Intervention de Marie-Thérèse Hermange

Réunion du 3 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Photo de Marie-Thérèse HermangeMarie-Thérèse Hermange :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi s’ouvre dans un contexte difficile. Aussi, je tiens à rendre hommage à votre courage, madame la ministre. Je salue également l’engagement de notre rapporteur, Jean-René Lecerf, son humanité, son obstination ; le président Nicolas About s’est aussi beaucoup investi dans ce projet de loi, comme peuvent en témoigner les membres de la commission des affaires sociales.

L’institution pénitentiaire a été mise au cœur de l’actualité en ce mois de janvier 2009, durant lequel nos prisons ont connu onze suicides de détenus, pour des raisons psychologiques et affectives, parce que la prison est considérée comme un temps mort, un temps d’absence définitive de la société. Avec quinze suicides pour 10 000 personnes détenues, la France connaît l’un des taux les plus élevés d’Europe.

Mais ces actes désespérés ne doivent pas seulement soulever des interrogations sur le fonctionnement du « monde carcéral », comme nous l’appelons, expression d’ailleurs inappropriée, qui illustre bien le malaise que suscite ce que nous considérons comme un « autre monde ». Celui-ci relève non pas d’une galaxie inconnue, mais bien de notre société, concentrant de façon cruciale nombre de ses caractéristiques et, naturellement, de ses faiblesses.

Ces faiblesses, ce sont nos impossibilités à prendre soin des autres lorsqu’ils ne se situent pas dans notre champ de vision. Ainsi en est-il des personnes atteintes de troubles mentaux. Nous, familles et État, ne savons pas nous y prendre avec elles. Alors, nous les conduisons en prison.

Ces faiblesses, ce sont aussi les séquelles que laisse la prison sur ceux qui ont séjourné en ce lieu de misère psychologique, sociale et affective, qui dit l’absence d’amour ; ces séquelles se nomment violence, drogue, dépression et maladies.

Certes, le droit de la prison s’est progressivement structuré autour d’objectifs tels que la resocialisation des personnes détenues, au-delà des considérations d’ordre et de sécurité. Mais certaines règles, bien que reconnues, sont parfois difficiles à mettre en œuvre, même si la politique menée depuis plusieurs années – création des unités de visite familiale et des unités hospitalières sécurisées interrégionales, projets d’établissements pour mineurs, unités hospitalières spécialement aménagées – permet de développer la prise en charge de publics spécifiques et de progresser pour allier sécurité et respect des droits de l’homme.

Il s’avère aujourd’hui d’une façon criante que la fracture du lien entre l’hôpital et la prison n’est pas encore ressoudée et que la préparation du détenu à sa sortie de prison n’est pas assurée.

Le présent projet de loi vise à permettre une meilleure prise en compte de la situation actuelle. Cependant, il m’a paru opportun, après Nicolas About, d’attirer votre attention sur les deux points essentiels que constituent la prise en charge médicale des détenus et leur réinsertion.

Qu’il soit condamné à six mois, deux ans ou trente ans de prison, nous devons garder à l’esprit le fait que le détenu est une personne qui a vocation à reprendre vie au sein de la société.

Comme l’a souligné Nicolas About, la manière dont l'État prend en charge la santé des détenus est révélatrice de l’attention que notre société prête à ses membres les plus faibles et de sa volonté de leur offrir la possibilité de retrouver une place en son sein, voire tout simplement d’en trouver une.

Si la prise en charge des soins somatiques en prison est, dans l’ensemble, efficace, les soins psychiatriques souffrent d’un manque de moyens. Est-il normal, madame la ministre, que des psychiatres recrutés à plein temps dans nos prisons ne semblent pas y exercer l’intégralité de leur service ?

Est-il normal que les soins ne soient pas garantis le week-end ou la nuit en raison de l’absence de surveillants disponibles, voire du refus d’alerter les services compétents en raison d’une mauvaise évaluation de l’urgence ?

En matière de prise en charge de pathologies mentales, les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2006, déjà, le Comité national consultatif d’éthique a exprimé sa préoccupation quant au taux de pathologies psychiatriques, qui est vingt fois plus élevé en prison qu’au sein de la population dans son ensemble !

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