Des projets de loi dont nous attendions l’examen ont disparu corps et biens de l’ordre du jour parlementaire : le projet de loi de programmation militaire, ni discuté ni voté ; le projet de loi pour la sécurité intérieure, pas même déposé devant le Parlement ; le projet de loi sur la gendarmerie, à moitié voté, si je puis dire, et à moitié discuté… Et le Gouvernement déclare presque toujours l’urgence, cette ennemie du bicamérisme !
On fait « comme si » : comme si le processus parlementaire avait été mené à son terme, comme si les lois avaient été votées, comme si le Gouvernement respectait le Parlement ! Faire « comme si » est devenu la méthode d’un gouvernement parasité par une agitation oublieuse de nos institutions.
Les conseillers du Président de la République gambadent à travers tout le paysage audiovisuel français, portant la voix du maître. Ils remplacent les ministres, prennent le temps d’expliquer ce que les membres du Gouvernement eux-mêmes ne savent pas !
Quand les conseillers font défaut, ce qui arrive souvent – ils ne peuvent pas être partout ! – on mande les médiateurs, qui iront, ici et là, colmater les brèches. Exit les ministres ! C’est la confusion des rôles et des genres, au détriment de la République et de ses institutions.
C’est dans ce contexte, madame le garde des sceaux, et pour se faire expliquer ce que les ministres n’ont pas été capables d’exposer, qu’une commission du Sénat s’apprête à rencontrer Jean-David Levitte et l’amiral Édouard Guillaud, respectivement conseiller diplomatique et chef d’état-major particulier du Président de la République. Or cette rencontre – je vous le donne en mille, mes chers collègues ! – se déroulera à huis clos, et sans compte rendu.
Quelle est cette nouvelle relation qui s’instaure en catimini entre le Sénat et l’Élysée ? Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce bien aux conseillers du Président de la République de venir expliquer la politique du Gouvernement ? Quel est leur degré de responsabilité face à la représentation parlementaire ?
Voudrait-on consacrer ainsi la disparition politique des ministres et promouvoir les conseillers du Président de la République au rang d’interlocuteurs appropriés du Parlement ? Pourquoi cette curieuse précaution, le huis clos, et, surtout, l’absence de compte rendu : ces discussions doivent-elles échapper aux yeux et à l’intelligence de nos compatriotes ? Quelle étrange dérive de nos institutions !
Or nous savons que le Gouvernement, sous la forte pression du Président de la République, s’apprête à engager la France dans une dangereuse aventure politique et militaire. La réintégration totale de notre pays dans les structures de l’OTAN est condamnée, à gauche, bien sûr, mais aussi sur nombre de travées de la majorité.
Mes chers collègues, lisez les journaux : des tribunes écrites par des amis de la majorité, et non des moindres puisque l’on retrouve la signature d’Alain Juppé, expriment consternation, incompréhension et même refus devant une telle décision, qui mettrait la France et sa politique extérieure à la remorque de cette organisation, au détriment d’une défense propre à l’Europe.
Dans ce contexte, s’agissant d’un sujet d’une telle importance et d’une telle gravité pour notre pays et pour l’avenir de l’Europe, nous refusons les rencontres secrètes, qui dénaturent les relations que l’exécutif doit entretenir avec le Parlement !
Au contraire, nous réclamons que soit organisé en séance publique un débat, suivi d’un vote, …