Monsieur le sénateur Jean-Jacques Mirassou, le rapport de la commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques, présidée par l’historien André Kaspi, a été remis au Gouvernement le 12 novembre 2008, à l’issue d’une année de réflexion et de larges consultations effectuées au sein du monde combattant.
J’ai d’ailleurs moi-même participé à la séance lors de laquelle a été rendu public ce rapport, que j’ai transmis à l’ensemble des parlementaires et des responsables d’associations.
Ce rapport est intéressant à bien des égards, même si, comme vous le savez déjà, nous n’en avons pas repris toutes les conclusions. Il a mis en exergue plusieurs phénomènes préoccupants parmi lesquels figurent l’augmentation significative du nombre de commémorations nationales entre 1999 et 2003 et, parallèlement, la désaffection relative du public vis-à-vis des commémorations nationales.
Alors que six grandes dates avaient été créées par le législateur ou le Gouvernement entre 1880 et 1999, six nouvelles dates sont venues enrichir notre calendrier commémoratif en l’espace de quatre ans, portant ainsi le nombre total de ces commémorations à douze.
Il convient d’ajouter – vous l’avez d’ailleurs fait – que certaines associations, appuyées par des membres du Parlement, sollicitent aujourd’hui du Gouvernement la création de nouvelles dates commémoratives nationales, afin d’honorer notamment le souvenir des combats de l’Armée d’Afrique ou marquer l’importance historique de la première réunion du Conseil national de la Résistance le 27 mai 1943, rue du Four, à Paris. D’autres revendications existent, notamment en ce qui concerne la guerre d’Algérie, qui toutes méritent attention.
J’en profite d’ailleurs pour vous dire, anticipant la conclusion de ma réponse, que beaucoup de dates sont aujourd’hui commémorées et qu’elles le sont souvent de manière officielle, parfois très large, sans avoir la dénomination de commémoration nationale. Bien plus de douze dates sont commémorées chaque année, ce qui est d’ailleurs très heureux, certaines le sont sur le plan local ou régional, d’autres ont un écho national.
La tendance haussière qui s’exprime a été relevée par la commission Kaspi, qui s’est inquiétée de ce phénomène d’« inflation mémorielle », c’est son expression, non la mienne ; je considère que chaque fois que des personnes veulent commémorer un événement, une tragédie, un combat, c’est un point de vue qui doit être respecté.
Cela dit, le phénomène d’organisation de manifestations ouvertes largement au public et les difficultés que nous rencontrons sur le terrain – je suis moi-même maire – sont une réalité que vous avez d’ailleurs vous-même soulignée. C’est dans ce contexte que la commission Kaspi - c’est l’un des apports positifs de son travail - a formulé un certain nombre de recommandations, visant, d’une part, à mieux valoriser les commémorations les plus fédératrices de notre communauté nationale, le 8 mai, le 14 juillet, le 11 novembre – personne ne nie l’importance de ces dates, ce n’est pas créer une hiérarchie que de le dire – et, d’autre part, à renouveler les rites commémoratifs afin de pérenniser et de renouveler le public assistant à ces commémorations.
C’est un sujet que je connais puisque, que dans ma commune, j’ai initié, après plusieurs tentatives mitigées, un renouvellement de ces pratiques en y associant davantage les jeunes générations, à travers des associations comme le Souvenir Français et les écoles.
Le 11 novembre dernier, pour la première fois, j’ai pu constater combien il était possible d’intéresser les jeunes à ces événements – ils ont été des centaines à y participer -, dès lors qu’un certain nombre d’enseignants sont motivés. Par là même, cela permet de renouveler l’attention du public et de donner, pour la grande satisfaction du monde combattant, une autre dimension, plus pédagogique, à ces manifestations, faisant davantage le lien entre les événements qui sont commémorés et les enjeux d’aujourd’hui. Cette démarche, à laquelle vous avez fait allusion dans votre propos, est aussi celle de la commission Kaspi.
En tout cas, le Gouvernement a clairement affirmé qu’il n’était pas dans son intention de supprimer, ni même de hiérarchiser, les grandes commémorations nationales aujourd’hui existantes. Il n’est pas non plus dans ses intentions d’introduire une forme de concurrence des mémoires en direction de quiconque. Le rôle du Gouvernement est, au contraire, de valoriser tous les pans de notre mémoire nationale, sans exclusive, en s’assurant également de la bonne transmission de ces mémoires en direction des jeunes générations, j’y faisais allusion à l’instant.
Telle est l’orientation donnée par le Gouvernement à sa politique de mémoire, dans le respect de l’engagement des générations passées et dans l’intérêt civique des générations futures.
Je pense avoir été extrêmement clair lors de la publication du rapport Kaspi en novembre dernier en écartant d’emblée tout motif d’inquiétude, comme je l’avais d’ailleurs déjà fait dans le cadre des polémiques qui avaient précédé cette publication. Ces interrogations resurgissent effectivement aujourd’hui après que le rapport Kaspi a été diffusé dans un certain nombre de réunions d’anciens combattants. Pour autant, c’est un débat intéressant.
Tout ce qui pouvait être dit pour rassurer le monde combattant a été exprimé très clairement, a même été répété par le Président de la République le 11 novembre dernier.
Gardons du rapport Kaspi le meilleur, c’est-à-dire les propositions visant à la fois à renforcer certaines très grandes commémorations nationales et à valoriser la démarche mémorielle dans le cadre de commémorations qui n’ont pas le caractère national qu’ont les douze commémorations auxquelles je faisais allusion tout à l’heure.