Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 3 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur :

C’est vrai ! Cependant, sur ce point, les choses sont claires, mon cher collègue !

Parmi les modifications majeures introduites par la commission des lois, on peut notamment citer l’institution d’une obligation d’activité pour les personnes détenues avec, pour corollaire, la possibilité pour les plus démunis d’obtenir une aide en numéraire et la reconnaissance d’un droit d’expression sous la forme d’une consultation sur les activités qui leur sont proposées.

La commission des lois a, en outre, très strictement encadré les fouilles, en rappelant, en particulier, que le recours aux fouilles intégrales n’est possible que si les autres moyens d’investigation, moins attentatoires à la dignité de la personne, notamment par voie de contrôles électroniques, s’avèrent insuffisants.

Quant aux investigations corporelles internes – qu’en termes galants ces choses-là sont dites, mes chers collègues ! –, elles seront désormais proscrites, sauf impératif spécialement motivé, et elles ne pourront alors être réalisées que par un médecin requis à cet effet et qui, si l’amendement présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est adopté, ne participera pas aux soins en milieu carcéral.

La commission des lois a également renforcé les garanties reconnues aux détenus menacés de sanctions disciplinaires en prévoyant la présence d’une personne extérieure à l’administration pénitentiaire au sein de la commission de discipline et en ramenant la durée maximale de placement en cellule disciplinaire en cas de violence contre les personnes à trente jours, contre quarante-cinq aujourd’hui.

Elle a étendu à tous les détenus le bilan d’évaluation prévu au début de l’incarcération et réservé dans le projet de loi aux seuls condamnés, afin de donner les meilleures chances au temps de la détention d’être un temps utile.

Elle a encore prévu une évaluation de chaque établissement pour peines au regard de ses résultats en matière de récidive, afin que soit mieux mesuré l’impact des conditions de détention sur les chances de réinsertion.

Mais nous aurons l’occasion, au fil de la discussion des articles, d’évoquer les cent sept amendements qui, sur l’initiative des membres de la commission des lois et de moi-même, ont modifié de nombreuses dispositions du projet de loi.

Avec le texte qui vous est proposé, mes chers collègues, c’est le Parlement qui reprend la main sur l’organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires, alors que le droit de la prison relève pour l’essentiel aujourd’hui de mesures réglementaires, voire de circulaires.

Chacun s’accorde enfin à reconnaître que, puisque l’article 34 de la Constitution réserve à la loi la fixation des règles concernant les garanties fondamentales accordées au citoyen pour l’exercice des libertés publiques, c’est au législateur qu’il appartient éventuellement de limiter les droits et garanties du détenu autres que sa liberté d’aller et venir. Ne nous y trompons pas : ce changement est considérable et l’on s’en rendra compte rapidement !

Je terminerai en insistant sur l’importance toute particulière que le Sénat se doit d’accorder à cette réforme. La Haute Assemblée s’est toujours totalement impliquée dans les combats pour les libertés individuelles et publiques et pour la dignité humaine : nous sommes donc au cœur de la spécificité de notre message.

Le président du Sénat, M. Gérard Larcher, a visité mardi dernier, à mes côtés, la prison de Lille-Loos avant d’animer une table ronde des personnels pénitentiaires, médicaux, éducatifs et des associations œuvrant en milieu carcéral. Je tiens à le remercier de ce geste symbolique, qui montre bien que, près de dix ans après le rapport Hyest-Cabanel « Prisons : une humiliation pour la République », le Sénat livre le même combat et entend bien cette fois le gagner.

Cette ambition impose aussi que les Français s’approprient les prisons de la République. Pour cela, il convient de repousser la tentation du secret et de l’opacité pour les exigences de la transparence.

Je suis convaincu que la presse doit pouvoir entrer dans les prisons pour y faire son métier d’information. Elle ne relatera que ce qu’elle verra. Dans le pire des cas, ses reportages seront un aiguillon pour remédier plus vite aux problèmes du quotidien ; dans le meilleur des cas, elle rapportera des confidences telles que celle que m’avait faite un jeune détenu dans un établissement pénitentiaire pour mineurs : « Quand je suis entré ici, je venais d’un quartier mineurs où la prison était un temps mort. En quelques mois, j’ai appris à lire et à écrire. »

Enfin, je cite M. Robert Badinter : « Rien n’est possible, lorsque l’on parle de transformation du monde pénitentiaire, si l’on ne fait pas fonctionner de concert la condition des détenus et celle des personnels qui œuvrent dans les prisons ». Cette exigence, nous l’avons bien à l’esprit, et je tiens à souligner le dévouement et le professionnalisme des personnels pénitentiaires dans le contexte difficile que nous traversons.

Notre collègue député M. Christophe Caresche écrivait en 2006, sans doute en référence à la citation de Camus que je rappelais tout à l’heure : « Si l’on juge une démocratie au sort réservé à ses prisonniers, alors nous sommes probablement plus près de la barbarie que de la civilisation ».

Même si je ne partage pas l’extrême sévérité de ce jugement, ce qui seul m’importe, c’est que, demain, ces propos n’intéressent plus que les historiens, tant ils seront étrangers à nos prisons du XXIe siècle.

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