Intervention de Alain Fouché

Réunion du 3 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Photo de Alain FouchéAlain Fouché :

Il s’agit de tout mettre en œuvre pour éviter l’incarcération, en développant les alternatives et en multipliant les aménagements de peines.

En matière correctionnelle, il est certain que l’emprisonnement ferme constitue une sanction qui ne doit être prononcée qu’en ultime recours et que, dans le même esprit, la libération conditionnelle doit être, aussi souvent que possible, préférée aux réductions de peine, tant il est primordial d’éviter les « sorties sèches ».

En effet, la réussite de la réinsertion est tout entière conditionnée par les modalités d’exécution de la peine. Dès lors, il est indéniable que nous devons prendre à bras-le-corps le problème de la surpopulation pénale, que les peines plancher ont accentué.

Certes, la surpopulation est réelle, mais il faut rappeler l’effort constant d’un certain nombre de gardes des sceaux de la majorité, depuis bientôt trente ans, pour construire de nouvelles places de prison.

Trois programmes ont été successivement mis en œuvre. Le programme Chalandon a permis la création de 13 000 places de détention avec la construction de vingt-cinq établissements. Certes, à l’époque, les maisons d’arrêt n’étaient pas construites à proximité des hôpitaux psychiatriques, ce qui n’est plus le cas aujourd'hui. Le programme Méhaignerie a permis de créer 4 000 places, avec la construction de six établissements. Enfin, sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, a été prévue la construction d’une quinzaine d’établissements pénitentiaires – elle est en cours ; l’établissement qui se trouve près de ma commune est presque terminé – et de sept établissements pour mineurs.

Parallèlement, au sein des établissements existants, un programme d’accroissement des capacités a permis de créer, entre 2003 et le mois de juin 2008, près de 1 600 places de détention.

Ce n’est pas suffisant, mais des progrès ont été réalisés ; les chiffres sont irréfutables. C’est en poursuivant et en amplifiant cette orientation que nous répondrons au besoin de sécurité de la collectivité et à l’impérieuse nécessité d’humaniser nos prisons.

Si je me félicite, en tant que professionnel mais aussi en tant qu’humaniste, de l’objectif de réinsertion affiché par ce texte, je ne perds cependant pas de vue que ce dernier ne peut s’appliquer ni à tous, ni de la même façon. À l’optimisme de la réinsertion s’opposera toujours un pessimisme à l’égard des personnes « inamendables ». Et, ne nous leurrons pas, il nous faudra toujours des prisons, mais qui soient adaptées et dignes de ce nom.

À cet égard, madame le garde des sceaux, je considère que l’encellulement individuel doit rester une priorité. Certes, des assouplissements doivent être possibles, en fonction de la personnalité du détenu. Mais l’on sait très bien que tout ne peut pas se faire en un jour ! Il faut incontestablement se donner les moyens. Dans cet esprit, le rapporteur préconise, s’agissant du travail et de la formation des personnes détenues ou de leur sécurité, un régime de responsabilité sans faute de l’État pour tout décès en détention qui serait la suite d’une agression commise par un autre détenu. La même logique des moyens prévaut pour le statut des personnels pénitentiaires.

Il faut encore se donner les moyens pour garantir l’effectivité des droits reconnus aux détenus. Ce projet de loi est porteur, en la matière, de grandes avancées, et c’est heureux, qu’il s’agisse du droit à la communication, des visites et du maintien des liens familiaux, notamment avec le développement des unités de vie familiale. Il en va de même du droit disciplinaire, dont les principes fondamentaux sont désormais élevés au niveau législatif.

À cet égard, j’insisterai plus particulièrement sur la nécessaire limitation des fouilles corporelles, réalisées parfois dans des conditions indignes. De telles fouilles sont aussi effectuées dans les commissariats, dans le cadre de placements en garde à vue. Comme le disait M. Badinter, les détenus sont des êtres humains et doivent être traités en tant que tels, comme vous et moi, mes chers collègues.

Enfin, je conclurai sur la délicate question de l’administration des soins en prison, que le président de la commission des affaires sociales a excellemment analysée et dans le détail.

La prison ne peut être une zone de non-droit et ne saurait être une zone de non-soin.

On lit, dans certains journaux, des chiffres extravagants sur le nombre de détenus dits « malades mentaux ». Ces données ne sont pas tout à fait exactes. Voilà quelques jours, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec le professeur Senon, psychiatre bien connu, homme exceptionnel qui travaille à Poitiers. Il m’a indiqué qu’aujourd’hui 4 % à 7 % des malades décomptés dans nos prisons sont des schizophrènes et des psychotiques, …

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion