Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous venons d’examiner n’a été élaboré qu’à la suite de plusieurs avertissements lancés par la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de cassation et d’une prise de position du Conseil constitutionnel claire et impérative pour le Gouvernement.
Certes, il n’est pas parfait : un certain nombre d’amendements déposés par plusieurs collègues en vue de préciser ou de compléter des dispositions du texte issu des travaux de la commission n’ont pas été retenus.
Mais force est de le reconnaître : même sans l’adoption d’amendements dont l’objet, dans bien des cas, descendait dans un niveau de détail ne relevant pas nécessairement de la loi ou dénotait une méfiance assez forte, avouons-le, à l’égard des officiers de police judiciaire, le texte qui sera soumis au vote de la Haute Assemblée dans quelques instants, amendé et enrichi par les débats parlementaires à l’Assemblée nationale comme au Sénat, constitue une évolution en profondeur incontestable de la procédure de garde à vue dans notre pays.
Je n’évoquerai que quelques illustrations de cette avancée.
L’audition libre, tant décriée, a disparu : aucun individu ne sera placé en garde à vue s’il n’est pas suspecté de faits pour lesquels il encourt une peine d’emprisonnement, c’est-à-dire de faits d’une réelle gravité. La personne placée en garde à vue ne pourra plus être interrogée sur les faits qui lui sont reprochés sans qu’un délai de carence de deux heures, prévu précisément pour lui garantir l’assistance d’un avocat, se soit écoulé ou que l’avocat soit arrivé entre-temps. Le respect de la dignité humaine est clairement inscrit dans la loi. Il sera désormais impossible de condamner une personne sur la base de déclarations qu’elle aurait faites sans avoir pu préalablement s’entretenir avec son avocat.
On pourrait toujours ajouter d’autres dispositions d’encadrement de la procédure. Peut-être serons-nous d’ailleurs amenés à compléter le texte dans quelques années.
Il faut cependant garder à l’esprit, comme le dit un dicton populaire que le législateur oublie un peu trop souvent, que le mieux est l’ennemi du bien. N’allons pas trop loin dans les détails au risque de paralyser la procédure et faisons confiance aux officiers de police judiciaire pour utiliser à bon escient les nouvelles modalités de la garde à vue dont il convient de rappeler, une fois encore, qu’elles sont créatrices de droit pour la personne interpellée.
Monsieur le garde des sceaux, il est vrai que le Gouvernement devra dégager les crédits nécessaires pour que de telles dispositions puissent être mises en œuvre dans de bonnes conditions sur l’ensemble du territoire.