'utiliser une qualification plus neutre et prudente.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La qualification de « victime » ne préjuge naturellement pas la décision définitive de la juridiction. À titre d’exemple, je citerai le code de procédure pénale, qui utilise, dans ses articles 80–3, 90–1 et 142–2, le terme « victime » dans le cadre de l’instruction, alors qu’aucune décision n’a encore été prise sur le fond.

Il me paraît plus cohérent et plus raisonnable d’en rester à cette dénomination classique. Je suggère donc à Mme Des Esgaulx de bien vouloir retirer son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 6 rectifié est retiré.

L'amendement n° 92, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

Si la victime est confrontée

insérer les mots :

ou auditionnée

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il s’agit d’un nouvel épisode de coordination, un peu plus complexe peut-être. En tout cas, l’idée est toujours la même : nous proposons, à l’instar de ce que nous avons prévu tout à l’heure pour la personne mise en garde à vue, d’ajouter, pour la victime, la notion d’audition à celle de confrontation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous avons donné précédemment un avis favorable à toute une série d’amendements qui visaient à ajouter les mots « ou confrontation » après le mot « audition ». Mais, en l’occurrence, nous sommes dans une situation légèrement différente, celle dans laquelle on vise expressément le cas où la victime est auditionnée. La commission est par conséquent défavorable à l’amendement n° 92.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 10 rectifié bis, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Nègre et Mme Dumas, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

qui est assistée d'un avocat lors de son audition

La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le présent amendement a pour objet de permettre à la victime d'être assistée d'un avocat lors des confrontations, même si la personne gardée à vue a expressément renoncé à être, elle, assistée d'un avocat.

En effet, au moment même où le projet de loi réaffirme avec force l’intérêt attaché aux droits de la défense, on ne saurait faire dépendre l’exercice d’un droit aussi essentiel pour la victime que celui de pouvoir bénéficier de l’assistance d’un défenseur, lorsqu’elle est confrontée au mis en cause, de la décision de ce dernier d’être ou non assisté par un avocat, voire de l’éventuelle carence de ce dernier.

L’équilibre de la procédure pénale exige que les droits de la victime soient, à cet égard, clairement consacrés dans la loi.

M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

posez, monsieur Courtois, le droit pour la victime à être assistée d’un avocat. C’est le pendant du droit de la personne gardée à vue de bénéficier également d’un avocat. Cette proposition est conforme à l’esprit du texte, qu’on retrouve dans d’autres endroits du projet de loi. La commission, qui approuve cette précision, est favorable à cet amendement.

En vertu du principe de l’égalité des armes, il va de soi que la victime ne pourra pas bénéficier de l’assistance d’un avocat lorsque l’auteur présumé des faits se verra privé de cette assistance par une décision du procureur de la République. Même si ce n’était pas évoqué par l’amendement, je me permets de le dire. En effet, ce que nous voulons vraiment, c’est l’égalité des armes : si la personne gardée à vue a un avocat, la victime peut avoir un avocat. Si la première est privée de ce droit, la seconde ne pourra pas avoir d’avocat.

À l’inverse, dans les circonstances visées par l’amendement et pour lesquelles nous donnons un avis favorable, il va de soi que la victime est assistée d’un avocat lors de son audition.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je partage l’avis de M. le rapporteur. Le Sénat termine le travail qui a commencé à être mis en œuvre par l’Assemblée nationale. C’est très bien ainsi ! La victime a droit à un avocat.

Je suis d’accord avec l’hypothèse évoquée par M. le rapporteur. Si le procureur de la République a décidé de reporter la présence d’un avocat, il est probable que la victime ne sera pas là. Si cela se produit, je suis tout à fait de l’avis de M. le rapporteur.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 102 rectifié, présenté par MM. Fouché et du Luart, Mme Mélot, MM. Gouteyron, Doligé, Trillard et B. Fournier, Mme Bout et MM. Lefèvre, Cléach, Doublet et Vial, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

est informée de ce droit

par les mots :

se voit notifier son droit à bénéficier de l'assistance d'un avocat par l’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire lors du dépôt de plainte et

La parole est à Mme Brigitte Bout.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

Il s’agit d’un amendement de précision. Dans un souci d'égalité, le droit pour la victime de bénéficier d'un avocat doit lui être notifié et entrer dans la procédure pénale. Il est essentiel que la victime ait expressément connaissance de ce droit, qui ne doit pas apparaître comme une simple éventualité.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Aux termes de cet amendement, il est prévu que la victime se voit notifier le droit à bénéficier d’un avocat lorsqu’elle dépose une plainte auprès de l’officier de police judiciaire.

Le projet de loi prévoit d’ores et déjà que la personne victime est informée de ce droit avant la confrontation, ce qui paraît fournir une garantie suffisante. Dans de très nombreux cas, le dépôt de plainte n’est pas suivi d’une confrontation. Il n’est donc pas nécessaire qu’un avocat soit désigné. La commission vous demande, madame le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement. Sinon, je serais contraint d’émettre en son nom, un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 102 rectifié est retiré.

L’amendement n° 125 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« À sa demande, l’avocat peut avoir accès aux pièces du dossier pénal qui concernent directement la personne qu’il assiste.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

J’espère que ma plaidoirie, qui concerne l’assistance de la victime par un avocat, convaincra la Haute Assemblée.

Nous sommes tous convaincus que les victimes doivent être convenablement assistées et défendues ; M. le garde des sceaux opine d’ailleurs du chef...

Cet amendement s’inscrit dans le principe d’égalité des armes entre prévenu et victime présumée, en permettant à l’avocat de la victime d’avoir accès aux pièces du dossier pénal qui intéressent directement son client. Dans la mesure où la garde à vue est justifiée par une suspicion de délit ou de crime au préjudice de la victime, je ne comprendrai pas que nous allions à l’encontre des intérêts de celle-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement est cohérent avec le souhait exprimé par M. Mézard, la semaine dernière, que l’avocat de la personne gardée à vue puisse consulter l’ensemble des pièces du dossier. Le Sénat ne l’avait alors pas suivi, pour des raisons que je ne rappellerai pas ici.

Par cohérence, je ne peux pas accepter que l’avocat de la victime puisse avoir accès au dossier, quand bien même ces pièces ne concerneraient que la victime. J’émets donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Mézard est un avocat trop subtil pour ne pas comprendre le principe de l’égalité des armes. Lui-même invoque d’ailleurs cet argument, qu’il a déjà utilisé à plusieurs reprises au cours de ce débat : on ne peut pas donner plus à l’un qu’à l’autre.

Le Sénat n’ayant pas suivi M. Mézard la semaine dernière, je suis contraint d’émettre un avis défavorable.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 7 bis est adopté.

(Non modifié)

L’article 63-5 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 63 -5. – La garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne.

« Seules peuvent être imposées à la personne gardée à vue les mesures de sécurité strictement nécessaires. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’article 8 pose les principes du respect de la dignité de la personne gardée à vue et de la limitation des mesures de sécurité à celles qui sont strictement nécessaires. Soit ! Il est positif que ces exigences soient rappelées.

Mais qu’en sera-t-il dans la réalité ? Cet article contribuera-t-il à rendre plus acceptables les conditions matérielles de détention, trop souvent indignes aujourd’hui ? Permettez-moi d’en douter !

Le texte ne dit rien, en effet, de ces conditions matérielles. Le projet de loi, tel qu’il se présentait avant son examen par le Conseil d’État, les évoquait ; elles ont disparu depuis lors. En toute logique, rien n’est dit non plus à propos d’une quelconque sanction de leur non-respect.

Nous avions déposé sur cet article 8 un amendement qui était destiné à réparer cette absence et à faire de la dignité un droit ne souffrant aucune dérogation. Nous y invoquions notamment le respect de l’intimité, de la pudeur, de l’hygiène, et les conditions matérielles permettant de garantir ce respect.

Pour garantir l’effectivité de notre amendement, nous avions prévu une sanction : la mise en cause de la responsabilité de l’État en raison du préjudice moral subi par la personne gardée à vue, dans la logique des amendements que nous avions défendus lors de l’examen de la loi pénitentiaire. Cet amendement a été rejeté sous le prétexte qu’il était contraire à l’article 40 de la Constitution.

Nos propositions répondaient pourtant à une injonction du Conseil constitutionnel qui a rappelé, dans sa décision du 30 juillet dernier, que la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d’asservissement et de dégradation constituait un principe à valeur constitutionnelle. Nous avons voulu sanctionner la méconnaissance de ce principe et donner aux institutions judiciaires les moyens juridiques d’assurer leur mission.

Tant que vous refuserez d’accorder les budgets nécessaires au maintien des locaux de garde à vue dans un état normal et digne, il est clair que les choses ne changeront pas et que cette réforme ne sera pas effective.

Je ne détaillerai pas tout ce qui a été dit et écrit, y compris dans le rapport de notre collègue François Zocchetto, sur les conditions actuelles de la garde à vue : la saleté, les odeurs nauséabondes, l’obligation de quémander une couverture ou le droit d’aller aux toilettes, l’absence de pudeur, d’intimité. Je m’en tiens là pour le constat, car je n’en finirais pas... Permettez-moi de vous renvoyer aux divers rapports du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, que j’ai saisie à plusieurs reprises. Ils sont édifiants !

Mes chers collègues, les prisons françaises ne sont pas les seules, hélas ! à constituer une humiliation pour la République.

Il est temps que la France fasse en sorte de ne plus être montrée du doigt par les organismes internationaux, comme le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou le Comité contre la torture des Nations unies.

Je regrette que l’article 40 – dont l’utilisation, on le sait bien, est à géométrie variable ! – nous ait été opposé. De toute façon, les dispositions que vous voterez demeureront nulles et non avenues si les budgets correspondants ne sont pas suffisants.

L’article 8 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 39, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 803 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les deux cas, il est dressé un procès-verbal, versé au dossier, qui motive substantiellement les mesures prises. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Lors de la procédure de garde à vue, il peut arriver que les officiers de police judiciaire aient recours à la contrainte physique. L’article 803 du code de procédure pénale est alors applicable. Comme vous le savez, celui-ci dispose : « Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ».

Si l’usage abusif de cette mesure peut entraîner la responsabilité de l’État pour voie de fait, comme l’a rappelé dernièrement la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 11 janvier 2011, il n’en demeure pas moins que les effets sur la nullité de la procédure sont très limités.

Dans de nombreuses affaires, les juridictions considèrent que la preuve de l’usage des menottes n’est pas rapportée. De plus, les justifications acceptées par la jurisprudence, notamment au regard du risque de fuite, sont très largement entendues. Par exemple, si une personne arrêtée déclare qu’elle ne veut pas rentrer dans son pays d’origine, cette déclaration suffit à établir que ce risque est réel !

Dans un arrêt du 13 août 2010, la cour d’appel de Douai, validant la légalité d’un menottage justifié par le risque de fuite, a regretté qu’ « aucun des procès-verbaux de la procédure ne [fasse] mention du menottage ».

Compte tenu de la fréquence du recours à cette pratique, nous proposons que l’usage de menottes ou d’entraves soit mentionné dans un procès-verbal versé au dossier, et que les motifs le justifiant y soient également consignés.

Permettez-moi de citer un exemple concret : je connais des syndicalistes qui, ayant occupé un local de la direction générale d’EDF, ont été menottés par la police avant d’être conduits au commissariat et placés en garde à vue pour vingt-quatre heures. Là, ils ont subi toute la panoplie des mesures humiliantes autorisées dans le cadre de cette procédure, comme la confiscation des lunettes et des soutiens-gorge. Comme si ces syndicalistes étaient susceptibles de prendre la fuite ou de se suicider !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L’article 803 du code de procédure pénale encadre la pratique du menottage. Le caractère exceptionnel de cette pratique justifie qu’un article entier lui soit consacré. Cet article me semble bien rédigé.

Vous avez invoqué, ma chère collègue, la jurisprudence d’une cour d’appel en la matière. Or celle de la Cour de cassation sur le sujet me paraît tout à stable. Il ne me semble donc pas utile de modifier l’article 803 du code de procédure pénale. En conséquence, j’émets un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis.

L’amendement n’est pas adopté.

Après le même article 63-5, sont insérés trois articles 63-6 à 63-8 ainsi rédigés :

« Art. 63 -6. – Les mesures de sécurité ayant pour objet de s’assurer que la personne gardée à vue ne détient aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui sont définies par arrêté de l’autorité ministérielle compétente. Elles ne peuvent consister en une fouille intégrale.

« La personne gardée à vue dispose, au cours de son audition, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité.

« Le présent article est également applicable en cas de retenue intervenant en application des articles 141-4, 712-16-3, 716-5 et 803-3.

« Art. 63 -7 . – Lorsqu’il est indispensable pour les nécessités de l’enquête de procéder à une fouille intégrale d’une personne gardée à vue, celle-ci doit être décidée par un officier de police judiciaire et réalisée dans un espace fermé par une personne de même sexe que la personne faisant l’objet de la fouille. La fouille intégrale n’est possible que si la fouille par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique ne peuvent être réalisées.

« Lorsqu’il est indispensable pour les nécessités de l’enquête de procéder à des investigations corporelles internes sur une personne gardée à vue, celles-ci ne peuvent être réalisées que par un médecin requis à cet effet.

« Art. 63 -8. – §(Non modifié) À l’issue de la garde à vue, la personne est, sur instruction du procureur de la République sous la direction duquel l’enquête est menée, soit remise en liberté, soit déférée devant ce magistrat.

« Si la personne est remise en liberté à l’issue de la garde à vue sans qu’aucune décision n’ait été prise par le procureur de la République sur l’action publique, les dispositions de l’article 77-2 sont portées à sa connaissance. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 127 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Après les mots :

des objets

insérer les mots :

, vêtements et sous-vêtements

2° Compléter cet alinéa par les mots :

et de son intimité

La parole est à M. Jacques Mézard, qui est convoqué à la barre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Pourvu que j’échappe aux menottes et qu’un mandat de dépôt ne soit pas délivré à mon encontre ! M. le garde des sceaux jubilerait sans doute, mais nous n’en sommes pas encore là !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’alinéa 3 de l’article 9 précise : « La personne gardée à vue dispose, au cours de son audition, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité. » Nous souhaitons insérer, après les mots « des objets », les mots « vêtements et sous-vêtements ».

On m’objectera que le mot « objets » inclut forcément les vêtements et sous-vêtements. Il me semble cependant opportun d’ajouter ces derniers mots, compte tenu de certaines dérives – loin d’être générales – qui ont été dénoncées à juste titre et de façon très précise dans les rapports du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, et rappelées à de multiples reprises en séance publique au cours de nos débats sur la garde à vue. Il est dommage, à cet égard, que notre collègue Jean-Pierre Sueur ne soit pas présent pour nous rappeler l’étymologie du mot « objet ».

Pour les mêmes raisons, nous souhaitons compléter cet alinéa en ajoutant, après les mots « au respect de sa dignité », les mots « et de son intimité ».

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je crains que cet amendement ne soit contre-productif, dans la mesure où les vêtements et sous-vêtements sont des objets.

Aux termes de l’article 9, la personne gardée à vue doit disposer «, au cours de son audition, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité ». En établissant une liste de ces objets, le risque existe que des officiers de police judiciaire, raisonnant a contrario, décident de priver la personne auditionnée de ses lunettes, de sa canne ou de sa béquille, par exemple, au motif qu’ils ne figurent pas sur la liste.

Je suggère donc à M. Mézard de bien vouloir retirer son amendement. Il est préférable d’en rester à la définition prévue par la commission, qui retient des termes génériques beaucoup plus larges.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 40, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

Celle-ci doit être décidée par un officier de police judiciaire et

par les mots :

un officier de police judiciaire peut réaliser celle-ci après autorisation expresse du juge des libertés et de la détention. Elle doit être

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Nous souhaitons que la fouille intégrale décidée par un officier de police judiciaire soit expressément autorisée par le juge des libertés et de la détention. Cet amendement est conforme à l’article 62–5, inséré dans le code de procédure pénale par le présent projet de loi, qui donne autorité à ce magistrat en matière de contrôle et de légalité de la garde à vue.

La commission des lois a accepté nos amendements tendant à faire reconnaître le caractère exceptionnel de la fouille intégrale. Ce faisant, elle a confirmé que cette procédure était loin d’être anodine.

Chacun convient, en effet, que ces fouilles sont attentatoires à l’intégrité physique et à la dignité des personnes mises en cause. Comme l’a souligné le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport de 2008, les fouilles et les confiscations qu’elles impliquent peuvent être vécues comme une humiliation par les personnes gardées à vue.

Et elles le resteront tant que les conditions matérielles de la garde à vue, notamment les locaux, demeureront aussi déplorables.

La conciliation des droits de la défense et de la protection de l’ordre public – de la sécurité, devrais-je dire – ne saurait justifier une telle situation.

Les fouilles au corps et les conditions dans lesquelles elles se déroulent portent donc atteinte aux droits de la défense. Elles rendent la personne concernée extrêmement vulnérable à ce stade de la procédure, ce qui ne lui facilite pas la préparation de sa défense.

En outre, la garde à vue débouche la plupart du temps sur une comparution immédiate. Il est par conséquent absolument nécessaire que les garanties soient renforcées.

On pourra toujours trouver des « nécessités de l’enquête » à invoquer pour justifier le recours aux fouilles corporelles. Pour que cette pratique change réellement, le juge des libertés et de la détention doit se voir conférer le pouvoir d’ordonner les fouilles, et ce de manière expresse.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Les auteurs de l’amendement n° 40 souhaitent subordonner les fouilles intégrales à une autorisation du juge des libertés et de la détention.

Je souhaiterais faire deux remarques à ce propos.

Tout d’abord, le projet de loi a strictement encadré les fouilles intégrales, qui désormais ne peuvent plus être justifiées par des mesures de sécurité ; voilà un premier élément limitatif.

Ensuite, lors de l’examen du texte transmis par l’Assemblée nationale, la commission des lois a intégré au projet de loi un amendement du groupe CRC-SPG présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et devenu l’alinéa 5 de l’article 9 : « La fouille intégrale n’est possible que si la fouille par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique ne peuvent être réalisées. »

Il me semble donc que vos demandes ont été satisfaites, ma chère collègue.

Par conséquent, je vous suggère de retirer votre amendement. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les mêmes motifs que la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Vial et J. Gautier et Mme Mélot, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toute seconde fouille intégrale d'une personne gardée à vue ainsi que toute fouille intégrale ultérieure ne peut être effectuée que sur décision écrite et spécialement motivée du procureur de la République.

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Le présent amendement vise à encadrer la pratique de toute seconde fouille intégrale afin d'éviter toute atteinte à la dignité de la personne gardée à vue ou des humiliations inutiles.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Ainsi que je l’indiquais au sujet de l’amendement précédent présenté par Mme Mathon-Poinat, la procédure est déjà très encadrée et s’applique à tous les cas de fouille, ce qui inclut la seconde fouille intégrale.

Celle-ci ne sera donc possible que si les autres moyens de fouille ou de détection ne peuvent être mis en œuvre.

Je suggère à Mme Des Esgaulx de retirer son amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable pour les raisons que j’ai détaillées s’agissant de l’amendement précédent.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je reprendrai les propos de M. le rapporteur, en m’exprimant probablement moins bien que ce dernier : compte tenu des progrès notables que permet le texte, notamment en prévoyant un encadrement très strict en matière de fouille intégrale, je demande à Mme Des Esgaulx de bien vouloir retirer son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 7 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 128 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé par les nécessités de l’enquête. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin désigné à cet effet par le juge des libertés et de la détention.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il s’agit de modifier l’alinéa 6 de l’article 9, puisque cet alinéa prévoit que, pour les nécessités de l’enquête, des investigations corporelles internes peuvent être réalisées sur une personne gardée à vue, et ce uniquement par un médecin requis à cet effet.

À cet égard, je me souviens des débats sur le projet de loi pénitentiaire. On nous avait expliqué à cette occasion que de telles pratiques n’existaient pas, alors que les rapports d’un certain nombre d’autorités démontraient le contraire.

Il est possible que, dans certains cas, la fouille corporelle interne soit indispensable. Les progrès de la technique devraient néanmoins, au fil des années et des budgets du ministère de la justice, permettre de ne plus recourir à ce type d’investigations.

Pour l’heure, dans le cas où celles-ci seraient nécessaires, il est indispensable qu’elles restent vraiment exceptionnelles. D’ailleurs, si ces pratiques sont aussi rares qu’on nous l’assure, il serait plus raisonnable encore de faire en sorte qu’elles soient autorisées sous le contrôle du juge des libertés et de la détention ; une telle procédure ne viserait en effet qu’un nombre de cas infime chaque année.

Par conséquent, nous proposons de rédiger ainsi l’alinéa 6 : « Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé par les nécessités de l’enquête. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin désigné à cet effet par le juge des libertés et de la détention. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 41, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

et après autorisation expresse du juge des libertés et de la détention

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Le présent amendement suit la même philosophie que le précédent.

En effet, les investigations corporelles internes sont suffisamment attentatoires aux libertés pour justifier une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention.

Le fait que ce type d’investigations soit pratiqué par un médecin ne constitue aucunement une garantie contre l’arbitraire, puisque la décision d’y recourir émane d’un officier de police judiciaire.

Nous estimons par conséquent qu’une telle mesure doit faire l’objet d’une autorisation du juge des libertés et de la détention.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. Mézard propose d’opérer deux modifications à l’alinéa 6 de l’article 9. Dans sa rédaction issue des travaux de la commission, le texte dispose que : « Lorsqu’il est indispensable pour les nécessités de l’enquête de procéder à des investigations corporelles […] » ; MM. Mézard et Collin proposent la formulation suivante : « sauf impératif spécialement motivé par les nécessités de l’enquête » – ce sont en effet les termes retenus dans la loi pénitentiaire. Pourquoi pas ?

En revanche, la seconde modification que vous proposez, monsieur Mézard, et qui rejoint la préoccupation exprimée par le groupe CRC-SPG pose problème : vous énoncez que les investigations corporelles internes sont obligatoirement autorisées par le juge des libertés et de la détention. Or la commission ne souhaite pas que celui-ci intervienne au début de la garde à vue.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 128 rectifié.

Quant à l’amendement n° 41 présenté par Mme Mathon-Poinat, la commission y est également défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je voudrais tout d’abord rappeler aux auteurs de ces deux amendements, et plus spécialement à M. Mézard puisque ce dernier pose le problème global de ce type de fouilles, que les investigations corporelles internes ne peuvent être ordonnées qu’à titre d’enquête et, dans ce cadre, elles sont assimilées à des perquisitions. En conséquence, une telle investigation peut être décidée par l’officier de police judiciaire sans l’assentiment de la personne concernée uniquement en cas de flagrance. En préliminaire, elle ne pourra être réalisée si la personne s’y oppose.

En pratique, ces investigations sont essentiellement utilisées en flagrance et en matière de trafic de stupéfiants. Dans cette hypothèse, l’investigation doit pouvoir intervenir rapidement, ce qui n’est pas possible si elle est soumise à l’autorisation du juge des libertés et de la détention. C’est assez évident en matière de trafic de stupéfiants : une telle contrainte empêcherait de prouver ce que l’on veut prouver.

C’est la raison pour laquelle je suggère à M. Mézard et à Mme Mathon-Poinat de retirer leurs amendements. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur l’amendement n° 128 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je n’oserais dire à M. le garde des sceaux que son argumentation me paraît manquer de fondement.

En effet, ce dernier vise le problème du trafic de stupéfiants, mais on ne va pas entrer dans les détails…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je ne suis pas un spécialiste !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous savez cependant comme moi et comme tous les sénateurs ici présents que les constatations établies en matière de stupéfiants s’appuient sur la radiographie, un matériel d’ailleurs très couramment utilisé, en particulier dans les aéroports. Ne mélangeons donc pas des éléments qui sont tout à fait différents.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 93 rectifié, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 63–7 bis. - Toute nullité relative à la garde à vue est d'ordre public.

« Les formalités mentionnées aux articles 62–3, 62–5, 63, 63–1, 63–2, 63–3, 63-3-1, 63-4, 63-4-1, 63-4-2, 63-4-3, 63-5, 63-6, 63-7, 63-8 et 64 sont prescrites à peine de nullités. Leur violation porte atteinte aux intérêts de la personne gardée à vue au sens de l'article 802 du code de procédure pénale.

La parole est à M. Richard Tuheiava.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

L’amendement n° 93 rectifié a pour objet de combler une lacune importante du texte. En effet, alors que celui-ci vise à encadrer plus strictement la procédure de la garde à vue, il ne contient aucune disposition sur le régime des nullités. Quid alors des irrégularités qui surviendront dans le cadre renforcé par le présent texte ?

Sur le fondement de l’article 802 du code de procédure pénale, la jurisprudence de la Cour de cassation distingue les irrégularités faisant grief de celles qui ne font pas grief, seules les premières pouvant emporter la nullité de la garde à vue.

Le législateur peut-il proclamer qu’il renforce le respect des droits de la personne gardée à vue par une série de formalités et diligences inscrites dans le code de procédure pénale et, dans le même temps, refuser d’exercer jusqu’au bout sa compétence en s’abstenant de trancher sur la portée des irrégularités qui seront constatées ?

Où sont alors les garanties effectives de l’exercice des droits ? Seraient-elles dans les interprétations dégagées par la jurisprudence future de la Cour de cassation ?

Ce n’est envisageable au regard ni de l’exigence de protection des droits « effective et concrète » posée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ni du principe de sécurité juridique.

On ne peut pas se permettre d’attendre des années de jurisprudence – à plus forte raison quand on sait que la jurisprudence peut être fluctuante – pour déterminer avec précision l’étendue des nullités et par conséquent pour éclairer utilement la pratique des officiers de police judiciaire. Au titre de la sécurité juridique, les autorités de police et de gendarmerie ont légitimement droit à la fixation dès à présent du régime des nullités dans le projet de loi. Nous ne pouvons leur répondre par le silence…

Le texte doit donc être complété et nous proposons par le présent amendement de prévoir, premièrement, que les différentes formalités introduites pour garantir l’exercice des droits du suspect en garde à vue sont prescrites à peine de nullité ; deuxièmement, que ces nullités sont d’ordre public ; troisièmement, que les irrégularités commises dans ce cadre portent nécessairement atteinte aux intérêts de la personne gardée à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

À l’heure actuelle, il n’y a pas de nullité sans grief, ainsi que le précisent les articles 171 et 802 du code de procédure pénale.

La Cour de cassation a toujours interprété ce principe de manière protectrice s’agissant de la garde à vue, puisqu’elle considère que certaines irrégularités, en particulier les retards de notification ou d’information des magistrats, « font nécessairement grief ».

Cependant, il convient aussi de ne pas fragiliser l’enquête – c’est une de nos préoccupations constantes lorsque nous travaillons sur la procédure pénale – et c’est pourquoi le législateur a toujours renoncé par le passé à inscrire des nullités textuelles dans cette matière.

Le sujet a été abordé par la commission, et nous pensons qu’il est sage d’en rester à cette position. Il est vrai que la question, malgré sa technicité, est fondamentale. Toutefois, la commission ne souhaite pas revenir sur une telle pratique.

Elle a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement partage largement l’avis de la commission.

La nullité d’ordre public n’existe pas dans notre actuel code de procédure pénale. Il s’agit, vous l’avez d’ailleurs rappelé, monsieur le sénateur, d’une notion purement jurisprudentielle dont les contours exacts donnent lieu à discussion dans la doctrine. Comme M. le rapporteur, j’estime qu’un texte relatif à la garde à vue ne saurait être le cadre d’une modification en profondeur du régime des nullités, qui donne lui-même lieu à un contentieux spécifique très complexe et qui touche à toute la procédure pénale.

Par ailleurs, cet amendement me semble inutile. La Cour de cassation a, en effet, une jurisprudence très rigoureuse en la matière ; elle considère notamment que la violation d’une règle relative à la garde à vue cause nécessairement un grief à la personne et justifie l’annulation des actes subséquents.

En conséquence, monsieur Tuheiava, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; dans l’hypothèse où vous ne le feriez pas, j’émettrais un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 42, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'officier de police judiciaire lui remet une copie du procès-verbal mentionné à l'article 64 du même code.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

L’article 9 du projet de loi a été complété à l’Assemblée nationale afin de prévoir qu’à l’issue de la garde à vue la personne doit être informée de l’existence de l’article 77-2 du code de procédure pénale.

S’il est vrai qu’à l’heure actuelle toute personne ayant été placée en garde à vue au cours d’une enquête préliminaire est déjà théoriquement informée à l’issue de la mesure de son droit d’interroger, au terme d’un délai de six mois, le procureur de la République sur la suite donnée à la procédure, les formulaires ne sont pas toujours très complets. Ainsi, il est souvent – pour ne pas dire systématiquement – omis de faire mention de la nécessité d’adresser la demande par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception. De plus, si la personne ne comprend pas bien le français, comment garantir qu’elle comprendra le formulaire ?

La jurisprudence a abondamment dénoncé les lacunes dans la mise en œuvre de ce droit du fait, notamment, de l’absence d’information effective de la personne gardée à vue. Il n’en serait pas moins utile que ce droit soit clairement formulé.

Nous proposons donc qu’à l’issue de la garde à vue l’officier de police judiciaire remette à la personne une copie du procès-verbal mentionné à l’article 64 du code de procédure pénale. Il nous semble d’ailleurs normal qu’une personne ayant subi une telle mesure soit en possession du procès-verbal donnant acte du déroulement de celle-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Pour éclairer le Sénat, je précise que le procès-verbal mentionné par Mme Mathon-Poinat est non pas le procès-verbal d’audition, mais celui qui est visé à l’article 64 du code de procédure pénale et qui retrace dans le détail la chronologie de la garde à vue : heure à laquelle la garde à vue a commencé, heure à laquelle est arrivé l’avocat, heures auxquelles la personne gardée à vue a rencontré le médecin, a pu s’alimenter, moment où elle s’est vu notifier ses droits, etc. Il s’agit donc d’un procès-verbal à caractère judiciaire, bien sûr, mais de nature administrative.

Vous proposez, madame Mathon-Poinat, qu’une copie de ce procès-verbal soit fournie à la personne remise en liberté ; je me permets de vous faire observer que cette dernière a parfaitement connaissance des mentions qui y figurent puisque son émargement est requis pour chacune d’entre elles.

Il me semble dès lors inutile d’alourdir la procédure en prévoyant la communication de ce procès-verbal et j’émets un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis défavorable !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 179, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 63-9. - Le procureur de la République compétent pour être avisé des placements en garde à vue, en contrôler le déroulement, en ordonner la prolongation et décider de l’issue de la mesure est celui sous la direction duquel l’enquête est menée.

« Toutefois, le procureur de la République du lieu où est exécutée la garde à vue est également compétent pour la contrôler et en ordonner la prolongation. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement reprend les dispositions qui figuraient à l’alinéa 11 de l’article 1er du projet de loi tel qu’adopté par l’Assemblée nationale, dispositions selon lesquelles sont compétents pour assurer le contrôle de la garde à vue non seulement le procureur de la République chargé du dossier mais également le procureur de la République du ressort dans lequel la garde à vue est exécutée.

La rédaction proposée met en évidence que ces contrôles sont non pas alternatifs mais cumulatifs, ce qui ne peut que constituer une garantie supplémentaire pour la personne retenue : deux contrôles effectués par deux procureurs différents valent mieux qu’un seul contrôle effectué par un seul procureur.

L’amendement prévoit en outre des précisions destinées à éviter des difficultés d’application de cette disposition.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement est favorable à cet excellent amendement.

L'amendement est adopté.

L'article 9 est adopté.

(Non modifié)

L’article 64 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 64. – I. – L’officier de police judiciaire établit un procès-verbal mentionnant :

« 1° Les motifs justifiant le placement en garde à vue, conformément aux 1° à 6° de l’article 62-3 ;

« 2° La durée des auditions de la personne gardée à vue et des repos qui ont séparé ces auditions, les heures auxquelles elle a pu s’alimenter, le jour et l’heure à partir desquels elle a été gardée à vue, ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit déférée devant le magistrat compétent ;

« 3° Le cas échéant, les auditions de la personne gardée à vue effectuées dans une autre procédure pendant la durée de la garde à vue ;

« 4° Les informations données et les demandes faites en application des articles 63-2, 63-3 et 63-3-1 et les suites qui leur ont été données ;

« 5° S’il a été procédé à une fouille intégrale ou à des investigations corporelles internes.

« Ces mentions doivent être spécialement émargées par la personne gardée à vue. En cas de refus, il en est fait mention.

« II. – Les mentions et émargements prévus aux 2° et 5° du I concernant les dates et heures du début et de fin de garde à vue et la durée des auditions et des repos séparant ces auditions ainsi que le recours à des fouilles intégrales ou des investigations corporelles internes figurent également sur un registre spécial, tenu à cet effet dans tout local de police ou de gendarmerie susceptible de recevoir une personne gardée à vue. Ce registre peut être tenu sous forme dématérialisée.

« Dans les corps ou services où les officiers de police judiciaire sont astreints à tenir un carnet de déclarations, les mentions et émargements prévus au premier alinéa du présent II sont également portés sur ce carnet. Seules les mentions sont reproduites au procès-verbal qui est transmis à l’autorité judiciaire. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 44, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

ou si elle a été préalablement auditionnée conformément à l'article 62

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’article 10 du projet de loi détaille la liste des mentions obligatoires devant figurer au procès-verbal.

L’article 64 du code de procédure pénale est notamment modifié afin que soit mentionné par l’officier de police judiciaire le fait que la personne placée en garde à vue a été auditionnée dans une autre procédure pendant la durée de la garde à vue.

Notre amendement vise à préciser que, si la personne a été préalablement auditionnée en tant que témoin au titre de l’article 62 du code de procédure pénale, il devra en être fait mention dans le procès-verbal.

En effet, il ne ressort par clairement de la rédaction de l’alinéa 5 de l’article 10 du projet de loi que les autres procédures recouvrent celle de l’article 62.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement, comme d’ailleurs les amendements suivants, alourdit assez fortement les formalités auxquelles devront procéder les enquêteurs durant la garde à vue, et cela sans nécessité.

En effet, si une personne gardée à vue a été au préalable auditionnée comme témoin, il y a une trace par ailleurs, et cela figurera donc ultérieurement dans le dossier.

L’avis de la commission est défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

J’indique à Mme Borvo Cohen-Seat que son amendement est satisfait puisque l’alinéa 5 de l’article 10 du projet de loi prévoit que doivent figurer au procès-verbal récapitulatif de la garde à vue les auditions de la personne effectuées dans une autre procédure pendant la garde à vue. Cette disposition recouvre à la fois les auditions en tant que mis en cause et les auditions en tant que suspect.

Je suggère donc à Mme Borvo Cohen-Seat de retirer son amendement, à l’encontre duquel j’émettrai sinon, comme la commission, un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 43, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

et 63-3-1

par les mots :

63-3-1, 63-4-1 et 63-4-2

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

S’agissant d’un domaine touchant aux droits fondamentaux, j’insiste sur le fait qu’un minimum de formalisme est plus que souhaitable, l’absence de formalisme autorisant, on le sait, toutes sortes d’interprétations.

Le procès-verbal, émargé en principe par le gardé à vue, permet un contrôle a posteriori de la garde à vue. Il sera, pour la défense, un support essentiel à toute contestation relative au bon déroulement de la mesure.

Ce document doit donc faire mention de tous les éléments pouvant servir à s’assurer que les droits de la défense ont été mis en œuvre, notamment s’agissant des éléments relatifs à l’intervention de l’avocat et à sa participation aux auditions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La commission estime que cet amendement est satisfait.

Vous demandez, madame Borvo Cohen-Seat, que toute une série d’informations figurent sur le procès-verbal visé à l’article 64 du code de procédure pénale que j’évoquais tout à l’heure et qui, je le répète, n’est pas le procès-verbal d’audition.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Il est satisfait puisque le procès-verbal porte mention de l’information donnée à la personne sur son droit à l’assistance à un avocat, ainsi que des demandes formulées à ce titre et des suites qui leur sont données. Figureront ainsi, parmi les nombreuses informations contenues dans ce procès-verbal, les mentions relatives à l’intervention du médecin et de l’avocat.

Or le droit à l’assistance d’un avocat recouvre non seulement le droit de s’entretenir avec un avocat, mais aussi l’accès de l’avocat au dossier ainsi que sa participation aux auditions.

Toutes les précisions que vous souhaitez ajouter sont déjà prévues et je demande donc le retrait de votre amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je ne demanderai pas à mon tour à Mme Borvo Cohen-Seat de retirer son amendement - je crains de connaître désormais sa réponse -, mais je lui confirme qu’elle a entièrement satisfaction !

La disposition qu’elle propose serait redondante et ne ferait qu’alourdir le code alors que, en application du texte issu des travaux de la commission, le procès-verbal récapitulatif doit déjà indiquer si la personne a souhaité ou non être assistée d’un avocat et les suites données à cette demande. Il permettra ainsi de vérifier, par exemple, si l’avocat a été contacté et à quel moment.

La mention de ces données, qui sont effectivement importantes puisqu’elles permettent de déterminer si la demande du gardé à vue a bien été respectée, est donc déjà prévue par le projet de loi. La présence ou non de l’avocat aux auditions apparaîtra ensuite dans chaque procès-verbal d’audition.

En conséquence, la précision est inutile et mon avis sera défavorable si vous n’acceptez pas de retirer l’amendement, madame Borvo Cohen-Seat.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 46, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

ou des mesures de sécurité, notamment s'il a été fait usage de menottes ou de contrainte physique

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’article 803 du code de procédure pénale dispose que « nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ».

En principe, une personne n’est donc soumise à une contrainte physique qu’au cas où un risque avéré doit être circonscrit.

Or, dans la pratique, toute personne « escortée » continue à être systématiquement menottée ou entravée, particulièrement lorsqu’il s’agit de gardés à vue, alors qu’en tout état de cause ils bénéficient de la présomption d’innocence.

Nous souhaitons donc que le procès-verbal mentionne l’ensemble des mesures qui sont contraignantes pour l’individu et qui peuvent porter atteinte au respect de sa dignité ou de son intégrité physique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

J’ai cru un instant devoir comprendre, madame Borvo Cohen-Seat, que toute personne gardée à vue était soumise au port des menottes…

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

… mais ce n’est, en effet, certainement pas ce que vous vouliez faire entendre.

Je ne donne pas lecture de l’article 803 du code de procédure pénale, comme je comptais le faire, puisque vous avez eu la gentillesse de le citer presque entièrement vous-même, mais je rappelle que le champ d’application de cet article ne se limite pas aux gardes à vue ; c’est même aux escortes qu’il est le plus souvent appliqué.

Ainsi, la circulaire du 1er mars 1993 relative à l’organisation des escortes pénitentiaire des détenus faisant l’objet d’une consultation médicale reprend les termes de l’article 803.

Pour ma part, je me suis interrogé sur l’intérêt qu’il y aurait à ajouter dans le procès-verbal de déroulement des gardes à vue la mention du fait qu’« il a été fait usage de menottes ou de contrainte physique ».

Dans la mesure où cette pratique est strictement encadrée par l’article 803 et par la jurisprudence, cette disposition surchargerait inutilement le nouvel article 64 et j’émets un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 45, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il mentionne dans ce cas les raisons qui les ont motivées

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Certes, nous apprécions que le projet de loi mette un terme au vide juridique concernant les mesures de sécurité et fouilles en garde à vue, notamment en posant le principe de l’interdiction des fouilles à corps intégrales comme mesures de sécurité.

Ces fouilles étaient en effet pratiquées de façon quasi-systématique, sans qu’il soit besoin de les justifier par des circonstances particulières ou de les motiver, contrairement d’ailleurs aux instructions données. Voilà pourquoi je suis très pointilleuse sur les précisions apportées dans la loi : il existe toujours une circulaire déterminant les façons d’opérer, mais la pratique diffère souvent et, le manquement aux consignes mentionnées dans les circulaires n’étant pas sanctionné, il vaut mieux apporter toutes les précisions nécessaires dans la loi.

C’est donc une évolution importante qui nous est proposée.

Toutefois, afin de passer de la proclamation de principe à l’effectivité des droits, il importe que la loi prévoie la sanction des fouilles à corps qui seraient pratiquées de façon abusive.

Pour ce faire, il nous semble qu’il conviendrait de prévoir, dans la rédaction de l’article 64 du code de procédure pénale, que la pratique des investigations corporelles ou des fouilles intégrales soit mentionnée au procès-verbal, ainsi que les raisons pour lesquelles l’officier de police judiciaire a décidé d’y procéder.

Nous estimons, pour notre part, que ces fouilles doivent être justifiées en fonction de circonstances impérieuses de l’espèce et au regard d’un objectif précis, et que tout abus en matière de fouille devrait pouvoir entraîner la nullité de la procédure, indépendamment des mesures disciplinaires engagées.

Dès lors, dans le cas d’un recours exercé à l’encontre de la procédure, le tribunal chargé d’examiner l’affaire pourra annuler la garde à vue dans laquelle une fouille à corps aura été réalisée de façon disproportionnée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Comme Mme Nicole Borvo Cohen-Seat l’a reconnu elle-même, le projet de loi comprend deux avancées très importantes en matière de pratique des fouilles intégrales et des investigations corporelles internes.

Premièrement, elles ne seront possibles que lorsqu’elles sont indispensables pour les nécessités de l’enquête. Deuxièmement, elles seront mentionnées sur le procès-verbal visé à l’article 64 du code de procédure pénale.

Ces deux apports me paraissent suffisants et je ne vois pas d’intérêt à mentionner autre chose sur le procès-verbal dont il est question à cet article 64.

L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il est parfaitement identique à celui de M. le rapporteur.

En effet, madame Nicole Borvo Cohen-Seat, si nous examinons ensemble les alinéas 5 et 6 de l’article 9 du projet de loi, article qui vient d’être voté par le Sénat, et l’alinéa 7 de l’article 10, qui est en cours de discussion, nous constatons que vous avez entièrement satisfaction et que tout est écrit selon vos souhaits.

Il conviendrait donc de retirer votre amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Madame Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° 45 est-il maintenu ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 94, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 6° L'état des locaux de garde à vue.

La parole est à Mme Virginie Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements n° 94 et 152 rectifié, dans la mesure où ils ont tous les deux trait à l’état des locaux de garde à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis en effet saisi d’un amendement n° 152 rectifié, présenté par Mme Klès et M. Michel, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Les conditions matérielles de la garde à vue doivent répondre à des critères déterminés par décret en Conseil d'État.

« Le procès-verbal concernant la notification de la fin de la garde à vue et récapitulant le déroulement de la garde à vue devra contenir une appréciation de l'officier de police judiciaire concernant l’état des locaux de la garde à vue en fonction des critères retenus.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

L’amendement n° 94 tend à prévoir qu’une description de l’état des locaux de garde à vue figure dans le procès-verbal de garde à vue, ce qui permettra au moins d’établir un diagnostic précis de l’état de ces locaux sur l’ensemble du territoire français.

Je ne doute pas que le Sénat, dans sa grande sagesse, adoptera cet amendement, à moins que, dans son immense sagesse, il ne décide d’aller plus loin encore et vote l’amendement n° 152 rectifié !

Ce dernier vise, lui, à prévoir la détermination, par un décret pris en Conseil d’État, de critères auxquels devront répondre les locaux de garde à vue. En d’autres termes, non seulement le procès-verbal contiendrait la description des locaux, mais celle-ci serait faite en fonction de critères permettant de préciser certains points, comme, par exemple, la propreté des locaux, l’état des toilettes ou leur accessibilité aux gardés à vue.

Dans le cadre du respect de la dignité de la personne – il en a été beaucoup question depuis le début de l’examen de ce texte -, il me semble effectivement indispensable de garantir l’état et la propreté des locaux dans lesquels sont effectuées les gardes à vue.

Comme on l’a vu, ces gardes à vue peuvent se prolonger pendant plusieurs heures et je ne vois pas comment on peut garantir la dignité de personnes qui, pendant toute la durée de la mesure, n’ont accès ni aux toilettes ni à un endroit leur permettant de se laver. Je rappelle à cet égard que la garde à vue peut s’appliquer à n’importe qui et qu’elle concerne des présumés innocents.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je voudrais faire observer à Mme Virginie Klès qu’à l’article 8 du projet de loi il est prévu un nouvel article 63-5 du code de procédure pénale selon lequel « la garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne ». Bien évidemment, la configuration des locaux de garde à vue, ainsi que leur état et leur entretien font partie des éléments permettant d’assurer, ou non, le respect de la dignité de la personne.

De quels contrôles des locaux de garde à vue disposons-nous aujourd’hui ?

Ce contrôle est en fait double.

D’une part, il est exercé par le procureur de la République. Sur ce sujet, je souhaiterais que M. le garde des sceaux nous donne son point de vue et nous rassure, car il est vrai que, de temps en temps, les visites des locaux de garde à vue par les parquets sont jugées peut-être un peu trop sommaires et insuffisantes.

D’autre part, il est exercé, et ce de manière totalement indépendante, par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, que la commission des lois du Sénat auditionne régulièrement. M. Jean-Marie Delarue ne nous a d’ailleurs pas donné l’impression qu’il exerçait son contrôle à moitié, et ses comptes rendus sont de nature à mettre une certaine pression sur les autorités de police et de gendarmerie s’agissant de l’amélioration de l’état des locaux de garde à vue.

L’avis est donc défavorable sur les amendements n° 94 et 152 rectifié.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je voudrais dire aux auteurs de ces amendements que l’objectif qu’ils cherchent à atteindre avec ces deux dispositions peut être partagé par l’ensemble des parlementaires et par le Gouvernement : l’état des locaux de garde à vue doit effectivement permettre un déroulement de la garde à vue respectant la dignité de la personne.

Il est proposé ici de demander aux officiers de police judiciaire de décrire le local de garde à vue et de donner une appréciation personnelle sur l’état de ce local.

Or, comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, il existe plusieurs niveaux de contrôle de l’état des locaux de garde à vue.

Le procureur de la République doit procéder à la visite de ces locaux chaque fois qu’il l’estime nécessaire, et au moins une fois par an, j’insiste sur cette obligation ; un registre répertoriant le nombre et la fréquence de ces contrôles doit être tenu. En outre, un rapport annuel sur ce sujet doit être adressé au procureur général. Très naturellement, la Chancellerie veillera à ce que ces dispositions soient strictement observées.

Les locaux de garde à vue sont également soumis, il ne faut pas l’oublier, au contrôle des parlementaires, qui peuvent les visiter. Je ne peux que vous inviter, mesdames, messieurs les sénateurs, à utiliser ce pouvoir qui vous est donné. Beaucoup d’entre vous le font déjà et cela ne pose aucun problème.

Enfin, bien sûr, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté exerce son contrôle, ce que l’actuel titulaire du poste fait excellemment. Je suis, de par ma charge, tenu de répondre à des rapports qu’il établit après chacune de ses visites et je puis vous garantir que nous ne répondons pas en deux lignes aux questions fortes et ciblées qu’il pose. À chaque fois, ce sont plusieurs pages de réponse qu’il faut fournir à M. Jean-Marie Delarue, mais c’est justement pour cela que le Contrôleur général a été institué.

Compte tenu de ces trois niveaux de contrôle – le procureur de la République, les parlementaires, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté –, je ne peux qu’inviter les auteurs de ces amendements à les retirer. Faute d’un retrait, l’avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote sur l’amendement n° 94.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Certes, monsieur le ministre, l’article 8 du projet de loi consacre un principe, mais il n’a échappé à personne que nous avons dû préciser que certains objets devaient être laissés à la personne, s’ils étaient nécessaires au respect de sa dignité, preuve que le principe ne nous a pas semblé suffisant en lui-même.

Je ne vois pas pourquoi le principe serait suffisant dans certains cas et insuffisant dans d’autres.

En l’occurrence, il me semble important d’insister sur les locaux : affirmer un principe – la dignité de la personne doit être respectée – ne suffit pas, à mon sens, à garantir que la configuration et l’état des locaux de garde à vue permettront effectivement de respecter cette dignité.

S’agissant des moyens de contrôle, il en existe effectivement – c’est notamment la mission du Contrôleur général des lieux de privation de liberté – et M. le garde des sceaux vient de nous en rappeler la liste.

Mais, dans le cas présent, il est question d’un état des lieux établi, au jour le jour, par les personnes utilisant les locaux, et non d’un contrôle aléatoire et, quoi qu’on en pense, sporadique. Il s’agit bien d’avoir un regard sur tout ce qui se passe au quotidien.

Dans nos cantines scolaires, dans la restauration collective, les services vétérinaires effectuent également des contrôles. Mais, au-delà de ces vérifications par les tutelles, il y a aussi ce qu’on appelle « l’autocontrôle » : tous les jours, des échantillons sont prélevés, conservés et analysés.

Donc, je ne vois vraiment pas en quoi il y aurait opposition. Au contraire, c’est une amélioration – un « plus » – que de demander aux personnes utilisant quotidiennement les locaux de garde à vue d’indiquer noir sur blanc comment elles les ont utilisés et ce qu’elles y ont constaté.

J’ajouterai même, parce que, pour ma part, j’ai confiance dans les forces de sécurité de notre pays, que cela pourrait éventuellement leur permettre d’apporter des remèdes : ayant pris le temps d’observer, de noter, elles décideront peut-être d’elles-mêmes d’apporter certains correctifs, sans attendre que l’État les force à le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Richard Tuheiava, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Le respect de la dignité de la personne a bien sûr pour corollaire le bon état des locaux de garde à vue. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’accent a été mis sur le triple contrôle existant. Je crois cependant que le problème ne se situe pas à ce niveau.

Il ne s’agit pas de savoir si nous avons, oui ou non, les moyens de contrôler. En présentant ces amendements n° 94 et 152 rectifié, nous souhaitons véritablement insister sur les conditions dans lesquelles la garde à vue se déroule, au moment même où elle se déroule. Nous souhaitons que la situation soit examinée au cas par cas, à l’entrée de chaque gardé à vue.

Dans le cadre de mes activités professionnelles, il m’est arrivé, voilà quelques années, d’être témoin de certaines situations limites : dans un cas, le gardé à vue était obligé de se mettre à terre près de la porte pour avoir un peu d’air ; dans un autre, la personne s’était plainte de la présence, dans le local, des résidus de matières fécales imputables à l’ancien gardé à vue, la brigade concernée ayant dû traiter une succession de gardes à vue et se trouvant en difficulté pour gérer ce flux.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Nous ne cherchons pas à régler une généralité par voie législative; nous devons traiter le « tout-venant », la situation dans sa particularité.

Ces deux amendements, que je soutiens, nous donnent l’occasion de faire un pas en avant, non pas dans une perspective plus globale d’amélioration de la capacité des services de police ou de gendarmerie, mais véritablement sur la voie du respect de la dignité de la personne, ce qui suppose la qualité de la garde à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Si je peux me permettre, mes chers collègues, je voudrais rappeler les critères – j’en vois au moins deux – qui ont une influence directe sur la qualité de la garde à vue, sur la manière dont la défense est élaborée, c’est-à-dire sur la qualité du jugement, si jugement il y a par la suite.

Je citerai, d’une part, la qualité relationnelle et la conscience professionnelle des officiers de police judiciaire dans le cadre de l’audition et, d’autre part, le contexte dans lequel se déroule la garde à vue : la capacité à échanger, notamment au niveau linguistique, et, surtout, l’état des locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

S’il y a bien un amendement qui devrait tous nous rassembler, mes chers collègues, il me semble que c’est cet amendement n° 94.

M. le garde des sceaux a parlé avec beaucoup de sagesse lorsqu’il a indiqué que notre préoccupation était sans doute partagée sur toutes les travées.

C’est effectivement une préoccupation générale, car nous sommes tous horrifiés par ce que nous entendons ou ce que nous lisons à ce sujet, notamment dans le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Celui-ci insiste systématiquement sur le fait que les locaux de garde à vue sont parmi les plus misérables des misérables.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Nous sommes tous d’accord sur ce constat.

Chers collègues de la majorité, nous vous proposons une mesure qui ne coûte rien, qui ne retranche rien et qui, au contraire, se focalise sur une préoccupation que nous partageons tous, et vous allez la refuser ? Ce n’est franchement pas raisonnable !

Pouvez-vous m’expliquer en quoi l’ajout d’un 6° après l’alinéa 7 de l’article 64 du code de procédure pénale pourrait nuire à quiconque ou même gêner ?

On voit bien au contraire que cet article énumère un certain nombre de garanties, et nous souhaitons tous que les locaux ne soient pas oubliés. Donc, inscrivons-les dans la loi. Ne renvoyons pas cette garantie à des contrôles qui sont, reconnaissons-le, assez exceptionnels.

Même si le Contrôleur général a le droit de visiter les locaux de garde à vue – ce que, bien sûr, il fait –, et même si les parlementaires peuvent également s’y rendre, nous savons bien que cela reste exceptionnel, extraordinaire. Ce que nous voulons, c’est que, parmi les droits permanents, ordinaires, figure ce droit à la dignité que M. le rapporteur vient d’invoquer, et pas à titre purement déclamatoire, mais traduit dans la réalité.

Ce que nous vous demandons, c’est un petit effort, un tout petit pas ; cela ne mange pas de pain, si je puis dire, et nous satisfera tous. Nous devrions donc unanimement voter cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

(Non modifié)

Au début de la première phrase du troisième alinéa de l’article 18 du code de procédure pénale, les mots : « En cas de crime ou délit flagrant, » sont supprimés. –

Adopté.

(Non modifié)

I. – L’article 61 du même code est complété par les quatre premiers alinéas de l’article 62.

I bis. – Au début du deuxième alinéa du même article 61 résultant du I du présent article, les mots : « L’officier de police judiciaire » sont remplacés par le mot : « Il ».

II. – À la deuxième phrase du troisième alinéa du même article 61 résultant du I du présent article, la référence : « à l’article 61 » est remplacée par la référence : « au premier alinéa ».

III. – L’article 62 du même code est complété par les mots : «, sans que cette durée puisse excéder quatre heures ».

IV. – Le même article 62 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« S’il apparaît, au cours de l’audition de la personne, qu’il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue. Son placement en garde à vue lui est alors notifié dans les conditions prévues à l’article 63. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 147 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'article 11, dont la rédaction actuelle ne manquera pas de provoquer nombre de difficultés, est particulièrement important sur le plan du principe. C’est pourquoi nous souhaitons sa suppression.

Très concrètement, de quoi s’agit-il ?

L’article 11 prévoit que l’article 61 du code de procédure pénale est complété par les quatre premiers alinéas de l’article 62, qui ont fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel.

En fait, cet article 11 pose, en partie, et en partie seulement, le problème déjà rencontré avec l’audition libre que, très sagement, M. le garde des sceaux a ôtée du texte.

Encore une fois, nous constatons que le diable se cache dans les détails : cet article 11 reprenant littéralement quatre des alinéas de l’article 62 du code de procédure pénale désormais intégrés au nouvel article 61 et l’article 62 étant lui-même complété, on aboutit à la reconstitution au moins partielle de la procédure de l’audition libre, c’est-à-dire en pratique la possibilité pour l’officier de police judiciaire de maintenir à sa disposition durant une durée limitée ici à quatre heures une personne sans que celle-ci dispose du moindre droit. Or ce sont ces motifs qui ont conduit à la dénonciation de l’audition « libre », en réalité une audition contrainte, dénuée de toute garantie.

Cette reconstitution partielle de l’audition libre, par la reprise des quatre premiers alinéas de l’article 62, permet ainsi à l’officier de police judiciaire de « contraindre à comparaître par la force publique, avec l’autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n’ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu’elles ne répondent pas à une telle convocation ».

Le dernier alinéa de l’article 62 dispose que « les personnes à l’encontre desquelles il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition ».

On peut donc continuer à auditionner pendant plusieurs heures une personne contrainte de rester à disposition des enquêteurs, mais sans aucune garantie, sauf si sont adoptés les amendements que nous avons prévus pour la suite de cette procédure.

Je vois dans la rédaction de cet article 11 la preuve de l’urgence avec laquelle il a fallu réagir à la décision du Conseil constitutionnel, mais on est allé vraiment trop vite et, encore une fois, la rédaction nécessitera, à mon avis, d’être modifiée dans les mois ou les années à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

J’ai été surpris par cet amendement, car je pense, au contraire, que l’article 11, dans la rédaction proposée, apporte des précisions très intéressantes, nécessaires, cela a été rappelé par M. Mézard, ainsi que des garanties pour les personnes qui sont interrogées par les enquêteurs.

L’article 11 opère une distinction très claire entre les témoins et les suspects.

Les témoins ne peuvent être retenus que pendant le temps nécessaire à leur audition, soit, désormais, pendant une durée maximale de quatre heures. Ils ne peuvent en aucun cas être placés en garde à vue.

Les suspects, c'est-à-dire les personnes à l’encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement sont, eux, obligatoirement placés en garde à vue.

Donc, si l’on veut retenir une personne sous la contrainte, il faut qu’elle soit placée en garde à vue, étant rappelé que l’on ne peut de toute manière placer en garde à vue que les personnes à l’encontre desquelles il existe plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction.

Je considère que cet article 11 opère une clarification très utile et je suis surpris, monsieur Mézard, que vous vouliez le supprimer.

La commission émet donc un avis défavorable sur votre amendement n° 147 rectifié.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, cet article traite de la question de l’audition du témoin et apporte des garanties supplémentaires par rapport au droit existant.

Le droit actuel permet de retenir un témoin susceptible de fournir des renseignements concernant une affaire le temps nécessaire à son audition ; c’est la loi du 4 janvier 1993 qui a posé ce principe.

Cette disposition permet notamment aux enquêteurs, lorsqu’ils arrivent sur une scène de crime, de retenir et d’entendre les témoins même si ceux-ci veulent quitter les lieux. Le projet de loi limite la durée de cette retenue à quatre heures, ce qui constitue une nouvelle garantie.

Par ailleurs, cet article 11 précise également que si, au cours de l’audition d’un témoin, des raisons plausibles de le soupçonner d’une infraction apparaissent, la personne ne peut être maintenue sous la contrainte que sous le régime de la garde à vue. Là encore, il s’agit de l’application de la jurisprudence classique de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

L’article 11 que M. Mézard souhaite supprimer ne contient donc aucun des dangers qu’il y voit. C’est la raison pour laquelle je lui demande de bien vouloir retirer son amendement compte tenu des explications qui lui ont été données et qui devraient complètement le rassurer sur le contenu de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je ne suis pas rassuré, monsieur le ministre, mais en doutiez-vous ? Toute la difficulté, c’est de différencier le témoin de la personne susceptible d’avoir commis telle ou telle infraction, et nous savons parfaitement dans la pratique comment cela se passe.

Encore une fois, ce qui va se produire, et nous le savons tous, c’est que le texte tel qu’il est aujourd’hui rédigé continuera de susciter un certain nombre de difficultés, de conflits et de discussions parce vous aurez réagi trop vite à la décision du Conseil constitutionnel.

Vous me dites qu’il n’y a strictement aucune contrainte. C’est faux : l’article 62 prévoit bien une convocation, dans certains cas par contrainte, et même s’il est dit que les témoins ne peuvent être retenus que le temps strictement nécessaire à leur audition, on conviendra que la retenue n’est pas la liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est exact, monsieur le rapporteur, mais, quand on constate le peu de différence qu’il y a dans certains dossiers entre le témoin et le futur gardé à vue voire le futur mis en examen, on n’est pas forcément rassuré !

Je maintiens l’amendement, monsieur le président.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 47, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'officier de police judiciaire les informe qu'elles peuvent quitter à tout moment les locaux de la police ou de la gendarmerie.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Le dernier alinéa de l’article 62 du code de procédure pénale dispose : « Les personnes à l’encontre desquelles il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition. »

Par conséquent, au regard de cet article, soit il existe au moins une raison plausible de soupçonner qu’une personne a commis ou tenté de commettre une infraction et, dans ce cas, elle sera contrainte de se tenir à la disposition des officiers sous le régime de la garde à vue et ses droits lui seront détaillés, soit, a contrario, il n’y a aucune raison de la maintenir en garde à vue et aucune contrainte ne doit donc peser sur elle.

Par cet amendement, il est proposé de veiller à ce qu’elle soit informée de cette absence de contrainte et de la liberté qui est la sienne de quitter les lieux. La contrainte que constitue l’obligation de se tenir à la disposition des officiers est une conséquence de la garde à vue. Elle ne doit apparaître ou se faire sentir que dans ce cadre.

Cet amendement est dicté par un souci de précaution : il vise à éviter qu’aucune pression, même minime, ne soit exercée sur la personne auditionnée tant que des éléments ne sont pas retenus à sa charge. Elle doit pour cela être clairement informée du statut sous lequel elle est entendue ainsi que des droits qui en découlent, en l’occurrence, le droit de s’en aller.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je crains que l’ensemble des amendements déposés à l’article 11 n’obscurcissent le texte, alors que les articles 11 et 11 bis tendent à introduire des clarifications par rapport à la situation actuelle.

L’article 11, qui reprend en partie l’article 62 du code de procédure pénale, concerne les témoins, c'est-à-dire des personnes qui peuvent être retenues pendant une durée maximale de quatre heures, si le texte est voté.

Si, d’aventure, la personne est ensuite placée en garde à vue, les quatre heures maximales d’audition en tant que témoin viendront s’imputer sur le délai de douze heures de la garde à vue. Mais, soyons clairs, lorsque vous êtes entendu comme témoin, vous restez à la disposition des enquêteurs. Voilà pour le premier cas.

Dans le second cas, qui concerne ceux à l’encontre desquels il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’ils ont commis ou tenté de commettre une infraction, les personnes peuvent être entendues selon deux régimes différents : soit il n’y a aucune contrainte – nous verrons cette disposition à l’article 11 bis – et elles sont informées qu’elles peuvent à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie ; soit elles sont placées sous le régime de la garde à vue, avec toutes les garanties procédurales qui s’y attachent.

Alors qu’à la faveur de ce texte une clarification est opérée, je considère que l’adoption des amendements déposés à l’article 11 ne ferait que créer la confusion. Comme l’a dit M. le garde des sceaux tout à l’heure, nous avons dû mal à les comprendre.

Je demande donc à Mme Mathon-Poinat de retirer son amendement n° 47. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je n’ai guère à ajouter aux explications très claires et parfaitement fondées fournies par M. le rapporteur de la commission des lois.

En effet, il faut distinguer entre les deux articles. L’article 11 traite du témoin, de la façon dont il doit être entendu et de la façon dont il peut être retenu afin de fournir les renseignements dont il dispose. Le Conseil constitutionnel a certes censuré l’ensemble de l’article 62 du code de procédure pénale, mais il n’en a tiré aucune conséquence sur chacun de ses alinéas. Il apparaît indispensable de reprendre certaines dispositions pour que le rôle de témoin soit encore défini. C’est précisément l’objet de l’article 11.

C’est pourquoi je propose aux auteurs des amendements de les retirer et émets un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Il s’agit moins d’une explication de vote que d’une question, que je me pose et que je vous pose, en espérant obtenir une réponse.

Une personne, après avoir été retenue quatre heures à titre de témoin, peut donc ensuite être placée en garde à vue. Les quatre heures de retenue s’imputent sur la durée de la garde à vue ; mais sont-elles prises en compte également dans le décompte du délai de deux heures laissé à l’avocat pour arriver sur les lieux ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je pense que non, dans la mesure où le délai de deux heures commence à courir à partir du moment où la personne est placée en garde à vue.

Les quatre heures viennent s’imputer a posteriori sur la durée de la garde à vue. Cependant, les deux heures permettant à l’avocat d’arriver sur les lieux doivent, à mon avis, être décomptées à partir du moment où est notifiée la garde à vue.

La question que vous posez ne manque cependant pas d’intérêt, madame Klès. Je vous ai confié mon sentiment, mais il serait important de connaître la position officielle du Gouvernement, que je sollicite en ce sens.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. le rapporteur a donné la bonne réponse. Bien entendu, le délai d’attente pour l’avocat commence à courir au moment de la notification de la garde à vue. Les quatre heures ne comprennent pas ces deux heures.

Au moment où l’on notifie à la personne son placement en garde à vue, un délai de deux heures court pour permettre à l’avocat de se rendre sur les lieux de la garde à vue. C’est du moins ce que le Sénat a voté. J’avais moi-même proposé un délai d’attente réduit de moitié, estimant que, dans notre pays, tout allait vite, mais le Sénat a refusé ce délai d’une heure.

Les quatre heures seront imputées sur la totalité du délai de garde à vue.

Je tiens à ajouter que, de surcroît, l’officier de police judiciaire qui mènera l’enquête devra être extrêmement précautionneux parce qu’il sera impossible de retenir contre le témoin ce qu’il aura dit hors la présence d’un avocat. Dans ce cas particulier, il sera donc de l’intérêt des enquêteurs de ne pas transformer un témoin en gardé à vue si une telle issue peut être anticipée.

Il convient donc de distinguer deux cas : celui où un témoin, dont la présence est utile aux besoins de l’enquête pendant quatre heures, est interrogé et celui où l’individu est réellement suspecté d’être l’auteur de l’infraction, auquel cas il faut le placer en garde à vue si les conditions de la mise en œuvre de cette mesure sont réunies.

Donc, madame Klès, pour répondre de la manière la plus claire à une question qui ne manque pas de pertinence, je vous confirme que les quatre heures comptent dans le délai de garde à vue, mais que le délai de deux heures ne commence à courir qu’à partir de la notification de la garde à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je suis extrêmement troublé, mais je souhaiterais aller dans le sens de M. le garde des sceaux.

La logique voudrait qu’une personne qui a été entendue comme témoin ne puisse pas immédiatement être placée en garde à vue. Sinon, cela signifierait que l’avocat ne peut intervenir qu’au bout de six heures, ce qui est tout à fait contraire au principe que nous avons voté.

Il est donc de l’intérêt de tous non seulement de ne pas abuser de cette possibilité, mais même de ne pas en user du tout. En effet, s’il n’y a pas de solution de continuité entre la position de témoin et celle de placé en garde à vue, s’écoulent obligatoirement, au minimum, six heures pendant lesquelles la personne est sans avocat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

À l’occasion de cette discussion, nous pouvons tous constater combien le travail des enquêteurs est ardu. Ils doivent ainsi faire preuve d’un discernement que je serais tenté de qualifier d’exceptionnel. Il est en effet difficile de savoir, dans un certain nombre de cas, s’il faut auditionner la personne en tant que témoin ou en tant que suspect.

Les articles 11 et 11 bis ont précisément pour objet d’opérer le maximum de clarifications dans un contexte où les situations sont souvent difficiles à apprécier.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous abordons l’un des points fondamentaux de ce projet de loi, comme Robert Badinter l’avait excellemment relevé en défendant la motion tendant au renvoi à la commission.

Oui, les enquêteurs peuvent éprouver des difficultés, mais ils ne sont pas les seuls, et la tâche de notre rapporteur n’a pas été simple devant un tel texte, qui prévoit notamment que le témoin peut être placé en garde à vue. Là se situe le problème posé par l’article 11 et le suivant.

Aux termes de l’article 61 et des quatre alinéas de l’ancien article 62 que vous insérez à l’article 61, il est possible de recourir à la force publique pour amener le témoin et de le retenir ensuite durant quatre heures. Ne tournons pas autour du pot : nous savons pertinemment que les enquêteurs, en chasseurs qu’ils sont, font leur métier de chasseurs, et pourront par conséquent utiliser la position de témoin pour obtenir un certain nombre de déclarations qui seront ensuite utilisées. Certes, on m’objectera l’article 1er A, mais, s’il interdit de condamner une personne sur le seul fondement de déclarations faites hors l’assistance de l’avocat, rien n’interdit d’obtenir la condamnation de la personne sur le fondement de ces déclarations complétées par d’autres preuves.

Le délai de quatre heures ouvre donc la voie à un système hybride parce que, une fois de plus, nous avons avancé à reculons, sans purger le texte, loin s’en faut, de tous les défauts qui l’affectent. Le régime du témoin sera dans certains cas problématique et les enquêteurs, très certainement, en useront, ce qui est normal, mais, encore plus sûrement, en abuseront.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Richard Tuheiava, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Je m’interroge sur ce qui constitue pour moi un paradoxe.

Certes, le texte en lui-même contient un certain nombre de clarifications et d’avancées en termes de garanties et de respect des droits des futurs gardés à vue. Mais, en insérant ces deux articles 11 et 11 bis, ne revenons-nous pas à un état du droit antérieur, dans lequel l’atteinte policière à la liberté de l’individu se situerait en amont de la garde à vue et sans les garanties qui s’y attachent désormais ?

Je pose la question au Sénat, car les amendements que nous allons présenter sur ces deux articles prouvent notre préoccupation. Il s’agit en fait de savoir si les garanties de la garde à vue ne devraient pas remonter jusque dans cette phase quelque peu floue de la pré-garde à vue.

Je ne veux pas remettre en cause le travail de nos enquêteurs. Toutefois, nous sommes ici réunis non pas uniquement pour faciliter leurs investigations, mais aussi pour établir les garanties des futurs gardés à vue.

Je souhaiterais beaucoup que M. le garde des sceaux nous livre les réflexions que lui inspire cette question et la position du Gouvernement en la matière.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je crois qu’il faut savoir raison garder en tout. Nous sommes en train de construire un nouvel équilibre concernant la garde à vue. Depuis le début de l’examen de ce texte, nous avons introduit un certain nombre de nouveautés dans notre droit : une définition claire de la garde à vue, les cas dans lesquels elle peut être décidée, la définition de la personne qui en a le contrôle, ses conséquences et la privation de libertés qu’elle constitue.

L’article 11 dispose qu’un témoin, peut, pour les nécessités de l’enquête, rester à la disposition des enquêteurs durant quatre heures, durée qui ne peut être prorogée. Pendant ces quatre heures, le témoin n’est pas placé en garde à vue et ne peut faire l’objet d’aucune des mesures prévues au titre de la garde à vue, mesure qui relève d’un régime procédural tout à fait différent.

Parfois, comme l’a évoqué M. Jacques Mézard, des témoins pourront être placés en garde à vue, parce que l’enquête aura progressé et aura permis de montrer que les personnes étaient en fait des suspects. Toutefois, un tel placement ne sera possible que si la mesure de contrainte répond aux conditions que fixe désormais la loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le but n’est pas de placer tout le monde en garde à vue. Je rappelle à ce sujet que l’un des objectifs du législateur, soutenu et partagé par le Gouvernement, est de réduire le nombre de placements en garde à vue. Par conséquent, il n’est pas souhaitable de recourir systématiquement à une mesure de contrainte privative de liberté, même si des garanties sont fixées par la loi.

Si un témoin peut, il est vrai, être retenu, c’est simplement parce qu’il a assisté peut-être à un crime et qu’en l’invitant à en faire le récit, on lui fait accomplir un véritable acte civique.

Si le texte soumis au Parlement aujourd’hui joue véritablement en faveur des libertés garanties, il permet également la sécurité et la sûreté. Il n’y aurait pas d’équilibre si nous ne marchions pas sur ces deux jambes, les libertés mieux garanties qu’elles ne l’étaient auparavant, la sûreté en tant qu’objectif constitutionnel de l’enquête.

Il me paraît étrange de tout faire pour que les personnes gardées à vue ne soient soumises à aucune coercition. Si elles sont dans cette situation, c’est parce que, je le rappelle, elles sont suspectées d’avoir commis une infraction grave, passible d’emprisonnement. On leur accorde, et c’est tout à fait naturel, de très nombreuses garanties, mais il faut aussi que l’enquête suive son cours, en dépit des privations de libertés que cela implique.

Au demeurant, l’article 11 ne vise pas du tout cela. Il mentionne seulement l’apport des témoins, dont nous avons besoin. Nous savons tous qu’il est en parfois nécessaire, en pratique, d’amener les témoins à comparaître, car l’efficacité de l’enquête en dépend. Imaginez que tout le monde s’égaille dans la nature…

Par conséquent, le Gouvernement confirme qu’il est opposé, comme la commission, aux amendements tendant à modifier cet article, qui apporte une vraie clarification et une réelle garantie.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 130 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Remplacer le mot :

plausibles

par le mot :

sérieuses.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il est prévisible que cet amendement ne sera pas accepté puisque notre proposition a déjà été maintes fois repoussée.

Par conséquent, je retire l’amendement n° 130 rectifié, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 130 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 95, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

d'une peine

par les mots :

de trois ans

L'amendement n° 131 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

d’une peine

insérer les mots :

supérieure ou égale à trois ans

L’amendement n° 95 n’a plus d’objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jacques Mézard, pour défendre l’amendement n° 131 rectifié.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il est tombé aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avec cet amendement n° 131 rectifié, nous restons dans la logique que nous avons toujours adoptée par rapport à la garde à vue.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je considère que l’amendement est tombé depuis longtemps. Je demande donc au Sénat de le confirmer et émettrai, au surplus, un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 130 rectifié n’a en effet plus d’objet.

L'amendement n° 132 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours de l’audition, la personne peut également demander, par un document écrit, à être placée à la disposition des enquêteurs sous le régime de la garde à vue. S'il n'est pas donné suite à cette demande, la personne peut immédiatement quitter les lieux où elle est entendue. S'il est donné suite à cette demande, la garde à vue est réputée avoir débuté dès transmission de cette demande à l’officier de police judiciaire. »

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Comme nous l’avons déjà dit en défendant notre amendement de suppression, l’article 11 crée une espèce de zone de « non-droits » pour la personne qui est gardée, selon les modalités que nous venons de rappeler, à la disposition des enquêteurs. Cette personne est tout de même formellement privée de liberté ; pourtant, il n’est pas obligatoire de lui notifier son droit de partir ou son droit de se taire.

Cet article crée donc une situation de fort déséquilibre auquel il ne peut, en pratique, être remédié que par le départ de la personne ou son placement en garde à vue, à la seule diligence de l’OPJ. Cela nous évoque immanquablement l’état du droit antérieur à 1993, lorsque les enquêteurs étaient autorisés à garder à leur disposition toute personne utile, suspect comme témoin, ce que la Cour de cassation avait expressément qualifié de « maintien à la disposition des enquêteurs ».

On le sait, la création du statut de témoin assisté n’a permis de remédier à cette situation que dans un nombre très limité de cas.

Aujourd'hui, une personne peut solliciter sa mise en examen pour bénéficier des droits particuliers qui sont attachés à ce statut. De la même façon, nous proposons, par notre amendement, de remédier au flou juridique de la situation de témoin susceptible d’être placé en garde à vue en lui permettant de demander sa mise en garde à vue pour bénéficier des garanties qui sont attachées à ce statut. Cette demande est faite par écrit et une réponse doit y être apportée dans les plus brefs délais, pour prévenir tout abus.

Dès lors, deux situations se présentent : soit la mise en garde à vue n’est pas prononcée, et la personne peut quitter les lieux où elle était entendue ; soit la mise en garde à vue est ordonnée, et celle-ci est réputée avoir débuté dès que la personne en avait formulé la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur Mézard, à force de tourner le texte dans tous les sens, vous arrivez à des conclusions paradoxales, voire absurdes !

Tout d’abord, la personne qui est auditionnée ou mise en garde à vue ne conduit pas l’enquête : ce n’est donc pas à elle de décider a priori de son statut – témoin ou gardé à vue.

Ensuite, le dispositif que vous proposez revient à faire reconnaître par le témoin qui demande sa mise en garde à vue qu’il peut être soupçonné d’avoir commis l’infraction. Reconnaissez que votre raisonnement est quelque peu tordu ! C’est à l’enquêteur de déterminer s’il a suffisamment de soupçons.

Nous ne pouvons vous suivre dans cette voie : elle nous amènerait à compliquer un cadre que nous essayons, au contraire, de simplifier avec ce projet de loi.

La commission a donc émis un avis défavorable sur votre amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je suis quelque peu perplexe face à l’amendement présenté par Jacques Mézard. Je crois comprendre, même s’il ne l’a pas dit expressément, que son objectif est de donner au témoin un statut de gardé à vue pour qu’il puisse bénéficier des garanties afférentes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, faut-il rappeler ici que la garde à vue est une mesure de contrainte très grave, qui est décidée par un officier de police judiciaire lorsqu’une personne est suspectée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction passible d’emprisonnement ? Si le témoin en est réduit à demander sa mise en garde à vue, il vaudrait mieux pour lui reconnaître sa culpabilité et bénéficier des garanties figurant à ce titre dans le code de procédure pénale…

Prévoir la possibilité pour la personne de demander à être placée en garde à vue pose un certain nombre de problèmes, notamment de compétence. Avec l’adoption de l’article 2 tant par l'Assemblée nationale que par le Sénat, l’article 63 du code de procédure pénale dispose désormais que seul un OPJ peut, d’office ou sur instruction du procureur de la République, placer une personne en garde à vue : il n’est pas prévu que l’on puisse « s’auto-placer » en garde à vue !

Mais la difficulté devient dirimante quand on considère un droit fondamental reconnu par la CEDH, celui de se taire. Demander à être placé en garde à vue revient à reconnaître en effet que l’on se soupçonne d’être coupable. Si tel n’est pas le cas, il suffit de se taire et, une fois le délai de quatre heures écoulé, on peut partir, l’affaire est terminée, sauf si l’enquêteur décide un placement en garde à vue.

Je n’ai pas été convaincu par les arguments présentés par M. Mézard. J’émets donc un avis défavorable sur son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le ministre, je voudrais faire deux observations.

D’une part, notre amendement tend à prévoir que le témoin « peut » demander à être mis en garde à vue : ce n’est pas lui qui se place en garde à vue, monsieur le garde des sceaux.

D’autre part, vous avez souligné, longuement et à plusieurs reprises depuis le début de ce débat, le rôle protecteur de la garde à vue. Je voudrais justement insister sur ce point : si elle a véritablement un rôle protecteur, elle est aussi là pour protéger la personne entendue comme témoin qui, pendant quatre heures, ne peut pas disposer de l’assistance d’un avocat.

Telles sont les raisons pour lesquelles je soutiens très fortement cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

J’approuve totalement les propos qu’a tenus à l’instant ma collègue Anne-Marie Escoffier.

On peut très bien être témoin et sentir tout à coup, pour différentes raisons, que l’on est soupçonné alors que l’on n’a rien fait et que donc l’étau se resserre. Demander à être placé en garde à vue permet de bénéficier de l’assistance d’un avocat et de disposer ainsi d’une aide dans ces circonstances qui peuvent susciter chez les personnes une véritable panique.

Le citoyen lambda n’est pas au courant de la législation et ne sait pas qu’il a le droit de se lever et de partir. Il le fera d’autant moins lorsqu’il aura été amené par les gendarmes dans le lieu de garde à vue, surtout s’il se sent à tort soupçonné.

Vous n’avez pas voulu lui donner la possibilité d’être assisté par un avocat dès son arrivée dans les locaux de la police ou de la gendarmerie ; alors donnons-lui au moins le droit d’y avoir recours dès qu’il en ressentira le besoin !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois aux vertus du débat parlementaire, qui est toujours extrêmement passionnant. Je remercie tous ceux d’entre vous, quelle que soit leur appartenance politique, qui font vivre aujourd'hui nos échanges.

J’observe qu’aussi bien Mme Klès que Mme Escoffier ont relevé que le projet de loi relatif à la garde à vue établissait un statut protecteur. C’est un aveu qui ne peut que nous conforter…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Madame Klès, vous venez pourtant bien de dire que vous faisiez vôtres les propos de Mme Escoffier, laquelle a réclamé – je prête toujours attention à ce que disent les parlementaires ! – le statut « protecteur » de la garde à vue.

Toutes celles et tous ceux qui ont travaillé sur ce texte sont confortés par le soutien que vous venez d’apporter à la commission des lois et, si je peux me permettre, au Gouvernement, qui se réjouit que vous le souteniez enfin !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Nous espérions cela depuis de nombreux mois, voire des années, mais c’est enfin arrivé !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Plus sérieusement, mesdames, messieurs les sénateurs, au bout de quatre heures, il n’est plus possible de garder la personne entendue comme témoin : soit elle est placée en garde à vue, soit elle repart libre chez elle. Je ne vois pas pour quelles raisons nous devrions aller plus loin.

Honnêtement, je ne comprends pas cet amendement, car il sous-entend que, dès son arrivée, le témoin demande à être placé en garde à vue. S’il devait en être ainsi sur l’ensemble du territoire, nous serions confrontés à d’énormes problèmes de locaux, sans parler des avocats !

Le dispositif que vous proposez n’est donc pas satisfaisant. Nous avons, pour notre part, un système dans lequel l’article 11 est consacré aux seuls témoins, et tous les témoins ne sont pas les coupables que l’on recherche. Parfois les personnes entendues peuvent prendre peur et vouloir partir, et il est normal que les enquêteurs essayent de les garder à leur disposition.

Marques de scepticisme sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il faut bien que l’on puisse prouver que telle ou telle personne est l’auteur de l’infraction et, si l’on recherche des preuves, on a aussi besoin de témoins. On ne peut pas passer d’une culture de l’aveu à une culture de la preuve sans essayer d’établir les faits non seulement par des moyens scientifiques, mais aussi par des témoignages.

L’article 11, qui va en ce sens, constitue un progrès important. C’est la raison pour laquelle je maintiens l’avis défavorable du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Toute la difficulté de notre discussion vient de l’ambiguïté de l’article 11. On finit par se demander quelle est la différence entre le statut du gardé à vue et celui du témoin qui ne peut pas partir, sinon que l’un peut demander l’assistance d’un avocat et l’autre pas. C’est tout de même paradoxal !

Si le Gouvernement trouve son bonheur dans ce texte, qu’il nous le fasse partager en accordant au témoin un statut qui, s’il n’est pas beaucoup moins contraignant que celui de gardé à vue, lui offre au moins plus de garanties qu’en l’état.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le garde des sceaux, nous avons tous reconnu que votre projet de loi sur la garde à vue constituait un progrès par rapport à la législation existante. Nous n’allons pas dire le contraire aujourd’hui, mais, pour vous faire plaisir, je vais le répéter : oui, votre texte constitue une avancée !

Malheureusement, vous n’allez pas jusqu’au bout du chemin, et vous faites même une partie du trajet à reculons !

On le comprend bien, l’article 11 ne posera de réelles difficultés que dans un nombre très minoritaire de cas, dans lesquels une personne sera auditionnée en qualité de témoin alors qu’un certain nombre de charges pèseront déjà sur elle.

Ne serait-il pas normal que cette personne puisse anticiper ce passage de la qualité de témoin à celle de gardé à vue ? Monsieur le rapporteur, il n’y a là rien d’original par rapport aux dispositions du code de procédure pénale : aux termes de l’article 113-6, il est possible de demander au juge d’instruction, entre autres mesures, de passer du statut de témoin assisté à celui de mis en examen. Le juge peut refuser, ce qui est d’ailleurs assez fréquemment le cas.

Ici, nous souhaitons simplement que le témoin puisse demander à être placé en garde à vue. Cela ne signifie pas que le placement en garde à vue sera automatique. Cette demande vise simplement à éviter que le dispositif relatif au témoin ne remplace celui de l’audition libre.

Vous le savez comme nous, voilà la difficulté. D’ailleurs, je le répète, le texte n’est pas bien ficelé sur ce point. Il tente juste de parer au plus pressé compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel et de l’abrogation de l’article 62 du code de procédure pénale.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Monsieur Mézard, partons d’une idée simple : les enquêteurs n’ont aucune raison de détourner la procédure. Ils savent bien que le non-respect des dispositions très formalistes du code de procédure pénale entraînerait la nullité de leurs actes et rendrait donc impossible la poursuite d’une personne peut-être coupable.

Admettez qu’agir autrement n’aurait aucun sens. Un enquêteur cherche en effet à découvrir la vérité pour ensuite la soumettre au juge.

Ce que vous avez dit sur le juge d’instruction est exact. Reste qu’un juge d’instruction est une juridiction, ce qui n’est pas le cas d’un OPJ. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas lui accorder les mêmes pouvoirs.

Ce sont les constatations qu’il a pu faire ou les preuves qu’il a pu recueillir qui conduisent un OPJ à placer en garde à vue. Un officier de police judiciaire ne peut donc pas répondre à une demande comme le ferait un magistrat, car ce n’est pas son rôle.

Je réaffirme donc la position du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Après ce débat riche et intéressant, je mets aux voix l'amendement n° 132 rectifié.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 48, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 78-3 du même code, les mots : « quatre heures, ou huit heures » sont remplacés par les mots : « deux heures, ou quatre heures ».

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Aux termes de l’article 61 du code de procédure pénale, un officier de police judiciaire « peut défendre à toute personne de s’éloigner du lieu de l’infraction jusqu’à la clôture de ses opérations ». L’article 62 accorde au même officier la compétence d’appeler et d’entendre toutes les personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits.

Ainsi, les personnes à l’encontre desquelles il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction, autrement dit les témoins, peuvent être détenues jusqu’à quatre heures dans un commissariat ou une gendarmerie, ce qui nous paraît quelque peu excessif.

Or, comme l’a rappelé le Conseil Constitutionnel, le législateur se doit d’opérer une conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infraction et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties.

Il s’agit ici d’une mesure privative de liberté. Par conséquent, la durée de rétention doit être la plus brève possible et proportionnée à la gravité des faits.

C’est la raison pour laquelle nous proposons d’inclure dans la rédaction de l’article 78-3 le fait que les auditions des personnes qui font l’objet d’une vérification ou celles des simples témoins n’excèdent pas deux heures.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement vise à modifier les dispositions du code de procédure pénale relatives aux contrôles d’identité.

Tout d’abord, tel n’est pas l’objet du texte, qui est relatif à la garde à vue. Je veux bien que, par analogie, nous examinions tous les cas donnant lieu à privation de liberté, mais cela pourrait nous entraîner assez loin !

Ensuite, il ne me paraît pas opportun de diviser par deux la période pendant laquelle on peut procéder à des investigations ou poser des questions à des personnes qui refusent de donner leur identité ou qui se trouvent dans l’impossibilité de la justifier.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis défavorable que la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Monsieur le président, je sollicite une très brève suspension de séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Le Sénat va bien évidemment accéder à votre demande, monsieur le garde des sceaux.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.

I. – L’article 73 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne est présentée devant l’officier de police judiciaire, son placement en garde à vue, lorsque les conditions de cette mesure prévues par le présent code sont réunies, n’est pas obligatoire dès lors qu’elle n’est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu’elle a été informée qu’elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie. Le présent alinéa n’est toutefois pas applicable si la personne a été conduite par la force publique devant l’officier de police judiciaire. »

II. – Après l’article L. 3341-1 du code de la santé publique, il est rétabli un article L. 3341-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 3341 -2. – Lorsqu’il est mis fin à la rétention en chambre de sûreté de la personne, son placement en garde à vue, si les conditions de cette mesure prévues par le code de procédure pénale sont réunies, n’est pas obligatoire dès lors qu’elle n’est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu’elle a été informée qu’elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie. »

III. – Le titre III du livre II du code de la route est ainsi modifié :

1° Le chapitre IV est complété par un article L. 234-18 ainsi rédigé :

« Art. L. 234 -18. – Lorsqu’il a été procédé aux épreuves de dépistage et aux vérifications prévues par les articles L. 234-3 et L. 234-5, le placement en garde à vue de la personne, si les conditions de cette mesure prévues par le code de procédure pénale sont réunies, n’est pas obligatoire dès lors qu’elle n’est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu’elle a été informée qu’elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie. » ;

2° Le chapitre V est complété par un article L. 235-5 ainsi rétabli :

« Art. L. 235 -5. – Lorsqu’il a été procédé aux épreuves de dépistage et aux vérifications prévues par l’article L. 235-2, le placement en garde à vue de la personne, si les conditions de cette mesure prévues par le code de procédure pénale sont réunies, n’est pas obligatoire dès lors qu’elle n’est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu’elle a été informée qu’elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie. »

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

L’article 11 bis, sur lequel M. Tuheiava présentera tout à l’heure un amendement, est essentiel. Il vaut en effet par son hypocrisie.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Oh !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je m’explique.

Toute l’ambivalence de ce projet de loi ressurgit à l’article 11 bis, qui, je le rappelle, n’existait pas dans le projet de loi initial, contrairement au dispositif de l’audition libre, qui, lui, figurait à l’article 1er, mais que nos collègues de l’Assemblée nationale ont supprimé. Cependant, quelques articles plus loin, ce dispositif est tout à coup réapparu sous de nouveaux habits. Appelons-le désormais la « comparution libre ».

Si je parle d’hypocrisie, c’est parce que vous avez répété à plusieurs reprises, monsieur le garde des sceaux, que votre objectif était quantitatif : il faut diminuer le nombre de gardes à vue !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Nous sommes d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je ne sais pas si nous sommes d’accord. Notre objectif à nous, comme à beaucoup d’autres d’ailleurs, n’est pas quantitatif : nous voulons éviter les gardes à vue abusives, les gardes à vue inutiles. Cela n’a rien à voir avec cette politique du chiffre à l’envers qui consiste à réduire significativement les placements en garde à vue parce que l’opinion publique s’effraie maintenant de leur nombre.

Pour réduire le nombre de gardes à vue, vous aviez inventé l’audition libre. Désormais, vous nous proposez la « comparution libre ». Où est le progrès ?

Je l’ai déjà dit à de multiples reprises : je ne vois pas la différence entre les deux. D’ailleurs, personne ne me l’a vraiment expliquée. C’est bonnet blanc et blanc bonnet, sauf que l’étiquette a changé.

Quel progrès apporte la comparution libre d’aujourd’hui, ou l’audition libre d’hier, par rapport à la garde à vue ? Dans un cas, on place la personne en garde à vue en lui indiquant les droits afférents. Dans l’autre, la personne est invitée à suivre l’OPJ et, si elle refuse, elle est placée en garde à vue. Le paradoxe est que l’on est de toute façon sous la menace de la garde à vue.

Il faut savoir que le gardé à vue a des droits. La personne qui accepte de comparaître librement, mais qui est sous la haute menace de la garde à vue, renonce, elle, à tous ses droits. Voilà une différence importante !

Parlons maintenant de la ressemblance, et c’est là où le bât blesse.

Dans les deux cas, que la personne soit mise en garde à vue ou qu’elle soit entendue libre, elle est considérée comme un suspect. C’est d’ailleurs sur ce point que je vous invite à réfléchir.

Vous le savez aussi bien que moi, monsieur le garde des sceaux, le suspect, au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, dispose d’un certain nombre de droits. Or ce que vous nous proposez est un véritable tour de passe-passe : mis en garde à vue, le suspect a des droits ; entendu librement, il n’en a pas.

Voilà pourquoi votre texte sera à nouveau censuré par les hautes juridictions, notamment par la Cour européenne des droits de l’homme.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 49, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

L’article 11 bis, issu d’un amendement gouvernemental, a pour objet affiché de lutter « contre l’automaticité de la garde à vue ». Cependant, l’article précise bien : « lorsque les conditions de cette mesure prévues par le présent code sont réunies ».

Autrement dit, on se trouve dans une situation où les conditions posées à l’article 62-3 sont réunies mais où les droits accordés à toute personne placée en garde à vue ne sont pas assurés.

Il s’agit en fait, dans une moindre mesure, de la réintroduction de l’audition libre supprimée à l’Assemblée nationale.

Nous proposons la suppression de cet article, car il permet aux OPJ d’entendre une personne en dehors de tout cadre protecteur des droits de la défense, et alors qu’aucune mesure de contrainte ne pèse sur elle.

À l’exception de la possibilité de mettre fin à l’audition, aucun droit n’est octroyé à la personne auditionnée. Même la durée maximale de la présence de la personne dans les locaux n’est pas fixée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L’article 11 bis me semble nécessaire. Il a pour but d’inscrire dans la loi une jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui considère que le placement en garde à vue n’est obligatoire que lorsqu’il paraît nécessaire de retenir le suspect sous la contrainte afin qu’il demeure à la disposition des enquêteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Corrélativement, dès lors que l’officier de police judiciaire n’estime pas nécessaire de maintenir l’intéressé à sa disposition, la garde à vue ne paraît pas justifiée.

On n’est pas obligé de placer tout le monde en garde à vue !

Par ailleurs, la commission a précisé que, dans les trois hypothèses visées par l’article 11 bis – interpellation par une personne privée, audition après placement en cellule de dégrisement, épreuve de dépistage d’alcool ou de stupéfiants –, la personne suspectée d’une infraction qui n’est pas placée en garde à vue doit être informée de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie.

Les inquiétudes suscitées par l’article 11 bis ne sont donc pas fondées ; les auteurs des amendements pourraient les retirer, cet article me paraissant constituer une avancée législative.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je vais m’efforcer de répondre le plus complètement possible aux interrogations suscitées par cet article.

L’audition libre est une sorte de fantôme qui se cacherait derrière chaque article, comme l’ombre derrière le soleil, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… fantôme qu’ont débusqué M. Mézard à l’article précédent et M. Anziani à l’instant. Or il n’y a pas d’audition libre !

Mesdames, messieurs les sénateurs, la garde à vue n’est pas obligatoire, même lorsque les conditions sont réunies. Aux termes de l’article 1er du projet de loi adopté par le Sénat, le procureur de la République apprécie si le maintien de la personne en garde à vue est nécessaire à l’enquête et proportionné à la gravité des faits ; si ce n’est pas le cas, la personne n’est pas placée en garde à vue.

Il n’y a aucune obligation de placer quelqu'un en garde à vue. L’article 11 bis vise simplement à inscrire dans la loi une règle simple, pratique, qui est d'ailleurs largement reconnue.

À vous entendre, la garde à vue deviendrait la panacée ! Vous nous avez expliqué que les locaux étaient abjects, qu’il ne fallait surtout pas être placé en garde à vue, et vous nous dites maintenant qu’il faut mettre tout le monde en garde à vue : il faudrait savoir !

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

C’est tout de même ce que vous dites !

Celui qui mène l’enquête, sous le contrôle du procureur de la République, choisit sa méthode : soit il place la personne en garde à vue, soit il ne le fait pas, et ce même si les conditions sont remplies.

Compte tenu des conditions restrictives imposées pour le placement en garde à vue, cette mesure de contrainte ne sera désormais plus employée dans nombre d’enquêtes.

Nous avons proposé, et le Sénat a bien voulu nous suivre, qu’une personne puisse être mise en garde à vue lorsque les faits dont elle est soupçonnée sont passibles d’une peine d’emprisonnement. La durée de celle-ci – trois ans, cinq ans, sept ans… – a d'ailleurs fait l’objet d’un débat.

Si l’on restreint le champ de la garde à vue, on ne peut pas ensuite demander de placer tout le monde en garde à vue !

L’article 11 bis règle la question et je ne peux que m’appuyer sur les propos de Mme Guigou, consignés à la page 29 du compte rendu intégral de l’Assemblée nationale : « L’audition libre, objet juridique non identifié, a fort heureusement été supprimée par les députés de la commission de lois ». Nous avons accepté que l’audition libre soit supprimée, elle n’existe plus, ne la faites pas ressusciter à tout instant !

Mme Guigou poursuit : « […] soit il y a contrainte et la personne placée en garde à vue doit bénéficier des droits de la défense ; soit la personne vient volontairement au commissariat et peut repartir quand elle veut et les droits spécifiques liés à la privation de liberté ne s’appliquent pas. »

C’est ce que prévoit l’article 11 bis, qui est maintenant soumis à la délibération du Sénat.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Monsieur Collombat, vous confondez avec l’article précédent, qui visait le témoin. Le présent article concerne la personne suspectée d’avoir commis ou tenté de commettre des faits délictueux ou criminels, ce qui n’est pas du tout la même chose.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

En ce cas, votez l’article !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. le ministre est en train de nous expliquer que, au fond, nous sommes pour la garde à vue, que nous sommes favorables à sa multiplication et que nous n’avons rien compris à l’esprit de la réforme.

Monsieur le ministre, vous êtes très fort, mais vous êtes de mauvaise foi ! §Si vous étiez de bonne foi, et parce que vous êtes un homme intelligent, vous seriez obligé de reconnaître que vous avez compris le point de vue que nous défendons dans cet hémicycle depuis une semaine : nous ne sommes pas du tout pour la multiplication des gardes à vue, nous demandons simplement que la personne suspecte dispose d’un minimum de droits, droits qui seront exposés dans l’amendement que nous avons déposé sur cet article. Or les articles 11 et 11 bis privent le suspect de ces droits, ce qui est manifestement contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 96, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Dans les cas prévus aux paragraphes I, II et III du présent article l'audition ne peut excéder six heures.

L'auditionné doit, sans délai, être informé, dans une langue qu'il comprend, des faits qui lui sont reprochés, de son droit, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire et la possibilité d'être placé en garde à vue à l'issue de cette audition.

Il peut faire prévenir de la procédure dont il fait l'objet un proche et son employeur. Il doit être informé de son droit d'être examiné par un médecin. Avant le début de cette audition ou au cours de celle-ci, l'intéressé peut demander à bénéficier d'un entretien téléphonique d'une demi-heure avec son avocat ou un avocat commis d'office.

Il peut être mis fin à tout moment, à l'audition, à la demande de l'auditionné, ou sur décision de l'officier de police judiciaire.

La durée de cette audition s'impute sur la durée de la garde à vue.

La parole est à M. Richard Tuheiava.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Cet amendement a pour but d’encadrer la séquence pré-judiciaire que suppose l’article 11 bis afin de la rendre conforme aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme.

Nous avons considéré qu’il était nécessaire d’insérer, avant l’alinéa 1 de l’article 11 bis, un paragraphe retraçant l’ensemble des garanties accordées à la personne auditionnée, par souci de parallélisme des formes. Nous souhaitons donc que la Haute Assemblée entende cette préoccupation.

Il importe également que M. le garde des sceaux comprenne que nous ne sommes pas là pour entraver le vote d’un texte dont nous reconnaissons la portée et les avancées sur le plan de la garde à vue. Nous souhaitons simplement alimenter le débat parlementaire, auquel on nous enseigne, sur les bancs de la faculté de droit, qu’il convient de se référer, en cas de difficulté d’interprétation jurisprudentielle, sur l’intention du législateur.

Le débat législatif nous permet de mettre en exergue la difficulté d’interprétation ou de positionnement que nous posent les articles 11 et 11 bis. Sans reprendre tout le débat, je tiens à souligner qu’il existe un risque d’ambiguïté dans l’intention du législateur, et je dois bien avouer que les interrogations qu’il suscite sur les travées situées à gauche de l’hémicycle me paraissent légitimes.

La question est de savoir si nous ne sommes pas en train de régresser et de créer une situation de « non-droits » au détriment de personnes qui ne sont pas encore entrées officiellement dans le cadre précis de la garde à vue, qui a passé le filtre de la jurisprudence européenne.

Ne sommes-nous pas en train de nous aventurer sur un terrain législatif mouvant ?

Ne sommes-nous pas en train de valider une pratique des officiers de police judiciaire qui serait finalement contraire, à terme, aux intérêts des justiciables ? Avouez que ce serait paradoxal.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je crois m’être suffisamment expliqué, à l’article 11, concernant la situation des témoins. L’article 11 bis vise les personnes à l’encontre desquelles il existe des raisons de soupçonner qu’elles ont tenté de commettre ou commis une infraction.

En l’espèce, vous refusez d’admettre qu’il peut y avoir une distinction entre les personnes qui sont maintenues sous contrainte, placées sous le régime de la garde à vue, et celles qui ne le sont pas, qui sont informées – c’est le texte qui le prévoit – qu’elles peuvent à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je vous en prie, laissez M. le rapporteur s’exprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Les personnes pouvant quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ne bénéficient pas de toutes les procédures – ou garanties, si vous préférez – applicables au placement en garde à vue précisément parce que les personnes gardées à vue sont maintenues sous la contrainte à la disposition des enquêteurs.

Nous avons compris qu’il existait une divergence de vues entre nous. Nous pouvons y revenir à chaque amendement, mais nous en arrivons toujours à la même conclusion, à savoir que nous ne sommes pas d’accord. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je peux réitérer mes explications, si vous le souhaitez !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je vais probablement me répéter, monsieur le président, mais c’est tout l’art de la pédagogie. D’autres l’ont fait avant moi, d’ailleurs !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

M. Yvon Collin. Le tout est de ne pas se contredire !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Une enquête peut tout à fait être menée sans mesures privatives de liberté. Dans la mesure où nous avons restreint le champ d’application de la garde à vue, ce sont chaque année plusieurs centaines de milliers d’affaires qui seront ainsi concernées.

Que proposez-vous, monsieur Mézard ? De placer en garde à vue toutes les personnes suspectées ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Honnêtement, je ne comprends pas votre position. Dans un premier temps, vous demandiez que l’on restreigne le champ d’application de la garde à vue ; à présent, vous souhaitez l’étendre…

Les individus suspectés d’avoir commis des infractions peuvent être placés en garde à vue, mais ils peuvent aussi être simplement auditionnés, puis éventuellement déférés.

La garde à vue n’est ordonnée que dans certains cas précis. Et, comme il s’agit d’une mesure privative de liberté, elle est soumise au respect des dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en particulier le paragraphe 3 de son article 5, ainsi que, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, les paragraphes 1 et 3 de son article 6.

Mais le dispositif dont nous discutons actuellement concerne les cas où il n’y a pas de garde à vue. En l’occurrence, la personne est auditionnée, puis elle peut partir.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Votre diagnostic est le bon, docteur Signé !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le garde des sceaux, la lecture de l’article 11 bis démontre encore – ce n’est pas la première fois ; est-ce la dernière ? - que votre projet de loi n’est qu’une coquille vide

Protestations sur les travées de l ’ UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Certes, le Gouvernement a été obligé par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme d’introduire l’avocat, mais immédiatement, dans le même texte, à d’autres articles, vous revenez sur tout ce que vous avez concédé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Ainsi, nous avons déjà pu constater que l’article 7 était la négation totale de l’article 1er !

Ici, l’avocat est un importun, un « gêneur ». §Mais oui ! Et c’est bien son rôle ! Il est là pour tenter de placer le grain de sable qui va gripper la machine infernale ! Alors, oui, il gêne : dans les locaux de garde à vue, il gêne ; devant le juge d’instruction, il gêne ; devant le tribunal, il gêne.

Un avocat célèbre comme Me Le Borgne n’a pas craint de gêner un procès attendu de longue date et qui aurait dû commencer aujourd'hui même, en soulevant une question prioritaire de constitutionnalité complètement farfelue, et avec l’appui de tous les avocats de l’ancien président Jacques Chirac !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

L’avocat est donc bel et bien un gêneur, raison pour laquelle vous envisagez des possibilités de report ou de saisine du procureur de la République pour obtenir un changement d’avocat !

Mais j’en viens plus précisément aux dispositions de l’article 11 bis. À cet égard, je pense que vous avez fait une erreur de diagnostic, docteur Signé !

Imaginez la situation. La personne reçoit une convocation « Pour affaire vous concernant ». La personne se présente, on la rassure : c’est une affaire de rien du tout, elle est libre de partir immédiatement. Mais, si les faits sont graves, vous pensez bien que la personne refusera de continuer et manifestera son intention de quitter les lieux. Elle sera alors placée en garde à vue !

Et voilà !

Notre amendement va moins loin que celui de notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, qui prônait la suppression pure et simple de l’article 11 bis.

Le dispositif que nous proposons résulte des auditions que nous avons menées. Ce sont les représentants des syndicats de police qui ont insisté sur la nécessité de fixer une durée maximale, en l’occurrence six heures. En six heures, nous ont-ils dit, on débrouille une affaire.

Et, dans ces cas-là, il est vrai, prévoir l’ensemble des garanties qui s’attachent à la garde à vue alourdirait bien inutilement la procédure. Mais au moins prévoyons certaines de ces garanties, un minimum. Fixons une durée maximale, six heures, et donnons à la personne qui va être interrogée la possibilité de prévenir ses proches, son employeur, éventuellement son médecin, ou de solliciter un conseil. N’oublions pas que la personne convoquée pensait peut-être n’en avoir que pour quelques minutes mais sera retenue six heures, voire plus !

Les syndicats de police n’y sont absolument pas hostiles, et j’ai déjà dit qu’ils nous avaient eux-mêmes suggéré la durée limite de six heures.

Nous ne demandons qu’un minimum de droits et d’encadrement de la procédure d’audition, c’est tout !

Ensuite, de deux choses l’une : soit la personne est bien le suspect que l’on recherchait, et elle est placée en garde à vue, les six heures s’imputant sur la durée de la garde à vue, soit ce n’est pas le cas, et la personne peut être relâchée.

Mais, monsieur le garde des sceaux, votre projet de loi, en l’état, n’introduit aucune garantie, aucune limite de temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il encourt de ce fait – nous l’avons souligné pendant la discussion générale – la censure du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Libre à vous de ne faire de ce texte qu’une loi d’affichage destinée à contenter quelques-uns… Nous verrons d’ailleurs comment elle sera appliquée, d’autant que nous n’avons pas pu discuter des moyens nécessaires, qu’il s’agisse des avocats ou des locaux, pour cause d’article 40 de la Constitution. Nous y reviendrons forcément plus tard.

Quoi qu’il en soit, en l’état actuel, le présent projet de loi n’est qu’une coquille vide !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je veux bien entendre tous les arguments, à condition qu’ils soient honnêtes.

L’article 11 bis complète l’article 73 du code de procédure pénale. Plusieurs cas sont envisagés, et d’abord celui de l’arrestation, par exemple d’un voleur, par des agents de sécurité privée ; la personne est alors mise à la disposition des forces de police pour qu’elles procèdent aux vérifications qui s’imposent, mais elle n’est pas « conduite par la force publique devant l’officier de police judiciaire ». Les deux autres cas sont la conduite en état d’ivresse et l’usage de stupéfiants.

Mes chers collègues, nous savons désormais que, dans le total des gardes à vue, 200 000 mesures sont liées à des infractions routières. Or, dans de tels cas, c’est le régime de la flagrance qui s’applique, et il est inutile de placer la personne en garde à vue ; une fois dégrisée, s’il s’agit d’une conduite en état d’ivresse, elle peut être relâchée.

Nous cherchons précisément à éviter les gardes à vue inutiles, notamment quand il y a flagrance et que les faits sont constatés et élucidés, notamment dans les affaires d’alcoolisme au volant, et certaines sont passibles de peines de prison, je le rappelle.

L’article 11 bis apporte donc des clarifications.

Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Au contraire, nous voulons éviter les gardes à vue inutiles, notamment dans les cas de flagrance. Je ne vois vraiment pas ce que cela peut avoir de choquant ! Alors n’exagérez pas avec cette histoire d’audition libre !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 133 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours de l’audition, la personne peut également demander, par un document écrit, à être placée à la disposition des enquêteurs sous le régime de la garde à vue. S'il n'est pas donné suite à cette demande, la personne peut immédiatement quitter les lieux où elle est entendue. S'il est donné suite à cette demande, la garde à vue est réputée avoir débuté dès transmission de cette demande à l’officier de police judiciaire. »

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement est similaire à celui que j’avais présenté sur l’article 11. Toutefois, l’article 11 bis justifie totalement que je le maintienne.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez affirmé que nous passions « de l’ombre à la lumière ». À mon avis, nous restons plutôt dans le clair-obscur !

Sourires sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. le président de la commission des lois précise à juste titre que l’article 11 bis complète l’article 73 du code de procédure pénale, dont la rédaction est relativement brève : « Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche. » Mais je ne peux pas suivre M. Hyest lorsqu’il prétend que nos arguments ne seraient pas honnêtes.

L’article 11 bis est pour le moins bizarroïde.

D’abord, la disposition selon laquelle une personne qui ne serait pas placée en garde à vue peut à tout moment quitter les locaux de la police ou de la gendarmerie ne s’applique pas lorsque la personne a été conduite par la force publique devant l’officier de police judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

C’est normal ! Dans ce cas, il s’agit d’une mesure de contrainte !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous sommes d’accord sur ce point ; quant au reste…

Vous parliez tout à l’heure d’honnêteté, monsieur le président de la commission des lois ? Soyons sérieux !

Que se passera-t-il lorsque la personne voudra quitter les locaux de police ou de gendarmerie ? Vous pensez vraiment que les forces de l’ordre la laisseront faire, de préférence en lui présentant en prime leurs plus plates excuses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous savez comme moi comment les choses se passent, monsieur le président de la commission des lois ! Si la personne décide d’elle-même de partir, elle sera placée en garde à vue !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Elle partira, puis elle reviendra ?…

Vous voyez bien que nous revenons toujours au même problème. Comme notre collègue Robert Badinter l’a indiqué au tout début de nos débats, il est nécessaire qu’une personne suspectée d’avoir commis une infraction ait la possibilité de faire un appel à un avocat.

C’est cela, le véritable problème. Vous n’y apportez aucune solution, et vous le savez très bien. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, et nous le maintenons !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement, qui est similaire à un amendement déposé à l’article 11, appelle le même commentaire : avis défavorable !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je vais répondre à M. Mézard pour la énième fois, mais je ne peux pas renouveler totalement mes arguments puisque lui-même n’a guère renouvelé ses propositions.

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

L’idée qu’une personne pourrait demander à être placée en garde à vue n’a aucun sens ! Personne ne peut souhaiter se retrouver dans une telle situation, qui, vous en conviendrez, n’a rien de particulièrement reluisant.

Je rappelle tout de même que la garde à vue est d’abord une privation de liberté. Vous connaissez beaucoup de gens qui demanderaient eux-mêmes à être privés de liberté ?

Je croyais certains membres de cet hémicycle particulièrement attachés à la liberté, et je constate qu’ils voudraient en être privés !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Madame Escoffier, la garde à vue est d’abord une privation de liberté. Sa contrepartie, c’est l’existence d’un certain nombre de droits, par exemple la possibilité de recourir à un avocat ou de prévenir ses proches que l’on est retenu au commissariat ou à la gendarmerie.

Je m’étonne que certains ici veuillent placer le plus de personnes possible en garde à vue. Pour notre part, nous ne souhaitons pas banaliser cette procédure.

Dans cet esprit, il est interdit de placer en garde à vue les auteurs d’infractions qui ne seraient pas passibles de peines d’emprisonnement.

Ils seront entendus, puis ils repartiront libres avant d’être convoqués ou déférés suivant le cas. Il y a donc un régime d’enquête où la privation de liberté s’accompagne de contreparties et un régime d’enquête sans mesure de privation de liberté, qui n’est pas assorti des mêmes garanties.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote sur l'amendement n° 133 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je vais répéter ce que nous disons depuis le début, puisqu’il s’agit manifestement d’un dialogue de sourds !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Nous demandons simplement que toute personne entendue puisse être assistée par un avocat.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Si la personne prise en flagrant délit et amenée au poste de police n’est pas passible d’une peine d’emprisonnement, elle ne peut être placée en garde à vue. Dans ces conditions, pourquoi la retenir ? Elle sera convoquée ou déférée plus tard, c’est tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, je trouve tout de même un peu fort de café que vous nous accusiez de vouloir augmenter le nombre de gardes à vue, alors que vous représentez ici un gouvernement dont l’action a conduit au placement de 800 000 Français en garde à vue chaque année !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est nous qui avons soulevé le problème en amont ! Vous nous reprochez de dire n’importe quoi, vous affirmez que nos amendements n’ont ni queue ni tête, mais la vérité est que le Sénat est saisi d’un projet de loi rendu nécessaire par les dérives de la procédure constatées ces dernières années !

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Peut-être, mais la tendance s’est aggravée ces dix dernières années.

Certes, le dispositif en question découle de l’article 73 du code de procédure pénale, mais il n’en reste pas moins que si l’auteur d’un crime ou d’un délit flagrant est conduit devant un officier de police judiciaire, c’est bien pour être entendu par celui-ci. Sinon, à quoi bon ? Si l’officier de police judiciaire décide de ne pas placer la personne en garde à vue, il pourra néanmoins l’entendre, le cas échéant pendant plusieurs heures, sans qu’elle bénéficie d’aucune garantie : nous ne dénonçons pas autre chose.

Ce problème demeure, vous ne l’avez pas réglé. Tant qu’il n’aura pas été résolu, notre procédure pénale restera fragile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président de la commission des lois, vous considérez que garde à vue et droit à l’assistance d’un avocat sont indissociablement liés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pour ma part, j’estime que dès lors qu’une personne à l’encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis un délit est entendue, elle doit pouvoir recourir à l’assistance d’un avocat. C’est tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Tel est le vrai problème que pose l’article 11 bis !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 11 bis est adopté.

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 706-88 est ainsi modifié :

a) Le sixième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation aux dispositions des articles 63-4, 63-4-1 et 63-4-2, lorsque la personne est gardée à vue pour une infraction entrant dans le champ d’application de l’article 706-73, l’intervention de l’avocat peut être différée, en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête ou de l’instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte aux personnes, pendant une durée maximale de quarante-huit heures ou, s’il s’agit d’une infraction mentionnée aux 3° ou 11° du même article 706-73, pendant une durée maximale de soixante-douze heures.

« Le report de l’intervention de l’avocat jusqu’à la fin de la vingt-quatrième heure est décidé par le procureur de la République, d’office ou à la demande de l’officier de police judiciaire. Le report de l’intervention de l’avocat au-delà de la vingt-quatrième heure est décidé, dans les limites fixées au sixième alinéa, par le juge des libertés et de la détention statuant à la requête du procureur de la République. Lorsque la garde à vue intervient au cours d’une commission rogatoire, le report est décidé par le juge d’instruction. Dans tous les cas, la décision du magistrat, écrite et motivée, précise la durée pour laquelle l’intervention de l’avocat est différée.

« Lorsqu’il est fait application des sixième et septième alinéas, l’avocat dispose, à partir du moment où il est autorisé à intervenir en garde à vue, des droits prévus aux articles 63-4 et 63-4-1, au premier alinéa de l’article 63-4-2 et à l’article 63-4-3. » ;

b) Les quatre derniers alinéas deviennent l’article 706-88-1 ;

2° Au premier alinéa du même article 706-88-1, tel qu’il résulte du b du 1°, après le mot : « alinéa », est insérée la référence : « de l’article 706-88 » ;

3° Après l’article 706-88, il est inséré un article 706-88-2 ainsi rédigé :

« Art. 706 -88 -2. – Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée au 11° de l’article 706-73, le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République à la demande de l’officier de police judiciaire, ou le juge d’instruction lorsque la garde à vue intervient au cours d’une instruction, peut décider que la personne sera assistée par un avocat désigné par le bâtonnier sur une liste d’avocats habilités.

« Les avocats inscrits sur cette liste sont désignés par le Conseil national des barreaux, selon des modalités définies par son règlement intérieur. Le nombre d’avocats inscrits sur la liste ainsi que la durée de validité et les modalités de radiation de la liste sont définis par décret. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mon intervention vaudra aussi défense de l’amendement n° 50, monsieur le président.

L’article 12 confirme les régimes dérogatoires. Or, pour notre part, nous sommes favorables à l’abrogation des dispositions exorbitantes du droit commun en matière de répression de la criminalité, y compris lorsque les faits sont graves. S’agissant de la garde à vue, les confondre avec le régime de droit commun serait d’ailleurs plus conforme à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, les régimes dérogatoires de garde à vue ne peuvent « subsister en l’état » dans notre législation. Elle ajoute que « plus l’infraction est grave, plus une protection du suspect “présumé innocent” s’impose ». C’est aussi ce que nous pensons.

Nous sommes d’autant plus favorables à l’abrogation des régimes dérogatoires de garde à vue qu’un problème récurrent se pose en la matière : celui de l’extension continue des dérogations, dont témoigne l’allongement incessant de la rédaction de l’article 706-73 du code de procédure pénale.

Depuis les attentats de 1986, notre pays s’est doté d’un imposant arsenal juridique antiterroriste. Cependant, ce qui, en 1986, relevait clairement de l’exception s’est peu à peu banalisé.

Avec la loi Perben II, les dispositions antiterroristes, par exemple, ne présentent plus un caractère exceptionnel, puisque ce texte intègre les actes terroristes à la criminalité organisée.

M. Thiel, juge d’instruction au pôle antiterroriste de Paris, a d’ailleurs critiqué la propension à « étendre de façon insidieuse la notion de terrorisme ». Ce phénomène concerne bien d’autres domaines que celui de la garde à vue : les perquisitions, la consultation des fichiers, les écoutes téléphoniques, la vidéosurveillance, etc. Nous attendons pourtant toujours que l’on nous démontre que les mesures dérogatoires en matière de garde à vue permettent vraiment de prévenir le terrorisme.

Pour notre part, nous n’avons eu de cesse de dénoncer l’utilisation du concept de terrorisme pour justifier tout durcissement de l’arsenal répressif ou toute remise en cause des libertés et des principes du droit. Comme l’a souligné Mme Mireille Delmas-Marty, non seulement les attentats de 2001 ont entraîné la prise de mesures globalisant la lutte contre le terrorisme, mais ils ont eu une incidence indirecte sur l’ensemble de notre procédure pénale.

Pour toutes ces raisons, l’amendement n° 50 vise à supprimer le régime dérogatoire de la garde à vue prévu à l’article 706-88 du code de procédure pénale.

Cette procédure particulièrement attentatoire aux droits de la défense et aux libertés individuelles est applicable à un nombre croissant d’infractions. Dernier ajout en date à cette liste, l’article 5 de la loi du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer vise le « crime de détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport commis en bande organisée prévu par l’article 224-6-1 du code pénal ».

De plus, la qualification utilisée pour une des infractions les plus graves, à savoir les crimes et délits constituant des actes de terrorisme, a été largement retenue, notamment lors de l’affaire de Tarnac. Les intéressés ont été interpellés par la brigade antiterroriste et ont subi des gardes à vue de quatre-vingt-seize heures, avant d’être relâchés tant les accusions étaient fragiles.

Nous considérons que ces régimes dérogatoires portent une atteinte disproportionnée à la présomption d’innocence. Un certain nombre de personnes seront privées de liberté avant d’être complètement mises hors de cause.

Nous estimons donc que, même en matière de crimes graves, les personnes entendues doivent bénéficier des garanties du régime de droit commun pour leur défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 50, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 706-88 du code de procédure pénale est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 52, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le sixième alinéa de l'article 706-88 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : «, à l'issue de la quarante-huitième heure puis de la soixante-douzième heure de la mesure » sont supprimés ;

2° La seconde phrase est supprimée.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Sur la question de l’assistance de l’avocat, le projet de loi tend à mettre notre procédure pénale en conformité avec les exigences européennes, en retranscrivant la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle, « sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce, et non à la seule nature du crime ou délit reproché », toute personne a droit, dès le début de sa garde à vue, à l’assistance d’un avocat.

Dans leur saisine du Conseil constitutionnel, les requérants ont invoqué la violation des droits de la défense, l’exigence d’une procédure juste et équitable, de la présomption d’innocence et de l’égalité devant la loi et la justice, ainsi que les dispositions du code de procédure pénale régissant l’assistance de l’avocat dans le droit commun de la garde à vue, si j’ose dire.

Puis, ils ont formulé les mêmes griefs au sujet des enquêtes visant certaines infractions graves, en dénonçant, notamment, le fait que l’exercice du droit de s’entretenir avec un avocat soit reporté à la quarante-huitième heure ou à la soixante-douzième heure de la garde à vue.

Si le Conseil constitutionnel a jugé que les règles régissant l’assistance de l’avocat dans la garde à vue de droit commun portaient une atteinte disproportionnée aux droits de la défense, il ne s’est pas prononcé sur les régimes dérogatoires. Toutefois, comment ne pas tirer la même conclusion dans l’hypothèse où une personne est soupçonnée d’avoir commis des crimes graves ? À défaut, cela signifierait que plus l’accusation portée est grave, moins les droits de la défense sont assurés.

Cet amendement de repli prévoit donc que l’intervention de l’avocat ne puisse être différée dans le cadre de l’application des dispositions de l’article 706-88 du code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 134 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La logique veut que l’on lève toute restriction au droit, pour la personne appréhendée, d’accéder à un avocat. Certes, il s’agit ici d’infractions graves, mais la personne risque de rester en garde à vue beaucoup plus longtemps que dans le régime de droit commun.

Nous considérons que la gravité d’une infraction supposée ne peut justifier que la personne placée en garde à vue voie limité l’exercice de ses droits. Une récente affaire de terrorisme supposée, celle de Tarnac, a montré que la qualification juridique des faits est d’une importance capitale, puisqu’elle conditionne immédiatement le régime juridique dont bénéficie la personne privée de liberté. À cet égard, toute erreur dans la qualification initiale des faits, qu’elle soit involontaire ou, pire, volontaire, même si cela ne concerne qu’une infime minorité de cas, n’est donc pas anodine : elle peut emporter des conséquences dangereuses.

Encore une fois, la garde à vue ne peut être un pré-jugement. Il est trop facile de prononcer le mot « terrorisme » pour assouplir les obligations de l’enquête, quand bien même cela reste, fort heureusement, l’exception.

On peut toutefois appliquer ce raisonnement à beaucoup d’autres infractions. L’article 706-73 du code de procédure pénale en vise dix-sept, qui vont du meurtre en bande organisée au trafic de stupéfiants, en passant par la fabrication de fausse monnaie ou l’association de malfaiteurs. Il ne s’agit pas de minimiser la gravité de ces infractions, mais nous savons tous très bien que les qualifications retenues pour justifier une interpellation sont parfois extensives.

Quoi qu’il en soit, même si la qualification juridique est adéquate, toute personne ainsi placée en garde à vue doit bénéficier des mêmes droits qu’une autre, y compris en matière d’assistance effective de l’avocat en vue de préparer sa défense. Il n’est pas raisonnable de donner à penser que la présence d’un défenseur pourrait altérer le travail des enquêteurs, comme si ces derniers avaient quelque chose à cacher.

Non seulement les trois alinéas visés ne satisfont pas aux principes élémentaires de la défense d’une personne privée de liberté, mais, de surcroît, dès lors que les dispositions suivantes prévoient que les avocats seront choisis sur une liste déterminée à l’avance afin de garantir le respect de la déontologie, il est normal que les personnes gardées à vue dans le cadre des régimes dérogatoires puissent bénéficier de l’assistance d’un avocat.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 97, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Première et troisième phrases

Supprimer ces phrases.

2° Deuxième phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le report de l’intervention de l’avocat est décidé dans les limites fixées au sixième alinéa par le juge des libertés et de la détention statuant à la requête du procureur de la République ou du juge d’instruction lorsque la garde à vue intervient dans le cadre d’une commission rogatoire.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

L’article 12 du projet de loi tend à définir les modalités de garde à vue applicables en matière de criminalité organisée, de trafic de stupéfiants et de terrorisme.

Dans l’arrêt Salduz contre Turquie du 27 novembre 2008, la Cour européenne des droits de l’homme jugeait que la limitation systématique et générale des droits de la défense au regard d’une catégorie d’infractions était contraire à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, seules les circonstances particulières de l’affaire pouvant justifier qu’il soit porté atteinte à ces droits.

La Cour de cassation, dans sa décision du 19 octobre 2010, confirmant la jurisprudence européenne, a précisé que la restriction au droit, pour une personne gardée à vue, d’être assistée dès le début de la mesure par un avocat, en application de l’article 706-88 du code de procédure pénale instituant un régime spécial pour certaines infractions, doit répondre à une « raison impérieuse », laquelle ne peut découler de la seule nature de l’infraction.

Il résulte de ces arrêts que l’intervention de l’avocat doit être autorisée dès la première heure de la garde à vue et que ce droit ne peut connaître de restriction qu’à titre exceptionnel.

Afin d’insister sur le caractère exceptionnel du report de l’intervention de l’avocat, nous proposons de confier la décision en la matière au juge des libertés et de la détention, magistrat indépendant, gardien des libertés individuelles, et non au procureur de la République. Le juge des libertés et de la détention statuera à la requête du procureur de la République ou du juge d’instruction, lorsque la garde à vue interviendra dans le cadre d’une commission rogatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Vial et J. Gautier et Mme Mélot, est ainsi libellé :

Alinéas 10 et 11

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 706-88-2. - La personne gardée à vue pour une infraction mentionnée au 11° de l’article 706-73 est assistée par l’avocat de son choix. Le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République à la demande de l’officier de police judiciaire, ou le juge d’instruction lorsque la garde à vue intervient au cours d’une instruction, peut s’opposer à ce choix par une décision écrite et spécialement motivée. Dans ce cas, il peut demander au bâtonnier de désigner sans délai un avocat chargé d’assister la personne gardée à vue. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 135 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

, établie par le conseil de l’ordre de chaque barreau

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les modalités d’application de l’alinéa précédent sont définies par décret en Conseil d’État. »

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le texte du projet de loi, tel qu’il a été modifié par la commission, prévoit que, en cas d’infraction constituant un acte de terrorisme, par exemple, l’avocat doit être choisi sur une liste prédéterminée. Nous souhaitons, quant à nous, que cette liste d’avocats habilités soit dressée par le bâtonnier, à partir des propositions du conseil de l’ordre de chaque barreau, et non par le Conseil national des barreaux, dont je me demande d’ailleurs quelle compétence il peut bien avoir en matière de déontologie… à moins que le Gouvernement ne prépare une nouvelle réforme tendant à confier cette compétence au Conseil national des barreaux !

La mesure que nous présentons s’inspire du système en vigueur en Espagne, où des cas de collusion entre certains conseils et les milieux terroristes basques, nuisant au travail des enquêteurs, ont pu se faire jour. Il est sage d’établir à l’avance une liste d’avocats à la déontologie et à l’expérience reconnues, mais nous souhaitons améliorer le dispositif du projet de loi, dans la mesure où celui-ci prévoit simplement que le juge des libertés et de la détention aura la faculté de décider que la personne mise en cause sera assistée par un avocat désigné par le bâtonnier sur une liste d’avocats habilités. Nous proposons, pour plus de clarté, que cette mesure soit d’application systématique et que cette liste soit déterminée par le conseil de l’ordre de chaque barreau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Le sous-amendement n° 181, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3 de l’amendement n° 135 rectifié bis

Remplacer les mots :

par le conseil de l’ordre

par les mots :

par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils de l’ordre

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

La commission des lois a établi un texte prévoyant que, en matière de garde à vue concernant des faits de terrorisme, l’avocat intervenant soit choisi sur une liste dressée par le Conseil national des barreaux, selon des modalités définies par le règlement intérieur de ce dernier. Dans un second temps, elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 135 rectifié bis que vient de présenter M. Mézard.

Le texte initial de la commission des lois ne pouvait qu’être approuvé par le Gouvernement, qui estime qu’une vision globale est nécessaire dans ce domaine. En effet, la taille des barreaux varie énormément, et on ne saurait trouver des avocats spécialisés dans les affaires de terrorisme – à supposer qu’il en existe ! – dans chaque barreau de France.

Dans un esprit de compromis, j’ai déposé un sous-amendement qui, partant de la position initiale de la commission des lois, tient compte de l’avis favorable qu’elle a émis sur l’amendement n° 135 rectifié bis. Il prévoit ainsi que la liste des avocats habilités sera établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils de l’ordre. Cette proposition me semble de nature à recueillir l’assentiment général. Elle permettra de prendre en compte les considérations locales, sans nuire à la vision globale nécessaire dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 51, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des articles 63-5, 63-6, 63-7 et 63-8 sont applicables à toute la durée de la procédure. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Le 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré la garde à vue de droit commun contraire à la Constitution.

Conformément à la jurisprudence communautaire, la Cour de cassation a en outre précisé, s’agissant des régimes de garde à vue dérogatoires applicables aux affaires de criminalité organisée, de terrorisme ou de trafic de stupéfiants, que, « sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce, et non à la seule nature du crime ou délit reproché, toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée de son droit de se taire et de bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat ».

La Cour de cassation a estimé, en conséquence, que le régime dérogatoire prévu par le septième alinéa de l’article 63-4 et l’article 706-88 du code de procédure pénale était contraire à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans le cas des régimes dérogatoires, il convient donc de concilier les règles du procès équitable, prévues à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et le respect de la dignité humaine, inscrit dans notre Constitution.

Ainsi, les garanties offertes, en termes de respect de la dignité humaine, aux personnes gardées à vue dans le régime de droit commun doivent impérativement s’appliquer aux personnes faisant l’objet de mesures dérogatoires, d’ores et déjà fortement attentatoires aux libertés individuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L’amendement n° 50 tend à supprimer purement et simplement les régimes dérogatoires en matière de garde à vue.

Je rappelle que ces régimes dérogatoires permettent de garder à vue pendant quatre jours au maximum une personne soupçonnée d’une infraction relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée et pendant six jours au maximum une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction relevant du terrorisme.

L’existence de ces régimes dérogatoires se justifie par la gravité et la complexité des infractions concernées. Dans sa décision du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel a jugé ces régimes dérogatoires conformes à la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La Cour européenne des droits de l’homme reconnaît également leur bien-fondé, pourvu qu’ils soient assortis d’un contrôle judiciaire effectif, ce qui est le cas des régimes dérogatoires français, puisqu’ils prévoient l’intervention du juge des libertés et de la détention à partir de la quarante-huitième heure de la garde à vue. On se souviendra que la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas fixé de délai maximal pour l’intervention du juge, mais qu’elle a indiqué, dans diverses décisions, qu’un délai de quatre jours lui paraissait pertinent.

J’ajoute enfin qu’avec les dispositions figurant dans le projet de loi, le report de l’intervention de l’avocat ne sera plus automatique, mais devra être justifié au cas par cas, en fonction des circonstances de l’espèce.

Il me semble donc que ces régimes dérogatoires sont entourés de garanties réelles. Par ailleurs, leur suppression risquerait de nuire considérablement à l’efficacité des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées ou de terrorisme.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 50.

Les amendements n° 52 et 134 rectifié tendent à supprimer la possibilité de différer l’intervention de l’avocat dans le cadre des régimes dérogatoires.

Le projet de loi prévoit d’ores et déjà qu’un tel report ne sera plus automatique, mais devra être justifié au cas par cas en fonction des circonstances de l’espèce, conformément aux principes dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme et par la Cour de cassation dans ses arrêts du 19 octobre 2010.

Selon la Cour de cassation, l’intervention de l’avocat ne peut être différée qu’en considération de « raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce ». Le projet de loi prévoit que l’intervention de l’avocat ne pourra être différée que sur décision écrite et motivée d’un magistrat.

Je rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Salduz contre Turquie de novembre 2008, admet que l’assistance d’un avocat puisse être soumise à des restrictions, à condition que ce soit « pour des raisons valables ».

Le projet de loi présente des garanties suffisantes au regard des exigences posées par la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de cassation, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.

L’amendement n° 97 tend à confier au juge des libertés et de la détention la compétence pour autoriser le report de l’intervention de l’avocat. Le texte soumis au Sénat prévoit déjà que le juge des libertés et de la détention devient compétent au-delà de la vingt-quatrième heure de garde à vue, délai bien inférieur aux quatre jours évoqués par la Cour européenne des droits de l’homme. L’avis de la commission est donc défavorable.

La commission avait émis un avis favorable sur l’amendement n° 135 rectifié bis, qui a été depuis sous-amendé par le Gouvernement. Cet amendement tend à confier aux conseils de l’ordre des barreaux le soin d’établir des listes d’avocats habilités à intervenir en matière d’affaires de terrorisme. Nous sommes tous convenus de la nécessité d’établir de telles listes, tout avocat ne pouvant pas intervenir dans de tels dossiers.

Dans le souci de trouver un compromis avec la position affirmée assez vivement par l’Assemblée nationale, qui entendait confier cette mission au seul Conseil national des barreaux, le Gouvernement a proposé une rédaction qui me paraît susceptible d’être acceptée. J’exprime toutefois cette position à titre personnel, puisque le sous-amendement du Gouvernement n’a pas été soumis à la commission.

Si ce sous-amendement est adopté, le bureau du Conseil national des barreaux établira, selon des modalités qui seront fixées par décret en Conseil d’État, une liste nationale d’avocats habilités, sur propositions des conseils de l’ordre, qui sont compétents en matière disciplinaire. Il me semble que nous pouvons souscrire à cette réécriture de l’amendement présenté par M. Mézard.

J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 135 rectifié bis et le sous-amendement n° 181.

Enfin, les auteurs de l’amendement n° 51 souhaitent que les dispositions de droit commun relatives à la dignité des personnes gardées à vue soient applicables aux régimes dérogatoires. Cela va de soi : bien évidemment, en l’absence de dispositions contraires, ce qui vaut pour le droit commun de la garde à vue s’applique également aux régimes dérogatoires.

Si cet amendement était adopté, a contrario, les garanties données aux gardés à vue dans les régimes dérogatoires risqueraient d’être inférieures à celles qui sont accordées aux gardés à vue dans le régime de droit commun. Par conséquent, madame Mathon-Poinat, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 51, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement estime indispensable de maintenir des régimes dérogatoires pour faire face à certains types de criminalité, tels la criminalité organisée, le terrorisme, le trafic de stupéfiants. Pour lutter contre des agissements singulièrement graves et complexes, la puissance publique doit pouvoir recourir à des mesures spéciales.

Supprimer toute particularité au régime introduit en 2004, qui a d’ailleurs montré sa pertinence en termes d’élucidation des faits, est donc tout à fait inenvisageable aux yeux du Gouvernement, d’autant qu’aucune juridiction ne le demande.

Le présent projet de loi encadre de façon très stricte la possibilité de report de l’intervention de l’avocat pour une durée maximale de quarante-huit heures, voire de soixante-douze heures en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants.

Le principe est désormais que l’avocat interviendra dès le début de la garde à vue et assistera à toutes les auditions. Ce n’est que sur décision motivée d’un magistrat – le procureur de la République puis le juge des libertés et de la détention au-delà de quarante-huit heures – que son intervention pourra être différée en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête ou de l’instruction.

On ne peut pas priver l’État d’une arme pour lutter contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou la criminalité organisée. Je le rappelle, tant le Conseil constitutionnel que la Cour européenne des droits de l’homme, dans l’arrêt Brogan, ou la Cour de cassation, dans son arrêt du 19 octobre 2010, valident les dérogations pour des raisons impérieuses.

C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable aux amendements qui tendent à revenir sur le régime en question. En revanche, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 181, il est favorable à l’amendement n° 135 rectifié bis.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 181.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce sous-amendement ne résout pas tous les problèmes, car une contradiction subsiste.

Il était initialement prévu qu’une liste nationale soit établie par le Conseil national des barreaux, sans aucune consultation des conseils de l’ordre des avocats. Mais quelle peut être la compétence du Conseil national des barreaux dans ce domaine ? Dans quelles conditions pourrait-il établir une telle liste ? Ses quatre-vingts membres savent-ils ce qui se passe dans les départements ? Généralement non, parce qu’ils ont d’autres préoccupations.

En l’occurrence, il s’agit d’établir une liste recensant des avocats reconnus par leurs pairs dans chaque barreau, ayant assez de poids et d’expérience, notamment en matière de déontologie, pour intervenir dans des affaires difficiles. Selon moi, seuls les conseils départementaux de l’ordre sont en mesure de dresser une telle liste. Il me paraît impossible de le faire à l’échelon national. Il n’y a pas, dans notre pays, d’avocats spécialisés dans les affaires de terrorisme, mais je connais des avocats auxquels on peut faire toute confiance pour défendre leurs clients dans l’intérêt général et dans le respect des règles.

Je suis donc quelque peu inquiet d’entendre notre excellent rapporteur renvoyer à un décret en Conseil d’État qui précisera selon quelles modalités le bureau du Conseil national des barreaux établira la liste, sur propositions des conseils de l’ordre. Je vous le dis tout de suite, le Conseil national des barreaux, dont on connaît les méthodes et le mode de gouvernement, ne tiendra aucun compte de la plupart des propositions des conseils de l’ordre…

Je n’ai pas l’habitude de tenir un discours corporatiste, mais la solution de sagesse consiste à confier aux conseils de l’ordre le soin de dresser la liste des avocats habilités, car ils ont la compétence disciplinaire et connaissent les membres de leur barreau. Ils seront à même de faire des choix pertinents.

Telle n’est pas, je le sais, la position de l’Assemblée nationale, en particulier du président de sa commission des lois, qui échange très souvent, comme il est logique, avec le président du Conseil national des barreaux, mais nous irions au devant de difficultés si nous la suivions.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La liste des avocats habilités doit émaner des barreaux, tout simplement parce que ceux-ci connaissent la déontologie de leurs membres. Mais que se passera-t-il si les professionnels proposés ne sont pas retenus ? Cette question a été soulevée par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Si l’on considère que la liste sera entérinée par le bureau du Conseil national des barreaux, aucune contestation ne sera possible. Le système proposé apporte donc une garantie.

Quant au décret en Conseil d’État, monsieur Mézard, il figure dans votre amendement, pas dans le texte initial.

J’estime, pour ma part, qu’un tel décret sera nécessaire, car des précisions relevant du domaine réglementaire devront être apportées. Il faudra notamment déterminer, en fonction de l’importance du barreau, combien d’avocats devront être présentés.

La commission des lois a émis un avis favorable sur l’amendement n° 135 rectifié bis, qui prévoit la désignation des avocats habilités par les barreaux, et non l’établissement d’une liste nationale. Elle souhaite que chaque barreau puisse se prononcer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La liste sera ensuite dressée par le Conseil national des barreaux. Tous les barreaux ne désigneront peut-être pas le même nombre d’avocats, car certains ont moins souvent que d’autres à traiter d’affaires de grande criminalité ou de terrorisme. Dans ce dernier domaine, on sait très bien de quels ressorts relèvent les grandes affaires…

Mon cher collègue, la rédaction du sous-amendement n° 181 devrait être de nature à vous rassurer.

Le sous-amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté.

L’article 803-3 du même code est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« Le magistrat devant lequel l’intéressé est appelé à comparaître est informé sans délai de l’arrivée de la personne déférée dans les locaux de la juridiction.

« Lorsque la garde à vue a été prolongée mais que cette prolongation n’a pas été ordonnée par le juge des libertés et de la détention ou par un juge d’instruction, la personne retenue doit être effectivement présentée à la juridiction saisie ou, à défaut, au juge des libertés et de la détention avant l’expiration du délai de vingt heures. » ;

2° À la fin du deuxième alinéa, la référence : « 63-4 » est remplacée par la référence : « 63-3-1 » ;

3° Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L’avocat peut demander à consulter le dossier de la procédure. » ;

Au dernier alinéa, après la référence : « 706-88 », est insérée la référence : « ou de l’article 706-88-1 ». –

Adopté.

Le même code est ainsi modifié :

1° A L’article 64-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « interrogatoires » est remplacé par le mot : « auditions » et le mot : « réalisés » est remplacé par le mot : « réalisées » ;

b) À la première phrase des deuxième et sixième alinéas, le mot : « interrogatoire » est remplacé par le mot : « audition » ;

c) Au cinquième alinéa, les mots : « tous les interrogatoires » sont remplacés par les mots : « toutes les auditions » et les mots : « dont les interrogatoires ne seront pas enregistrés » sont remplacés par les mots : « dont les auditions ne seront pas enregistrées » ;

1° L’article 65 est abrogé ;

2° L’article 77 est ainsi rédigé :

« Art. 77. – Les dispositions des articles 62-3 à 64-1 relatives à la garde à vue sont applicables lors de l’enquête préliminaire. » ;

bis L’article 78 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : «, sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures. » ;

b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« S’il apparaît, au cours de l’audition de la personne, qu’il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue. Son placement en garde à vue lui est alors notifié dans les conditions prévues à l’article 63. » ;

c) Au dernier alinéa, la référence : « 62 » est remplacée par la référence : « 61 » ;

3° Les articles 141-4 et 712-16-3 sont ainsi modifiés :

– à la fin du troisième alinéa, les références : « par les troisième et quatrième alinéas de l’article 63-1, par les articles 63-2 et 63-3 et par les quatre premiers alinéas de l’article 63-4 » sont remplacées par les références : « par les articles 63-2 à 63-4 » ;

– au début du cinquième alinéa, les mots : « Les articles 64 et 65 sont applicables » sont remplacés par les mots : « L’article 64 est applicable » ;

4° L’article 154 est ainsi rédigé :

« Art. 154. – Les dispositions des articles 62-3 à 64-1 relatives à la garde à vue sont applicables lors de l’exécution des commissions rogatoires.

« Les attributions conférées au procureur de la République par ces articles sont alors exercées par le juge d’instruction. Lors de la délivrance de l’information prévue au I de l’article 63-1, il est précisé que la garde à vue intervient dans le cadre d’une commission rogatoire. » ;

5° À la seconde phrase du premier alinéa des articles 627-5, 695-27 et 696-10, la référence : « 63-5 » est remplacée par la référence : « 63-7 » ;

6° Au quatrième alinéa de l’article 716-5, les références : « (premier et deuxième alinéas) » sont supprimées ;

7° À la première phrase du premier alinéa de l’article 812, les références : « des articles 63, 77 et 154 » sont remplacées par les mots : « des dispositions relatives à la garde à vue » ;

8° Les articles 814 et 880 sont ainsi modifiés :

a) Au premier alinéa, à la première phrase, les mots : « l’entretien prévu au premier alinéa de l’article 63-4 peut avoir lieu avec » sont remplacés par les mots : « les attributions dévolues à l’avocat par les articles 63-4 à 63-4-3 peuvent être exercées par » et, à la seconde phrase, la référence : « des deuxième et quatrième alinéas de l’article 63-4 » est remplacée par la référence : « de l’article 63-4-4 » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Sans préjudice de l’application de l’article 434-7-2 du code pénal, le fait pour une personne, qui a été appelée à intervenir dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, de faire état auprès de quiconque de l’entretien, des auditions ou du contenu des procès-verbaux consultés dans le but d’entraver le cours de la justice est puni d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende. » ;

9° À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 814, les références : « des deuxième au quatrième alinéas de l’article 63-4 » sont remplacées par la référence : « de l’article 63-4-4 » ;

10° À l’article 865, la référence : « à l’article 706-88 » est remplacée par les références : « aux articles 706-88 et 706-88-1 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de trois amendements présentés par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 136 rectifié est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 137 rectifié est ainsi libellé :

Alinéa 12, première phrase

Remplacer le mot :

plausibles

par le mot :

sérieuses

L'amendement n° 138 rectifié est ainsi libellé :

Alinéa 12, première phrase

Après les mots :

d’une peine

insérer les mots :

supérieure ou égale à trois ans

Je constate que ces amendements n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 14.

L'article 14 est adopté

I. – Le paragraphe 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre XII du code des douanes est ainsi modifié :

1° L’intitulé est complété par les mots : « et retenue douanière » ;

2° Les troisième à dernier alinéas (3) de l’article 323 sont supprimés ;

3° Sont ajoutés dix articles 323-1 à 323-10 ainsi rédigés :

« Art. 323-1. – Les agents des douanes ne peuvent procéder à l’arrestation et au placement en retenue douanière d’une personne qu’en cas de flagrant délit douanier puni d’une peine d’emprisonnement et lorsque cette mesure est justifiée par les nécessités de l’enquête douanière.

« Art. 323-2. – La durée de la retenue douanière ne peut excéder vingt-quatre heures.

« Toutefois, la retenue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si les nécessités de l’enquête douanière le justifient.

« L’autorisation est accordée dans les conditions prévues au II de l’article 63 du code de procédure pénale.

« Art. 323-3. – Dès le début de la retenue douanière, le procureur de la République dans le ressort duquel est constaté le flagrant délit en est informé par tout moyen.

« Il est avisé de la qualification des faits qui a été notifiée à la personne. Le procureur de la République peut modifier cette qualification ; dans ce cas, la nouvelle qualification est notifiée à la personne dans les conditions prévues à l’article 323-6.

« Si la mesure doit être exécutée dans un autre ressort que celui du procureur de la République où l’infraction a été constatée, ce dernier en est informé.

« Art. 323-4. – La retenue douanière s’exécute sous le contrôle du procureur de la République qui assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne retenue.

« Il peut se transporter sur les lieux pour vérifier les modalités de la retenue et se faire communiquer les procès-verbaux et registres prévus à cet effet.

« Art. 323-5 . – La personne placée en retenue douanière bénéficie du droit de faire prévenir un proche et son employeur, d’être examinée par un médecin et de l’assistance d’un avocat dans les conditions et sous les réserves définies aux articles 63-2, 63-3, 63-3-1, 63-4, 63-4-1, 63-4-2, 63-4-3 et 63-4-4 du code de procédure pénale. Les attributions conférées à l’officier de police judiciaire par les articles 63-2, 63-3, 63-3-1, 63-4-2 et 63-4-3 du même code sont exercées par un agent des douanes.

« Lorsque la personne est retenue pour un délit douanier mentionné au dernier alinéa de l’article 414 ou à l’article 415 du présent code ou pour un délit connexe à une infraction mentionnée à l’article 706-73 du code de procédure pénale, l’intervention de l’avocat peut être différée dans les conditions prévues aux sixième à huitième alinéas de l’article 706-88 du même code.

« Art. 323-6 . – La personne placée en retenue douanière est immédiatement informée par un agent des douanes, dans les conditions prévues à l’article 63-1 du code de procédure pénale :

« 1° De son placement en retenue ainsi que de la durée de la mesure et de la prolongation dont celle-ci peut faire l’objet ;

« 2° De la nature et de la date présumée de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ;

« 3° Du fait qu’elle bénéficie des droits énoncés à l’article 323-5 du présent code ;

« 4° Du fait qu’elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

« Mention de l’information donnée en application du présent article est portée au procès-verbal et émargée par la personne retenue. En cas de refus d’émargement, il en est fait mention.

« Art. 323-7. – Les articles 63-5 et 63-6 et le premier alinéa de l’article 63-7 du code de procédure pénale sont applicables en cas de retenue douanière.

« Les mesures de sécurité mentionnées à l’article 63-6 du même code sont limitativement énumérées par arrêté du ministre chargé des douanes.

« Les attributions conférées à l’officier de police judiciaire par l’article 63-7 du même code sont exercées par un agent des douanes.

« Art. 323-8. – Le procès-verbal de retenue douanière est rédigé conformément au I de l’article 64 du code de procédure pénale.

« Figurent également sur un registre spécial tenu, éventuellement sous forme dématérialisée, dans les locaux de douane susceptibles de recevoir une personne retenue, les mentions prévues au premier alinéa du II du même article 64.

« Art. 323-9. – À l’issue de la retenue douanière, le procureur de la République peut ordonner que la personne retenue soit présentée devant lui, un officier de police judiciaire ou un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale ou qu’elle soit remise en liberté.

« Lorsque les personnes retenues sont placées en garde à vue au terme de la retenue, la durée de celle-ci s’impute sur la durée de la garde à vue.

« Art. 323-10. – En cas de flagrant délit douanier commis par un mineur, la retenue douanière se déroule selon les conditions prévues à l’article 4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. »

II. –

Non modifié

B. – Après le mot : « mentionné », la fin du dernier alinéa de l’article 67 ter du même code est ainsi rédigée : « à l’article 323-8. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 139 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

d’une peine

insérer les mots :

supérieure ou égale à trois ans

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Dans sa décision du 22 septembre 2010, le Conseil constitutionnel a appliqué à la retenue douanière le même raisonnement qu’à la garde à vue. Après avoir constaté les insuffisances des garanties légales offertes aux personnes appréhendées, il a conclu à l’existence d’un déséquilibre entre prévention des atteintes à l’ordre public et préservation des droits de la défense.

Au titre du code des douanes, la personne retenue ne bénéficie pas, par exemple, de l’assistance d’un avocat, même si les directives internes à la direction générale des douanes autorisent cette présence, tout comme elles prévoient le droit à un examen médical. En outre, le contentieux douanier est très particulier, et peu de conseils en possèdent une bonne maîtrise.

Néanmoins, ces garanties administratives ne sont pas suffisantes. Il est justifié que les droits de la personne placée sous retenue douanière soient équivalents à ceux du gardé à vue.

Cet amendement tend donc à subordonner la retenue douanière à la commission d’un flagrant délit douanier puni au moins de trois ans d’emprisonnement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Par analogie avec la garde à vue en matière de crimes et délits autres que douaniers, la commission estime que réserver le régime de la retenue douanière et les garanties qui l’assortissent aux infractions punies d’une peine supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement laisserait de côté des infractions présentant une réelle gravité et qui peuvent justifier une telle mesure. C’est pourquoi elle émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Comme l’a justement souligné M. Mézard, dans la décision citée, le Conseil constitutionnel a en quelque sorte aligné le régime de la retenue douanière sur celui de la garde à vue. Tel est précisément l’objet du présent article.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, comme il l’avait été à des amendements analogues relatifs au régime de la garde à vue.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 54, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements n° 54, 53 et 55.

Certes, le projet de loi comporte une avancée importante, que nous saluons, à savoir l’alignement des régimes de la garde à vue et de la retenue douanière. Toutefois, les réserves et les oppositions que nous avons fait valoir lors de la discussion des articles relatifs à la garde à vue valent évidemment pour la retenue douanière.

Tout d’abord, nous considérons que le contrôle de la retenue douanière, comme celui de la garde à vue, doit être confié au juge des libertés et de la détention, c’est-à-dire à un magistrat du siège. C’est tout à fait primordial, dans la mesure où ce juge, qui n’intervient pas par la suite dans le procès, est indépendant à l’égard des parties. En outre, cette indépendance se double d’une liberté totale par rapport à l’exécutif, alors que le procureur est soumis hiérarchiquement au ministre de la justice.

Ensuite, la retenue douanière ne saurait être justifiée au-delà de vingt-quatre heures. Tout comme pour la garde à vue, nous considérons qu’un tel délai est largement suffisant. Une détention d’une durée supérieure à vingt-quatre heures, décidée par le seul officier de police judiciaire, sous le contrôle théorique du parquet, porte une atteinte excessive aux libertés.

Enfin, l’avocat doit pouvoir intervenir dès le début de la mesure privative de liberté, et les régimes dérogatoires ne peuvent être tolérés. La charte des contrôles douaniers, publiée le 31 mars 2009, et le rapport d’activité des douanes de 2008 font d’ailleurs expressément mention du droit, pour toute personne contrôlée, de se faire assister par un conseil, le recours à cette faculté ne pouvant de surcroît en aucun cas être retardé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Remplacer les mots :

sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République

par les mots :

par une décision motivée du juge des libertés et de la détention

II. - Alinéa 8

Remplacer les mots :

L'autorisation est accordée

par les mots :

La décision est rendue

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Si vous le voulez bien, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 141 rectifié.

Nous proposons, comme pour la garde à vue, de faire du juge des libertés et de la détention le magistrat référent de la retenue douanière.

L’amendement n° 140 rectifié a pour objet de confier au juge des libertés et de la détention, au lieu du procureur de la République, le pouvoir d’autoriser la prolongation pour vingt-quatre heures de la retenue douanière.

L’amendement n° 141 rectifié, quant à lui, tend à faire du même magistrat l’autorité de contrôle de l’exécution de la retenue douanière.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 98, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Nous nous inscrivons toujours dans la même logique : nous préférons que ce soit le juge des libertés et de la détention, plutôt que le procureur de la République, qui puisse autoriser la prolongation de la retenue douanière au-delà de vingt-quatre heures.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Au préalable, afin de bien préciser les choses, je rappellerai que les principaux délits douaniers sont la contrebande, le blanchiment douanier, les relations financières illicites avec l’étranger et le défaut de déclaration de transfert de capitaux. Ce ne sont pas de petites infractions ! Dans la plupart des cas, elles sont extrêmement lourdes et confinent à la criminalité organisée.

S’il est bon que le régime de la retenue douanière soit encadré, ne soyons cependant pas naïfs : les enquêteurs doivent avoir les moyens de travailler. C'est pourquoi affirmer, comme le font les auteurs de l’amendement n° 54, que « la retenue douanière ne saurait être justifiée au-delà de vingt-quatre heures » me semble tout à fait irréaliste. Il y a des cas où il est nécessaire de procéder à des retenues douanières au-delà de ce délai.

En l’état actuel du texte, le procureur de la République pourra, le cas échéant, autoriser la prolongation de la retenue douanière au bout de vingt-quatre heures. Au-delà de la quarante-huitième heure, c’est le juge des libertés et de la détention qui interviendra. Avant cette échéance, la retenue douanière ne s’inscrira pas dans un espace de non-droit, puisque le procureur de la République la contrôlera. S’il autorise sa prolongation au-delà de vingt-quatre heures, il devra le faire par une décision écrite et motivée. Cette décision devra être justifiée par les nécessités de l’enquête douanière.

Ces explications étant données, j’émets un avis défavorable sur les amendements n° 54, 140 rectifié et 98.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Pour les raisons que j’ai exposées voilà quelques instants, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 53 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L'amendement n° 141 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 12

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

Ces deux amendements ont déjà été défendus.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 172, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 14

1° Première phrase

Remplacer les mots :

un proche et son employeur

par les mots :

un proche ou son curateur ou son tuteur, de faire prévenir son employeur

2° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Lorsque la personne placée en retenue douanière est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Il s'agit d’un amendement de coordination, qui tend à élargir les droits de la personne retenue.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 55 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L'amendement n° 142 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

L’amendement n° 55 a déjà été défendu.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 142 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Au travers de cet amendement, nous défendons la même position que lors de l’examen des articles 7 et 12, en proposant de supprimer la possibilité de différer de douze heures, voire de vingt-quatre heures, l’intervention de l’avocat pour assister la personne retenue.

Aux termes du projet de loi, les infractions concernées sont ici les délits douaniers de première ou de seconde classe et les infractions connexes à celles qui sont mentionnées à l’article 706-73 du code de procédure pénale.

Il s'agit là d’une limitation des droits manifestement disproportionnée au regard de l’objectif visé, à savoir assurer l’efficacité de l’enquête douanière, et incompatible avec le principe de l’assistance effective de l’avocat, c'est-à-dire avec la possibilité de préparer la défense de la personne concernée dès le début de la privation de liberté.

C'est pourquoi nous demandons, par cohérence, la suppression de l’alinéa 15. Différer de douze heures, voire de vingt-quatre heures, dans certains cas, l’intervention de l’avocat pour ces délits douaniers paraît tout à fait excessif. Une telle mesure ne se justifie aucunement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 14 bis est adopté.

(Non modifié)

L’article L. 3341-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 3341-1. – Une personne trouvée en état d’ivresse dans les lieux publics est, par mesure de police, conduite à ses frais dans le local de police ou de gendarmerie le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenue jusqu’à ce qu’elle ait recouvré la raison.

« Lorsqu’il n’est pas nécessaire de procéder à l’audition de la personne mentionnée au premier alinéa immédiatement après qu’elle a recouvré la raison, elle peut, par dérogation au premier alinéa, être placée par un officier ou un agent de police judiciaire sous la responsabilité d’une personne qui se porte garante d’elle. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, il ne nous reste à examiner qu’une quinzaine d’amendements. Dans ces conditions, il me semble possible d’achever la discussion de ce projet de loi avant le dîner et d’éviter ainsi de siéger ce soir.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il y aura aussi une seconde délibération.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Celle-ci ne portera que sur un article, monsieur le garde des sceaux ! J’ajoute que tous nos collègues ont fait des efforts de concision.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je consulte le Sénat sur cette proposition.

Il n'y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Par courrier en date de ce jour, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat qu’il estime irrecevable la proposition de résolution, présentée par Mme Annie David et plusieurs de ses collègues, en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative à la mise en conformité du droit français concernant le régime des astreintes et le système de forfaits en jours sur l’année considérés par le Comité européen des droits sociaux comme violant différentes dispositions de la Charte sociale européenne révisée (328, 2010-2011), déposée le 4 mars 2011.

J’informe le Sénat que Mme Annie David a décidé de rectifier le texte de cette proposition de résolution, qui va être adressé au Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution de commissions mixtes paritaires sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique et du projet de loi relatifs au Défenseur des droits.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du jeudi 3 mars prennent effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 8 mars 2011, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-126 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la garde à vue.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 15.

L’article 4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du premier alinéa du I, les mots : « pour les nécessités de l’enquête » sont remplacés par les mots : « pour l’un des motifs prévus par l’article 62-3 du code de procédure pénale » ;

bis Au premier alinéa du II, les mots : « doit informer de cette mesure » sont remplacés par les mots : « doit, dès que le procureur de la République ou le juge chargé de l’information a été avisé de cette mesure, en informer » ;

2° Au III, la référence : « le quatrième alinéa de l’article 63-3 » est remplacée par la référence : « l’article 63-3 » ;

bis Le même III est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’un mineur de plus de seize ans est placé en garde à vue, ses représentants légaux sont avisés de leur droit de demander un examen médical lorsqu’ils sont informés de la garde à vue en application du II du présent article. » ;

3° La première phrase du IV est ainsi rédigée :

« Dès le début de la garde à vue, le mineur peut demander à être assisté par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 du code de procédure pénale. » ;

4° Au début du VII, les mots : « Les dispositions de l’article 706-88 du code de procédure pénale, à l’exception de celles de la deuxième phrase de son dernier alinéa, sont applicables » sont remplacés par les mots : « L’article 706-88 du code de procédure pénale, à l’exception de ses trois derniers alinéas, est applicable ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 56, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi rédigé :

« Art. 4.-I. - Le mineur de dix-sept ans ne peut être placé en garde à vue. Toutefois, à titre exceptionnel, le mineur de treize ans à dix-sept ans contre lequel il existe des indices graves ou concordants laissant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement peut, pour les nécessités de l'enquête, être retenu à la disposition d'un officier de police judiciaire avec l'accord préalable et sous le contrôle d'un juge des enfants, pour une durée que ce magistrat détermine et qui ne saurait excéder douze heures. Cette retenue peut toutefois être prolongée à titre exceptionnel par décision motivée de ce magistrat pour une durée qui ne saurait non plus excéder douze heures, après présentation devant lui du mineur, sauf si les circonstances rendent cette présentation impossible. Elle doit être strictement limitée au temps nécessaire à la déposition du mineur et à sa présentation devant le magistrat compétent ou à sa remise à l'une des personnes visées au II du présent article.

« II. - Lorsqu'un mineur est retenu, l'officier de police judiciaire doit informer immédiatement de cette mesure les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur.

« III. - Dès le début de la retenue prévue au I, le procureur de la République ou le juge chargé de l'information doit désigner un médecin qui examine le mineur dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article 63-3 du code de procédure pénale.

« IV. - Dès le début de la retenue, le mineur doit être immédiatement informé de son droit à être assisté par un avocat ; il peut demander à s'entretenir avec un avocat, dans les conditions prévues à l'article 63-4 du code de procédure pénale. Lorsque le mineur n'a pas sollicité l'assistance d'un avocat, cette demande peut également être faite par ses représentants légaux qui sont alors avisés de ce droit lorsqu'ils sont informés de la retenue en application du II. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le placement en garde à vue du mineur est encadré par l’ordonnance du 2 février 1945. Les différentes réformes qui ont modifié cette dernière ont toujours eu pour conséquence de reléguer un peu plus au second plan l’objectif d’éducation et d’insertion sociale qui la fondait.

Ainsi, la loi du 9 septembre 2002 a assoupli les conditions dans lesquelles un mineur de 10 à 13 ans peut faire l’objet d’une retenue judiciaire et a allongé la durée de celle-ci.

En 1993, le législateur avait tenté d’autoriser la garde à vue de ces mineurs. En effet, l’article 29 de la loi du 4 janvier 1993 prévoyait qu’un mineur auteur d’un crime ou d’un délit puni d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement pouvait être placé en garde à vue avec l’accord préalable du procureur de la République ou du juge d’instruction, selon le cas, pour une durée de vingt-quatre heures non renouvelable.

Dans une décision du 11 août 1993, le Conseil constitutionnel a considéré que cette disposition méconnaissait l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, aux termes duquel « tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».

Le Conseil constitutionnel a précisé que « si le législateur peut prévoir une procédure appropriée permettant de retenir au-dessus d’un âge minimum les enfants de moins de treize ans pour les nécessités d’une enquête, il ne peut être recouru à une telle mesure que dans des cas exceptionnels et s’agissant d’infractions graves ».

Nous estimons que ces principes dégagés pour les mineurs de moins de 13 ans doivent valoir pour tous les mineurs. Rien ne justifie la distinction opérée entre catégories de mineurs. Voilà un an, à la suite de la garde à vue d’une mineure de 14 ans, la Défenseure des enfants avait mis en garde contre le recours trop systématique à la garde à vue pour les mineurs et demandé que les procédures policières soient adaptées à l’intérêt des enfants. Elle avait rappelé par ailleurs que, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant, les mineurs en conflit avec la loi sont avant tout des enfants et doivent être traités en tant que tels.

Par cet amendement, nous proposons une réécriture de l’article 4 de l’ordonnance de 1945 modifiée, afin d’affirmer le principe de l’interdiction de la garde à vue pour les mineurs, assorti de la possibilité, dans un nombre de cas limités, d’une retenue pour les mineurs de plus de 13 ans. Cette procédure serait placée sous le contrôle du magistrat compétent en matière d’enfance. Nous prévoyons également l’assistance de l’avocat dès le début de la retenue, ainsi que l’intervention systématique d’un médecin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 143 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

premier alinéa du I, les mots :

insérer les mots :

« d’un magistrat du ministère public ou » sont supprimés et les mots :

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 143 rectifié est retiré.

L'amendement n° 58, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La garde à vue du mineur cesse de plein droit si un examen médical n'a pas été effectué dans les six heures qui suivent le début de la mesure de garde à vue.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En l’état actuel du texte, le mineur de 16 ans se verra appliquer les dispositions prévues à l’article 4, aux termes duquel il pourra demander à être examiné par un médecin. Un tel droit est également conféré à ses représentants légaux.

Cependant, quel que soit l’âge du mineur gardé à vue, ce droit à l’examen médical n’est pas toujours respecté, comme a pu le déplorer la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, dans son rapport de 2007, à propos de deux saisines.

Dans le premier cas, un garçon de 16 ans n’a pu bénéficier de l’examen médical qu’il avait pourtant demandé.

Dans le second cas, un garçon de 15 ans n’avait fait l’objet d’aucun examen médical, en contradiction avec l’article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

La CNDS a rappelé, dans ce rapport, le caractère absolu des droits conférés aux personnes mineures placées en garde à vue, ainsi que les instructions contenues dans la circulaire du 11 mars 2003 relative à la dignité des personnes placées en garde à vue, circulaire complétée par une note du ministre de l’intérieur diffusée le 22 février 2006.

J’ajoute que le Comité européen pour la prévention de la torture, dans un rapport consécutif à sa visite en France effectuée en 2006, recommandait aux autorités françaises de procéder à un rappel des règles en vigueur en matière de garde à vue des mineurs.

À l’heure actuelle, dans de nombreux cas, les procédures prévues pour les mineurs ne sont pas respectées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 144 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la seconde phrase du V, les mots : « au procureur de la République ou au juge d'instruction du lieu d'exécution de la mesure » sont remplacés par les mots : « au juge chargé de l'information ou au juge des enfants » ;

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement a pour objet de concilier les nécessités de la garde à vue et les spécificités de la justice pénale des mineurs.

L’article 4 de l’ordonnance de 1945 prévoit que, en cas de délit puni d’une peine inférieure à cinq ans d’emprisonnement, il ne peut y avoir de prolongation de la mesure de garde à vue que pour les mineurs âgés d’au moins 16 ans. Dans ce cas, la prolongation est subordonnée à -la présentation préalable du mineur au procureur de la République ou au juge d’instruction.

Notre amendement tend à renforcer les garanties dont doit bénéficier le mineur. Par définition, la responsabilité de ce dernier est atténuée, selon un principe d’ailleurs confirmé par le Conseil constitutionnel.

À cette fin, l’amendement prévoit que l’enfant devra être présenté soit à un juge d’instruction, soit à un juge des enfants, c’est-à-dire à un magistrat qui ne dépend pas des fluctuations de la politique pénale décidée à un autre niveau…

Il importe que cette présentation physique du mineur, indispensable pour s’assurer de la pertinence de la mesure de prolongation, intervienne devant un magistrat spécialisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 59, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le premier alinéa du VI est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cet enregistrement est considéré comme une formalité substantielle au sens de l'article 171 du code de procédure pénale. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Selon la jurisprudence, notamment les arrêts de la Cour de cassation du 3 avril 2007 et du 26 mars 2008, l’enregistrement des interrogatoires des mineurs doit être considéré comme une « formalité substantielle ». Il me paraît donc logique de le préciser dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 57, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

4° Le VII est ainsi rédigé :

« VII. - Les dispositions de l'article 706-88 du code de procédure pénale ne sont pas applicables. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous considérons que les dispositions de l’article 706-88 du code de procédure pénale sont particulièrement attentatoires aux libertés individuelles et que leur application ne saurait se justifier pour un mineur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 60, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase du quatrième alinéa du VI, les mots : « impossibilité technique » sont remplacés par les mots : « cause insurmontable » et les mots : « de cette impossibilité » sont remplacés par les mots : « de cette cause ».

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La circulaire du 9 mai 2001 du directeur des affaires criminelles et des grâces précise que « seule une cause insurmontable qui fera l’objet d’un avis au magistrat compétent et d’une information spécifique du mineur pourra justifier l’absence d’enregistrement » audiovisuel de l’interrogatoire.

L’absence d’enregistrement des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue ne peut donc être justifiée par une simple impossibilité technique. Il convient de le préciser.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 145 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Au même VII, le mot : « plausibles » est remplacé par le mot : « sérieuses ».

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 145 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L’amendement n° 56 vise à interdire le placement en garde à vue des mineurs de moins de 17 ans et de restreindre le placement en retenue judiciaire aux seuls mineurs âgés de 13 à 17 ans.

En l’état actuel du droit, la garde à vue des mineurs est possible à partir de 13 ans. Les mineurs âgés de 10 à 13 ans peuvent, quant à eux, à titre exceptionnel, faire l’objet d’une retenue judiciaire de vingt-quatre heures au maximum, s’agissant des seules infractions punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Ces dispositions ont été validées par le Conseil constitutionnel. Elles sont entourées d’un certain nombre de garanties : l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires est obligatoire, la prolongation de la garde à vue des mineurs de moins de 16 ans soupçonnés d’une infraction punie d’une peine de moins de cinq ans d’emprisonnement est impossible, l’examen médical est obligatoire pour les moins de 16 ans et, dans un certain nombre de cas, la présentation du mineur au procureur de la République ou au juge d’instruction est obligatoire avant toute décision de prolongation de la mesure.

Le régime de la garde à vue des mineurs paraissant bien encadré, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 58 prévoit qu’un mineur placé en garde à vue soit relâché de plein droit lorsqu’il n’a pas été examiné par un médecin dans les six heures qui suivent le début de la mesure.

En l’état actuel du texte, il sera permis aux représentants légaux d’un mineur de plus de 16 ans de demander pour lui un examen médical. On sait bien que si l’enquêteur passait outre une telle demande, il encourrait la nullité de la garde à vue. Il n’est pas possible de faire dépendre la garde à vue de l’avis du médecin. La commission émet un avis défavorable.

Les auteurs de l’amendement n° 144 rectifié proposent que seul un magistrat du siège puisse autoriser la prolongation de la garde à vue d’un mineur. Comme je viens de le dire, le système est déjà très encadré, et il ne nous paraît pas opportun que le magistrat du siège intervienne systématiquement. Le procureur est lui aussi un magistrat ; il est capable d’apprécier la situation, y compris s’agissant d’un mineur. La commission émet donc un avis défavorable.

L’amendement n° 59 vise à inscrire dans la loi une jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui, par deux arrêts du 3 avril et du 12 juin 2007, a considéré que « le défaut d’enregistrement audiovisuel des interrogatoires d’un mineur placé en garde à vue, non justifié par un obstacle insurmontable, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée » et doit donc entraîner automatiquement la nullité de la procédure.

Introduire cette disposition dans le texte présenterait à mon sens un risque d’interprétation a contrario.

En outre, j’observe que l'article 171 du code de procédure pénale, relatif aux seules nullités de l’information, ne concerne pas les enquêtes.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L'amendement n° 57 vise à prévoir que les mineurs ne puissent se voir appliquer de régime dérogatoire en matière de garde à vue. Or cette possibilité a été introduite en 2004 par la loi Perben II pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans et validée par le Conseil constitutionnel. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Enfin, la commission avait émis un avis favorable sur l'amendement n° 60, relatif à l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires des mineurs, qui tend à inscrire dans l’ordonnance de 1945 les termes de « cause insurmontable » retenus par la Cour de cassation, de préférence à ceux d’« impossibilité technique ».

Toutefois, mon attention a été appelée sur les répercussions et difficultés qu’une telle modification pourrait entraîner, s’agissant notamment de l’interprétation qui pourrait être faite par les juridictions des dispositions du code de procédure pénale relatives à l’enregistrement des interrogatoires des majeurs, lesquelles ne seraient pas modifiées et continueraient donc de comporte les termes d’« impossibilité technique ».

Par conséquent, si cet amendement est adopté, les mineurs et les majeurs seront soumis à des régimes différents sur ce point. La commission souhaiterait obtenir des éclaircissements du Gouvernement sur cette question.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Comme l’a souligné M. le rapporteur, le texte soumis au Sénat renforce les garanties en matière de garde à vue des mineurs, régime qu’il convient de conserver compte tenu du développement de la délinquance des mineurs.

Par conséquent, le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission sur les amendements n° 56, 143 rectifié, 58, 144 rectifié, 59 et 57.

En revanche, le Gouvernement, contrairement à la commission, est défavorable à l'amendement n° 60, visant à prévoir que seule une « cause insurmontable », et non une « impossibilité technique », puisse justifier l’absence d’enregistrement audiovisuel de l’interrogatoire d’un mineur gardé à vue.

Cette modification est présentée comme consacrant la circulaire du ministère de la justice du 9 mai 2001 relative à l’enregistrement des auditions de mineurs gardés à vue, qui prévoyait que seule une cause insurmontable pourrait justifier l’absence d’enregistrement audiovisuel.

Or la rédaction actuelle de l'article 4 de l’ordonnance de 1945 date de la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, qui a rendu caduque sur ce point la circulaire rédigée six ans plus tôt par la chancellerie. Cette rédaction résulte même de l’adoption d’un amendement de la commission des lois du Sénat n’ayant fait l’objet d’aucune contestation lors de son examen en séance publique, le 8 février 2007.

La notion d’impossibilité technique justifiant l’absence d’enregistrement est prévue non seulement par l'article 4 de l’ordonnance de 1945 pour la garde à vue des mineurs, mais également, depuis la loi du 4 mars 2007, par l'article 706-52 du code de procédure pénale pour l’enregistrement des auditions des mineurs victimes d’infractions sexuelles et par les articles 64-1 et 116-1 du même code pour les gardes à vue des majeurs et les interrogatoires du juge d’instruction en matière criminelle.

Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement demande à la Haute Assemblée de confirmer ses votes antérieurs en rejetant l’amendement n° 60.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 60.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Au cours des dernières années, un nombre très important de mineurs de 15 ans ont été placés abusivement en garde à vue. Comment entendez-vous mettre fin à cette dérive, monsieur le garde des sceaux ?

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté.

(Non modifié)

I. – À l’article 127 du code de procédure pénale, les mots : « procureur de la République » sont remplacés par les mots : « juge des libertés et de la détention ».

II. – L’article 133 du même code est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « procureur de la République » sont remplacés par les mots : « juge des libertés et de la détention » ;

2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Le juge des libertés et de la détention informe sans délai le magistrat qui a délivré le mandat et ordonne le transfèrement. Si celui-ci ne peut être effectué immédiatement, le juge des libertés et de la détention en avise le juge mandant. »

III. – L’article 135-2 du même code est ainsi modifié :

1° À la première phrase du cinquième alinéa, les mots : « procureur de la République du » sont remplacés par les mots : « juge des libertés et de la détention du » ;

2° Au sixième alinéa, les mots : « les dispositions ci-dessus » sont remplacés par les mots : « le quatrième alinéa ».

IV. – Aux premier, deuxième et dernier alinéas de l’article L. 211-19 du code de justice militaire, les mots : « procureur de la République » sont remplacés par les mots : « juge des libertés et de la détention ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 161, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer vingt et un alinéas ainsi rédigés :

III bis. - Le dernier alinéa de l'article 627-5 du même code est ainsi rédigé :

« S'il décide de ne pas laisser en liberté la personne réclamée, le procureur de la République la présente au juge des libertés et de la détention qui ordonne son incarcération à la maison d'arrêt. Toutefois, s'il estime que sa représentation à tous les actes de la procédure est suffisamment garantie au regard des principes édictés à l'article 59 du Statut de Rome, le juge des libertés et de la détention peut soumettre la personne réclamée, jusqu'à sa comparution devant la chambre de l'instruction, à une ou plusieurs des mesures prévues aux articles 138 et 142-5. Les dispositions de l'article 696-21 sont applicables. »

III ter. - L'article 695-28 du même code est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À la suite de la notification du mandat d'arrêt européen, s'il décide de ne pas laisser en liberté la personne recherchée, le procureur général la présente au premier président de la cour d'appel ou au magistrat du siège désigné par lui » ;

2° Aux premier et deuxième alinéas, les mots : « le procureur général » sont remplacés par les mots : « le premier président de la cour d'appel ou le magistrat du siège désigné par lui » ;

3° Au quatrième alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le procureur général ».

III quater. - L'article 696-11 du même code est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À la suite de la notification de la demande d'extradition, s'il décide de ne pas laisser en liberté la personne réclamée, le procureur général la présente au premier président de la cour d'appel ou au magistrat du siège désigné par lui » ;

2° Aux premier et deuxième alinéas, les mots : « le procureur général » sont remplacés par les mots : « le premier président de la cour d'appel ou le magistrat du siège désigné par lui ».

III quinquies. - Au premier alinéa de l'article 696-20 du même code, les mots : « ou la modification de celui-ci » sont remplacés par les mots : « de l'assignation à résidence sous surveillance électronique ou la modification de ceux-ci ».

III sexies. - L'article 696-23 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « et son placement sous écrou extraditionnel » sont supprimés ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Après avoir vérifié son identité, le procureur général informe la personne réclamée, dans une langue qu'elle comprend, de l'existence et du contenu de la demande d'arrestation provisoire. S'il décide de ne pas la laisser en liberté, le procureur général la présente au premier président de la cour d'appel ou au magistrat désigné par lui, qui statue conformément aux dispositions de l'article 696-11. »

III septies. - Au troisième alinéa de l'article 706-71 du même code, les mots : « ou d'un mandat d'arrêt européen » sont remplacés par les mots : « d'un mandat d'arrêt européen, d'une demande d'arrestation provisoire, d'une demande d'extradition ou d'une demande d'arrestation aux fins de remise, à la présentation au juge des libertés et de la détention, au premier président de la cour d'appel ou au magistrat désigné par lui en application des articles 627-5, 695-28, 696-11 et 696-23 si la personne est détenue pour une autre cause ».

III octies. - Au premier alinéa des articles 627-9 et 696-32 du même code, après les mots : « La mise en liberté », sont insérés les mots : « ou la mainlevée ou la modification du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence sous surveillance électronique ».

III nonies. - À la première phrase du deuxième alinéa des articles 695-28 et 696-11 du même code et au troisième alinéa des articles 695-34 et 696-19 du même code, les mots : « à l'article 138 » sont remplacés par les mots : « aux articles 138 et 142-5 ».

III decies. - À l'avant dernier alinéa de l'article 695-28 du même code et au dernier alinéa de l'article 696-11 du même code, après les mots : « sous contrôle judiciaire », sont insérés les mots : « ou sous assignation à résidence sous surveillance électronique », et sont ajoutés les mots : « ou de l'assignation à résidence sous surveillance électronique ».

III undecies. - Au premier alinéa de l'article 695-35 du même code et aux premier et quatrième alinéas des articles 695-36 et 696-21 du même code, après les mots : « contrôle judiciaire », sont insérés les mots : « ou de l'assignation à résidence sous surveillance électronique ».

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Cet amendement tend à tirer les conséquences de l'arrêt Moulin contre France rendu le 23 novembre 2010 par la Cour européenne des droits de l'homme en matière d'entraide judiciaire internationale, de manière similaire à ce que prévoit l'article 15 bis en matière de mandats nationaux.

Tout en maintenant la nécessité de présenter la personne interpellée en vertu d'une demande d'arrestation provisoire, d'extradition ou d'un mandat d'arrêt européen au procureur général aux fins de notification de la demande d'arrestation ou du mandat, cet amendement vise à préciser qu'il appartiendra à ce magistrat, s'il n'entend pas laisser en liberté la personne interpellée, de présenter celle-ci sans délai à un magistrat du siège, afin que ce dernier décide d'un éventuel placement sous écrou extraditionnel ou sous contrôle judiciaire.

Dans ce domaine comme dans tous les autres, le Gouvernement n’a eu de cesse d’appliquer immédiatement la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, du Conseil constitutionnel et de la chambre criminelle de la Cour de cassation !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement prévoit diverses coordinations fort opportunes, en particulier en matière d’entraide judiciaire internationale. La commission émet un avis favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 15 bis est adopté.

(Supprimé)

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 146 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’article 15 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 269 du même code est complété par les mots : «, ladite maison d’arrêt étant située dans le ressort du tribunal de grande instance dont relève la cour d’assises ».

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement, qui est particulièrement subtil, comme l’a dit M. le rapporteur en commission, soulève une question essentielle pour la mise en œuvre du principe fondamental d’égalité devant la justice.

Aux termes de l’’article 269 du code de procédure pénale, « dès que la décision de mise en accusation est devenue définitive ou, en cas d’appel, dès que l’arrêt de désignation de la cour d’assises d’appel a été signifié, l’accusé, s’il est détenu, est transféré dans la maison d’arrêt du lieu où se tiennent les assises ».

Nous souhaitons compléter cet article pour préciser que cette maison d’arrêt est nécessairement située dans le ressort du tribunal de grande instance dont relève la cour d’assises en question. Cela permettra d’éviter des déplacements éprouvants pour l’accusé et coûteux pour la collectivité.

Il s’agit donc d’une mesure de sagesse et d’aménagement du territoire, domaine cher à M. le garde des sceaux, puisqu’il a été précédemment ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Outre qu’une telle disposition relève du domaine réglementaire, l’objet de cet amendement est assez éloigné de celui du texte que nous examinons…

Il s’agit peut-être là d’un amendement d’appel, que M. Mézard acceptera sans doute de retirer après avoir entendu le Gouvernement. En tout état de cause, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il s’agit d’un amendement extrêmement intéressant – je n’ai pas dit intéressé !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Je le retire, monsieur le président, mais ce n’est que temporaire : considérons que cet amendement est suspendu !

Sourires.

(Non modifié)

I. – Au premier alinéa de l’article 64-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, les mots : « dans les conditions prévues à l’article 63-4 du code de procédure pénale » sont remplacés par les mots : « au cours de la garde à vue dans les conditions prévues par le code de procédure pénale ou au cours de la retenue douanière dans les conditions prévues par le code des douanes ».

II. – À l’intitulé de la troisième partie de la même loi, après le mot : « vue », sont insérés les mots : « ou de la retenue douanière ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Assurer la qualité de la défense et l’effectivité des droits suppose que l’engagement de l’État soit à la hauteur de cette ambition, ce qui est loin d’être acquis en l’état actuel du financement de la justice en général, et de l’aide juridictionnelle en particulier.

En effet, si la législation française offre l’un des plus importants champs de services juridiques sous aide juridictionnelle au regard du droit comparé, le budget affecté à celle-ci est très insuffisant, puisqu’il s’élève à 300 millions d'euros, alors que le besoin de financement est communément évalué à 1 milliard d’euros.

Tout d’abord, le nombre de bénéficiaires de l’aide juridictionnelle dépend de facteurs socioéconomiques et conjoncturels non maîtrisables, mais aussi de décisions politiques ayant une incidence immédiate, telle la réforme dont nous débattons. L’effort budgétaire de l’État à ce titre doit rester une priorité, garantir l’accès au droit relevant de ses missions régaliennes.

Ensuite, en vue de préserver la pérennité et la qualité d’un système ayant pour vocation de garantir à tous un égal accès à la justice, il importe de prendre enfin conscience de la montée du mécontentement dans les barreaux et de l’insatisfaction suscitée par un système dont le fonctionnement repose essentiellement sur la bonne volonté d’une partie de la profession. Cette dernière préconise depuis longtemps une réforme en profondeur de l’aide juridictionnelle, son financement étant une problématique centrale. En particulier, la question de la rétribution des avocats intervenant en la matière a toujours été une source de tensions avec les pouvoirs publics.

Ce manque de financement nous préoccupe, car il est directement subi par le justiciable. Les conditions permettant aux avocats d’assurer une défense de qualité au titre de l’aide juridictionnelle ne sont pas réunies : l’avocat n’est pas suffisamment rémunéré et travaille à perte dans une large majorité des cas.

Si nous portons une attention particulière à ce sujet, c’est qu’une forte implication de l’avocat est nécessaire – cela n’est plus à démontrer –, s’agissant d’une matière où son rôle ne cessera de s’étendre et où le risque d’atteinte aux libertés est évident.

Il convient donc de rémunérer plus justement ces missions, afin que puissent être réunies les conditions d’une bonne défense du justiciable. À l’heure actuelle, on constate un étranglement financier, dû à la multiplication des tâches inadéquatement rémunérées.

Enfin et surtout, il est de notre responsabilité de prévoir automatiquement le financement de toutes les missions d’aide juridictionnelle supplémentaires qui découleront de l’entrée en vigueur des nouvelles lois. L’étude d’impact annexée au présent projet de loi ne satisfait nullement cette exigence, puisqu’elle prévoit un budget largement insuffisant et ne tient compte ni des régimes dérogatoires ni des retenues douanières.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 61, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - La loi assure une implication équitable entre les avocats des missions éligibles à l'aide juridictionnelle. Une participation effective et équitable de tous les avocats est assurée soit par la prise en charge de dossiers éligibles à l'aide juridictionnelle, soit par une participation financière volontaire. Cette participation, répartie entre les avocats prenant en charge des dossiers éligibles à l'aide juridictionnelle, alimente un fonds autonome.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Le financement de l’aide juridictionnelle ne peut se concevoir sans un engagement prioritaire de l’État. Cependant, le fonctionnement du système ne repose aujourd’hui que sur la bonne volonté d’une partie de la profession d’avocat. En effet, si la majeure partie des avocats y contribuent, la charge de travail correspondante n’est pas répartie de manière équitable. En particulier, la clientèle des grands cabinets d’affaires ne relève jamais de l’aide juridictionnelle. Ces professionnels devraient accepter de participer, dans un souci d’égalité, à l’effort de solidarité consenti par leurs confrères.

Ainsi, au rebours de la préconisation du rapport Darrois de taxer le chiffre d’affaires des avocats pour financer les solutions ponctuelles et les nouvelles missions, j’estime que les moyens dégagés par ce biais doivent servir à améliorer le taux horaire de référence. Dans cette perspective, l’ensemble des sommes récoltées abonderaient un fonds spécifique, distinct du fonds alimenté par l’État au titre des missions d’aide juridictionnelle. Le produit récupéré annuellement par les caisses autonomes de règlements pécuniaires des avocats, les CARPA, serait équitablement partagé entre les avocats participant activement à des missions d’aide juridictionnelle. Cela permettrait une amélioration des revenus de ces derniers, tout en évitant un désengagement de l’État concernant les nouvelles missions créées.

Il s’agit non pas de répartir entre les avocats la charge du financement, qui incombe en effet à la solidarité nationale, mais bien d’assurer, au sein de la profession, une répartition plus équitable des missions relevant de l’aide juridictionnelle, aujourd’hui assumées, dans les faits, par un nombre réduit d’avocats.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La question du financement de l’aide juridictionnelle est particulièrement complexe et importante.

En 2010, la totalité des crédits consacrés à l’aide juridictionnelle avaient été consommés dès le mois d’octobre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La loi de finances pour 2011 a esquissé des pistes de réforme. Le Sénat s’est penché sur cette question, en particulier au travers du rapport de M. du Luart. Il sera probablement nécessaire d’envisager d’autres solutions, par exemple une contribution des professions concernées ou des compagnies d’assurances.

Je n’ai nullement l’intention d’éluder le débat, mais il me semble que l’examen du présent projet de loi ne constitue pas un cadre adapté pour traiter cette question, dont le champ est bien plus large. En particulier, les pistes évoquées devraient faire l’objet d’une concertation au sein de la profession d’avocat.

Je vous suggère par conséquent de retirer votre amendement, madame Mathon-Poinat. Dans le cas contraire, la commission des lois émettrait un avis défavorable.

Cela étant, je souhaiterais que M. le garde des sceaux nous indique si toutes les conséquences financières de la réforme au regard de l’aide juridictionnelle ont bien été évaluées. Peut-être pourra-t-il nous donner des chiffres à cet égard.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

À l’instar de la commission, le Gouvernement souhaite que Mme Mathon-Poinat retire cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

La réforme de la garde à vue aura bien entendu un coût très important.

Actuellement, quelque 15 millions d’euros sont consacrés chaque année à l’aide juridictionnelle ; demain, ce montant atteindra au moins 80 millions d’euros. Cette progression très importante devra être financée d’une façon ou d’une autre : sera-ce exclusivement par le biais de crédits budgétaires ou faudra-t-il trouver des ressources nouvelles ? Seule une loi de finances peut régler cette question. Il n’est donc pas possible de le faire au travers du présent projet de loi.

Nous avons commencé à échanger sur ce sujet avec les représentants des avocats, qui ont souhaité attendre de connaître la position de l’Assemblée nationale. Les premières réunions ont été difficiles. Nous aurons à faire de vrais efforts dans ce domaine, car une réforme telle que celle-ci aura, à l’évidence, un coût non négligeable si nous voulons que tous les Français puissent être correctement défendus et que le principe de la présence de l’avocat dès la première minute de la garde à vue ait une véritable portée. Nous devrons probablement revoir l’ensemble de l’aide juridictionnelle, et nous nous attellerons à cette tâche dès que le présent texte aura été adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Je retire cet amendement d’appel, qui visait à inciter le Gouvernement à se pencher sur la question. J’ose espérer que nous pourrons prochainement examiner un texte portant sur ce sujet urgent. Le groupe CRC-SPG déposera d’ailleurs bientôt une proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 61 est retiré.

Je mets aux voix l'article 16.

L'article 16 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 62, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le juge judiciaire peut soulever d'office l'ensemble des vices qui affectent la procédure de placement et de déroulement de la garde à vue.

II. - Constitue une nullité faisant nécessairement grief à la personne placée en garde à vue notamment :

1° La méconnaissance des dispositions relatives aux conditions de placement en garde à vue et l'absence de proportionnalité dans leur mise en œuvre ;

2° Le retard ou l'absence de notification ou de la mise en œuvre des droits en garde à vue ;

3° La mise en œuvre disproportionnée des fouilles et des mesures de sécurité ;

4° Le non-respect de la dignité humaine, notamment en ce qui concerne les conditions matérielles de la garde à vue ;

5° Le non-respect des dispositions de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous entendons, par le biais de cet amendement, préciser le régime des nullités sur deux points.

En premier lieu, nous souhaitons que le juge puisse soulever d’office l’ensemble des vices qui affectent la procédure de placement en garde à vue et son déroulement.

En second lieu, nous proposons d’inscrire dans la loi une liste non exhaustive des nullités qui font nécessairement grief, comprenant la méconnaissance des dispositions relatives aux conditions de placement en garde à vue et l’absence de proportionnalité dans leur mise en œuvre, le retard ou l’absence de notification ou de mise en œuvre des droits en garde à vue, la mise en œuvre disproportionnée des fouilles et des mesures de sécurité, le non-respect de la dignité humaine, notamment en ce qui concerne les conditions matérielles de la garde à vue, et enfin le non-respect des dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Cette question est d’importance, car son traitement conditionne dans une large mesure l’effectivité des dispositions du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je rappelle que l’article 802 du code de procédure pénale pose le principe selon lequel il n’est pas de nullité sans grief en matière pénale.

Cet amendement me semble largement satisfait par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui est favorable à la garantie des droits des personnes gardées à vue.

Ces garanties paraissent suffisantes. Il ne semble pas souhaitable d’inscrire dans la loi une liste de nullités faisant nécessairement grief, au risque de susciter des interprétations a contrario. L’exhaustivité n’est pas possible en la matière.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 162, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code des douanes de Mayotte est ainsi modifié :

1° L'intitulé du paragraphe 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre XI est complété par les mots : « et retenue douanière » ;

2° Le 3 de l'article 193 est abrogé ;

3° Le paragraphe 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre XI est complété par dix articles 193-1 à 193-10 ainsi rédigés :

« Art. 193-1. - Les agents des douanes ne peuvent procéder à l'arrestation et au placement en retenue douanière d'une personne qu'en cas de flagrant délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement et lorsque cette mesure est justifiée par les nécessités de l'enquête douanière.

« Art. 193-2. - La durée de la retenue douanière ne peut excéder vingt-quatre heures.

« Toutefois, la retenue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si les nécessités de l'enquête douanière le justifient.

« L'autorisation est accordée dans les conditions prévues au II de l'article 63 du code de procédure pénale.

« Art. 193-3. - Dès le début de la retenue douanière, le procureur de la République dans le ressort duquel est constaté le flagrant délit en est informé par tout moyen.

« Il est avisé de la qualification des faits qui a été notifiée à la personne. Le procureur de la République peut modifier cette qualification ; dans ce cas, la nouvelle qualification est notifiée à la personne dans les conditions prévues à l'article 193-6.

« Si la mesure doit être exécutée dans un autre ressort que celui du procureur de la République où l'infraction a été constatée, ce dernier en est informé.

« Art. 193-4. - La retenue douanière s'exécute sous le contrôle du procureur de la République qui assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne retenue.

« Il peut se transporter sur les lieux pour vérifier les modalités de la retenue et se faire communiquer les procès-verbaux et registres prévus à cet effet.

« Art. 193-5. - La personne placée en retenue douanière bénéficie du droit de faire prévenir un proche et son employeur, d'être examinée par un médecin et de l'assistance d'un avocat dans les conditions et sous les réserves définies aux articles 63-2, 63-3, 63-3-1, 63-4, 63-4-1, 63-4-2, 63-4-3 et 63-4-4 du code de procédure pénale. Les attributions conférées à l'officier de police judiciaire par les articles 63-2, 63-3, 63-3-1, 63-4-2 et 63-4-3 du même code sont exercées par un agent des douanes.

« Lorsque la personne est retenue pour un délit douanier mentionné au dernier alinéa de l'article 282 ou à l'article 283 du présent code ou pour un délit connexe à une infraction mentionnée à l'article 706-73 du code de procédure pénale, l'intervention de l'avocat peut être différée dans les conditions prévues aux sixième à huitième alinéas de l'article 706-88 du même code.

« Art. 193-6. - La personne placée en retenue douanière est immédiatement informée par un agent des douanes, dans les conditions prévues à l'article 63-1 du code de procédure pénale :

« 1° De son placement en retenue ainsi que de la durée de la mesure et de la prolongation dont celle-ci peut faire l'objet ;

« 2° De la nature et de la date présumée de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ;

« 3° Du fait qu'elle bénéficie des droits énoncés à l'article 193-5 du présent code ;

« 4° Du fait qu'elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

« Mention de l'information donnée en application du présent article est portée au procès-verbal et émargée par la personne retenue. En cas de refus d'émargement, il en est fait mention.

« Art. 193-7. - Les articles 63-5 et 63-6 et le premier alinéa de l'article 63-7 du code de procédure pénale sont applicables en cas de retenue douanière.

« Les mesures de sécurité mentionnées à l'article 63-6 du même code sont limitativement énumérées par arrêté du ministre chargé des douanes.

« Les attributions conférées à l'officier de police judiciaire par l'article 63-7 du même code sont exercées par un agent des douanes.

« Art. 193-8. - Le procès-verbal de retenue douanière est rédigé conformément au I de l'article 64 du code de procédure pénale.

« Figurent également sur un registre spécial tenu, éventuellement sous forme dématérialisée, dans les locaux de douane susceptibles de recevoir une personne retenue, les mentions prévues au premier alinéa du II du même article 64.

« Art. 193-9. - À l'issue de la retenue douanière, le procureur de la République peut ordonner que la personne retenue soit présentée devant lui, un officier de police judiciaire ou un agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale ou qu'elle soit remise en liberté.

« Lorsque les personnes retenues sont placées en garde à vue au terme de la retenue, la durée de celle-ci s'impute sur la durée de la garde à vue.

« Art. 193-10. - En cas de flagrant délit douanier commis par un mineur, la retenue douanière se déroule dans les conditions prévues à l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. »

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Cet amendement tend à procéder à l'intégration formelle des dispositions modifiant la retenue douanière dans l'ordonnance du 12 octobre 1992 relative au code des douanes applicable à Mayotte.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Le sous-amendement n° 173, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 15 de l'amendement n° 162

1° Première phrase

Remplacer les mots :

un proche et son employeur

par les mots :

un proche ou son curateur ou son tuteur, de faire prévenir son employeur

2° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Lorsque la personne placée en retenue douanière est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 162.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La commission émet un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement, sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement de coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 173 ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Favorable.

Le sous-amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.

(Non modifié)

La présente loi entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication au Journal officiel et au plus tard le 1er juillet 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 180, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les dispositions de la présente loi sont applicables aux mesures de garde à vue prises à compter de son entrée en vigueur.

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Cet amendement tend à préciser les modalités d’entrée en vigueur de la réforme, prévue le premier jour du deuxième mois de sa publication au Journal officiel ou, au plus tard, le 1er juillet 2011, date fixée par le Conseil constitutionnel. J’espère que ce texte pourra entrer en vigueur beaucoup plus rapidement !

Les personnes placées en garde à vue pourront alors bénéficier de nouveaux droits, notamment de la présence d'un avocat au cours de leurs auditions. Il convient de préciser que les dispositions de la présente loi ne seront applicables qu'aux gardes à vue débutées à compter de la date d'entrée en vigueur de la réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La commission n’ayant pas examiné cet amendement, je m’exprime ici à titre personnel.

Cet amendement paraissant aller dans le sens d’une bonne administration de la justice, j’y suis favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 18 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, nous avons achevé la discussion des articles.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

En application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération sur l’article 7 du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je rappelle que, en vertu de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, « avant le vote sur l’ensemble d’un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement ».

Quel est l’avis de la commission sur la demande de seconde délibération ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Les dispositions de l’article 7, tel que nous l’avons voté, comportent en effet une incohérence. La commission émet donc un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, acceptée par la commission.

Il n’y a pas d’opposition ?...

La seconde délibération est ordonnée.

La commission est-elle prête à rapporter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Nous allons procéder à la seconde délibération.

Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Le Sénat a précédemment adopté l’article 7 dans cette rédaction :

Après le même article 63-4, sont insérés quatre articles 63-4–1 à 63-4-4 ainsi rédigés :

« Art. 63-4-1. – À sa demande, l'avocat peut consulter le procès-verbal établi en application du dernier alinéa du I de l'article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l'article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste. Il ne peut en demander ou en réaliser une copie. Il peut toutefois prendre des notes.

« Art. 63-4-2. – La personne gardée à vue peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations. Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d'identité, ne peut débuter sans la présence de l'avocat choisi ou commis d'office avant l'expiration d'un délai de deux heures suivant l'avis adressé dans les conditions prévues à l'article 63-3-1 de la demande formulée par la personne gardée à vue d'être assistée par un avocat. Au cours des auditions ou confrontations, l'avocat peut prendre des notes.

« Si l'avocat se présente après l'expiration du délai prévu au premier alinéa alors qu'une audition ou une confrontation est en cours, celle-ci est interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s'entretenir avec son avocat dans les conditions prévues à l'article 63-4 et que celui-ci prenne connaissance des documents prévus à l'article 63-4-1. Si la personne gardée à vue ne demande pas à s'entretenir avec son avocat, celui-ci peut assister à l'audition en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire ou à la confrontation.

« Lorsque les nécessités de l'enquête exigent une audition immédiate de la personne, le procureur de la République peut autoriser, par décision écrite et motivée, l’officier de police judiciaire à débuter l'audition sans attendre l'expiration du délai prévu au premier alinéa.

« À titre exceptionnel, l'officier de police judiciaire peut être autorisé, par décision écrite et motivée prise, selon les distinctions prévues par l’alinéa suivant, par le procureur de la République ou par le juge des libertés et de la détention, à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes.

« Le procureur de la République ne peut différer la présence de l’avocat que pendant une durée maximale de douze heures. Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l’avocat, au-delà de la douzième heure, jusqu’à la vingt-quatrième heure. Les autorisations du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention sont écrites et motivées par référence aux conditions prévues à l’alinéa précédent au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l’espèce.

« Lorsque, conformément aux dispositions des deux alinéas qui précèdent, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention a autorisé à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, il peut également, dans les conditions et selon les modalités prévues par ces alinéas, décider que l'avocat ne pourra, pour une durée identique, consulter les procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue.

« Art. 63-4-3. – L'audition ou la confrontation est menée sous la direction de l'officier ou de l'agent de police judiciaire qui peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe, s'il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d'un autre avocat.

« À l'issue de chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste, l'avocat peut poser des questions. L'officier ou l'agent de police judiciaire ne peut s'opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête [ ]. Mention de ce refus est portée au procès-verbal.

« À l'issue de chaque entretien avec la personne gardée à vue et de chaque audition ou confrontation à laquelle il a assisté, l'avocat peut présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées en application du premier alinéa. Celles-ci sont jointes à la procédure. L'avocat peut adresser ses observations, ou copie de celles-ci, au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue.

« Art. 63-4-4. – Sans préjudice de l'exercice des droits de la défense, l'avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu'il assiste, ni des informations qu'il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations. »

L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Remplacer les mots :

l'officier de police judiciaire à débuter l'audition

par les mots :

sur demande de l'officier de police judiciaire, que l'audition débute

II. - Alinéa 6

Remplacer les mots :

l'officier de police judiciaire peut être autorisé, par décision écrite et motivée prise, selon les distinctions prévues par l'alinéa suivant, par le procureur de la République ou par le juge des libertés et de la détention, à différer la présence de l'avocat lors des auditions

par les mots :

sur demande de l'officier de police judiciaire, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention, selon les distinctions prévues par l'alinéa suivant, peut autoriser, par décision écrite et motivée, le report de présence de l'avocat lors des auditions

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

L’adoption de cet amendement paraît indispensable au Gouvernement pour rendre le texte totalement cohérent et lever un certain nombre de contradictions entre divers alinéas de l’article 7.

Seul un officier de police judiciaire peut placer une personne en garde à vue ; jamais un agent de police judiciaire ne peut prendre une telle décision.

Aux termes de l’article 15 du code de procédure pénale, la police judiciaire est composée notamment des officiers de police judiciaire et des agents de police judiciaire, l’article 14 explicitant le rôle des uns et des autres. Quant à l’article 20, il détermine la mission des agents de police judiciaire.

Dans l’esprit du Gouvernement, il est tout à fait clair que c’est l’officier de police judiciaire qui dirige l’enquête. Il peut être assisté d’un agent de police judiciaire, qui peut procéder à des auditions sous sa responsabilité et son contrôle.

Cette répartition des tâches est absolument indispensable au bon déroulement des enquêtes, puisque l’on compte 163 000 agents de police judiciaire pour seulement 53 000 officiers de police judiciaire dans la police et la gendarmerie nationale.

Il est donc indispensable que la rédaction de l’article 7 du projet de loi, relatif à la possibilité de report de l’intervention de l’avocat, ne donne pas l’impression que seuls les OPJ pourront désormais procéder à des auditions, d’autant que d’autres dispositions du texte prévoient le contraire.

Il convient, cependant, d’indiquer clairement que le report de l’intervention de l’avocat ne peut être demandé au procureur de la République que par un officier de police judiciaire, et jamais par un agent de police judiciaire. C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 12 en matière de criminalité organisée.

La demande sera faite par un officier de police judiciaire. L’autorisation sera donnée par un magistrat, du parquet ou du siège selon le cas. Si l’autorisation est donnée, l’audition pourra être réalisée par l’OPJ ou, sous sa direction et son contrôle, par un agent de police judiciaire.

L’article 7 doit donc être réécrit dans ce sens. Tel est l’objet de l’amendement que je vous ai présenté au nom du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. Mézard et moi portons la responsabilité de cette seconde délibération…

En effet, c’est à la suite de la réécriture de l’article 7 que j’ai proposée à la commission qu’il a été fait référence à l’agent de police judiciaire. M. Mézard a ensuite suggéré de supprimer cette mention, relevant, sans doute à juste titre, qu’une certaine confusion naissait de cette rédaction. Dès lors, le texte issu des travaux de la commission prêtait à confusion quant aux prérogatives des uns et des autres dans la conduite de la garde à vue.

Je pense que l’amendement du Gouvernement permet de clarifier les choses. Il rappelle sans ambiguïté que seul l’officier de police judiciaire peut décider le placement en garde à vue, sans méconnaître le fait que l’agent de police judiciaire peut conduire une audition, comme le dispose l’article 20 du code de procédure pénale.

En tout état de cause, le déroulement de la mesure est placé sous le contrôle du procureur de la République et, dans la nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement, c’est bien l’officier de police judiciaire qui apparaît comme celui qui dirige la garde à vue.

À titre personnel, j’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° A-1.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce qui m’inquiète, c’est moins la nouvelle rédaction proposée pour les alinéas 5 et 6 de l’article 7 que l’objet de l’amendement.

Il ne faudrait pas que le rôle et les pouvoirs des agents de police judiciaire soient modifiés. L’article 20 du code de procédure pénale dispose que « les agents de police judiciaire n’ont pas qualité pour décider des mesures de garde à vue ». Nous sommes d’accord sur ce point.

Il est aussi question de l’agent de police judiciaire à l’article 62 du même code, dont le quatrième alinéa précise que « les agents de police judiciaire désignés à l’article 20 peuvent également entendre, sous le contrôle d’un officier de police judiciaire, toutes personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits en cause ».

Il ne faudrait pas que, par suite, les agents de police judiciaire, qui ne peuvent réaliser que certains actes sous le contrôle des officiers de police judiciaire, sortent de leur rôle.

Or l’objet de l’amendement fait mention d’une « pratique courante » : « il est prévu, depuis toujours, que les agents de police judiciaire, qui secondent les officiers de police judiciaire dans leurs enquêtes, peuvent procéder à des auditions, y compris celles des personnes placées en garde à vue, conformément aux dispositions de l’article 20 du code de procédure pénale ».

Je salue la subtilité du rédacteur de ce texte, mais je crois que cette rédaction marque un glissement progressif non pas vers le plaisir, mais vers l’attribution de pouvoirs accrus aux agents de police judiciaire !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je crois que nous sommes au fond assez d’accord, monsieur Mézard, sur le contenu de l’amendement.

Les propos que je tiens devant le Sénat m’engagent. Or je crois avoir été particulièrement clair sur les pouvoirs respectifs de l’officier de police judiciaire et de l’agent de police judiciaire : le patron, c’est l’officier de police judiciaire, qui est secondé par l’agent de police judiciaire ; c’est ce que dit, ni plus ni moins, l’article 20 du code de procédure pénale. Les agents de police judiciaire sont des adjoints, des subordonnés de l’OPJ. Ils travaillent sous sa responsabilité et sous son autorité.

L'amendement est adopté.

L'article 7 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cette réforme, monsieur le garde des sceaux, a été imposée à la chancellerie, dans les conditions que nous savons.

Elle lui a d’abord été imposée par de nombreuses décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, qui ont longtemps été traitées par le dédain.

Elle lui a surtout été imposée, d’une façon beaucoup plus contraignante, par la décision du Conseil constitutionnel.

Elle lui a enfin été imposée par trois arrêts de la Cour de cassation. Vous ne pouviez alors plus vous dérober, monsieur le garde des sceaux, sauf à vous exposer à une série de nullités de gardes à vue. Il fallait réformer !

Mais toutes ces hésitations laissent le sentiment que vous réformez a minima, voire à reculons : deux pas en avant, un pas en arrière, comme un danseur de tango…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est la première fois que l’on me dit cela !

Sourires .

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Les trois points de divergence entre nous que nous avions évoqués au début de la discussion du texte subsistent, les débats n’ayant pas permis de les lever.

Tout d’abord, nous regrettons l’insuffisance du pouvoir du juge judiciaire. Nous restons fidèles à l’idée que le juge judiciaire est le gardien des libertés, même si l’on peut discuter sur la notion d’autorité judiciaire. En tout état de cause, nous sommes partisans d’un renforcement du rôle du juge des libertés et de la détention.

Ensuite, nous estimons qu’il fallait fixer, en matière de placement en garde à vue, un seuil de peine d’emprisonnement. En l’état, le texte prévoit simplement que, pour pouvoir être placée en garde à vue, la personne devra être soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement. Là aussi, nous sommes en retard par rapport à d’autres pays européens : le principe de proportionnalité s’applique en Allemagne, des seuils de peine d’emprisonnement de deux ans et de cinq ans respectivement ont été instaurés en Italie et en Espagne. Nous déplorons cette situation.

Enfin, à propos de l’article 11, vous trouvez que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Pour notre part, nous soutenons que tout suspect doit disposer de droits. Or, à cet égard, ce texte marque un recul dans la mesure où, hors de la garde à vue, le suspect ne pourra pas accéder à un avocat ni même savoir pendant combien de temps il pourra être retenu selon sa « libre volonté »…

Je voudrais maintenant formuler l’interrogation suivante, avec une certaine gravité : quel est le sens du vote que nous allons émettre ?

Comme il convient dans une matière judiciaire, nous avons examiné les deux plateaux de la balance.

Sur l’un des plateaux, il y a un certain nombre de points positifs : par exemple, l’intervention de l’avocat, le fait qu’il est nécessaire que personne mise en cause encoure une peine d’emprisonnement pour pouvoir être placée en garde à vue ou celui que cette mesure soit assortie de droits. Nous constatons ces progrès, même si nous les jugeons insuffisants.

Sur l’autre plateau, nous voyons, outre les trois divergences dont je viens de parler, l’inconstitutionnalité et l’inconventionnalité de ce texte, qui apparaîtront dans les années à venir.

Sur ce plateau pèse également un risque majeur, qu’il vous appartiendra peut-être de corriger, celui d’une garde à vue à double vitesse : l’une pour les riches, qui pourront se faire assister d’un avocat, et l’autre pour les pauvres, privés d’avocat pour la simple raison que le budget de l’aide juridictionnelle est insuffisant, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter.

Ayant bien observé les deux plateaux de la balance, nous avons pris une décision.

Nous avons réclamé, pendant des années, que l’avocat soit présent lors de la garde à vue, et n’effectue pas une simple « visite de courtoisie », pour reprendre une expression entendue. Cette présence de l’avocat, elle nous a été refusée durant tout ce temps. Aujourd’hui, alors que nous obtenons enfin gain de cause, nous ne pouvons pas voter purement et simplement contre ce texte ; c'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je ne reprendrai pas les éléments brillamment développés par mon collègue Alain Anziani. Je regretterai pour ma part le fait que ce projet de loi relatif à la garde à vue ne tire en en rien les conséquences des exigences conventionnelles et constitutionnelles qui s’imposent à la France et qui lui ont trop souvent valu d’être condamnée.

La majorité s’obstine à soumettre le contrôle et le renouvellement des mesures de garde à vue au procureur de la République, alors même qu’elle reconnaît volontiers que le Parquet français n’est pas indépendant.

Monsieur le garde des sceaux, vous ne souhaitez pas que le juge judiciaire, en particulier le juge des libertés et de la détention, garant du respect des libertés individuelles, puisse exercer ce rôle qui doit pourtant lui revenir d’office. Or, sans une véritable indépendance du Parquet, il ne peut y avoir de modification de fond et la réforme de la garde à vue ne saurait devenir une réalité.

Par ailleurs, le texte reste frileux sur le rôle dévolu à l’avocat durant la procédure de garde à vue et ne donne pas pleinement à ce dernier la place qui doit être la sienne en vue d’assister son client. Il ne permet pas à la personne gardée à vue de bénéficier d’une assistance et d’une défense effectives. La France se singularisera donc, une fois plus, par le non-respect des exigences issues de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le projet de loi est donc, selon nous, très insuffisant. Nous l’avons souligné, ces « insuffisances » seront, de surcroît, souvent inapplicables en pratique.

En effet, l’absence de seuil déclencheur aura inéluctablement pour conséquence l’augmentation du nombre de gardes à vue, que nous voulions pourtant diminuer ! De plus, elle portera atteinte aux droits de la personne gardée à vue. Je persiste à penser que cette dernière est, selon vous, non pas un présumé innocent, mais bien un présumé coupable.

Il est aussi prévu que le placement en garde à vue puisse intervenir dès que l’on soupçonne une personne d’avoir commis, ou tenté de commettre, un délit ou un crime puni d’une peine d’emprisonnement. Pour ma part, je continue à contester le placement en garde à vue de personnes soupçonnées d’infractions mineures, et donc toutes ces procédures abusives et excessives que nous observons aujourd’hui.

Nos débats n’auront malheureusement pas permis l’adoption d’amendements progressistes, lesquels tendaient pourtant à améliorer un texte largement insuffisant. En effet, il ne nous est proposé qu’une réforme a minima.

C’est pourquoi les sénateurs et sénatrices écologistes s’abstiendront ; mais, je tiens à le souligner, il s’agit d’une abstention négative, qui, je l’espère, permettra d’enclencher à l’avenir une véritable dynamique en faveur d’un changement de fond !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le garde des sceaux, vous avez fait cette réforme sous la contrainte, au terme d’une longue période durant laquelle vos prédécesseurs et vous-même avez opposé une résistance maximale à la nécessité de mettre notre droit en conformité avec les exigences européennes, puis constitutionnelles. Les explications alambiquées que vous nous avez livrées tout au long de ce débat ont montré combien vous résistiez à votre propre projet de loi !

Le résultat est une réforme a minima, bien éloignéede ce que nous pouvions espérer. Pourtant, un jour ou l’autre, vous serez bien obligé de confier le contrôle de la garde à vue au juge des libertés et de la détention. Vous avez usé de multiples contorsions pour nous expliquer ce que nous savons déjà, à savoir que le procureur de la République était un magistrat. Tout cela est bel et bon pour les débats de salon ! Mais le problème n’est pas là...

Si le procureur de la République est contesté en tant que contrôleur de la garde à vue, c’est naturellement parce qu’il est à la fois soumis au pouvoir exécutif et partie prenante dans le déroulement de l’instruction. Aussi, les arguments que vous vous êtes efforcé de développer ne nous ont pas convaincus.

M. le garde des sceaux s’entretient avec M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous avons tenté de vous convaincre qu’il fallait limiter la garde à vue aux infractions punies au minimum de trois ans d’emprisonnement, mais vous n’avez absolument pas voulu en entendre parler. C’est pourtant le seul moyen de réduire le nombre de gardes à vue, car, aujourd'hui, l’emprisonnement est pratiquement devenu la loi commune, même pour le moindre petit délit !

La seule concession que vous ayez faite concerne la présence de l’avocat dès le début de la garde à vue. Vous vous êtes toutefois empressé, lors de la présentation du projet de loi puis à l’occasion de chacune de vos interventions, de l’assortir de nombreuses dérogations et conditions. Vous avez même présenté un amendement tendant à réduire de deux à une heure le délai durant lequel les services de police doivent attendre l’avocat. Autrement dit, ce dernier aurait eu à peine le temps d’arriver. Vous avez ainsi montré que vous agissiez sous la contrainte, mais que vous étiez loin d’être convaincu du bien-fondé de la réforme, qui ne vous plaît pas.

Quant aux moyens, n’en parlons pas ! Ils sont insuffisants, alors même qu’il faudrait revoir les obligations pesant sur l’avocat et mettre fin à l’humiliation de la garde à vue en nous préoccupant notamment de l’état des locaux que certains d’entre nous connaissent bien pour les avoir visités. À défaut d’un effort important en ce sens, la réforme restera théorique. Si l’on ajoute qu’il n’est pas prévu de mentionner les conditions du déroulement de la garde à vue, on peut en conclure que tout cela restera lettre morte.

Monsieur le garde des sceaux, vous nous mettez dans un grand embarras ! Indéniablement, vous avez été contraint à accepter la présence de l’avocat. Nous reconnaissons cette avancée. Dans le même temps, le projet de loi ne nous satisfait pas du tout. Je suis mécontente, en particulier, qu’aucun de nos amendements n’ait été pris en compte, alors que certains d’entre eux étaient tout à fait acceptables, y compris de votre point de vue.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Nous en avons retenu deux !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Un seul amendement, et encore, cela ne mangeait pas de pain...

Quoi que vous en disiez, même les amendements tendant à sauvegarder le respect de la dignité des personnes ont été rejetés !

Nous allons donc nous abstenir – je ne sais s’il faut parler d’abstention négative –, car, si nous rejetions l’avancée que représente la présence de l’avocat lors de la garde à vue, une mesure attendue depuis si longtemps, nous risquerions de ne pas être compris.

Le texte nous reviendra en deuxième lecture, et nous verrons bien ce qu’il en sera. Je suis convaincue, pour ma part, que vous serez obligé de vous conformer de façon beaucoup plus précise aux préconisations européennes, ce que vous refusez pour l’instant. Vous vous justifiez en arguant que les procureurs français sont des magistrats. Ce raisonnement ne tient absolument pas !

Un seul petit pas sur la Lune a bouleversé l’humanité. Votre texte représente certes aussi un petit pas, mais, nous le vérifierons rapidement, il ne bouleversera pas le droit de la garde à vue. À ce stade, nous allons donc nous abstenir.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, après s’être concerté, le groupe du Rassemblement démocratique, social et européen, unanimement, s’abstiendra sur ce projet de loi.

Monsieur le garde des sceaux, cette abstention n’est ni positive ni négative. Elle résulte d’un constat : le texte marque, nous l’avons dit dès le début, un progrès par rapport à la situation existante, mais ce progrès vous a été imposé tant par le Conseil constitutionnel et la chambre criminelle de la Cour de cassation que par la jurisprudence européenne.

Nous avons bien vu d’ailleurs, au cours de cet exercice, que le Gouvernement jouait à contre-emploi. En effet, cette avancée partielle détone parmi les multiples textes sécuritaires dont la majorité nous abreuve – et il semble que ce ne soit pas terminé ! – à longueur de mois.

Ce texte vous ayant été imposé par les décisions que je viens de rappeler, sur nombre de dispositions, vous avez avancé à reculons : vous ne pouviez pas faire autrement, mais vous vous en seriez bien passé ! Il suffit de nous remémorer les explications qui nous étaient données voilà quinze ou seize mois, lors des débats que nous avions engagés sur ce sujet au sein de notre assemblée, pour nous convaincre que l’exécutif n’avait pas du tout envie de voir aboutir ce projet de loi rapidement et qu’il le défendait du bout des lèvres.

Le projet de loi que nous nous apprêtons à voter pose donc un certain nombre de problèmes qui ne sont pas réglés. Il comporte aussi, disons-le très loyalement, quelques avancées, comme la présence de l’avocat durant la garde à vue et la reconnaissance de la nécessité de diminuer le nombre de gardes à vue, un objectif fondamental que nous partageons et qui justifie les efforts de tous. Avec 800 000 gardes à vue par an, la situation était devenue insupportable.

Mais ce texte sera extrêmement difficile à appliquer, car des disparités se feront jour selon les territoires de la République. Ainsi sa mise en œuvre sera-t-elle plus facile à Paris et dans les grandes métropoles que dans nombre de territoires ruraux. Et dire que vous vous acharniez à ne laisser qu’une heure à l’avocat pour arriver sur les lieux de la garde à vue... §l’objet d’un amendement du Gouvernement ! Monsieur le garde des sceaux, vous avez ensuite réitéré cette proposition, manifestant ainsi votre refus d’appliquer des dispositions que nous souhaitions tous !

Le problème de l’aide juridictionnelle, pourtant bien réel, a jusqu’à présent été éludé. Nous savons pourtant que le texte créera une justice à deux ou trois vitesses. Ce sont malheureusement nos concitoyens les plus démunis qui auront le plus de mal à être correctement défendus.

Vous ne pourrez pas non plus, à l’avenir, faire l’économie d’un débat sur le statut du Parquet au regard des libertés fondamentales. Vous l’avez évité pour l’instant, mais il faudra bien y venir.

Enfin, en refusant les amendements des uns et des autres relatifs à l’intervention et au contrôle du juge des libertés et de la détention, vous continuez inéluctablement à créer de l’insécurité juridique. Là encore, il faudra bien vous résoudre à changer d’attitude, même si cela prendra du temps.

Ce texte démontre, à l’évidence, que vous n’êtes pas allé au bout du chemin. En refusant de réserver la garde à vue aux infractions punissables d’au moins trois ans d’emprisonnement – seul moyen de diminuer le nombre de procédures –, vous n’avez pas fait le bon choix, car vous avez montré de façon évidente combien votre démarche était incohérente.

Certes, on nous a dit qu’il n’y aurait plus de garde à vue pour les infractions routières ; nous verrons dans quelles conditions cette mesure sera mise en œuvre.

Tous ces éléments mènent à un bilan en demi-teinte par rapport aux objectifs fondamentaux qui avaient été fixés.

En effet, ce texte n’était pas le bienvenu pour le Gouvernement et sa politique. Par conséquent, monsieur le garde des sceaux, vous n’avez pas voulu prendre les dispositions qu’auraient nécessitées non seulement les jurisprudences du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, mais aussi les attentes de nos concitoyens, qui veulent à juste raison que soient garanties à la fois la liberté et la sécurité.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous venons d’examiner n’a été élaboré qu’à la suite de plusieurs avertissements lancés par la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de cassation et d’une prise de position du Conseil constitutionnel claire et impérative pour le Gouvernement.

Certes, il n’est pas parfait : un certain nombre d’amendements déposés par plusieurs collègues en vue de préciser ou de compléter des dispositions du texte issu des travaux de la commission n’ont pas été retenus.

Mais force est de le reconnaître : même sans l’adoption d’amendements dont l’objet, dans bien des cas, descendait dans un niveau de détail ne relevant pas nécessairement de la loi ou dénotait une méfiance assez forte, avouons-le, à l’égard des officiers de police judiciaire, le texte qui sera soumis au vote de la Haute Assemblée dans quelques instants, amendé et enrichi par les débats parlementaires à l’Assemblée nationale comme au Sénat, constitue une évolution en profondeur incontestable de la procédure de garde à vue dans notre pays.

Je n’évoquerai que quelques illustrations de cette avancée.

L’audition libre, tant décriée, a disparu : aucun individu ne sera placé en garde à vue s’il n’est pas suspecté de faits pour lesquels il encourt une peine d’emprisonnement, c’est-à-dire de faits d’une réelle gravité. La personne placée en garde à vue ne pourra plus être interrogée sur les faits qui lui sont reprochés sans qu’un délai de carence de deux heures, prévu précisément pour lui garantir l’assistance d’un avocat, se soit écoulé ou que l’avocat soit arrivé entre-temps. Le respect de la dignité humaine est clairement inscrit dans la loi. Il sera désormais impossible de condamner une personne sur la base de déclarations qu’elle aurait faites sans avoir pu préalablement s’entretenir avec son avocat.

On pourrait toujours ajouter d’autres dispositions d’encadrement de la procédure. Peut-être serons-nous d’ailleurs amenés à compléter le texte dans quelques années.

Il faut cependant garder à l’esprit, comme le dit un dicton populaire que le législateur oublie un peu trop souvent, que le mieux est l’ennemi du bien. N’allons pas trop loin dans les détails au risque de paralyser la procédure et faisons confiance aux officiers de police judiciaire pour utiliser à bon escient les nouvelles modalités de la garde à vue dont il convient de rappeler, une fois encore, qu’elles sont créatrices de droit pour la personne interpellée.

Monsieur le garde des sceaux, il est vrai que le Gouvernement devra dégager les crédits nécessaires pour que de telles dispositions puissent être mises en œuvre dans de bonnes conditions sur l’ensemble du territoire.

M. le garde des sceaux acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Dans l’immédiat, les sénateurs du groupe Union centriste voteront ce projet de loi, qui constitue incontestablement une avancée importante et positive de notre procédure pénale. À cet égard, je tiens d’ailleurs à remercier la commission des lois, et notamment M. Zocchetto de la qualité de son rapport écrit.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, sans répéter tous les arguments qui ont été évoqués pour saluer l’avancée incontestable du droit que représente ce texte, je rappellerai seulement quelques points.

Nous achevons ce soir un exercice très difficile, aussi difficile que celui qui consiste à rendre la justice, parce qu’il s’agit de trouver un équilibre. Je reprendrai au vol la démonstration de notre collègue Alain Anziani, en m’appuyant comme lui sur la parabole de la balance.

Mes chers collègues, si les progrès obtenus au niveau des droits de la défense sont considérables, c’est justement parce qu’ils ne se limitent pas uniquement à la présence de l’avocat.

Deux types de progrès ont été accomplis.

Tout d’abord, avant même l’arrivée de l’avocat, des dispositions du texte contribuent à améliorer les droits de la personne mise en garde à vue : la notification de tous ses droits, anciens et nouveaux, l’intervention du médecin dans des conditions différentes, le fait que la force probante des procès-verbaux dépendra de la venue ou de l’assistance de l’avocat, le fait de préciser au gardé à vue, avant l’arrivée de l’avocat, qu’il peut se taire.

Ensuite, il faut nous féliciter de l’arrivée de l’avocat dès le début de la garde à vue, pendant les auditions, auxquelles celui-ci pourra participer afin de concourir dans une certaine mesure à la manifestation de la vérité. La personne gardée à vue ne sera plus seule. Il était important de mettre un terme à une solitude qui pouvait ravager les droits des individus lors du procès suivant la garde à vue.

En outre, le texte est en lui-même porteur de progrès nouveaux. En effet, nous n’échapperons pas à la nécessité d’une révision complète du code de procédure pénale, ne serait-ce que pour aboutir, un jour, à une enquête réorganisée et contrôlée par un juge de l’enquête et des libertés. Une telle dénomination, quelque peu différente de celle qui est employée aujourd’hui, aura peut-être pour corollaire que les magistrats prenant une décision sur la liberté d’un individu ou sur la manière de développer une enquête ne pourront plus être identifiés à la fois au commissaire Maigret et au roi Salomon.

Enfin, je vois un élément extrêmement nouveau dans la loi qui va entrer en vigueur prochainement, un élément essentiel.

On a évoqué l’égalité des chances. Un projet de loi qui a fait autant de bruit ne peut emporter l’adhésion populaire s’il laisse penser que ses dispositions ne visent que l’intérêt des personnes gardées à vue, des suspects, des présumés innocents qui risquent de devenir coupables. Pour que nos concitoyens adhèrent à une réforme de cette importance, il faut qu’ils sentent que l’égalité des armes a été instituée. C’est précisément ce qu’opère le présent projet de loi car, pour la première fois dans un texte relatif à la garde à vue, les victimes sont mentionnées et se voient octroyer des droits équivalents.

Monsieur Anziani, vous avez utilisé tout à l’heure l’image de la balance, en pesant le pour et le contre, en soulignant les avancées que vous jugiez positives et les dispositions sur lesquelles vous étiez plus hésitant. Les membres du groupe UMP et moi-même estimons en revanche que le résultat de la pesée est identique de chaque côté : il y a des avancées pour les droits des suspects et pour ceux des victimes. En ce sens, la balance de la justice est parfaitement équilibrée et, sur les deux plateaux le bilan est positif.

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe UMP votera donc ce texte !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je tiens tout d’abord à remercier les présidents de séance qui se sont succédé au plateau pendant la discussion de ce texte, M. le président de la commission des lois, M. le rapporteur et les fonctionnaires du Sénat. Je remercie en outre l'ensemble des sénatrices et des sénateurs qui ont fait vivre ce débat marqué par des échanges de grande qualité.

Nos travaux ont permis d’aboutir à un texte. Je ne prétends pas que celui-ci est gravé dans le marbre et qu’il ne sera jamais modifié : une loi répond à une situation précise à un moment donné et évolue au gré des changements de la société.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai soutenu ce texte sans contrainte. Ceux qui me connaissent peuvent en témoigner. Je suis convaincu que le présent texte comporte des progrès et je vous remercie toutes et tous, une fois encore, de votre contribution !

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 9 mars 2011, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Rapport de Mme Colette Giudicelli, rapporteur pour le Sénat (318, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 319, 2010-2011).

2. Suite de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (n° 65 rectifié, 2010-2011).

Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (294, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 295, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures cinquante-cinq.