Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 1er juin 2011 à 14h30
Modernisation du congé maternité — Discussion et rejet d'une proposition de loi

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord remercier Claire-Lise Campion de soumettre à l’examen du Sénat cette proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l’égalité salariale et sur les conditions d’exercice de la parentalité. En tant que ministre chargée de la famille, des droits des femmes et de l’égalité entre les hommes et les femmes, je me réjouis que ces questions soient abordées dans notre pays, comme elles le sont d’ailleurs au niveau européen.

Comment ne pas souscrire à votre constat initial, madame Campion ?

J’ai déjà moi-même maintes fois rappelé l’absolue nécessité de permettre une meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle et de garantir un meilleur partage des responsabilités familiales et professionnelles. Ce sont là des exigences incontournables si nous voulons faire avancer les droits des femmes, mais aussi bâtir une société plus juste et plus humaine.

Pour autant, si je partage votre constat, je discuterai les moyens que vous préconisez aujourd’hui.

En effet, comme dans toute bonne négociation, avant de demander l’application d’un accord pour améliorer les droits des femmes, je préfère évaluer préalablement les différents intérêts en jeu. J’essaie également d’imaginer des pistes permettant de procurer un bénéfice aux femmes, bien sûr, mais aussi à l’ensemble des entreprises et à l’État.

Une avancée sociale doit, en effet, contribuer à faire progresser l’intérêt général et être partagée par tous.

C’est pourquoi je vous proposerai tout à l’heure de nous investir d’abord dans la négociation collective, d’explorer les différents compromis possibles, avant de légiférer ou de prendre des dispositions réglementaires.

Mais permettez-moi d’abord de reprendre les quatre thématiques selon lesquelles s’articule la proposition de loi et de vous livrer, à leur sujet, mon sentiment, qui est évidemment celui du Gouvernement.

La première thématique est l’instauration d’un congé de maternité plus long et mieux indemnisé.

Pour mémoire, je rappellerai que la situation difficile de nos finances publiques ne permet pas, actuellement, d’envisager des dépenses nouvelles qui auraient pour conséquence d’augmenter les déficits publics ainsi que les charges des entreprises, puisque, pour l’instant, nous finançons notre politique sociale largement à crédit. Je me suis déjà exprimée sur ce sujet lors du dernier Conseil « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs », dit EPSCO, le 6 décembre dernier.

Sans surestimer ces dépenses nouvelles, je souligne que, au-delà des coûts nets que cet allongement représente pour la sécurité sociale – 170 millions d’euros pour deux semaines, si nous passons de seize à dix-huit semaines dans le dispositif actuel d’indemnisation, sachant que le congé de maternité est aujourd’hui indemnisé à hauteur de quelque 95, 4 % du salaire net de l’assurée, dans la limite d’un plafond égal, au 1er janvier 2011, à 2 946 euros, et 340 millions d’euros pour quatre semaines, si la durée du congé de maternité est portée à vingt semaines –, elles s’élèveraient à plus de 1, 1 milliard d’euros si nous acceptions la disposition votée par le Parlement européen tendant à déplafonner l’indemnisation, en prenant comme référence la totalité du salaire réel. C’est évidemment une dépense inenvisageable dans l’état actuel de nos finances publiques.

Concernant les employeurs, cela pourrait constituer, dans certains cas, un frein à l’embauche des femmes, au développement de leur carrière et à leur progression salariale. Certains y verraient d’ailleurs une possibilité de renvoyer les femmes chez elles, en ne leur offrant pas un libre choix entre mener une carrière professionnelle et rester à la maison.

Les conditions de retour à l’emploi – dans les entreprises privées ainsi que dans le cadre de l’exercice d’une profession libérale – peuvent être compliquées, en France comme dans l’ensemble des pays européens.

Je souhaite donc qu’une expertise approfondie soit menée au préalable, pour bien cerner les conséquences réelles d’un allongement de la durée des congés dans ces cas particuliers.

Certaines comparaisons avec des pays étrangers peuvent comporter des biais d’évaluation importants.

Par exemple, en Suède, pays qui bénéficie d’une législation sociale très avancée et protectrice, après un an de congé parental pour la naissance d’un enfant, la quasi-totalité des mères intègrent en fait le secteur public. En effet, celui-ci garantit l’effectivité du retour à l’emploi, mais pas nécessairement les entreprises privées, où les conditions de fonctionnement et de gestion des ressources humaines sont évidemment beaucoup plus contraintes.

Ces difficultés, nous ne pouvons les ignorer : comparaison n’est donc pas raison ! C’est pourquoi j’insiste sur la priorité de recourir d’abord à un approfondissement préalable par la négociation collective.

Dans ce cadre, il faut impérativement articuler deux priorités : la préservation de la santé des femmes et la promotion de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Si, du point de vue de la santé des femmes, l’allongement du congé de maternité se justifie, il peut constituer, notamment dans certains métiers du secteur privé, un frein plus ou moins important à l’emploi et à la promotion des femmes. Nous avons tous à l’esprit un certain nombre d’exemples de cet ordre : c’est une réalité, aussi regrettable soit-elle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion