Intervention de Rachida Dati

Réunion du 3 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Rachida Dati, garde des sceaux :

Il ne doit pas masquer la réalité de notre situation pénitentiaire : une forte surpopulation carcérale, des établissements vétustes, des actes de violence commis en détention.

Devant l’urgence de cette situation, le Gouvernement a mis en œuvre, dès le mois de mai 2007, une politique dynamique en faveur des prisons. Elle s’appuie sur cinq axes majeurs.

Pour renforcer l’état de droit en prison, nous avons instauré un contrôle indépendant de la détention. Tout le monde le réclamait depuis dix ans et le président Hyest avait d’ailleurs fait d’excellentes propositions à ce sujet. Le Gouvernement a souhaité agir rapidement en faisant adopter la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté. J’ai souhaité créer un contrôleur aux compétences plus larges que celles qui avaient été initialement prévues, pour tous les lieux de privation de liberté. Enfin, nous avons voulu une mise en place rapide de cette autorité indépendante.

Pour lutter contre la surpopulation carcérale et améliorer les conditions de détention, nous avons construit de nouvelles places de prison. Tous nos engagements ont été tenus en la matière : nous avons ouvert 2 800 places en 2008 et nous en ouvrirons 5 130 en 2009. Il s’agit d’aboutir à 63 000 places en 2012.

Pour lutter contre la récidive, nous avons développé les aménagements de peine. Depuis le mois de mai 2007, les résultats obtenus sont très encourageants, puisque ces aménagements ont progressé de 34 %.

Nous veillons aussi à ce que les détenus soient mieux suivis : aujourd’hui, 3 800 personnels d’insertion et de probation travaillent à améliorer leur réinsertion.

Dans le même temps, nous avons développé le recours au bracelet électronique. Actuellement, 3 730 condamnés sont placés sous surveillance électronique, soit une progression de 40 % en un an. À la fin de l’année 2009, 5 000 bracelets électroniques seront disponibles.

Pour améliorer la prévention du suicide en détention, j’ai demandé à un groupe d’experts, au mois de novembre dernier, de dresser un bilan des actions déjà engagées et de proposer des mesures concrètes. Ces mesures sont en cours d’examen et donneront lieu à un nouveau plan d’action contre le suicide, en collaboration avec le ministère de la santé.

Enfin, pour que l’administration pénitentiaire exerce pleinement ses missions, le Gouvernement lui a accordé de nouveaux moyens. En 2009, le budget de cette direction progresse de 4, 1 % et 1 264 postes sont créés.

Cet effort budgétaire s’accompagne d’une revalorisation du statut des personnels. C’est la juste reconnaissance de leur travail.

Comme vous pouvez le voir, le Gouvernement n’est pas resté inactif pour améliorer les conditions de détention.

II faut maintenant engager une action sur le long terme et c’est l’objet du texte qui vous est soumis aujourd’hui.

La dernière loi pénitentiaire remonte à 1987. Durant la campagne pour l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy a souhaité que notre pays se dote d’une loi fondatrice pour les prisons. C’est la mission qui m’a été confiée.

Le projet de loi pénitentiaire a été élaboré dans un esprit de concertation. Un comité d’orientation restreint a été mis en place dès le 11 juillet 2007. Les organisations syndicales pénitentiaires et les associations professionnelles ont été associées à ses travaux. Le projet de loi a également été examiné par la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Le texte dont vous débattez aujourd’hui a largement évolué depuis son adoption en conseil des ministres.

Pour la première fois, nous discutons sur la base du projet de loi gouvernemental amendé par votre commission des lois.

Je salue, à cette occasion, le travail de fond qui a été accompli par le rapporteur Jean-René Lecerf. Cette procédure a contribué à enrichir le débat parlementaire. Je me réjouis également de la richesse des échanges entre le Gouvernement et la commission des lois, qui a permis d’aboutir à un accord sur l’essentiel du texte. En effet, la commission des lois a adopté plus d’une centaine d’amendements, dont l’immense majorité a été acceptée par le Gouvernement.

Dans le cadre de cette nouvelle pratique parlementaire, il m’appartient de vous présenter les grandes ambitions du projet gouvernemental et de vous rappeler les points auxquels le Gouvernement est particulièrement attaché.

La loi pénitentiaire n’a pas pour finalité de désengorger les prisons. Elle est conçue pour mieux prendre en charge les détenus, pour mieux préparer la réinsertion et pour prévenir la récidive. Elle répond à l’intérêt tout entier de la société et repose sur cinq objectifs complémentaires et essentiels pour une véritable modernisation de l’institution pénitentiaire.

Le premier objectif consiste à clarifier les missions du service public pénitentiaire.

La réinsertion des détenus et la lutte contre la récidive deviennent deux missions prioritaires pour l’administration pénitentiaire.

Le projet de loi précise que la mission de réinsertion s’effectue en liaison avec les autres services de l’État. Nous savons tous que l’intervention des services de la santé, de l’éducation nationale et des collectivités territoriales est fondamentale. Votre rapporteur a également souligné l’action positive des délégués du Médiateur auprès des détenus.

Le deuxième objectif est une meilleure reconnaissance des personnels.

Les conditions d’exercice des personnels ont profondément évolué au cours des dernières années. Leur métier est difficile et leur dévouement exemplaire. Pour renforcer leur autorité et définir leur champ d’action, le texte de loi prévoit l’élaboration d’un code de déontologie, une prestation de serment et la création d’une réserve pénitentiaire. Cette dernière s’adresse à des personnels volontaires retraités de l’administration pénitentiaire et dispose désormais d’une assise juridique.

Par leur expérience et leur savoir-faire, ces agents contribuent au renforcement de la sécurité des palais de justice.

Le troisième objectif consiste à garantir les droits des détenus.

Le projet de loi pose un principe simple : l’état de droit ne s’arrête pas aux portes des prisons.

L’exercice des droits ne peut être restreint que dans la seule limite imposée par la sécurité ou le maintien de l’ordre au sein des établissements pénitentiaires.

Les droits dont l’exercice en détention exige de déroger aux règles législatives de droit commun sont énumérés dans notre texte : la domiciliation à l’établissement pénitentiaire, le maintien des liens familiaux, le droit au travail ou le droit à l’insertion, par l’enseignement et la formation. Ce sont des droits fondamentaux qui seront mis en œuvre et qui ont toute leur place dans un texte de niveau législatif.

Ce principe de portée générale sera décliné, s’agissant des autres droits, dans un décret.

Le quatrième objectif est une clarification des régimes de détention.

Le principe constitutionnel de l’individualisation de la peine existe. Le projet de loi pose le principe législatif de l’individualisation de l’exécution de la peine.

Il s’agit d’individualiser les régimes de détention et de mieux encadrer les pouvoirs de l’administration pénitentiaire en matière de discipline et de fouille.

L’individualisation des régimes de détention se fera en fonction de la personnalité du détenu, de sa dangerosité et de ses efforts de réinsertion. Un bilan de personnalité sera réalisé lors du passage de la personne nouvellement écrouée dans le quartier arrivant. L’inscription dans la loi de cette pratique permet de garantir l’individualisation de la prise en charge de la personne détenue.

Le cinquième objectif consiste à prévenir la récidive avec les aménagements de peines.

C’est l’enjeu essentiel de ce texte. La prison est une sanction nécessaire, mais elle doit être utilisée comme ultime recours. Une peine d’emprisonnement doit pouvoir être exécutée en dehors de la prison.

Le projet de loi pénitentiaire offre de nouvelles perspectives. Le nombre de condamnés qui pourront prétendre à un aménagement de peines sera élargi ; le placement sous bracelet électronique pour les détenus en fin de peine sera prévu ; la procédure sera simplifiée pour la rendre plus efficace.

Le projet de loi pénitentiaire comporte également un dispositif destiné à limiter le recours à la détention provisoire grâce à l’assignation à résidence avec placement sous surveillance électronique pour les prévenus.

De nombreux amendements ont été adoptés en commission ou déposés par les groupes. Certains améliorent considérablement le texte d’origine. Je pense en particulier à l’instauration d’une obligation d’activité pour les détenus ou la prise en compte de la confidentialité de leurs documents personnels pour leur propre sécurité.

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