Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 1er juin 2006 à 15h00
Droit de préemption et protection des locataires en cas de vente d'un immeuble — Suite de la discussion et adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme d'un long processus législatif, puisque la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a été étudiée en première lecture par le Sénat le 16 juin 2005.

Quel paradoxe ! Il nous aura fallu pratiquement un an pour parachever un texte dont l'existence tient aux désordres d'une situation créée en quelques minutes de séance publique, le 27 novembre 2002, lorsque a été institué le statut des sociétés d'investissement immobilier cotées, dont on sait qu'elles ont eu - c'est le moins que l'on puisse dire ! - un rôle essentiel dans la multiplication exponentielle des opérations décrites au fil de nos débats sur la présente proposition de loi.

Cette disposition a, en quelque sorte, ouvert la chasse aux bonnes affaires dans l'immobilier, notamment parisien, instituant une large défiscalisation, fort coûteuse pour les comptes publics, et engendrant la floraison d'un important contentieux juridique sur certains ensembles immobiliers, bien connus de tous depuis un an que nous débattons du sujet.

Quelles leçons peuvent être tirées des échanges que nous avons eus depuis un an ?

Le développement des ventes à la découpe avait motivé le dépôt de propositions de loi par plusieurs parlementaires, notamment par des membres du groupe CRC. Force est de constater, au bout d'un an de controverses, que seuls les termes de la proposition de loi Aurillac ont été retenus, aucune des idées formulées dans les propositions émanant de la gauche parlementaire n'ayant trouvé place dans le texte final qui est aujourd'hui soumis à notre vote.

La loi qui va être adoptée ne comportera pas de mise en oeuvre du permis de diviser, de droit de regard laissé aux élus locaux sur l'évolution du marché locatif et immobilier, ni de renforcement notable des droits des locataires soumis aux opérations de vente à la découpe.

En quelque sorte, tout se passe comme si l'on avait pris en compte la situation créée par le développement des transactions immobilières et la réalisation des plus-values en découlant sans souhaiter remettre plus que cela en cause son caractère intolérable au regard du droit des locataires et du droit au logement lui-même.

La loi qui sera prochainement promulguée va-t-elle ou non renforcer les droits des locataires et mettre un terme à des situations juridiques conflictuelles et complexes ? Hélas ! il est à craindre que nous ne soyons, in fine, en présence d'un texte ne faisant qu'apporter des aménagements cosmétiques au droit existant, revenant d'ailleurs pour partie sur certains des acquis de la jurisprudence favorables aux associations de défense des locataires et laissant aux opérateurs, c'est-à-dire aux sociétés foncières, toute latitude pour persévérer dans leur stratégie de spéculation, avec toutes les conséquences qui en découlent.

On peut voir une illustration de cette réalité dans le fait que la commission mixte paritaire n'a finalement pas retenu le seuil de cinq logements pour le déclenchement des quelques garanties que la proposition de loi instaure, sans remise en cause globale du processus, devons-nous le rappeler ?

Au début de la discussion, nous étions placés devant un choix politique assez clair.

Nous pouvions nous accommoder de la situation créée et ménager, par conséquent, les intérêts des investisseurs immobiliers, en évitant de mettre trop en péril l'activité du marché et en cherchant à gommer ses excès les plus significatifs.

Nous pouvions, a contrario, nous appuyer sur un renforcement des droits des locataires, créer un nouveau droit d'intervention pour les élus locaux, quitte à remettre en question le fonctionnement du marché spéculatif.

Nous devions donc choisir entre les intérêts des actionnaires de quinze sociétés foncières cotées et la préservation des droits de plusieurs milliers de familles de résidents.

Or, une fois encore, et quoi qu'en disent certains, ce sont les intérêts des quinze sociétés foncières qui auront été le plus préservés, alors même que la loi devrait être l'expression de la volonté générale et offrir des garanties aux plus vulnérables.

Sans résumer nos débats à ce positionnement de principe, ne serait-ce que pour ces raisons, nous ne pouvons que voter contre le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

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