Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 3 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, de Victor Hugo à Paul Amor en 1945, un long et difficile parcours humaniste a fait supprimer les bagnes et les travaux forcés, instaurer la libération conditionnelle, placer le reclassement social des condamnés au centre de la peine privative de liberté.

Après l’abolition de la peine de mort, de la perpétuité réelle, après les lois Badinter de 1983-1985, après la création des services d’insertion et de probation, comment notre pays en est-il arrivé, au XXIe siècle, à être montré du doigt pour l’état de ses prisons ?

Le constat est sévère et, depuis longtemps, des voix s’élèvent pour appeler les politiques à se ressaisir et à reconnaître enfin les détenus comme des sujets de droits.

Aujourd’hui, hélas ! on est loin de l’esprit qui prévalait en 1945 ; on est loin de la commission d’enquête sénatoriale sur les prisons françaises qui proposait de se garder « de tout parti pris », qui constatait « que la situation dans les prisons était la résultante d’une absence de politique d’envergure et de réformes chaotiques imposées aux gouvernements successifs par les circonstances » et voulait engager « des investigations approfondies ».

Le sentiment général est qu’il s’agit d’un projet de loi a minima, voire régressif sur certains points. Il est d'ailleurs hautement significatif que la majorité de la commission des lois ait adopté, sous l’impulsion de notre rapporteur, une centaine d’amendements qui tentent de l’améliorer.

Vous aviez annoncé, madame la ministre, une loi « fondamentale », mot qui figure dans l’exposé des motifs de votre projet de loi. Or vous donnez plutôt l’impression de vous résigner à ce que votre texte soit conforme a minima aux règles européennes qui nous sont pourtant imposées : il est muet sur le sens de la peine et sur les principes fondamentaux qui guident votre réforme. Cette lacune n’a pas échappé à notre rapporteur, qui a ajouté un article sur le sens de la peine pour tenter de formuler les objectifs du service public pénitentiaire.

Vous pouvez dire que la gauche n’a pas fait plus ! C’est vrai : le précédent gouvernement de gauche n’a pas eu le courage nécessaire et a renoncé au projet élaboré sous la responsabilité de Mme Lebranchu, alors garde des sceaux.

Mais disons-le très nettement : si les rapports parlementaires étaient alarmants en 2000, depuis, la situation s’est considérablement détériorée.

En 1999, à la veille de la publication du rapport de notre assemblée qualifiant les prisons d’« humiliation pour la République » - ces termes ont été maintes fois cités, mais je les reprends, car ils sont significatifs - il y avait en prison 53 000 personnes. Elles sont aujourd'hui 64 000 et l’administration pénitentiaire avance le chiffre de 80 000 en 2012.

Le gouvernement actuel et sa majorité font preuve d’une véritable schizophrénie, répondant aux consignes d’un Président de la République qui s’est nourri des doctrines de l’administration Bush : tolérance zéro, contrôle serré des populations, « gène de la délinquance », enfermement dès douze ans, une logique poussée à son paroxysme avec la rétention de sûreté.

Vous avez beau jeu, chers collègues de la majorité, de vous lamenter sur la condition pénitentiaire quand vous avez voté toutes les lois conduisant à un accroissement du nombre des incarcérations et à l’allongement des peines, que ce soit l’aggravation des qualifications des actes, les « peines plancher », les limites concernant les peines alternatives et les libérations conditionnelles.

Près de sept ans de matraquage médiatique et politique sur la délinquance ont orchestré une constante aggravation pénale, surfant sur le triptyque « peur-victime-répression ».

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