Le dispositif de rétention de sûreté a anticipé le débat sur la loi pénitentiaire, compromettant les objectifs affichés de donner plus de droits aux détenus.
Avec cette loi, dictée une fois encore par l’émotion, il s’agissait, disiez-vous, de combattre de nouveau la récidive. Or, en 2005, le taux moyen de récidive était de 2, 6 % pour les crimes – il était de 3 % en 2004 –, et la récidive de crime à crime était de 1 %.
De plus, les dispositions ne manquent pas.
La loi du 27 juin 1990 permet d’interner les malades mentaux, criminels ou non, même préventivement. Visiblement, cela ne suffisait pas puisque, le 2 décembre dernier, le Président de la République annonçait un nouveau projet de loi, qui mobilise déjà contre lui les professionnels de la psychiatrie.
Quant au code de procédure pénale, il prévoit déjà tout : suivi socio-judiciaire, bracelet électronique, surveillance judiciaire, inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles, les trois dernières mesures représentant pour le Gouvernement la panacée en matière de prévention de la récidive !
Aucun bilan de l’application de ces dispositions n’a été réalisé, on sait qu’il manque cinq cents médecins pour assurer le suivi socio-judiciaire et la prison est devenue pour des malades mentaux le seul lieu de recours. Tout cela, bien évidemment, faute de moyens !
La rétention de sûreté bafoue à la fois la justice et la psychiatrie : peine après la peine, elle nie l’exigence d’un lien de causalité entre une infraction et la privation de liberté. On enferme non plus pour un acte, mais au nom d’une dangerosité virtuelle, d’une présomption de culpabilité future. La mesure, décidée pour une année, étant renouvelable indéfiniment, le dispositif rétablit, de fait, une réclusion à perpétuité réelle.
Sont également bafoués les principes de la présomption d’innocence et de la proportionnalité des peines. Et vous avez même tenté d’en finir, madame le garde des sceaux, avec le principe de non-rétroactivité des lois.
La rétention de sûreté marque un tournant dans l’histoire récente de la santé publique : le système médical se voit confier le soin d’assurer la mise à l’écart des malades, et ce pour une durée indéterminée. La maladie mentale fait donc l’objet d’une pénalisation, comme la pauvreté en 2002…
La rétention de sûreté procède d’une logique d’élimination. Les professionnels de la psychiatrie refusent d’être les partenaires de cette politique : près de deux mille d’entre eux se sont réunis, le 7 février, pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « nuit sécuritaire ».
Chers collègues, entendons ce que dit le Comité d’orientation restreint, ne refermons pas le débat sur le sens de la peine, alors que nous débattons d’un projet de loi pénitentiaire, et revenons sur la loi du 25 février 2008, que nous avions votée dans l’urgence.