Intervention de Dominique Braye

Réunion du 15 septembre 2009 à 14h30
Engagement national pour l'environnement — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Dominique BrayeDominique Braye, rapporteur :

S’agissant des clarifications, la commission a souhaité rappeler qu’il existait une séparation claire entre les SCOT et les PLU, les premiers n’ayant pas vocation à devenir des super PLU. Elle a également tenu à clarifier la notion de « PLU intercommunal » en rendant possibles les plans de secteurs et en donnant aux communes un droit de rejet du projet de plan intercommunal, ce qui, vous en conviendrez, constitue une garantie supplémentaire que le plan approuvé ne sera pas contraire à leurs intérêts.

Enfin, pour ce qui est des inflexions apportées au texte par la commission, je veux signaler la restriction du champ de l’habilitation à légiférer par ordonnances demandée par le Gouvernement à l’article 13.

La commission s’est également opposée à la version de l’article 14 proposée par le Gouvernement en ce qui concerne le rôle de l’architecte des Bâtiments de France dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, les ZPPAUP. La commission s’est ainsi prononcée pour le maintien – ou devrais-je dire désormais le rétablissement – de l’avis conforme, tout en proposant une réforme de la procédure de recours, comme le souhaitaient tous nos collègues.

Au total, le texte résultant des travaux de la commission de l’économie du Sénat est un texte qui, sans révolutionner le droit de l’urbanisme, accomplit un pas décisif vers l’instauration d’un urbanisme durable.

J’en viens à présent aux dispositions relatives aux déchets. Les élus locaux sont en première ligne face à cette problématique et les enjeux sont considérables, tant en termes financiers qu’en termes de santé publique. Mon expérience dans ce domaine m’en a convaincu, les efforts très importants demandés aujourd’hui aux collectivités territoriales n’ont de sens que s’ils débouchent sur des méthodes de traitement pertinentes, c’est-à-dire performantes et durables.

Je le dis clairement : il faut, monsieur le ministre d’État, en finir avec les multiples expérimentations menées depuis plus de quinze ans, parfois inspirées par des phénomènes de mode – en 1995, le tout-incinération ; aujourd’hui, le tout-méthanisation –, qui ont finalement coûté très cher à nos administrés et déçu les espoirs et les attentes des élus locaux. Il ne faut pas s’engager dans des systèmes qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité quant à l’objectif poursuivi et quant au rapport prix/efficacité.

En revanche, j’en suis aujourd’hui convaincu, le traitement optimal des déchets ne peut s’envisager que par un traitement multifilières, où l’importance de chacune de ces filières doit varier selon les particularités de nos territoires qui, vous le savez mieux que tous, mes chers collègues, sont très différentes du nord au sud ou de l’est à l’ouest de notre beau pays.

Dans ce domaine, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, il est aujourd’hui devenu impératif que le Gouvernement et toutes les instances spécialisées, au premier rang desquelles naturellement l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, mettent en place, pour les collectivités locales et les élus – qui sont souvent amenés à prendre à court terme des décisions importantes – des systèmes d’aide à la décision pour améliorer la valorisation des ordures ménagères, afin d’éviter que les collectivités locales ne s’engagent, comme cela a parfois été le cas, dans des impasses technologiques, véritables gouffres financiers dont les victimes sont une fois de plus les contribuables locaux.

À cet égard, il est important d’affirmer que la valorisation énergétique et l’enfouissement demeureront des solutions encore incontournables pendant de nombreuses années, même si elles doivent être réduites autant que possible au profit de la valorisation matière.

Les mesures qui nous sont proposées dans ce projet de loi vont dans ce sens et constituent un ensemble cohérent : responsabilisation des différents acteurs, mesures de prévention, développement de la collecte sélective et de filières appropriées, renforcement de la planification, souci d’évaluation des besoins de capacité de traitement, amélioration de l’information et des connaissances.

Certes, d’aucuns pourront considérer que le texte proposé n’est pas à la hauteur de ce que l’on aurait pu attendre. Je n’ai pour ma part qu’un petit regret, monsieur le ministre d’État : bien sûr on ne peut pas tout faire en même temps, mais l’accent n’a pas été suffisamment mis sur l’éco-conception des produits.

Ne l’oublions jamais, le déchet le plus vertueux et qui coûte le moins cher est celui que l’on ne produit pas. Or rien aujourd’hui n’incite les producteurs de produits manufacturés à s’orienter dans la voie de l’éco-conception génératrice du moindre déchet possible.

Or il nous faut absolument créer des mécanismes incitatifs pour les inciter à mettre leur intelligence, leur savoir-faire et leurs capacités de recherche au service de l’éco-conception et de la mise sur le marché de produits qui génèrent peu de déchets.

De nombreuses idées ont été émises. Il faudra les étudier, les expertiser, puis les trier, si j’ose dire, pour enfin mettre en place un système fortement incitatif qui encourage les producteurs à se lancer énergiquement dans la voie vertueuse de l’écoconception.

A contrario, pour ceux qui auraient la fausse impression que ce texte manque d’ambition, il faut préciser que de très nombreuses dispositions ont été prises dans d’autres véhicules législatifs ; je ne veux parler que des lois de finances qui ont été votées à la fin de l’année dernière.

Tout d’abord, on notera parmi les mesures proposées le perfectionnement de la filière de gestion des déchets des activités de soins à risques infectieux, les DASRI. Cela nous était réclamé depuis longtemps par les patients concernés, et donc par les élus. La commission a d’ailleurs complété le dispositif afin de bien cibler la responsabilité élargie des producteurs et de prévoir des sanctions.

Ensuite, l’information des acquéreurs de terrains sera améliorée puisqu’il est proposé qu’elle porte désormais sur l’état de pollution des sols. À cet égard, la commission a voulu se prémunir contre toute difficulté d’interprétation en clarifiant l’application du dispositif et en le mettant en cohérence avec le code civil.

En ce qui concerne les déchets d’exploitation des navires, sujet cher à notre collègue Charles Revet, un dispositif plus contraignant à l’égard des collectivités territoriales nous est proposé pour celles qui n’auraient pas encore mis en place un plan de réception et de traitement de ces déchets. Cette mesure est particulièrement bienvenue à un moment où la question de la préservation des écosystèmes marins préoccupe légitimement nos concitoyens, comme l’a mis en évidence le Grenelle de la mer.

Par ailleurs, plusieurs articles du projet de loi rendent obligatoires les plans de gestion des déchets issus de chantiers du bâtiment ou des travaux publics en prévoyant un diagnostic prédémolition relatif à la gestion de ces déchets. La commission a souhaité que cette obligation soit élargie aux déchets issus de la réhabilitation et que soit privilégiée l’utilisation de matériaux recyclés dans les chantiers du BTP. En la matière, j’en appelle à la responsabilité des collectivités locales, et donc de leurs élus, qui agissent en tant que maîtres d’ouvrage. Ils doivent, nous devons tous ensemble, mes chers collègues, donner l’exemple lors de la passation des marchés publics, en privilégiant les matériaux recyclés, qui sont d’ailleurs tout aussi performants que les matériaux issus des carrières.

Le projet de loi prévoit également d’introduire dans les outils de planification actuels la priorité à la prévention et au recyclage des déchets. Sur ce point, il m’a paru indispensable de ne pas dissocier prévention quantitative et prévention qualitative de la production des déchets, ainsi que d’autoriser l’harmonisation de la gestion des déchets en fonction d’un bassin économique ou d’un bassin de vie cohérent.

D’autres dispositions novatrices figurent dans le texte : imposer progressivement, à partir de 2012, un tri à des fins de valorisation aux grands producteurs et détenteurs de déchets organiques ; ou encore limiter, sur une zone définie, les capacités de traitement dans les installations thermiques et de stockage, pour que tous les efforts soient faits d’abord en faveur de la valorisation matière de nos déchets.

Vous connaissez, mes chers collègues, mon attachement au principe de la responsabilité élargie du producteur, la REP. C’est dans cette perspective que j’ai proposé à la commission sa mise en place pour la filière d’ameublement des ménages. La commission s’est également prononcée en faveur de l’obligation pour les distributeurs de reprendre gratuitement les équipements électriques et électroniques ménagers usagés lorsque les consommateurs les rapportent ; jusqu’aujourd’hui, cela était laissé à leur bonne volonté.

En définitive, comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, les dispositions proposées et enrichies par la commission auront un effet direct sur la vie quotidienne de millions de nos concitoyens et contribueront à donner un nouveau souffle à la politique des déchets.

À cet égard, monsieur le ministre d’État, je tiens à féliciter votre ministère et les ministres qui vous accompagnent d’avoir pris cette problématique à bras-le-corps en procédant à une évaluation objective, transparente et sans a priori des solutions existantes, et cela sur le terrain et sans se satisfaire des bonnes ou mauvaises paroles des uns ou des autres, lesquels d’ailleurs, dans ce domaine des déchets, ne sont que très rarement totalement désintéressés.

Je tiens à souligner, pour conclure, que la Haute Assemblée est déjà prête à vous apporter sa contribution, puisqu’une mission commune d’information sur les modes de traitement des déchets a récemment été demandée au Sénat et que les travaux de celle-ci devraient débuter dans les prochaines semaines, comme nous le confirmera sans doute Daniel Soulage.

Je suis persuadé qu’ainsi la Haute Assemblée apportera une pierre importante à l’édifice de la prévention et du traitement optimal de nos déchets ménagers par les collectivités locales, qui doit maintenant se mettre en place le plus rapidement possible, en tournant définitivement le dos aux nombreuses certitudes et expérimentations hasardeuses qui ont caractérisé ces quinze dernières années.

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