Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je ne reprendrai pas les éléments brillamment développés par mon collègue Alain Anziani. Je regretterai pour ma part le fait que ce projet de loi relatif à la garde à vue ne tire en en rien les conséquences des exigences conventionnelles et constitutionnelles qui s’imposent à la France et qui lui ont trop souvent valu d’être condamnée.
La majorité s’obstine à soumettre le contrôle et le renouvellement des mesures de garde à vue au procureur de la République, alors même qu’elle reconnaît volontiers que le Parquet français n’est pas indépendant.
Monsieur le garde des sceaux, vous ne souhaitez pas que le juge judiciaire, en particulier le juge des libertés et de la détention, garant du respect des libertés individuelles, puisse exercer ce rôle qui doit pourtant lui revenir d’office. Or, sans une véritable indépendance du Parquet, il ne peut y avoir de modification de fond et la réforme de la garde à vue ne saurait devenir une réalité.
Par ailleurs, le texte reste frileux sur le rôle dévolu à l’avocat durant la procédure de garde à vue et ne donne pas pleinement à ce dernier la place qui doit être la sienne en vue d’assister son client. Il ne permet pas à la personne gardée à vue de bénéficier d’une assistance et d’une défense effectives. La France se singularisera donc, une fois plus, par le non-respect des exigences issues de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le projet de loi est donc, selon nous, très insuffisant. Nous l’avons souligné, ces « insuffisances » seront, de surcroît, souvent inapplicables en pratique.
En effet, l’absence de seuil déclencheur aura inéluctablement pour conséquence l’augmentation du nombre de gardes à vue, que nous voulions pourtant diminuer ! De plus, elle portera atteinte aux droits de la personne gardée à vue. Je persiste à penser que cette dernière est, selon vous, non pas un présumé innocent, mais bien un présumé coupable.
Il est aussi prévu que le placement en garde à vue puisse intervenir dès que l’on soupçonne une personne d’avoir commis, ou tenté de commettre, un délit ou un crime puni d’une peine d’emprisonnement. Pour ma part, je continue à contester le placement en garde à vue de personnes soupçonnées d’infractions mineures, et donc toutes ces procédures abusives et excessives que nous observons aujourd’hui.
Nos débats n’auront malheureusement pas permis l’adoption d’amendements progressistes, lesquels tendaient pourtant à améliorer un texte largement insuffisant. En effet, il ne nous est proposé qu’une réforme a minima.
C’est pourquoi les sénateurs et sénatrices écologistes s’abstiendront ; mais, je tiens à le souligner, il s’agit d’une abstention négative, qui, je l’espère, permettra d’enclencher à l’avenir une véritable dynamique en faveur d’un changement de fond !