Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 8 mars 2011 à 14h30
Garde à vue — Article 11

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

L'article 11, dont la rédaction actuelle ne manquera pas de provoquer nombre de difficultés, est particulièrement important sur le plan du principe. C’est pourquoi nous souhaitons sa suppression.

Très concrètement, de quoi s’agit-il ?

L’article 11 prévoit que l’article 61 du code de procédure pénale est complété par les quatre premiers alinéas de l’article 62, qui ont fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel.

En fait, cet article 11 pose, en partie, et en partie seulement, le problème déjà rencontré avec l’audition libre que, très sagement, M. le garde des sceaux a ôtée du texte.

Encore une fois, nous constatons que le diable se cache dans les détails : cet article 11 reprenant littéralement quatre des alinéas de l’article 62 du code de procédure pénale désormais intégrés au nouvel article 61 et l’article 62 étant lui-même complété, on aboutit à la reconstitution au moins partielle de la procédure de l’audition libre, c’est-à-dire en pratique la possibilité pour l’officier de police judiciaire de maintenir à sa disposition durant une durée limitée ici à quatre heures une personne sans que celle-ci dispose du moindre droit. Or ce sont ces motifs qui ont conduit à la dénonciation de l’audition « libre », en réalité une audition contrainte, dénuée de toute garantie.

Cette reconstitution partielle de l’audition libre, par la reprise des quatre premiers alinéas de l’article 62, permet ainsi à l’officier de police judiciaire de « contraindre à comparaître par la force publique, avec l’autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n’ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu’elles ne répondent pas à une telle convocation ».

Le dernier alinéa de l’article 62 dispose que « les personnes à l’encontre desquelles il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition ».

On peut donc continuer à auditionner pendant plusieurs heures une personne contrainte de rester à disposition des enquêteurs, mais sans aucune garantie, sauf si sont adoptés les amendements que nous avons prévus pour la suite de cette procédure.

Je vois dans la rédaction de cet article 11 la preuve de l’urgence avec laquelle il a fallu réagir à la décision du Conseil constitutionnel, mais on est allé vraiment trop vite et, encore une fois, la rédaction nécessitera, à mon avis, d’être modifiée dans les mois ou les années à venir.

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