Intervention de Daniel Soulage

Réunion du 15 septembre 2009 à 14h30
Engagement national pour l'environnement — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Daniel SoulageDaniel Soulage :

Monsieur le président, madame, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, comme l’ont souligné les rapporteurs de la commission de l’économie, dont je salue le travail, ce projet de loi est un texte d’une ampleur inhabituelle, à la fois par sa taille et par la diversité des thèmes qu’il aborde.

Sur un plan général, notre groupe se félicite de ce que le Président de la République et le Gouvernement aient pris l’initiative du Grenelle de l’environnement. Aujourd’hui, c’est à nous, parlementaires, qu’il appartient d’examiner certains points sensibles du texte, en faisant preuve de rigueur et de pragmatisme. Ainsi, je souhaite évoquer devant le Sénat trois sujets principaux : le droit à construire en milieu rural, l’implantation des trames verte et bleue, l’agriculture.

Lors de l’examen en commission du titre Ier, mes collègues de l’Union centriste et moi-même avons manifesté de fortes inquiétudes quant à l’incidence de ses dispositions sur les communes rurales et l’avenir de la ruralité. Ce texte, à nos yeux, conduira fatalement au renforcement du développement des zones déjà fortement urbanisées, au détriment d’un monde rural en perte de vitesse.

Nous avons pourtant besoin d’un monde rural dynamique, animé par des responsables efficaces et des associations vivantes. Cependant, ces acteurs – ces aménageurs, devrais-je dire –, pour remplir leurs missions, pour aller de l’avant, doivent pouvoir créer des logements, de petites zones commerciales ou artisanales, des structures sportives et culturelles, des équipements touristiques, etc. Il n’y a pas de développement rural sans possibilité de construire !

Vous l’aurez compris, à mes yeux, c’est la ruralité qui est ici au cœur du débat. Nos zones rurales, ne l’oublions pas, constituent un lieu de vie, qui doit être agréable et attractif, et ne se résument pas à un ensemble de « beaux paysages » à protéger. Notre société perdrait beaucoup si le monde rural était tout à coup privé de son attractivité.

Or le projet de loi prévoit d’imposer pour les schémas de cohérence territoriale un objectif de « diminution […] des obligations de déplacement » et de conditionner l’implantation de nouvelles zones à urbaniser à leur desserte par les transports collectifs. De telles dispositions me semblent complètement inadaptées aux territoires ruraux, car elles ne tiennent pas compte, en particulier, des progrès technologiques du secteur automobile. Lorsque l’on connaît bien le secteur rural et que l’on sait combien les élus, communaux ou départementaux, se battent pour le développement local, il paraît tout à fait anormal de lier la création d’un petit lotissement ou l’implantation d’une activité artisanale à une desserte par des transports collectifs !

Il convient aujourd'hui de comparer les coûts réels, tant environnementaux que financiers, induits par les différents modes de vie. Sont-ils plus faibles pour un citadin, qui utilise de nombreux services tels que le RER, le métro ou le bus, en plus de sa voiture personnelle, que pour un habitant de zone rurale, qui roule quelques kilomètres pour se rendre à son chef-lieu de canton ? Eu égard aux problèmes que connaissent les villes et les banlieues, ainsi qu’à l’ampleur des financements nécessaires pour essayer de les régler, il me semble que la priorité n’est pas d’attirer à tout prix les populations vers les grandes agglomérations urbaines.

Un autre point important, pour la ruralité, sera la mise en place sur le terrain des trames verte et bleue, avec éventuellement remise en état ou implantation de corridors écologiques. Comment définir de manière précise les espaces concernés ? Quelles procédures devront être appliquées pour enregistrer juridiquement ce qui deviendra une véritable servitude ?

L’implantation de ces trames pourra dans certains cas n’engendrer aucune gêne, et donc être supportable par le propriétaire ou l’exploitant, mais dans d’autres, n’en doutons pas, elle nuira à la bonne exploitation d’un terrain agricole ou autre, voire l’empêchera. La valeur d’un bien constructible pourra s’en trouver tout à coup gravement affectée. Il conviendra donc de préciser très clairement, au travers d’un décret en Conseil d’État, la procédure qui aboutira à la mise en place d’un tel maillage écologique. Ce décret devra également définir les corridors écologiques, qui, à l’évidence, traverseront des zones naturelles et semi-naturelles. Comment être efficaces sans paralyser un milieu ? Comment, concrètement, allons-nous imposer des servitudes qui ne seront pas minces, puisqu’elles pourront aller jusqu’à une remise en état des continuités écologiques ? À mon sens, il ne pourra s’agir que de décisions contractuelles ayant recueilli l’accord des communes et des personnes concernées, une procédure d’appel devant permettre de régler les problèmes éventuels. J’aimerais être rassuré sur ce point. En tant que membre de la Conférence de la ruralité, je demande que cette organisation soit associée à la rédaction du décret, afin que les questions qui se posent puissent être examinées avec la compétence et l’attention qu’elles méritent.

Concernant les dispositions relatives à l’agriculture, deux sujets retiennent particulièrement mon attention : les produits phytosanitaires et l’eau.

En matière de produits phytosanitaires, le projet de loi s’inscrit dans la droite ligne des orientations fixées à l’échelon européen et dans le plan « Écophyto 2018 » afin de réduire et de sécuriser leur utilisation. J’ai eu l’occasion de présenter un amendement, qui a été adopté par le Parlement, visant à exclure l’interdiction d’un produit indispensable avant qu’une molécule de substitution ait été trouvée. J’ajouterai que cet encadrement doit rester souple et permettre aux utilisateurs de s’adapter progressivement aux nouvelles mesures.

Il est important, également, de rappeler l’intérêt d’une modulation pour la réduction des intrants dans les filières de production dites « mineures ». Le plus souvent, elles ne disposent pas encore de molécules pouvant se substituer aux produits interdits ou destinés à l’être prochainement.

Enfin, pour rester cohérents en ce qui concerne l’usage des produits phytosanitaires, nous devons veiller à ce que les autres pays ne nous inondent pas de productions agricoles ne répondant pas aux mêmes exigences que les nôtres.

Je conclurai ces remarques concernant l’agriculture en abordant le problème du stockage de l’eau.

Me souvenant de discussions que nous avons eues sur l’effacement des barrages, je voudrais, au terme de cette période estivale, poser la question suivante : une rivière à sec correspond-elle davantage à la notion d’environnement de qualité qu’un cours d’eau vivant, alimenté par des lacs artificiels ? Ceux qui refusent la réalisation de retenues, de lacs de réalimentation, ou qui voudraient même démolir les barrages pour que les poissons puissent circuler méconnaissent complètement nos régions du grand Sud ! D’ores et déjà, dans mon département, qui n’est pas un cas unique, si la réalisation de lacs de retenue n’est pas interdite, on n’accorde plus d’autorisations…

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