Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 8 mars 2011 à 14h30
Garde à vue — Article 12

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

La logique veut que l’on lève toute restriction au droit, pour la personne appréhendée, d’accéder à un avocat. Certes, il s’agit ici d’infractions graves, mais la personne risque de rester en garde à vue beaucoup plus longtemps que dans le régime de droit commun.

Nous considérons que la gravité d’une infraction supposée ne peut justifier que la personne placée en garde à vue voie limité l’exercice de ses droits. Une récente affaire de terrorisme supposée, celle de Tarnac, a montré que la qualification juridique des faits est d’une importance capitale, puisqu’elle conditionne immédiatement le régime juridique dont bénéficie la personne privée de liberté. À cet égard, toute erreur dans la qualification initiale des faits, qu’elle soit involontaire ou, pire, volontaire, même si cela ne concerne qu’une infime minorité de cas, n’est donc pas anodine : elle peut emporter des conséquences dangereuses.

Encore une fois, la garde à vue ne peut être un pré-jugement. Il est trop facile de prononcer le mot « terrorisme » pour assouplir les obligations de l’enquête, quand bien même cela reste, fort heureusement, l’exception.

On peut toutefois appliquer ce raisonnement à beaucoup d’autres infractions. L’article 706-73 du code de procédure pénale en vise dix-sept, qui vont du meurtre en bande organisée au trafic de stupéfiants, en passant par la fabrication de fausse monnaie ou l’association de malfaiteurs. Il ne s’agit pas de minimiser la gravité de ces infractions, mais nous savons tous très bien que les qualifications retenues pour justifier une interpellation sont parfois extensives.

Quoi qu’il en soit, même si la qualification juridique est adéquate, toute personne ainsi placée en garde à vue doit bénéficier des mêmes droits qu’une autre, y compris en matière d’assistance effective de l’avocat en vue de préparer sa défense. Il n’est pas raisonnable de donner à penser que la présence d’un défenseur pourrait altérer le travail des enquêteurs, comme si ces derniers avaient quelque chose à cacher.

Non seulement les trois alinéas visés ne satisfont pas aux principes élémentaires de la défense d’une personne privée de liberté, mais, de surcroît, dès lors que les dispositions suivantes prévoient que les avocats seront choisis sur une liste déterminée à l’avance afin de garantir le respect de la déontologie, il est normal que les personnes gardées à vue dans le cadre des régimes dérogatoires puissent bénéficier de l’assistance d’un avocat.

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