Intervention de Jacques Muller

Réunion du 15 septembre 2009 à 14h30
Engagement national pour l'environnement — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, après une longue attente, nous débattons enfin du projet de loi communément appelé « Grenelle II ».

Ce texte marque une avancée. Urbanisme, santé environnementale, transports et gouvernance sont autant de domaines où certaines lacunes de notre droit sont comblées et où des innovations significatives méritent d’être relevées. Il n’en demeure pas moins que des questions de fond restent en suspens et que nombre d’ambiguïtés devront être impérativement levées : le diable, dit-on, se niche dans les détails…

Ainsi, en matière d’urbanisme, refuser d’inscrire dans la loi l’impératif de réduction – et non la simple limitation – de la consommation de terres agricoles et d’espaces naturels pose question : au-delà du vernis des mots, souhaitons-nous vraiment inverser les logiques destructrices à l’œuvre depuis des décennies ?

De même, en termes de transport, la transposition de la directive « Eurovignette » se fait, notamment la taxe kilométrique, qui par ailleurs a déjà été pour partie compensée par la baisse de notre taxe à l’essieu, pourtant l’une des plus faibles d’Europe. Les péages spécifiques en zones fragiles, notamment dans les massifs montagneux, sont absents. Avez-vous vraiment dit : « inversion des logiques destructrices en cours » ?

En matière d’énergie-climat, les avancées indiscutables sur les énergies renouvelables ne traduisent aucune rupture – pourtant vitale – avec certaines logiques en cours.

Tout d’abord, la question de l’électricité nucléaire, que d’aucuns n’ont plus de scrupules à présenter comme une énergie propre, continue de « plomber » structurellement le Grenelle. Comme toutes les autres énergies, le nucléaire ne pouvait pas ne pas figurer à l’agenda des discussions qui se voulaient ouvertes : ce déni de démocratie, exigé par le Président de la République, est emblématique de l’ambiguïté de la démarche. Pourquoi diable, en matière de nucléaire, la vérité et la transparence feraient-elles si peur ?

De même, on ne peut que s’étonner de l’inscription de la captation et du stockage du carbone dans le chapitre intitulé « Réduction de la consommation énergétique et prévention des émissions des gaz à effet de serre ». La question se pose également en matière de déchets. La première énergie renouvelable est l’énergie qui n’a pas été consommée : chaque euro aujourd'hui accordé au nucléaire ou à la captation du carbone est un euro perdu pour la réduction de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables.

La réponse à l’urgence climatique ne passera pas par le développement de l’industrie nucléaire ou des installations industrielles de captage du carbone. Mettant de côté les nombreux problèmes techniques, financiers et de sécurité posés par ces technologies, l’effet rebond est malheureusement garanti. Nous devons concentrer tous nos moyens – par définition non extensibles – sur la réduction à la source de notre empreinte énergétique. En d’autres termes, mieux vaut prévenir que guérir !

Concernant l’agriculture, des inquiétudes majeures subsistent sur la réalité du changement de cap, radical, que nous devons imprimer. Dans cet hémicycle, lors du débat sur le projet de loi « Grenelle I », j’avais attiré votre attention sur la nécessité de ne pas cautionner le retour en grâce de l’agriculture dite « raisonnée », ce concept commercial conçu par les industriels producteurs de pesticides – pardon, il faut dire officiellement « l’Union des industriels de la protection des plantes » !

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