Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le texte de l’article 1er issu des travaux de la commission est sensiblement différent de celui du Gouvernement. Sans être parfait, il traduit une orientation que j’estime plus satisfaisante.
À la différence de mes collègues du groupe CRC-SPG, qui vont défendre tout à l’heure un amendement sur cet article, je m’interroge sur la raison qui poussait le Gouvernement à indiquer dans son projet de loi que le service public pénitentiaire participe à la « préparation » et à l’exécution des décisions pénales. Pour l’exécution, je comprends ; mais pourquoi la « préparation » ? N’est-ce pas plutôt de la responsabilité de l’autorité judiciaire ?
Que signifiait également la participation du service public pénitentiaire à la préparation et à l’exécution des « mesures de détention » ? Ne sont-elles pas une modalité de l’exécution des décisions pénales auxquelles l’article 1er fait référence et qui relèvent de la seule autorité judiciaire ?
Je me réjouis donc de la rédaction retenue par la commission qui, à mon sens, a très sensiblement amélioré le texte, ambigu, du Gouvernement.
La commission a également eu raison de considérer qu’il n’était pas indispensable de mentionner, dans une phrase séparée, la mission d’insertion et de probation, rappelée dès la phrase suivante, d’autant qu’elle a adopté un amendement insérant, au chapitre II, un article additionnel sur le rôle du service pénitentiaire d’insertion et de probation.
La commission a considéré à juste titre que l’individualisation et l’aménagement des peines ne concernent que les personnes condamnées et non toutes les personnes détenues. Ce point est, à mon sens, très important et j’y reviendrai dans un instant.
Par ailleurs, elle a eu la bonne idée de mentionner que le service public pénitentiaire contribue non seulement à la réinsertion des détenus, mais également à leur insertion, car certains d’entre eux n’ont malheureusement jamais été vraiment insérés dans la société. Comment réinsérer ceux qui n’ont jamais été insérés, sinon en commençant l’apprentissage à la base ?
La commission a ajouté que le service public pénitentiaire exerce ses missions dans le respect des droits des victimes. Nous allons dans le même sens.
Enfin, obligation est faite au condamné de consacrer une partie de ses ressources à la réparation du préjudice commis. Encore faut-il qu’il en ait les moyens, l’enfermement de longue durée ne lui permettant pas forcément d’indemniser sa victime.
Pour autant, le groupe socialiste propose, avec l’amendement n° 72, une définition plus rigoureuse des missions du service public. Puisque ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, nous préférerions la rédaction suivante : « Le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions pénales dans l’intérêt de la sécurité publique avec la mission essentielle d’insertion et de réinsertion des condamnés. ». Cette formule ne semble bien préférable au texte de la commission qui, malgré les améliorations que j’ai évoquées, reste très touffu.
Nous souhaitons en outre, avec l’excellent amendement n° 73, compléter l’article 1er par la phrase suivante : « Les établissements pénitentiaires doivent être gérés dans un cadre éthique soulignant l’obligation de traiter tous les détenus avec humanité et respecter la dignité inhérente à tout être humain. » Nous reprenons ainsi la règle pénitentiaire européenne 72.1, qui s’adresse, dans notre esprit comme dans celui des autorités européennes, à tous les échelons du système pénitentiaire, depuis le directeur de l’administration pénitentiaire jusqu’au plus modeste surveillant.
Néanmoins, l’article 1er dans sa totalité reste à notre sens tout aussi confus que l’article 1er de la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire.
L’article 1er, tel qu’il ressort des travaux de la commission, et à plus forte raison lorsqu’il s’agissait du texte du Gouvernement, énumère en vrac une multitude d’objectifs et de missions confiés au service pénitentiaire : participer à l’exécution des décisions pénales – c’est évident ! – ; contribuer à l’insertion ou à la réinsertion des détenus ; participer à la prévention de la récidive et à la sécurité publique ; assurer l’individualisation et l’aménagement des peines.
Le service pénitentiaire n’aura plus qu’à faire le tri parmi toutes ces tâches énumérées en vrac et à choisir ses priorités. Cela revient à lui conférer un pouvoir extraordinaire !
Mais, surtout, dans la rédaction du Gouvernement, aucune distinction n’était opérée entre personnes détenues et condamnées. C’est pourquoi on était en droit de s’interroger sur la formulation ambiguë de « préparation des décisions pénales ». La commission a d’ailleurs bien senti le problème. Qu’est-ce que le Gouvernement avait derrière la tête ? Un prévenu incarcéré est-il de ce fait préjugé coupable ? Ce serait tout à fait contraire à la présomption d’innocence. Le Gouvernement va certainement nous répondre qu’il ne s’agissait pas du tout de cela et que personne n’oserait envisager une hypothèse aussi monstrueuse. Pour autant, il se dégage de cet article un parfum de suspicion à l’égard des prévenus qui me paraît redoutable.
Une maladresse de plume aurait pu faire croire que le Gouvernement englobait aussi bien les prévenus que les condamnés : on en revient donc à s’interroger sur l’inquiétante formule de la « préparation des décisions pénales », qui, à mon sens, ne peut qu’être du ressort de l’autorité judiciaire. Il s’agit bien d’une mise en cause de la présomption d’innocence. Le sujet est immense, quand on sait que, en 2008, sur un total de 89 000 personnes entrées en détention, 58 % étaient des prévenus, et que, dans les maisons d’arrêt – une « humiliation pour la République », selon le titre du rapport du Sénat paru en 2000 – la densité carcérale est de 136 % !
Monsieur le rapporteur, vous le voyez, je ne contribue pas uniquement à votre béatification