Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 3 mars 2009 à 21h45
Loi pénitentiaire — Article 1er A

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Le projet de loi initial souffrait d’une lacune évidente : le sens de la peine n’était évoqué à aucun moment. C’est pourtant ce que tout le monde attendait du Gouvernement, dans la mesure où vous disiez vous-même, madame la garde des sceaux, que vous vouliez « doter la France d’une loi fondamentale sur le service public pénitentiaire ».

Nous avons déjà relevé la contradiction entre la politique menée depuis 2002 et l’actuel projet de loi pénitentiaire. La question du sens de la peine est donc tout à fait essentielle.

Les chiffres, études et analyses démontrent tous que la peine, et la peine privative de liberté en particulier, n’a de sens que si elle s’inscrit dans une démarche non seulement de sanction du condamné, c’est une évidence, mais aussi de réinsertion de la personne.

La prison sert à éloigner temporairement le condamné de la société dont il a transgressé les règles et également de sa victime dans les cas d’atteintes aux personnes. Mais ce temps doit servir à la prise de conscience par le condamné de la transgression et lui permettre de préparer sa sortie, qui est inéluctable, puisque la perpétuité est supprimée, du moins elle l’était jusqu’à la loi sur la rétention de sûreté.

Or, en raison de l’insuffisance du nombre de conseillers d’insertion et de probation, le temps d’emprisonnement est plus souvent caractérisé par l’oisiveté que consacré à un projet de réinsertion. Comment le condamné peut-il comprendre la finalité de sa peine d’emprisonnement ?

Évidemment, l’opinion publique ne se situe pas du tout dans ce schéma : elle demande des sanctions toujours plus sévères – on l’y aide activement, d’ailleurs – et des peines d’emprisonnement plus longues, considérant, souvent à tort, que la justice française est laxiste. Ce constat ne correspond pas à la réalité, puisque les sanctions pénales, pour des faits comparables, sont beaucoup plus lourdes qu’il y a une dizaine d’années.

Cette distorsion des points de vue prouve bien que le sens de la peine n’est pas suffisamment explicité, tant dans la population qu’à destination des personnes condamnées elles-mêmes.

La question du sens de la peine n’est d’ailleurs pas récente : en 2002, la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait réalisé un important dossier sur cette question et effectué des auditions à ce sujet. Ce travail n’a apparemment pas eu l’effet escompté.

Le Gouvernement aurait dû inscrire une définition du sens de la peine dans son projet de loi initial, mais il ne l’a pas fait. Le rapporteur s’en est aperçu et a essayé de combler cette lacune, mais il a choisi une rédaction qui ne nous satisfait pas, en raison de son caractère quelque peu moralisateur et subjectif. Que signifie mener « une vie responsable » ? Au regard de quels critères l’évaluer ? D’une part, les conséquences d’un acte irresponsable peuvent être uniquement morales et, d’autre part, le fait d’avoir subi une peine privative de liberté ne garantit pas que le délinquant mène par la suite une vie « responsable ».

Quant à une vie « exempte d’infractions », l’expression est également inappropriée : le but de la réinsertion est de faire en sorte que la personne ne transgresse pas une nouvelle fois les règles régissant la société. Mais qui peut se prévaloir, même sans avoir jamais été condamné à une quelconque peine, de mener une vie « exempte d’infractions » ?

Nous proposons donc de réécrire l’article 1er A, en insistant de surcroît sur l’individualisation du régime d’exécution de la peine, nécessaire à la réussite de la réinsertion du condamné.

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