Intervention de Bruno Gilles

Réunion du 15 septembre 2009 à 14h30
Engagement national pour l'environnement — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Bruno GillesBruno Gilles :

Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de m’associer aux vœux de succès sportif exprimés par notre collègue Didier Guillaume pour l’importante rencontre de ce soir !

Ma collègue et amie des Bouches-du-Rhône Sophie Joissains devait prononcer cette intervention devant le Sénat, mais, étant souffrante, elle m’a demandé de la suppléer et d’exposer en son nom, ce que je vais faire bien volontiers, ses réflexions sur un texte qu’elle estime de la plus haute importance.

Il est remarquable que, en ce jour de rentrée, le premier texte que nous ayons à examiner soit le Grenelle II.

J’y vois l’expression claire d’une volonté politique réaffirmée et continue, amorcée en 2005, quand la France, par la voix de son Président, faisait du protocole de Kyoto le premier pas vers une action globale au service de la planète. C’était un petit pas pour l’Homme, mais un grand pas pour l’Humanité…

Depuis, nous n’avons eu de cesse de renforcer la dimension environnementale de notre politique. Le Grenelle de l’environnement, tant par son processus d’élaboration que par l’importance législative qu’il revêt, marque donc un tournant fondamental dans notre action.

Je souhaite souligner ici trois évolutions qui, relevant de la biodiversité, me tiennent particulièrement à cœur, puis, en conclusion, adresser quelques questions prospectives aux membres du Gouvernement travaillant sur ces sujets.

L’enjeu technique et scientifique de ce texte est celui d’une amélioration constante de l’efficacité des efforts de conservation, de gestion durable des écosystèmes et des innovations technologiques. Le Grenelle doit donc permettre d’avancer sur ces trois fronts.

Comme vous le savez, l’ONU a conduit une étude sur le taux de disparition actuel des espèces à partir d’une estimation sur les dix derniers millions d’années. Les conclusions de cette analyse, publiées en 2005, font apparaître que le taux de disparition est mille fois supérieur au rythme naturel, un chiffre si parlant qu’il se passe de commentaires…

Or la diversité biologique et les ressources naturelles vivantes produites par les écosystèmes contribuent directement à plus de 40 % de l’économie mondiale.

Ces deux éléments nous donnent une idée de l’urgence qu’il y avait à agir.

C’est pourquoi la première remarque de ma collègue concerne l’article 47, qu’il faut soutenir, car il assure la protection des habitats naturels en sus de celle des habitats d’espèces. Essentielle pour enrayer le déclin de notre tissu vivant, cette mesure nous permet aussi de respecter nos engagements européens.

Selon la même logique – ce sera l’objet de la deuxième remarque –, nous sommes particulièrement sensibles à la constitution d’une trame verte et bleue. Sachez que, tous les dix ans, l’équivalent d’un département français passe du « naturel » au « bétonné » sans prise en compte de la protection de nos ressources. Ce n’est plus acceptable.

Tout élu, local ou national, a pu, comme nos rapporteurs l’ont mis en exergue, constater combien les politiques traditionnelles de création d’espaces protégés ont échoué. Il fallait passer à une dimension plus vaste et plus globale. Ce sera désormais le cas.

Qu’il s’agisse des orientations nationales pour la préservation et la restauration des continuités écologiques ou du schéma régional de cohérence écologique, nous aurons désormais une gamme complète pour opérer des changements durables et visibles. De la commune à l’État, une véritable mise en perspective sera élaborée, avec des objectifs clairs et définis. Ainsi, chacun pourra jouer son rôle et, à son niveau, participer à la préservation de nos ressources.

La troisième remarque, toujours dans cette même logique, concerne la protection des zones humides. Notre métropole en compte 1, 5 million d’hectares. Elles sont avant tout des réservoirs de biodiversité, mais elles participent aussi, par exemple, à l’amélioration de la qualité des eaux superficielles et au stockage de carbone organique dans les sols.

Or ces zones sont sans cesse grignotées, ce qui nous avait conduits, dans le Grenelle I, à prendre l’engagement d’acquérir, d’ici à cinq ans, 20 000 hectares de zones humides particulièrement menacées. Il fallait agir rapidement. L’article 51 permettra désormais aux agences de mener une politique foncière adaptée sur ces zones humides.

Si je soutiens cette démarche, j’ajouterai que seul le monde agricole sera celui qui offrira une gestion durable de ces espaces si fragiles. Elle se fera par une agriculture durable, avec des baux ruraux, car l’acquisition ne peut être que l’ultime recours et en aucun cas une habitude. Nous devons nous appuyer sur notre richesse agricole pour pérenniser ce nouveau dispositif.

Voilà, mes chers collègues, les quelques points relatifs à la biodiversité auxquels Sophie Joissains et moi-même sommes particulièrement attachés.

Je voudrais par ailleurs demander des précisions à ceux qui participent à cette révolution écologique au sein du Gouvernement.

Ma première question est une demande de clarification. Comment les différents échelons territoriaux seront-ils associés à la protection de la biodiversité ? En effet, comme beaucoup de nos collègues, nous sommes également des élus locaux ! Est-ce qu’un critère « biodiversité-trame verte et bleue » sera introduit dans le calcul de la dotation générale de fonctionnement des collectivités territoriales ?

Ma deuxième interrogation concerne nos territoires d’outre-mer, soit l’ensemble des « DOM-TOM ». J’espère que mes collègues ne me tiendront pas rigueur d’utiliser cette terminologie inexacte mais globale plutôt que les acronymes ou sigles RUP, TAAF, PTOM.

J’ai remarqué que, dans le projet de loi, le cas de la Guyane était clairement abordé, et sa spécificité le nécessitait, mais quid du reste de la France des trois océans ? Sait-on que, à chaque épidémie – Sophie Joissains a pu le constater personnellement au moment du chikungunya –, chaque île trouve dans sa biodiversité les médicaments naturels nécessaires à la guérison ?

Nous avons une richesse incommensurable grâce à ces territoires ; il faut donc les préserver, les répertorier et les promouvoir au bénéfice de tous. Quelles sont les mesures attendues pour la protection de la biodiversité dans l’outre-mer ?

J’en viens à ma troisième et dernière question. Grâce à l’outre-mer, la France possède la deuxième zone maritime mondiale. Sur le plan européen, la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » devrait être soumise avant l’été 2010 à nos eurodéputés. En février dernier, vous avez engagé, monsieur le ministre d’État, une grande réflexion sur le Grenelle de la mer, qui a débouché, je crois, sur une vingtaine de réunions régionales pour mesurer sa possible mise en œuvre. Il est évident que le Grenelle de l’environnement ne sera pas complet sans son volet marin.

Alors, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, quelles conclusions avez-vous d’ores et déjà tirées du Grenelle de la mer et, en un mot, devons-nous nous attendre à un Grenelle III, qui traiterait de ces questions ?

J’espère que notre Parlement saura trouver sur le projet de loi « Grenelle II » la même quasi-unanimité que lorsqu’il a voté le « Grenelle I ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion