La Cour européenne des droits de l’homme reconnaît également leur bien-fondé, pourvu qu’ils soient assortis d’un contrôle judiciaire effectif, ce qui est le cas des régimes dérogatoires français, puisqu’ils prévoient l’intervention du juge des libertés et de la détention à partir de la quarante-huitième heure de la garde à vue. On se souviendra que la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas fixé de délai maximal pour l’intervention du juge, mais qu’elle a indiqué, dans diverses décisions, qu’un délai de quatre jours lui paraissait pertinent.
J’ajoute enfin qu’avec les dispositions figurant dans le projet de loi, le report de l’intervention de l’avocat ne sera plus automatique, mais devra être justifié au cas par cas, en fonction des circonstances de l’espèce.
Il me semble donc que ces régimes dérogatoires sont entourés de garanties réelles. Par ailleurs, leur suppression risquerait de nuire considérablement à l’efficacité des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées ou de terrorisme.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 50.
Les amendements n° 52 et 134 rectifié tendent à supprimer la possibilité de différer l’intervention de l’avocat dans le cadre des régimes dérogatoires.
Le projet de loi prévoit d’ores et déjà qu’un tel report ne sera plus automatique, mais devra être justifié au cas par cas en fonction des circonstances de l’espèce, conformément aux principes dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme et par la Cour de cassation dans ses arrêts du 19 octobre 2010.
Selon la Cour de cassation, l’intervention de l’avocat ne peut être différée qu’en considération de « raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce ». Le projet de loi prévoit que l’intervention de l’avocat ne pourra être différée que sur décision écrite et motivée d’un magistrat.
Je rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Salduz contre Turquie de novembre 2008, admet que l’assistance d’un avocat puisse être soumise à des restrictions, à condition que ce soit « pour des raisons valables ».
Le projet de loi présente des garanties suffisantes au regard des exigences posées par la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de cassation, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
L’amendement n° 97 tend à confier au juge des libertés et de la détention la compétence pour autoriser le report de l’intervention de l’avocat. Le texte soumis au Sénat prévoit déjà que le juge des libertés et de la détention devient compétent au-delà de la vingt-quatrième heure de garde à vue, délai bien inférieur aux quatre jours évoqués par la Cour européenne des droits de l’homme. L’avis de la commission est donc défavorable.
La commission avait émis un avis favorable sur l’amendement n° 135 rectifié bis, qui a été depuis sous-amendé par le Gouvernement. Cet amendement tend à confier aux conseils de l’ordre des barreaux le soin d’établir des listes d’avocats habilités à intervenir en matière d’affaires de terrorisme. Nous sommes tous convenus de la nécessité d’établir de telles listes, tout avocat ne pouvant pas intervenir dans de tels dossiers.
Dans le souci de trouver un compromis avec la position affirmée assez vivement par l’Assemblée nationale, qui entendait confier cette mission au seul Conseil national des barreaux, le Gouvernement a proposé une rédaction qui me paraît susceptible d’être acceptée. J’exprime toutefois cette position à titre personnel, puisque le sous-amendement du Gouvernement n’a pas été soumis à la commission.
Si ce sous-amendement est adopté, le bureau du Conseil national des barreaux établira, selon des modalités qui seront fixées par décret en Conseil d’État, une liste nationale d’avocats habilités, sur propositions des conseils de l’ordre, qui sont compétents en matière disciplinaire. Il me semble que nous pouvons souscrire à cette réécriture de l’amendement présenté par M. Mézard.
J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 135 rectifié bis et le sous-amendement n° 181.
Enfin, les auteurs de l’amendement n° 51 souhaitent que les dispositions de droit commun relatives à la dignité des personnes gardées à vue soient applicables aux régimes dérogatoires. Cela va de soi : bien évidemment, en l’absence de dispositions contraires, ce qui vaut pour le droit commun de la garde à vue s’applique également aux régimes dérogatoires.
Si cet amendement était adopté, a contrario, les garanties données aux gardés à vue dans les régimes dérogatoires risqueraient d’être inférieures à celles qui sont accordées aux gardés à vue dans le régime de droit commun. Par conséquent, madame Mathon-Poinat, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 51, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.