cette motion de procédure – la seule qu’aient déposée nos collègues, qui nous avaient habitués à devoir en examiner plusieurs – a amené notre collègue Richard Yung à un brillant mais difficile exercice d’équilibre.
Comme nous, il déplore la surpopulation carcérale et les inconvénients très lourds qui en découlent. Il reconnaît que le projet de loi comporte des dispositions tout à fait pertinentes et efficaces pour lutter contre cette surpopulation et pour favoriser l’encellulement individuel, auquel la grande majorité d’entre nous est favorable.
Cependant, parce qu’il lui faut bien défendre cette motion et tenter de démontrer qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi pénitentiaire, il formule divers reproches.
Ainsi, certaines dispositions seraient très largement liées à la gestion des flux. Ce serait le cas des mesures d’octroi d’un placement sous surveillance électronique quatre mois avant la fin de l’incarcération, qui relèveraient de la « grâce électronique ».
La commission s’est donc demandé s’il était indispensable de mettre fin à la grâce présidentielle pour la remplacer par une grâce électronique. Cependant, elle avait adopté différents amendements lui permettant de s’assurer que ces divers mécanismes seraient réellement des mécanismes d’aménagement des peines, avec l’ensemble des garanties qui y sont attachées, et non des mécanismes de grâce électronique.
Sur ce point, le projet de loi me semble donc répondre aux préoccupations de M. Yung. De ce simple fait, il est difficile d’affirmer qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération !
L’autre argument avancé consiste dans l’incohérence qui caractériserait les politiques gouvernementales en matière pénale.
Mes chers collègues, cette loi n’est pas la première loi de caractère libéral dont nous ayons à discuter depuis l’élection du Président de la République et les dernières échéances législatives ! Il n’y a pas si longtemps, le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté a rassemblé une grande majorité d’entre nous, et nous avons ensuite approuvé le choix du Président de la République lorsqu’il a confié à M. Jean-Marie Delarue cette nouvelle et très importante responsabilité.
Nous ne pouvons pas non plus laisser affirmer que les lois sur les peines plancher ou sur la récidive placeraient le magistrat dans l’obligation de prononcer systématiquement des peines d’emprisonnement ferme. Il n’en est rien ! Ces textes laissent au magistrat la possibilité de prendre des décisions totalement différentes. La législation en vigueur est donc parfaitement compatible avec le statut de « dernier recours » conféré à l’emprisonnement.
Faut-il aussi rappeler l’évidence qu’imposent le bon sens et la logique : les règles qui s’appliquent aux primo-délinquants et aux récidivistes ne sont pas toujours les mêmes, et les peines prononcées à l’encontre du multirécidiviste peuvent être plus lourdes que pour le primo-délinquant ? Il suffit de rappeler qu’en 1992 il avait été fort naturellement prévu que le temps d’épreuve nécessaire avant que la libération conditionnelle puisse être décidée serait différent dans l’un et l’autre cas.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, et parce que, j’en suis convaincu, nous souhaitons tous continuer cette discussion, nous ne pouvons que rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable.